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EPhEP, cours magistral,  le 19/09/2016

Je commence donc une série de cinq cours que j’ai intitulée et donc cet enseignement aura pour titre : « Symbolique, Réel, Imaginaire : «  Cet enseignement vient à la suite de celui que j'ai pu effectuer les années précédentes, Eléments pour une pratique en psychopathologie – pour ceux d’entre vous qui ont déjà eu l’occasion de m’écouter, vous reconnaîtrez un souci qui est constant chez moi, c’est à dire d’essayer de vous montrer comment ce que nous vous enseignons ici est orienté par le souci de vous servir dans la pratique, de vous rendre la pratique possible. Donc, éléments pour une pratique en psychopathologie. Et le début de ce titre, c’est : « Symbolique, réel, imaginaire », autrement dit cette triplicité, cette ternarité, à laquelle au terme et au cours de son enseignement Lacan a donné une valeur toute spéciale et extrêmement motivée. C’est-à-dire que la valeur de ces trois registres différents – symbolique, réel, imaginaire – eh bien, ce n'est pas une valeur arbitraire que Lacan aurait choisie non, c’est véritablement quelque chose dont j’essayerai de vous montrer... après d’autres - chacun de nous à notre manière, nous vous parlons de la façon dont ces trois dimensions, ces trois registres, sont impliqués à chaque fois que nous exerçons dans ce champ de la psychopathologie.

Alors, avant d’entrer dans mon propos de ce soir, ou comme introduction à ce propos, je voudrais souligner quelque chose qu’on vous a peut être déjà fait remarquer, je voudrais le souligner particulièrement parce que, en pensant à ce que j’allais vous dire ce soir, il m’est apparu nécessaire de l'accentuer. « La psychopathologie » : nous dépendons de ce terme, nous ne pouvons pas faire autrement, nous faisons avec les mots, les signifiants comme nous disons, nous faisons avec ceux que nous trouvons, on ne peut pas réinventer le langage à chaque fois. Donc on a affaire à ce mot « psychopathologie ». C’est un mot – je vais commencer assez fort c’est un mot – je ne crains pas de le qualifier comme ça en commençant, je vais vous dire pourquoi – c’est un mot absolument délirant. Il faudrait souligner la formation même de ce mot : psyché, l’âme, et pathologies, donc les maladies de la psyché. Comme si – et c’est là que nous sommes en plein délire – comme si la psyché était un organe qui aurait une fonction, et que cette fonction connaîtrait de temps en temps des troubles et que ces troubles, grâce à notre connaissance de la psychopathologie, nous serions amenés à pouvoir les soigner et les guérir. On passerait de la psyché pathologique à la psyché guérie ou saine. Vous voyez en quoi nous sommes en plein délire. Parce que – déjà – le fait d’imaginer la psyché comme un organe, comme un organe indépendant qui aurait des fonctions et que ces fonctions pourraient être en bonne santé, santé mentale comme on dit, ou au contraire troublées... et alors il s’agit d’en connaître les pathologies et de les guérir ! C’est évident que ça correspond à une fantasmagorie ; ça correspond à la visée, à l’idée, à l’idéal d’une sorte de substance qui chez nous s’appellerait l’âme et qui pourrait être en bonne santé ou en mauvaise santé, et donc dans ce cas susceptible d’être guérie : c’est quelque chose dont il faut souligner au départ le caractère complètement délirant. Ça s’appuie aussi sur la distinction qui nous induit beaucoup en erreur - distinction que vous connaissez tous mais qui nous tient -parce qu’on y tient à cette distinction ! - distinction entre la psyché et le soma, entre l’âme et le corps, l’âme bien sûr étant censée commander au corps, et le corps étant toujours ce qui viendrait déranger les belles idéalités de l’âme. Et puis avec tout ce qui gravite autour de l’âme : l’esprit, l’intellect, enfin toutes ces nobles idées que le corps viendrait perturber, que le corps pourrait rendre malades. Cependant on a aussi envisagé des maladies de l’âme en elle même.

Je souligne ceci pour que vous puissiez être attentifs à la manière dont ces découpages que je viens d’indiquer, organisent, conditionnent, commandent, notre représentation habituelle des choses, et toute notre appréhension de la réalité que nous appelons psychopathologie.

En choisissant de m’appuyer cette année sur symbolique, réel, imaginaire, je voudrais essayer de rompre le clivage extrêmement dommageable qu’induit le terme de psychopathologie ; je voudrais aborder un certain nombre de questions en nous appuyant sur cette triplicité, et non pas sur cette dichotomie simple, opposant l’âme et le corps, le sujet et l’objet, le noir et le blanc, le haut et le bas, la gauche et la droite, enfin toute cette panoplie qui organise le cadre mental de notre expérience. C’est cette organisation, c’est ce cadre que Freud d’abord, Lacan ensuite, et de façon peut-être plus délibérée encore, c’est cette organisation mentale que Freud, Lacan et d’autres psychanalystes ont interrogée pour essayer d’en briser ou en tout cas d’en amenuiser un peu les effets. Nous prendrons donc appui sur trois termes qui fonctionnent conjointement. Et je montrerai de quelle façon nous allons les mettre en fonction de manière conjointe.

