EPhEP, MTh4-CM 1, le 05/03/2018
Ce soir, je vais prononcer la leçon inaugurale des six leçons que je serai amené à vous faire cette année et que j’ai choisi de regrouper sous le titre suivant tel qu’il vous a été communiqué «Exercices de lecture».
Pourquoi ce titre «Exercices de Lecture» ?
Lorsqu’il s’est imposé à moi, c’est souvent comme ça, un titre, ça tourne et puis à un moment, ça s’impose. Lorsqu’il s’est imposé à moi, je ne savais pas précisément où ce titre allait nous mener ; c’est au terme des six leçons à venir, que nous pourrons mesurer ensemble et je dis bien ensemble, sa pertinence dans le cadre d’un enseignement qui est celui de la psychopathologie. Le postulat de départ m’a conduit à faire le choix de ce titre, postulat qui reste à démontrer ; un postulat c’est ce à quoi on fait crédit à priori, mais, un postulat peut se démontrer, contrairement à ce qu’on appelle en mathématiques un axiome, qui ne se démontre pas. Le postulat qui reste à démontrer est le suivant :
ce qu’on appelle la psychopathologie - qu’est-ce la psychopathologie ? Je vais vous en donner une définition ; il y a beaucoup de définitions ; la traduction de ce terme grec en littéral peut se décliner de plusieurs façons ; les anciens grecs à commencer par Platon, parlaient des « maladies de l’âme », puis la psychopathologie renvoie à la souffrance de ce qu’on appelle la psyché ; nous verrons qu’il n’est pas évident de penser ainsi, de penser ainsi la psychopathologie, dans les termes anciens voire antiques ; moi je vais vous en donner une définition finalement assez assez simple : la psychopathologie, c’est la clinique au sens large du terme telle qu’elle se manifeste dans les différentes déclinaisons symptomatiques auxquelles nous avons affaire dans la pratique, qu’elles soient les déclinaisons individuelles ou collectives ; la clinique donc relèverait dans ses déterminations avec et depuis Freud et Lacan, d’un changement de paradigme - je vais essayer de le faire entendre tout au long de ce cours.
Pourquoi un changement de paradigme?
Parce que la psychopathologie ne se référerait plus en effet à la dimension, qui a toujours prévalu c’est-à-dire la dimension du regard, comme c’est le cas dans la tradition médico-philosophique qui date de Platon et Hippocrate. Vous savez que Platon et Hippocrate étaient à peu près contemporains, Hippocrate était un peu plus âgé, enfin sensiblement plus âgé que Platon, mais, cette tradition médico-philosophique qui date du Vème siècle avant Jésus Christ et qui a fondé la maladie de l’âme se référait au regard. Ce qui prévalait c’était l’observation, tradition donc d’il y a plus de 2500 ans. La psychopathologie aujourd’hui, depuis Freud et Lacan ne se réfère plus au regard mais à une autre dimension.
Alors quelle dimension ? A quelle dimension se réfère, peut se référer aujourd’hui la psychopathologie ? Elle se réfère aujourd’hui avec la psychanalyse, à la dimension de l’écriture et de ses effets. Alors ça peut paraître surprenant, mais je vais essayer de soutenir cette thèse que la psychopathologie se référerait avec la psychanalyse, à la dimension de l’écriture et de ses effets. Avec la conséquence immédiate qui en découle, à savoir que le symptôme c’est-à-dire la manifestation plus ou moins bruyante dans le réel de ce qui ne va pas - c’est ça le symptôme, ce qui ne va pas, ce qui cloche, ce qui vient se mettre en travers de ce qui serait la bonne marche des choses, aussi bien pour un sujet individuellement que dans la collectivité - symptôme plus ou moins bruyant, qui se manifeste dans le réel. La conséquence du changement de paradigme que j’évoquais, c’est que le symptôme serait à lire et à déchiffrer. Pas seulement à décrire, dans ses manifestations.
A lire et à déchiffrer, non plus avec le regard comme c’est le cas encore avec l’imagerie cérébrale par exemple, mais à partir de ce qui se dit, dans ce qui est entendu.
Pour paraphraser Héraclite: le symptôme comme « le logos ne cache ni ne montre », mais donne à lire les effets d’une écriture. Cette écriture (Monsieur Landman écrit au tableau « stécriture ») c’est celle à laquelle se référait Lacan, pour rendre compte de l’objet et des lois qui régissent ce que l’on appelle la psychopathologie. Il conviendrait plutôt de la rebaptiser, la « logo-pathologie », puisque nous souffrons, que nous pâtissons, individuellement et collectivement dans notre rapport au logos, au langage ; En revanche il serait pas illégitime aujourd’hui de remplacer en tout cas de faire coexister, le terme de psychopathologie et de logo-pathologie.
