Melman C. Dr

Grande conférence de l'EPhEP : Charles Melman "Le corps sur le divan. Les pathologies minées par l'inconscient" - 2

Charles Melman – Alors je suis donc évidemment comme vous, c'est-à-dire que je répète joyeusement, après Lacan, les lois de la parole et du langage. C'est une façon de reprendre une tradition philosophique, celle évidemment qui se référait au logos, mais de façon évidemment cette fois-ci non plus philosophique mais pratique, et beaucoup plus précise. C'est sûrement une avancée par rapport à cette référence faite au logos comme autorité, comme référent dernier. Et ça me permet donc de vous demander, à vous, pour m'aider : les lois de la parole et du langage, qu'est-ce que vous entendez par là ? Est-ce que l'un de vous veut bien me secourir et me dire ce qu'il entend par les lois de la parole et du langage... sinon je vais être en manque !

Grande conférence de l'EPhEP : Charles Melman "Le corps sur le divan. Les pathologies minées par l'inconscient" -1 (transcription)

Charles Melman – Je commencerai en nous faisant remarquer, qu'il avait toujours été attendu du médecin qu'il soit mâtiné d'un peu de philosophie. Et cela non pas pour faire chic, pour faire élégant, mais pour la raison apparue dès le départ évidente, je veux dire dès l'Antiquité, que la vie en bonne santé ne dépendait pas seulement de l'état de l'organisme, mais du goût que pouvait avoir le porteur de cet organisme pour la vie : savoir si elle lui plaisait, s'il avait envie d'en goûter les plaisirs et les douleurs ; ou bien si, à l'exemple de celui qui n'a pas manqué d'impressionner grandement au départ, le mélancolique, savoir si malgré un organisme qui pouvait dans la majorité des cas être resté sain, se manifestait, chez le porteur du dit organisme, la volonté de mourir, et même plus que ça, le fait d'être déjà mort.

Charles Melman : Qu'est-ce que la psychopathologie ?

Comme nous ne nous sommes pas beaucoup vus cette année à cause de ma générosité, je vous ai préparé une conférence festive. (Il va falloir que vous vous accrochiez quand même un petit peu). Puisque nous sommes dans une école vouée à l'étude de la psychopathologie, partons du plus simple : est-ce que nous sommes capables, je suis sûr que oui, de donner une définition de la pathologie ? Où commence et où finit la pathologie ? Pour franchir un saut tout à fait aisé, la pathologie, son expression ordinaire, c’est tout bête, c’est la souffrance. Quand il y a souffrance, il y a pathologie. Pour Freud, la pathologie était une tension dans le corps ou dans l’esprit qui ne parvenait pas à trouver sa résolution. Par exemple une crampe et aussi bien évidemment la faim. Et puis évidemment, et c’est l’intérêt de la définition, la sexualité si celle-ci reste insatisfaite.

Charles Melman : Théories se rapportant à la psychopathologie - 7

Vous aurez sûrement le loisir, à un moment ou à un autre de votre parcours, d’apprécier de quelle façon le refus, le maintien à l’écart des savoirs ou du savoir que peut apporter la psychanalyse, et aussi bien sur les phénomènes sociaux que Freud ne s’est pas épargné d’aborder au niveau de la psychologie des masses, et à un moment, en 1925, où cette psychologie des masses commençait à montrer son visage, c’est-à-dire à être menaçante, menaçante dans la quête d’une identité collective assurée, affirmée ; et cela bien sûr dans le refus du milieu culturel de prendre en compte les données pourtant simples, et après tout pourquoi pas, on a le droit de rêver, qui auraient peut-être empêché un certain nombre de conséquences, dont il est frappant de voir de quelle manière leurs résurgences se préparent ; et cela toujours dans le refus du milieu culturel de ceux qui donnent le la en matière de pensées et du droit de penser, et de quelle façon cela risque de nouveau de se payer cher. C’est comme ça ! C’est comme ça, mais ça ne doit pas nous empêcher de méditer justement sur le prix de ce que nous enseignons qui parfois à l’air banal, parfois difficile, mais qui en tout cas concerne des conséquences essentielles.

Charles Melman : Le nomadisme est-il l’avenir ?

Je vais m’autoriser à avancer cet après-midi, à risquer des thèmes qui fâchent. Qui sait ? Si ça peut, après tout, intéresser ou nous servir, il faut bien en prendre le risque. On ne peut pas être toujours satisfait, et le domicile, c’est sûrement un sujet qui fâche.
La preuve, c’est que nous faisons beaucoup d’efforts les uns et les autres pour en avoir un, et puis une fois qu’on l’a, il n’est pas rare que l’on rêve de se tirer ailleurs...quand on ne le fait pas ! Et si on se tire ailleurs, c’est pour recommencer, c’était malin !
C’est un sujet qui fâche et qui fâche à l’intérieur même d’ailleurs du domicile, entre ceux qui le partagent et qui estiment toujours que leurs partenaires, soit sont excessifs, soit sont par défaut. Ce qui fait que l’équilibre ne semble que rarement, je dirais, satisfaisant, et l’adolescent qui nous intéresse se caractérise par ceci, qui est bien connu et que vous avez bien sûr évoqué Thierry Delcourt, c'est-à-dire qu’il s’enferme dans sa chambre. Autrement dit, il manifeste que lui, il est déjà parti. Lui, il est déjà ailleurs. Ou qu’il n’en est pas. Mais vraiment il en a par-dessus la tête.

Grandes conférences de l'EPhEP : L'inconscient est le politique

Pas de politique sans ordre moral, c’est-à-dire de prescription publique de ce qu’il y a à refouler. Et comme nous le constatons l’ordonnance peut vite changer selon les docteurs au pouvoir. Mais aussi bien, pas d’ordre politique qu’il soit despotique, aristocratique, démocratique sans que le choix moral, c’est-à-dire de la jouissance élue, ne le mette aux commandes. Il faudra l’écriture des discours par Lacan pour mesurer comment notre habitation par le langage nous fait les amants du maître que, à son insu, toute parole institue. Et, au vu des récents bouleversements de la rhétorique gagnante des élections, s’interroger sur le risque létal de la jouissance qu’elle implique.

Charles Melman

Charles Melman : Théories se rapportant à la psychopathologie - 2

Nous allons essayer de nous réchauffer avec un sujet parfaitement excitant. On va voir si, effectivement, il vous met de bonne humeur.
Il s’agit donc aujourd’hui de conclure la mise en place des instances déterminantes de la psychose. Et je commencerai par vous rappeler ceci qu’on a déjà dû vous seriner, c’est que nous avons la spécificité dans l’espèce animale de naître sans aucun savoir inné. Vous avez tous eu le bonheur d’observer la naissance d’un bébé poulain. Je vois dans votre regard que oui : vous avez tous assisté à cette naissance. Et en tout cas, vous avez pu vérifier qu’une fois dehors, il se mettait joyeusement sur ses pattes, fragiles, trouvait très vite le pis de sa maman et puis se mettait à gambader. Voilà, il avait tout ce qui faut pour fonctionner. Ce qu’il ne manque pas d’ailleurs de faire.

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