Alors je vous dis : symbolique, réel et imaginaire. Si vous êtes attentifs et curieux, vous pouvez légitimement vous demander : bon, s’il dit « symbolique – réel – imaginaire », c’est qu’il n’a pas dit « imaginaire – réel – symbolique » ou bien « réel – imaginaire – symbolique ». Je l’ai mis dans un certain ordre : symbolique, réel, imaginaire. Je vous le propose dans cet ordre-là, on peut le proposer dans des ordres différents, mais à chaque fois c’est une option différente. Pourquoi ai-je dit : « symbolique – réel – imaginaire » ? Parce que – c’est un premier point que je voulais évoquer aujourd’hui parce que quand nous travaillons en psychopathologie, eh bien nous avons affaire tout de suite, et de façon nécessaire, nous avons affaire à quelque chose dont j’ai longuement parlé au cours des deux années précédentes, au moins – sur quoi je vais revenir aujourd’hui du moins de manière un peu différente – nous avons affaire à la parole.

Quand nous recevons un patient ou une patiente, quand nous abordons les questions quand nous recevons des questions qui émanent de quelqu’un, quelqu’un qui est en difficulté, eh bien, nous le faisons par la parole. C’est à travers la parole que nous questionnons et que nous recevons quoi ? Eh bien le réel justement, de qui vient nous trouver. Le réel de qui vient nous trouver, s’annonce à nous, pas seulement par la parole, mais de façon très importante par la parole.

Autrement dit le sujet, celui qu’on appelle le patient... il n’est pas que patient, il est aussi agent ; vous voyez : l’agent, le patient, toutes ces dichotomies antagonistes sont extrêmement fourvoyantes du point de vue qui nous intéresse, ça nous induit toujours en erreur. On dit le patient : le patient il n’est pas que patient, il parle ; quand il parle, est-ce qu’il est patient ? Au sens propre, non. Patient ça veut dire celui qui subit, pâtit, voire qui est passif ; tout ça est impliqué dans le terme de patient. Mais le patient, dès lors qu’il parle, dès lors qu’on l’invite à dire ce qu’il y a de la façon la plus simple, à dire ce qu’il y a, ce qui se passe, voire ce qui ne va pas – en général c’est de ça qu’il s’agit – quand il essaye de le dire, le patient n’est pas du tout seulement patient : il est engagé dans la tentative de parler justement.

Donc vous voyez que d’emblée – c’est pour ça que j’ai dit symbolique, réel, imaginaire – d’emblée nous avons affaire à quelqu’un qui parle. Comment est-ce qu’on peut appeler quelqu’un en tant qu’il est là réellement devant vous, et que sa présence est inévitable en quelque sorte ? Vous avez affaire à quelqu’un qui est là. Mais quelqu’un, c’est déjà encore une de nos abstractions  : quelqu’un, ça suppose de l’un, ça suppose un parmi d’autres uns, quelqu’un. Mais quelqu’un, c’est quoi ? C’est quoi, devant nous là, au moment ou nous allons engager un échange de paroles ? C’est quoi quelqu’un, hm ? Salle : L’autre ? Un être ? (Rires) Un Être ? Un étant ? (Rires) Oh là là... nous avons du travail ! (Rires) Non mais, c’est très bien que vous disiez tout ça parce qu’en fait, vous laissez venir ce qui nous vient spontanément, là. Alors vous dites : « un être », on y reviendra tout à l’heure, alors vous dites « un être parlant », oui ça c’est déjà... plus...

Salle - Un corps.

Un corps ! Absolument, il y a quelque chose de réel quand même dans le patient, hein, vous pouvez pas passer à travers, c’est un corps ; et c’est un corps, effectivement, qui parle, en tout cas qui est appelé à parler – quelques fois il ne parle pas, ce n’est pas fréquent, mais ça arrive. Nous avons donc affaire à un corps parlant, autrement dit à quelque chose que nous pouvons situer du côté du réel, c’est le corps. Le corps ce n’est pas que du réel, il y a aussi de l’imaginaire dans le corps, dans la notion, dans le signifiant corps, dans ce que ça évoque il y a aussi de l’imaginaire. C’est aussi du symbolique bien sûr, puisque corps c’est un signifiant, c’est un symbole donc, c’est un mot. Mais je vous propose de l’entendre, vous voyez, à partir d’une notion ; nous avons les trois aspects, les trois registres, les trois dimensions : le corps réel, le corps imaginaire, le corps symbolique. Nous allons nous attacher surtout ici au corps en tant que réel. Et ce corps parle et la parole, elle, de quel côté l’appréhendons-nous ? Il faut l’appréhender par les trois bords : le bord imaginaire, le bord symbolique, le bord réel. Mais la parole, quand je vous l’évoque ici, dans le cadre de l’entretien que nous avons avec le patient, la parole elle se présente à nous principalement quand même sous la dimension du symbolique. Je voudrais que nous écoutions ces termes très simples et en quelque sorte… pas forcément premiers dans l’absolu, mais premiers en tout cas dans notre propos ici.