« Stécriture », vous voyez que c’est performatif ! Je veux dire quand Lacan a inventé cette écriture, il a fait un jeu de mots sur le langage : il a fait de deux mots « cette » et « écriture », un seul mot «stécriture» c’est-à-dire une holophrase ; toutes les lettres sont rattachées les unes aux autres. « Stécriture » présente de surcroît cette particularité qui tient à la structure du langage, de ne pas se référer à l’espace euclidien, à la géométrie plane, fondée sur la séparation entre le dedans et le dehors, mais à cette autre géométrie nommée «topologie».
La topologie c’est la science du lieu et des relations entre les éléments qui s’y inscrivent dans ce lieu, qu’il s’agisse de la topologie des surfaces, ou de celles des nœuds, où le dedans communique avec le dehors. Le dedans communique avec le dehors dans la topologie, comme le montre la simple figure du tore (analogue à un pneu) où on peut passer du dedans au dehors.
Nous reviendrons sur les nombreuses conséquences que cette subversion épistémologique, introduite par la psychanalyse implique ou impliquerait car elle est loin d’être acquise.
Dans les cercles psychanalytiques, elle est relativement acquise ; elles l’est en tout cas dans la doxa psychanalytique lacanienne, mais il faut bien dire que en dehors de ces cercles, ce n’est pas le cas.
Nous reviendrons sur les nombreuses conséquences que cette subversion épistémologique implique ou impliquerait, mais donnons en tout de suite un exemple que l’on trouve parmi tant d’autres chez Freud. Il s’agit d’un cas, certains d’entre vous le connaissent certainement, d’un patient présentant un symptôme fétichiste particulier dont l’élucidation vient s’inscrire dans le droit fil de ce que je vais développer concernant le changement de paradigme dans l’abord de la clinique. Freud évoque le cas de ce patient, au début du texte de 1927 intitulé Sur le fétichisme.
La première partie du travail de Freud ne concerne pas à proprement parler la perversion fétichiste, mais la condition fétichiste pour le choix de l’objet. A savoir, la condition indispensable pour que l’objet érotique éveille le désir du sujet, cette condition que Freud retient comme ce qui est susceptible de rendre compte du fétichisme en tant que perversion. C’est-à-dire qu’il faut une condition. Je vais citer Freud : « Le cas le plus frappant me sembla celui d’un jeune homme qui avait érigé à la condition fétichiste une certaine brillance sur le nez, « ein glanz auf der nase ».
On eut un éclaircissement surprenant en apprenant que le patient avait été élevé en Angleterre.
Mais, s’étant établi plus tard en Allemagne, il avait pratiquement oublié sa langue maternelle.
Freud poursuit ainsi : « Radicalement ce fétiche qui provenait de sa première enfance, ne devait pas être lu en allemand, mais en anglais ». C’est-à-dire que « Glanz », brillant en allemand, devait être entendu « Glance », regard, coup d’œil en anglais. En prenant en compte quoi? En prenant en compte, c’est ce que Freud a fait, la consonance entre « Glanz » et « glance ». A peu de choses près, c’est homophonique, c’est le même son.
Ainsi que le souligne notre collègue Roberto Harari, qui est un psychanalyste argentin, dans son article paru dans le numéro 68 de la Revue clinique méditerranéenne intitulé « Le langage comme écriture théorie et clinique lacanienne », Freud utilise à cette occasion la référence à ce que l’on appelle un « palimpseste ». Un « palimpseste » du grec « palimpsestos » (gratté de nouveau) est littéralement un parchemin dont on a gratté la première inscription pour lui en substituer une autre, mais où cette opération n’a pas irrémédiablement effacé le texte primitif.
En sorte que l’on peut y lire l’ancien sous le nouveau. Vous voyez la correspondance avec la manière dont Freud a travaillé, à propos de ce cas. Il a lu « Glanz » en allemand comme un palimpseste
La langue oubliée du texte ancien, était recouverte par le nouveau, « glance » en anglais.
Un tel texte se prête ainsi, le plus souvent à une double lecture possible.
