EPhEP, MTh2 - ES7*, le 13/05/2017
« On attire les jeunes garçons romanesques par des perspectives de luttes héroïques, de dévouement, et les brutes par la promesse implicite qu’ils pourront frapper et massacrer à tort et à travers[1]»
Ainsi s’exprime Simone Weil, la philosophe, à l’été 1932, sur l’état d’esprit pré-hitlérien de la population, au retour d’un voyage en Allemagne dont elle témoignera par une série de quatre petits textes, rassemblés récemment chez Payot sous le titre Ecrits sur l’Allemagne 1932-1933.
Et un petit peu plus loin, elle écrit :
« Ce qui unit les membres du mouvement (il s’agit des groupes para-militaires SS), c’est tout d’abord l’avenir que celui-ci leur promet. Quel avenir ? Un avenir qui n’est pas décrit, ou l’est de plusieurs manières contradictoires, et peut-être aussi pour chacun de la couleur de ses rêves. Mais ce dont on est sûr, c’est que ce sera un système neuf (…), quelque chose qui ne ressemblera ni au passé, ni surtout au présent. Et ce qui attire, vers cet avenir confus, intellectuels, petit-bourgeois, employés, chômeurs, c’est qu’ils sentent, dans le parti qui le leur promet, une force. Cette force éclate partout, dans les défilés en uniforme, dans les attentats, dans les avions employés pour la propagande ».
Lorsque j’ai commencé à travailler cet exposé, dans la continuité des différentes Journées de 2015 et de 2016, qui ont été organisées à l’EPHEP, sur ce sujet, et dont les vidéos ont été remises en ligne la semaine dernière à l’occasion du deuxième tour des présidentielles sur le site internet de l’EPHEP, et dans la continuité également des Journées de Reims, de Marseille, et de Clermont-Ferrand consacrées aux questions de l’identité et du vivre ensemble, j’ai essayé de trouver à dire des choses qui allaient pouvoir résonner de manière un peu différente que ce qui a pu déjà être écrit ou dit notamment dernièrement aux Journées de Fes, il y a deux mois-vous trouverez sur le site des choses formidables, notamment l’intervention de Guillaume de Saint Victor, Une radicalisation à la portée de Tous, ou l’intervention conclusive de Charles Melman, je regrette simplement que les vidéos de toutes ces interventions ne soient pas à la portée de tous justement, mises en ligne sur le site de l’EPHEP-et j’ai rencontré beaucoup de difficultés, au cours de mes lectures, il y a déjà de nombreux écrits, de nombreuses publications, à trouver une pensée à ce sujet qui sorte du sillon de ce qui a déjà été dit et écrit.
Il semble que tout a déjà été dit à ce sujet.
Or, je me suis progressivement posé la question de savoir si, notamment avec le contexte que nous venons de vivre, ce contexte électoral si critique qui a vu un tel plébiscite des extrêmes, de savoir si la question de la radicalisation islamique, loin d’être un avatar externe à nous-mêmes, à notre société, à notre monde, à notre porte, certes, mais externe, lié aux développements funestes d’une vision de l’Islam anti-Lumière, anti-progrès, régressive, moyenâgeuse, la question de la radicalisation islamique, qui n’implique pas, comme vous le savez, et loin s’en faut, les seuls musulmans, mais et c’est justement là un point qui pose question, centrale, déterminante, concerne également de nombreux convertis, 40% selon certaines études, 50% la moitié, de ceux qui rejoignent les zones de combat-la cellule Cannes-Torcy par exemple, dont c’est le procès actuellement, était exclusivement composée de convertis à l’Islam, issus de familles chrétiennes, protestantes, juive- eh bien je pense, c’est la proposition que je vous fais, de penser cette question sur un mode beaucoup plus global, qui est celui de notre monde, celui de la modernité.
La radicalisation islamique est un produit de la modernité, et c’est cela qu’agissent et nous disent, à l’insu d’eux même, les jeunes qui se radicalisent.
Loin de circonscrire l’Etat islamique aux seules lointaines frontières géographiques en guerre, il faut laisser cela aux politiciens et aux militaires, ce à quoi nous avons affaire, tant en tant que cliniciens qu’en tant que citoyens ordinaires, l’Etat islamique est avant tout un état psychique intérieur, l’état islamique, comme nous pourrions parler en d’autres circonstances d’état confusionnel ou d’état délirant, ou d’état maniaque, ou d’état dépressif.