J’ai insisté l’année derrière et l’année d’avant : dans notre discipline, en psychopathologie donc, j’ai beaucoup insisté sur le fait que nous sommes astreints, nous sommes obligés, de prendre en compte ce que j’ai appelé les deux années précédentes « l’usage et les nécessités de la parole ». Pour ceux d’entre vous qui n’ont pas entendu ces cours, si ça vous intéresse, je vous y renvoie puisqu’ils ont été transcrits. « Usage et nécessités de la parole » : j’y ai insisté beaucoup pour vous dire qu’en psychopathologie on ne peut pas se passer de l’usage de la parole ; on dit que la parole est le principal mode d’échange que nous pouvons mettre en jeu avec des patients et que ce mode d’échange, la parole, comporte des nécessités. Dès lors que vous mettez en jeu la parole, il y a des conséquences, il y a des effets qui nécessairement se mettent en place. J’y ai insisté les deux années précédentes, je n’y reviens donc pas de la même manière. En revanche, je vais m’en servir pour souligner ici que ce à quoi nous avons affaire donc dans le plus immédiat de l’expérience clinique en psychopathologie, c’est à un corps et à un corps qui parle ; et auquel nous parlons.

Pourquoi est-ce que j’insiste plutôt sur le corps en tant que réel ? Eh bien, parce que ce corps, il se présente à nous surtout avec une question, quel genre de question ? C’est un corps, disons malade, oui, pas bien, malade : il y a tout de suite une connotation de santé mentale, pas malade mais en tout cas pas à l’aise, pas dans le bien-être, avec des symptômes ou un symptôme, avec une difficulté, ça, c’est sûr. On ne vient pas nous voir en disant : tout va bien, je suis heureux, pas de problèmes, bonjour et au revoir. Non, on ne vient pas nous voir comme ça ; on vient nous voir pour faire état de difficultés. Donc il n’est pas du tout exagéré d’insister ici, dans cette situation de l’entretien clinique, de l’échange de la parole, ce n’est pas du tout mal venu d’insister sur le fait que le corps, il est là comme du réel auquel nous avons affaire....

L’entretien clinique met en jeu au départ un corps parlant, c’est-à-dire du réel, qui nous fait part de ce qui le tourmente, lui fait souffrance, le met en difficulté, qui nous fait part de tout ça, par la parole ; c’est donc une parole qui renvoie qui renvoie à un réel, c’est-à-dire quelque chose de difficile, et pour le patient et pour nous. Qu’est-ce qui est difficile dans le réel dont nous parle le patient ? Eh bien c’est que c’est du réel justement. Autrement dit, c’est difficile pour nous de nous le représenter, parce que le réel, on ne se le représente pas facilement ; du coup, ce corps parlant... qu’est-ce qui va se passer  ? Immanquablement (des deux côtés d’ailleurs, du côte du clinicien, du praticien, comme du côté du patient) il va se passer que ce réel et ce symbolique, ce corps et ce que nous en recevons comme parole, eh bien nous allons faire ce que nous faisons toujours, nous ne pouvons pas nous en empêcher : nous allons nous ruer sur une tentative, même pas une tentative, une spontanéité de compréhension ; c’est-à-dire qu’on va tout de suite – et c’est là que le troisième terme intervient nécessairement – nous allons tout de suite... soit recouvrir par, soit, faire recouvrir en dessous, nous allons en tout cas y insérer spontanément de l’imaginaire ; l’imaginaire, c’est-à-dire ce qui fait image ; ce qui fait image ça veut dire ce qui fait sens.

Imaginaire

Par exemple... taper sur mon prochain ; nous allons nous dire : oh voilà un homme (ou une femme) dangereux, ou méchant, mauvais caractère, infréquentable, asocial, pervers narcissique, psychopathe... tout ça, ça peut venir comme ça spontanément, ça va venir spontanément parce qu’avoir affaire seulement à du symbolique et du réel, autrement dit à un corps parlant, sans plus, eh bien nous ne pouvons pas faire grand chose.

Nous sommes désemparés si nous n'avons affaire qu'à du réel et du symbolique. J’attire votre attention là-dessus ; le fait que nous nous ruions comme ça, que nous nous précipitions sur le sens, on peut bien sûr en sourire ; on peut même critiquer bien sûr, cette façon d’être si facilement happé par le sens, mais il faut l’entendre aussi. C’est-à-dire que ce n’est pas sans raison. Car effectivement, si nous n’avons affaire qu’à du réel et du symbolique, autrement dit qu’à un corps parlant, qu’est-ce qui distinguerait notre patient d’une machine à café ? Ou d’une voiture ? Parce que vous savez que maintenant il y des voitures et des machines à café qui parlent ; ce sont des corpsparlant. Du coup, je vous disais, nous nous précipitons dans la dimension du sens et donc de l’imaginaire. Sans doute n’est-il pas à préconiser de se précipiter dans cette dimension, mais néanmoins, il en faut un minimum. Il faut un peu de sens, un peu, un tout petit peu, mais il en faut. Parce que s’il n’y en a pas, eh bien, nous ne pouvons pas du tout nous orienter de quelque manière que ce soit dans la conduite de l’entretien clinique. Il faut bien partir d’un tout petit peu de sens.