Dans le cas du texte auquel Freud s’est attaché, pour avancer son interprétation de la condition fétichiste requise pour son patient, le nœud phonématique, ce nœud phonématique « Glanz » et « glance » fonctionne comme un palimpseste. Le nœud phonématique, quasiment homophonique, « Glanz » « glance », autorise la lecture du texte antérieur qui n’était pas perdu, effacé, mais qui avait subi une déviation du fait du mécanisme de défense que Freud appelle le « déni » (verleugnung ) qui est à l’œuvre dans la perversion, et qui la caractérise en tant que structure. Ainsi Freud peut-il conclure, je le cite : « La brillance « Glanz», sur le nez était en fait un regard, un coup d’œil «glance» sur le nez . Par conséquent le fétiche, il ne s’agit plus de la condition fétichiste mais du fétiche lui-même, c’était le « nez » auquel il octroyait à volonté, cette singulière lumière, brillance, que d’autres ne pouvaient percevoir. Extraordinaire exemple clinique.
Deux remarques :
La première concerne la nature de l’interprétation produite par Freud.
Cette interprétation ne s’appuie pas sur la traduction littérale de l’anglais à l’allemand « glance » en anglais « coup d’œil » se traduit par le terme « blick ». Donc il n’a pas fait une interprétation à partir d’une traduction littérale, mais en prenant en compte cette homophonie translinguistique par consonance des phonèmes. Ainsi et c’est là le point sur lequel je voudrais insister, cela reste absolument nouveau malgré 80 ans ! Ainsi le texte inconscient conditionne et détermine, sur- détermine même, la vie sexuelle du patient, puisque c’était à la condition qu’il y ait ce brillant sur le « nez», c’était la condition pour que son désir s’éveille. Le texte inconscient qui conditionne et sur détermine la vie sexuelle du patient a procédé de la même façon dans le passage d’une langue à l’autre, par homophonie et non par traduction.
Deuxième remarque : il est possible de faire des déductions, en prenant appui sur ce que ce texte nous apporte, à propos de la nature de ce que nous appelons « la perception ». Ainsi que le souligne Freud, en effet, le patient octroyait à volonté au nez de certaines femmes, cette singulière brillance que d’autres, c’est moi qui insiste sur ce point, que d’autres, ne pouvaient percevoir. C’est-à-dire qu’il était seul à voir cette « brillance » sur le nez. Vous voyez que ça conditionnait sa perception de la réalité et déterminait l’éveil de son désir. Notre perception de la réalité serait ainsi susceptible dans certains cas, de dépendre du texte de l’inconscient.
Ce que nous désignons par le terme de « réalité », serait ainsi, comme l’a souligné à l’occasion Lacan, à situer dans le registre du fantasme. Il a pu dire quelque chose comme ça ! La réalité c’est le fantasme ; après tout ce n’est pas un aphorisme qui paraît surprenant. On voit bien que dans ce cas, pour ce patient, la réalité, en tout cas la réalité qui conditionnait son érotisme, sa vie sexuelle, relevait de la dimension inconsciente.
Je vais rester sur ce terrain de la perception et de la réalité et prendre entre autre exemple clinique, celui de l’hallucination. Il nous permettra, cet exemple, d’approfondir ce qui distingue la psychanalyse des neurosciences. Les neurosciences, quels que soit les progrès technologiques sur lesquels elles prennent appui, imageries cérébrales, débits sanguins cérébraux, dosages neuro-hormonaux, électrophysiologie, référence au modèle des théories de l’information ou des réseaux neuronaux, les neurosciences s’en tiennent à l’empirisme. Ce paradigme ancien a émergé au XVIII° siècle chez les philosophes empiristes anglais, en réaction contre le cartésianisme et sa conception des idées innées chez ces empiristes anglais dont les plus célèbres sont « Locke » et « Hume ». Ce paradigme, les philosophes l’ont repris d’Aristote. Vous allez voir toute la différence entre la position cartésienne celles des idées innées et, l’aphorisme sur lequel se sont appuyés les empiristes anglais qu’ils ont repris d’Aristote : « Rien n’est dans l’intellect qui ne fut d’abord dans les sens ».
Un tel postulat théorique, qui revendique comme point de départ un point de vue strictement matérialiste, la sensation ; c’est ça le point de départ, on commence par avoir des sensations. Ce postulat théorique en apparence strictement matérialiste, ne l’empêche aucunement de cohabiter, de manière contradictoire, avec la conception foncièrement idéaliste qu’il implique.
Qu’est-ce-que je veux dire par là ? C’est qu’un postulat renvoie nécessairement à une instance de synthèse qui opère dans le cerveau à partir des sensations qui nous parviennent du monde extérieur,
Par abstraction cette instance les hiérarchise, ces sensations, perceptions, images et représentations, mémoires, croyances, opérations logiques, jugements etc. On part de la sensation et puis il y a une instance de synthèse qui hiérarchise par abstraction les différents étages et les différentes étapes à partir des sensations. Quel que soit le nom que l’on donne à cette instance de synthèse, quel que soit l’habillage de scientificité dont on la pare, elle nécessite toujours la référence à l’existence d’un sujet qui unifie. Cette instance de synthèse nécessite toujours la référence à l’existence d’un sujet qui unifie et dont la défaillance supposée serait responsable des phénomènes psychopathologiques observés.