Qu’est-ce qui va donner ce sens ? Qu’est-ce qui va donner ce minimum de sens ? Eh bien, par exemple, une question initiale. Ça peut être : « Asseyez-vous et dites-moi ce qu’il y a ? » Ça, ça comporte du sens ; pas beaucoup, pas trop, un tout petit peu, juste de quoi permettre à l’autre de répondre, d’essayer en répondant de dire le réel qui fait sa difficulté. Mais il le dira toujours d’une manière ou d’une autre, il le dira toujours d’une façon prise dans le sens. Et j’attire votre attention aujourd’hui sur un point sur lequel j’aurai l’occasion de revenir : cette dimension de l’imaginaire, elle est nécessaire mais elle est aussi ce qui fait obstacle entre nous et une appréciation aussi précise et juste que possible – au sens de la justesse. On essaye d’appréhender les choses autant que possible avec justesse. Eh bien, pour les appréhender avec justesse, nous aurons à parer aux effets toujours présents de l’imaginaire. Parce que le réel qui nous intéresse dans cette affaire, eh bien, l’imaginaire va le recouvrir et il va nous le faire méconnaître. Il faudra donc corriger, comme on corrige par exemple des données de trajectoire quand on fait de la navigation aérienne ou marine, on a parfois à corriger les coordonnées selon certaines critères ; nous avons nous aussi à corriger les coordonnées de notre appréhension imaginaire du cas, pour avoir justement une chance de nous mettre au diapason du réel de ce corps parlant qui nous parle.

Alors, une des prochaines fois, je vous parlerai plus spécialement et plus particulièrement de l’imaginaire et de l’image justement. Je pense que c’est très important. J’y consacrerai une soirée. Lacan d’ailleurs avait insisté beaucoup là dessus dans son séminaire intitulé « RSI », comme réel, symbolique, imaginaire. Il avait insisté sur ce point qu’on ne peut pas mépriser la dimension du sens. Si on ne l’a pas, encore une fois, il n’y a pas de différence entre un échange de paroles entre deux corps parlants et un dialogue avec la machine à café ; parce que du réel qui parle ou de la parole qui se réalise, c’est à la portée de n’importe quel magnétophone , c’est un corps qui parle à l’occasion, il suffit que je branche…c’est ?

– Siri

– Siri, par exemple ; l’application Siri, elle parle. Je lui ai même posé un jour la question : « y-a-t-il un sens de l’existence ? » Et elle m’a répondu : « Je ne sais pas, mais doit y avoir une appli pour ça ». (rires) C’est vrai, hein ! Je m’étais amusé à lui poser des questions comme ça, un peu... « Doit y avoir une appli pour ça ». Donc, oui, rien n’empêche de parler avec les machines, d’ailleurs je ne sais pas si c’est pour le meilleur ou le pire, mais nous y sommes amenés de plus en plus.

Alors, oui, si je suis parti aussi de cette façon de décliner ces trois dimensions : symbolique, réel, imaginaire, c’est parce que, au départ de notre réel, au départ de l’existence pour chacun d’entre nous, qu’est-ce qu’il y a ? Il y a du symbolique certainement ; c’est à dire qu’un enfant, un nourrisson est baigné dans le langage, il en entend dès sa conception, déjà in utero l’enfant entend des mélodies, des scansions, des rythmes liés à la parole, et aux paroles de ceux qui l’entourent, donc nous arrivons dans le monde comme on dit, à partir d’une trame symbolique ; pour le dire plus simplement, d’un bain de langage. Et au départ, eh bien nous – j’allais dire nous sommes, mais évidemment bien sûr ce terme d’être est toujours un peu scabreux – au départ, nous sommes présents, nous existons comme corps pris dans ce tissu de langage auquel évidemment nous ne pouvons pas répondre. Nous sommes complètement pris dans le tissu symbolique auquel nous pouvons donner une caractérisation supplémentaire : nous sommes, au début, complètement pris dans ce que nous pouvons appeler le lieu de l’Autre ; puisque ce tissu symbolique, ce n'est pas nous qui l’inventons, il nous vient de l’Autre, et l’Autre, ce n’est pas notre semblable, c’est l’Autre avec un grand A. Le symbolique suscite par son existence même, le lieu de l’Autre ; et cet Autre, ce lieu de l’Autre, cet Autre qui est le lieu des signifiants, qui rend la parole possible, il va s’articuler au corps de l’enfant, du nourrisson, de l’infans, c’est-à-dire celui qui ne parle pas encore ; il va s’y articuler par la parole, comme on dit, le corps du nourrisson reçoit des paroles.

Ces paroles, bien entendu, le nourrisson ne les comprend pas, comme on dit . Ce que nous pouvons dire, et c’est très très important, c’est que cette parole va fonder, va créer chez l’enfant, chez le nourrisson, d’une façon vraiment fondamentale dans notre rapport à l’existence et au réel – la parole va fonder la dimension de l’appel. L’appel, c’est-à-dire que cette parole va d’une manière ou d’une autre nous appeler, et d’abord par notre nom. « Tu t’appelles un tel ou un tel », on dit ça à un nouveau-né ; même avant qu’il ne soit né : « Tu t’appelleras un tel ou un tel. » Il y a cette dimension de l’appel qui est fondamentale dans notre rapport tout à fait premier à la parole. Elle est tellement importante cette dimension de l’appel que quand nous parlons à notre tour, c’est-à-dire quand l’enfant devient à son tour capable de parler, il y a une dimension de demande. Autrement dit, d’appel en retour, en fait. Autrement dit toute parole, quelle qu’elle soit, comporte une dimension de demande. Même quand je dis des choses aussi simples que : « bonjour, comment ça va ? » ou même tout simplement « bonjour », eh bien, j’attends une réponse, il y a une demande, il y a une demande dans toute parole. Il vaut mieux le savoir quand on travaille en psychopathologie avec des patients justement. Puisqu’on est averti que tout ce qui se dit dans l’échange comporte du côté du patient cette dimension de demande.

Et du côté du praticien alors ? me direz-vous. S’il est un peu averti, cette dimension de demande est au moins tempérée, voire neutralisée si possible. Ça ne veut pas dire que le praticien est impassible, il peut désirer beaucoup de cette relation au patient. Mais cela veut-il dire qu’il lui demande quelque chose ? Pas tout à fait, ce n’est pas de l’ordre de la demande. Et la demande est une dimension, un registre très spontané de la parole, justement parce qu’au départ la parole nous est venue dans cette dimension de l’appel, elle s’est adressée à nous sans que nous sachions à quel titre ; c’est ça l’appel. L’appel, qui fait que nous sommes dès le début engagés dans une relation très importante, très forte à ce lieu de l’Autre. Nous sommes pris dans l’Autre en quelque sorte, dès le début, et de façon radicale.

Alors puisque je vous parle aujourd’hui de cet échange premier, symbolique, réel et imaginaire – mais d’abord symbolique et réel – de l’entretien clinique, de l’échange clinique, je voudrais vous recommander une lecture philosophique qui vous ne fera pas de mal si vous ne l’avez pas déjà faite : il s’agit d’un texte assez court d’un philosophe qui s’appelle Heidegger dont vous avez peut être entendu parler. Il n’était pas un homme toujours extrêmement sympathique dans ses engagements, mais ça ne l’a pas empêché d’écrire des choses fort justes sur la parole, et il a écrit notamment un petit texte, c’est au début de cet ouvrage que je vous recommande parce qu’il est plein d’enseignements sur la parole et justement sur ce que la parole met en jeu, ça s’appelle : « Acheminement vers la parole »1, et le premier texte d’acheminement vers la parole s’intitule tout simplement « la parole »2, et dans ce petit texte qui doit faire 8 ou 10 pages, Heidegger souligne cette dimension de l’appel qui est véritablement liée à la parole. Et il souligne ça d’une façon qui, je trouve, peut être très bien venue pour vous, pour vous mettre un peu au travail sur cette question de la parole. Quand vous serez bien mis au travail, vous ferez le pas suivant, vous lirez « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » d’un certain Jacques Lacan. Mais pour l’instant, je ne vous le conseille pas parce que vous serez découragés, ce qui n’est pas le résultat attendu. Lisez d’abord la conférence de Heidegger, et puis ensuite, vous lirez le texte de Lacan.

Alors, justement, cette conférence de Heidegger, j’ai voulu vous en communiquer les premiers mots parce que c’est assez intéressant la façon dont il procède. Et ça vous donnera peut être le goût de le lire. Je vais vous lire le début, et puis, bon, écoutez, nous allons le lire ensemble.3