Si vous lisez un ouvrage de neuroscience, vous verrez ce que je vous dis est exact.
Avant d’aborder l’hallucination proprement dite, par rapport à la perception, je vais vous rapporter une information entendue à la radio il y a quelque temps, une information présentée comme un espoir du traitement de la dépression. Il s’agissait d’une découverte faite par des chercheurs tourangeaux, ayant établi une corrélation entre la dépression et la diminution importante voire la perte de la capacité chez ces sujets déprimés de percevoir, de percevoir des odeurs, les odeurs. Cette perte, cette diminution importante de la perception des odeurs est confirmée par l’utilisation de la caméra à positons qui avait détecté une diminution significative de la consommation de glucose des cellules neuronales correspondant aux zones cérébrales concernées. La précaution et la question absolument légitime est celle de savoir si cette diminution de la perception olfactive déprime ou bien s’il y a perte de l’olfaction parce qu’on est déprimé ? Ce n’est pas pareil évidemment !
Que nous apprend la clinique ?
C’est l’intérêt pour l’ensemble des perceptions, appartenant aux champs de la réalité, qui s’émousse dans ce que l’on appelle « la dépression ». Il n’y a pas que les odeurs, il y a le goût, la qualité des images, selon le discours du déprimé. C’est l’ensemble des perceptions, qui s’émoussent. Alors que dans certaines psychoses, au contraire, il n’est pas exceptionnel que se produisent des hallucinations olfactives. Ou encore il peut exister dans le cas de certaines névroses obsessionnelles ou de perversion, également dans la sexualité dite normale, une érotisation des odeurs en rapport en particulier, mais pas seulement, avec les zones sexuelles.
Je ne sais pas si certains d’entre vous l’ont lu, je crois qu’il y a eu un livre qui a fait fureur à une époque, de Süskind Le parfum. Il y a des gens qui ont la capacité à discriminer les parfums : c’est la condition de leur intérêt pour la réalité. Il y a des gens comme ça! Ils vous disent « Aouhhh! Vous portez tel parfum! », pas seulement à Grasse dans les parfumeries. Alors que dans l’hystérie ce type d’odeur provoque habituellement un affect de dégoût. Ce qui opère pour les perceptions olfactives, opère pour d’autres types de perceptions, comme dans le cas du patient de Freud.
Alors personne d’autre ne voyait ce qu’il voyait évidemment, « brillant sur le nez » il n’y a que lui qui voyait ça. Cette distorsion de ce que l’on appelle habituellement la perception, montre que la perception peut être surdéterminée, par le point que je vais essayer de vous faire entendre, la perception qui est déterminée chez chacun, et en particulier dans la relation érotique, peut être surdéterminée par le texte de l’inconscient.
Vous voyez à quel point, dans la clinique de Freud, sur laquelle j’ai déjà insisté en introduction, ce qu’on devra en tirer est précieux. Même si dans son cas il ne s’agit pas d’olfaction mais de perception visuelle.
Certains psychiatres classiques à la fin du 19ème siècle, comme Jules Seglas, dans son ouvrage intitulé Leçons cliniqueset surtout Les troubles du langage chez les aliénés, avait déjà repéré que les hallucinations dites auditives étaient le plus souvent en réalité la voix des patients, alors il a appelé ça comme ça, « verbales psychomotrices ». C’est un peu compliqué mais vous allez voir que finalement sa dénomination est assez précise et relativement simple. Que veut dire « Verbales psychomotrices » ?
Il avait remarqué en effet qu’au moment où les patients se trouvaient dans cette attitude caractéristique - pour ceux qui ont rencontré à l’hôpital ou en consultation certains patients psychotiques hallucinés, eh bien, vous avez remarqué que, lorsque ces patients «entendent» des voix, ils se mettent dans cette attitude caractéristique, - attitude que l’on appelle «l’attitude d’écoute». C’est-à-dire que d’un coup vous leur parlez et vous voyez très bien qu’ils sont ailleurs.
Cela ne les empêche pas de rester très polis le plus souvent et très gentils. Mais manifestement cette attitude d’écoute témoigne que « ça »leur parle et que ça vient d’ailleurs.