Il commence comme ça : « L’être humain parle », point. Vous voyez, c’est intéressant, parce qu’il dit pas : « l’être humain est ceci ou cela » ; il dit juste : « l’être humain parle ». C’est comme si en fait, ce qui concerne l’être humain, tout ce qui s’y rapporte, était en quelque sorte déterminé par ce fait – ce fait qui est un fait, c’est un fait qui est à prendre comme un fait, c’est-à-dire ce à partir de quoi va s’organiser l’horizon de l’homme – eh bien ce fait qu’il parle : l’être humain parle. Il ajoute : « Nous parlons éveillés », nous parlons éveillés, bon ça c’est vrai, on peut le constater, « nous parlons en rêve », ce qui semble montrer que Heidegger tenait compte de Freud. Ç’aurait été mieux s’il l’avait dit plus précisément, mais « nous parlons en rêve » quand on écrit ça dans les années 50 je crois, ça ne peut pas ne pas être en référence à Freud. Il continue : « Nous parlons sans cesse », dit-il, « même quand nous ne proférons aucune parole ». Nous parlons sans cesse,nous sommes sans cesse dans le tissu de la parole même quand nous ne proférons aucune parole et que nous ne faisons qu’écouter ou lire. Il continue, vous allez voir, il procède par une séries de décrochements par rapport à l’exercice habituel, conventionnel de la parole, quand on parle effectivement. Il va montrer que nous parlons même quand nous sommes apparemment éloignés de la parole effective. « Nous parlons sans cesse, même quand nous ne proférons aucune parole que nous ne faisons qu’écouter ou lire, nous parlons même si n’écoutant plus vraiment », comme ça peut vous arriver parfois, « n’écoutant plus vraiment ni ne lisant nous nous adonnons à un travail » ; vous voyez, on s’adonne à un travail, on est pris dedans, on a l’impression qu’on est si absorbé qu'on ne parle plus là : si si, nous parlons. « Quand nous nous adonnons à un travailou bien quand nous nous abandonnons à ne rien faire » : quand nous nous abandonnons à ne rien faire, eh bien, nous parlons. D’ailleurs, ne rien faire, ce qu’on appelle le farniente aussi, c’est pas du tout aussi joyeux et aussi simple qu’on le présente quelque fois quand on dit : ce serait tellement bien de ne rien faire ; mais en réalité, quand on se retrouve à ne rien faire, on devient angoissé. Et pris dans la parole : « Constamment nous parlons », dit-il, « constamment, d’une manière ou d’une autre » ; alors là, petite incise explicative : « Cela ne provient pas d’une volonté de parler qui serait antérieure à la parole ». Nous parlons ; si nous parlons ça ne vient pas d’une volonté de parler qu’on va actionner en actionnant la parole. Nous parlons parce que spontanément, nous sommes un corps pris dans la parole. Il ne le dit pas comme ça mais ça revient à peu près à ça. Il dit : « Cela ne provient pas d’une volonté de parler qui serait antérieure à la parole, on dit que l’homme possède la parole par nature ». Là il s’exprime dans le vocabulaire philosophique. « Parler c’est la nature de l’homme » ; la nature c’est quoi ? C’est l’essence, « nature » ça veut dire « essence » dans le langage philosophique, ça veut dire « définition ». Vous allez voir pourquoi j’insiste là dessus. « Cela ne provient pas d’une volonté de parler qui serait antérieure à la parole, on dit que l’homme possède la parole par nature ». L’enseignement traditionnel veut que l’homme, l’enseignement scolastique, déjà, le très ancien enseignement de la philosophie, l’enseignement traditionnel veut que l’homme soit – à la différence de la plante et de la bête – le vivant capable de parole. Cette affirmation ne signifie pas seulement qu’à côté d’autres facultés l’homme possède aussi celle de parler. Vous voyez, Heidegger insiste là-dessus. Il n’y a pas la faculté de voir, la faculté de raisonner, la faculté de juger, la faculté de sentir, etc, la faculté de parler, non : la parole n’est pas une faculté parmi d’autres. Cela veut dire que c’est bien la parole qui rend l’homme capable d’être le vivant qu’il est en tant qu’homme. C’est pas une faculté de l’homme, la parole. C’est ce qui fait l’homme homme.

Sauf que cette nature est profondément énigmatique. Parce que d’habitude, une nature ça se définit : la nature de tel ou tel objet, de tel ou tel être, traditionnellement la philosophie le définissait ; mais peut-on définir la parole ? On peut définir bien sûr la parole au sens de l’appareil phonatoire, de tout ce qui est mis en jeu quand nous parlons, mais la parole en tant que parole, peut-on la définir ? Peut-on définir ce qui justement constitue le fait préalable à toute définition ? Pour avoir une définition, il faut déjà qu’il y ait la parole. Est-ce qu’on peut définir ce qui est la condition même de toute définition ? Bien sûr que non. La parole est un fait qui permet des définitions, sans doute, mais qui ne peut pas être tributaire d’une définition. Donc, elle veut dire, cette affirmation, que l’homme est le vivant capable de parole, elle veut dire – dit Heidegger – que c’est bien la parole qui rend l’homme capable d’être le vivant qu’il est en tant que homme. L’homme est homme en tant qu’il est celui qui parle. Et là j’ai pratiquement fini. Il fait une mention de Guillaume de Humboldt 4 qui était un grand penseur allemand du début du 19ème siècle, qui a écrit des choses remarquables sur le langage notamment. « Guillaume de Humboldt l’a bien dit » – donc que l’homme était homme en tant qu’il est celui qui parle. Et vient la dernière phrase de ce premier alinéa de ce texte sur la parole, phrase très intéressante de Heidegger, il termine en disant donc, je vous ai lu ce premier alinéa, et la fin c’est : « Pourtant, reste entièrement à penser ce que cela veut dire : l’être humain ». Autrement dit, il part comme ça et il dit qu’il « reste entièrement à penser ce que cela veut dire : l’être humain ». C’est intéressant qu’il le dise comme ça. C’est-à-dire qu’au terme de toute une tradition de vingt-cinq siècles de philosophie occidentale, en tout cas, Heidegger considère que – pour dire les choses un peu plus dans notre langage à nous – l’être humain, c’est-à-dire le corps parlant, le réel de ce qui fait le corps du petit homme, autrement dit l’être qu’on appelle humain, eh bien, Heidegger dit : ça reste entièrement à penser.

Dans le langage de Heidegger, penser, ça veut dire articuler d’une façon précise ; penser, ça ne veut pas dire simplement penser au sens de la pensée, telle qu’on l’imagine habituellement. Pour Heidegger penser, c’est d’articuler de façon rigoureuse. Donc reste entièrement à penser ce que cela veut dire l’être qu’on appelle humain. Les autres êtres ont peut les définir, on peut essayer on tout cas. On l’a fait d’ailleurs, en tout cas dans la tradition occidentale, on s’y est beaucoup employé. Mais l’être qu’on appelle humain reste, nous reste, profondément opaque. Nous pouvons ajouter ici, si Heidegger avait davantage lu Freud, et s’il avait un tout petit peu pris connaissance des œuvres de Lacan – ils se connaissaient, hein – eh bien il aurait pu peut-être avancer un tout petit peu sur cette question de ce que cela veut dire l’être humain. C’est en tout cas ce qui nous intéresse. Ce n'est pas forcément enthousiasmant, l’être humain. Mais ce n'est pas non plus le contraire. Cela donne quand même à s’interroger de façon assez sérieuse sur ce qu’il en est de cette essence supposée, supposée, essence humaine.

La psychanalyse permet, et la psychopathologie aussi, d’ailleurs, mais la psychanalyse plus radicalement, plus fondamentalement, permet d’apporter des éléments de réponse à cette question. C’est tout l’enjeu de la clinique quand elle est avertie, quand elle est désireuse de se mettre au courant. Vous savez on peut faire de la clinique en se débrouillant pour ne rien savoir du tout de ce qu’on entend et de ce qu’on observe, c’est très courant. Et puis on peut faire de la clinique aussi en essayant d’être attentif à ce qu’on entend et à ce qu’on observe, c’est déjà moins courant. Mais c’est à ça que nous espérons vous former, que nous souhaitons vous former.

Alors, je terminerai là-dessus aujourd’hui : le fait de mettre en acte ce corps parlant comme tel, c’est-à-dire de donner à ce corps parlant, lui donner l’ouverture de la parole, la possibilité de parler, cela comporte une grande responsabilité ; c’est la responsabilité qu’on assume dans ce qu’on appelle l’entretien clinique. Ça comporte une grande responsabilité, parce que libérer les effets de la parole... c’est ce qu’on fait quand on invite quelqu’un à parler – et c’est ce qui fait d’ailleurs qu’on n’invite pas, comme vous le savez, qu’on n’invite pas si volontiers les gens, quelqu’un, à parler ; et on n’invite pas quelqu’un à parler – en tout cas pas souvent – hors d’un cadre qui rende cela relativement praticable. Bien sûr ça arrive qu’on invite quelqu’un à parler même hors d’un cadre. Mais ce n’est pas si fréquent. Parce que quand on invite quelqu’un à parler, eh bien comme je le disais à l’instant, ça libère des effets. Ça libère des causes aussi dont on ne peut pas prévoir à l’avance vers où elles vont nous mener, ce qu’elles vont dire, ce qu’elles vont faire ces causes. Autrement dit : de quel réel il s’agit ? de quel réel il s’agit concernant ce corps parlant ?

Alors, un dernier mot, Heidegger dit : « reste entièrement à penser ce que cela veut dire : l’être humain. » Cet être humain, ce qui est une façonun peu pompeuse de désigner l’humain, l’être humain, le couronnement de la création, comme on pense dans une certaine tradition religieuse. L’être humain... Lacan avait une façon très juste de le dénommer puisque, comme vous le savez sans doute, il le désigne comme le parlêtre ; le parlêtre... on peut y entendre beaucoup de choses, mais on y entend d’abord que, en fait d’être, c’est essentiellement quelque chose de causé par la parole qu’il est, le parlêtre ; et que d’être qu’il n’a que le paraître que lui donne la parole. Vous voyez... ce qui donne déjà cette notion d’être, ça la dégonfle de ses prétentions idéales et de maîtrise.

Bon, je reprendrai la prochaine fois sur cette responsabilité qui est mise en jeu dans l’échange de la parole ; je m’arrête là-dessus aujourd’hui et je laisse un peu de temps pour les questions. Merci pour votre attention.

Est-ce qu’il y a des questions ?

Magdalena - Alors moi j’ai une question, bonsoir, alors j’aimerais bien revenir vers ce terme délirant, « la psychopathologie », et en fait je me suis posé la question parce qu’entre la psychopathologie et la psychologie il y a le patho...

S.Thibierge - Pardon ?

Magdalena - Entre la psychopathologie et la psychologie il y a le patho, donc le terme de psychopathologies montre l’insuffisance ou montre des insuffisances du terme « la psychologie », alors ma question est : est-ce qu’on peut entendre ce signifiant « patho » comme pathos, et est-ce qu’on peut penser que ce pathos contamine le logos, et donc ce signifiant ne dit rien sur la psyché mais plutôt sur le logos pour questionner sa rationalité ? Et dès que logos est contaminé ou suppléé par le pathos, on peut s’ouvrir vers ce discours de l’Autre, le discours de l’inconscient et découvrir l’autre rationalité ?

S.Thibierge - En tout cas, si je vous entends bien, si on déplace plutôt le pathos vers le logos plutôt que vers la psyché, je pense qu’on est tout à fait dans le vrai. C’est que l’animal humain est vraiment affecté par la parole. C’est ça qui le rend – alors on va peut-être pas dire malade, encore que certains ont dit ça, Hegel disait « l’homme c’est l’animal malade » ; malade de quoi ? malade du langage. Eh bien on peut dire, oui je crois que vous avez tout à fait raison, que s’il y a du pathos, du pathein, et l’animal humain c’est le logos qui le tient, c’est le logos qui le cause, oui tout à fait.