Ce que Seglas a repéré et pourquoi il a appelé ça «hallucinations verbales psychomotrices», c’est qu’au moment où ces patients se trouvaient dans cette attitude caractéristique dite «d’écoute», tendue, vraiment tendue, pour entendre ce qui semblait leur venir d’ailleurs (c’est comme quand vous entendez un bruit que l’autre n’entend pas eh bien votre voisine ou votre voisin vous dit « t’as entendu ? », vous n’avez pas forcément entendu mais tout de suite s’en produit une tension alors en qu’en général ce n’est pas une hallucination c’est un vrai bruit) ces patients hallucinés présentaient des mouvements des lèvres plus ou moins manifestes mais des mouvements des lèvres témoignant par là qu’ils articulaient eux-mêmes les mots qu’ils entendaient et qu’ils attribuaient à tel ou tel persécuteur. C’est ça que Seglas a découvert. Je vous donnerai la prochaine fois des exemples cliniques. Il a découvert que ces voix, en réalité c’était celles des patients.
Comment en rendre compte? C’est là la question du dedans et du dehors, à nouveau.
Nous verrons à quel point.
Lacan grâce à la topologie (il avait repris des travaux un peu plus anciens) a vraiment défini ces hallucinations verbales psychomotrices, en repérant, et parfois en entendant, c’est extraordinaire ! Vous le verrez dans un exemple clinique que je vous donnerai la prochaine fois. Parfois les patients prononçaient à voix haute des phrases qu’ils disaient entendre et venir d’ailleurs. Comme Seglas le précisera, c’est comme si ils ne reconnaissaient plus leur propre voix. Vous voyez ça ce sont sont des faits cliniques !
La psychopathologie c’est ça! Comment rendre compte de certains faits cliniques aussi surprenants, que ce que je vous décris pour les hallucinations verbales psychomotrices ou de ce que j’ai pu vous décrire d’après Freud sur ce patient, qui voyait et que ça excitait de voir un brillant sur le nez de certaines femmes.
Dans les deux cas se pose évidemment la question de ce que l’on appelle habituellement aussi bien la perception que la réalité. Et le statut précaire qu’a la réalité. Alors évidemment, la conception commune de la réalité serait qu’on la partage. Mais, quand vous réfléchissez par exemple sur le plan politique, il n’est pas certain que la réalité soit tout à fait la même selon qu’on se réfère à tel ou tel texte sacré.
Je ne porte pas de jugement sur ce point. Là ce n’est pas le texte de l’inconscient mais c’est un texte
auquel, culturel ou religieux, à travers lequel on n’appréhende pas forcément la même réalité que d’autres dans d’autres zones culturelles ou religieuses.
Revenons à la clinique de l’hallucination.
Que peut-on en dire ? ça apporte de l’eau à mon moulin, ça justifie le titre que j’ai choisi pour ces conférences ; est-ce-que Seglas allait jusqu’à pratiquer des exercices de lecture sur les lèvres de ses patients?
Très important. C’est vrai que ça nous permettra de bien saisir la question de l’hallucination dans ses rapports avec la réalité. Nous reviendrons en tout cas, même si Seglas ne lisait pas sur les lèvres de ses patients à ces exercices de lecture, nous reviendrons la prochaine fois dans le détail sur ce qu’il y aurait lieu de tirer comme conséquences sur la nature de la perception et sur les rapports de la sensation à la perception. Est-ce que c’est simplement une abstraction, une hiérarchisation à partir d’un sujet qui serait le sujet de la connaissance ? Au vu des abstractions?
Nous reviendrons sur la nature de la perception dans son rapport à la sensation d’une part, et au statut, parce que c’est ça qui est important, du sujet qui perçoit, d’autre part. Qui perçoit?
La perception est surdéterminée par le texte inconscient, quel est le sujet qui perçoit ?
Est-ce que c’est un sujet qui synthétise, qui unifie? Ou bien est-ce que c’est un sujet qu’il y a lieu de penser autrement dans ses déterminations que comme un sujet ?
Nous nous attacherons la prochaine fois à lire dans le détail deux premiers paragraphes, de la première partie intitulée Vers Freud, d’un texte de Lacan, difficile mais essentiel : Question préliminaire à tout traitement possible de la psychose que vous trouverez aisément. Ce n’est pas très long, il y a deux petits paragraphes à lire et à commenter.
Pourquoi j’ai inclus la lecture et le commentaire de certains textes et fragments de textes de Freud dans mon cours intitulé « exercices de lecture » ? Parce que je considère que l’exercice de lecture des textes fondamentaux de la psychanalyse, relève d’une dimension qui subvertit la séparation classique et que j’espère vous montrer inadéquate de ce qu’on appelle la théorie et la pratique.
Claude Landman