Magdalena - Merci beaucoup.

S.Thibierge - D’autres questions ? Ou remarques ?

Intervenant - Bonsoir : ce concept de parlêtre, vous sembliez dire qu’il y avait une dimension pas ironique, mais d’apparence, l’apparence de l’être : est-ce qu’on peut y voir une critique de la philosophie d’Heidegger ou est-ce qu’il s’inscrit dans la pensée de celui-ci ? Quel est le rapport exactement de Lacan à Heidegger ? Est-ce que…

S.Thibierge- Ben, écoutez, Heidegger a... comment dire ? non Lacan a beaucoup appris de Heidegger et il parle en termes élogieux des articulations de pensée de Heidegger ; donc il me semble que l’accent porté par... vous savez, Lacan était très au fait de tout ce qui s’articulait comme philosophie et autre dans tous les domaines, et donc il aimait beaucoup prendre chez les grands penseurs ce qu’ils avaient de plus incisif, et je pense qu’il était sensible à la manière dont Heidegger a très fortement souligné cette importance de la parole et la manière dont la méconnaissance de cette importance de la parole dans la tradition occidentale nous avait fait perdre très tôt la notion d’un rapport correctement établi à l’être, pour parler dans le vocabulaire d’Heidegger ; ça, ça je pense que Lacan y était très sensible. Maintenant si vous voulez mon sentiment là-dessus, je pense que Lacan est allé nettement plus loin que Heidegger dans sa critique de l’Être au sens classique. Heidegger avait commencé, Lacan est allé beaucoup plus loin, notamment – mais bon ça vous l’aborderez peut-être autrement et autre part, mais rien ne l’empêche de le mentionner quand même, l’invention de Lacan qui est écriture de l’objet petit a, l’écriture de l’objet, l’objet qui cause ce dont le corps parlant est tourmenté, l’objet cause de ça, que Lacan avait écrit objet a, je trouve que c’est une avancée très importante par rapport à ce que quelqu’un comme Heidegger avait apporté.

René (pour un participant province) - Si dans toute parole il y a une demande, est-ce le cas dans une holophrase ?

S.Thibierge - dans une holophrase ?

René - oui

S.Thibierge- hum, oui, je pense que oui, même si une holophrase n’est pas une demande adressée, c’est quand même une demande, ne serait-ce parce que ça suscite la perplexité de l’autre. Ce n'est pas une demande adressée en revanche.

René pour un autre participant en province - Être responsable d’ouvrir à la parole, est-ce être capable de répondre à cette demande ?

S.Thibierge - euh... non ce n’est pas nécessaire de répondre à cette demande, en revanche quand on ouvre la parole il n’est pas évitable de répondre, au sens de la responsabilité et au sens aussi de la réponse. Quand vous ouvrez la parole, vous devez répondre. Simplement, vous pouvez aussi répondre par le silence, vous pouvez aussi répondre en ne proférant pas de parole. Mais quand vous ouvrez la parole, étant donné qu’elle comporte cette nécessité de question et de demande, de demande mais aussi de question, eh bien c’est en cela que Lacan a pu dire – je ne sais plus où – que toute question appelle réponse. Qui peut être bien sûr le silence ; mais toute question appelle réponse.

Oui ? C’est bon ? D’autres questions ? Eh bien, écoutez, à la prochaine fois.

1- Heidegger M. (1959) Unterwegs zur Sprache. Pfullingen: Verlag Günther Neske,1959. –

Acheminement vers la parole. Beaufret, Jean TraducteurBrokmeier, Wolfgang TraducteurFédier, François Traducteur. Paris : Gallimard, 1976. Collection : classiques de la philosophie.

2 - Die Sprache

3- Martin Heidegger: Die Sprache, in: Martin Heidegger. Unterwegs zur Sprache, Pfullingen 1959 (Verlag Günther Neske) p. 9-33.

«Der Mensch spricht. Wir sprechen im Wachen und im Traum. Wir sprechen stets; auch dann, wenn wir kein Wort verlauten lassen, sondern nur zuhören oder lesen, sogar dann, wenn wir weder eigens zuhören noch lesen, stattdessen einer Arbeit nachgehen oder in der Muße aufgehen. Wir sprechen ständig in irgendeiner Weise. Wir sprechen, weil Sprechen uns natürlich ist. Es entspringt nicht erst aus einem besonderen Wollen. Man sagt, der Mensch habe die Sprache von Natur. Die Lehre gilt, der Mensch sei im Unterschied zu Pflanze und Tier das sprachfähige Lebewesen. Der Satz meint nicht nur, der Mensch besitze neben anderen Fähigkeiten auch diejenige zu sprechen. Der Satz will sagen, erst die Sprache befähige den Menschen, dasjenige Lebewesen zu sein, das er als Mensch ist. Als der Sprechende ist der Mensch: Mensch. Wilhelm von Humboldt hat dies gesagt. Doch es bleibt zu bedenken, was dies heißt: der Mensch.» 

http://www.mystiek.net/over-deze-site/wozu-lyrik-heute/martin-heidegger-die-sprache/ 

4 Wilhelm von Humboldt (1767-1835)

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