Il atteint les jeunes quelque soit leur pays, qu’ils vivent en Occident ou ailleurs, il nous revient d’en cerner les contours.
Etat intérieur de cette jeunesse radicalisée, ou en voie de radicalisation, il y a un degré de gravité, de réversibilité, et d’urgence, symptôme autant de l’adolescence que de notre société.
Symptôme d’une adolescence en quête d’elle-même et de ses repères. Cela va nous fournir un premier axe, qui sera de rabattre l’état islamique d’un jeune sur sa condition d’adolescent, et de considérer son état comme son symptôme.
De considérer que finalement, le premier état qu’il va venir occuper, habiter, c’est celui de l’adolescence, avant celui qui va le pousser à vouloir passer la frontière turque.
Le premier état qui est également un exil, avant celui qu’ont eu à affronter ses parents, un exil pour venir vivre et travailler en Occident, est l’état qui voit apparaître les transformations pubertaires du corps, qui fait vaciller les certitudes familiales et identitaires, celles qui mettaient à l’abri de la question du sexuel, en premier chef, et qui pousse à la paranoïa.
Que me veut l’autre ? Que me veut mon corps ? Que me veut ce garçon ? Que me veut cette fille ?
C’est sur cette question que se profile l’idéal de l’adolescent qu’il ne construit pas à partir rien, quelques soient ses rencontres par ailleurs, mais de ses idéaux infantiles, de ce qu’il en reste, de ses théories sexuelles infantiles, et qui vont l’amener à la fin de ce processus, soit à l’acceptation de la morale civilisée, le terme est de Freud, soit à la rébellion, que certains appellent antisociale.
C‘est à ce point de passage et de construction que les agitateurs de la jeunesse- islamistes, et recruteurs internet en tout genre- se tiennent en embuscade.
A cette étape plus ou moins longue, plus ou moins imprévisible, de la constitution de la subjectivité d’un jeune, et à son insertion au final en tant que partie prenante à la société- j’en suis, je suis des leurs, ils me reconnaissent et je les reconnais, et je vais tout faire pour me faire reconnaître d’eux, et prendre ma place dans cette société- ces agitateurs en orientent le mouvement vers une direction hostile, celle qu’ils ont décidé pour eux.
Il s’agit de les convaincre progressivement que l’autre leur ment, qu’il les manipule, et et qu’ils ne sont rien pour lui afin de rompre la dialectique naissante et encore peu assurée entre l’adolescent et son environnement, créant un détournement de cette question essentielle, paradigme de l’adolescence -Que suis-je pour l’autre et que me veut il- créant pour reprendre l’expression de Philippe Gutton dans son ouvrage Adolescence et Djihadisme, un affect d’impasse.
L’autre est vide de motivation pour vous, il ne veut pas de vous, et vous ne pouvez en retour vouloir de lui.
Dounia Bouzar et Serge Hefez dans leur dernier ouvrage, Je rêvais d’un autre monde, l’adolescence sous l’emprise de Daesh, nommeront ce premier mouvementd’emprise le discours de rupture.
L’autre, les amis, les parents, les enseignants, les profs, sont soit « endormis, soit complices, de forces occultes qui détiennent le pouvoir, qui achètent et dominent tous les gouvernements, et veulent garder la science et la liberté pour elle mêmes. A la manière d’un scénario de jeu vidéo, ces forces occultes, dans un premier temps assez abstraites, il s’agira des Illuminati, puis désignées dans le monde réel, il s’agira le plus souvent des sionistes et les américains, qui financent et soutiennent ces forces qui veulent détourner les gens de la seule force capable de s’y opposer et de les combattre.
Cette force bienveillante existe et elle te veut du bien- ceci constitue le deuxième mouvement de l’opération. De clic en clic, les jeunes sont conduits à tomber sur la seule force résistante, le « vrai » Islam, « détenu non pas par la masse endormie des musulmans, mais par les « véridiques, ceux qui se sont réveillés et ont accédé à la vérité ». Cet Autre qui veut du Bien est le seul capable de mettre des mots et un terme au malaise éprouvé par le jeune dans son périple Internet. « Ce soulagement qui vient de cet Autre provient du fait qu’il a été élu par Dieu pour discerner la vérité du mensonge, à la différence de tous ceux qui l’entourent. »
Ainsi, du discours de rupture « l’autre te ment, tu ne peux plus lui accorder le moindre crédit et la moindre confiance » un retournement subtil qui est le jeu parfaitement maîtrisé du lien hypertexte de l’Internet, va amener le jeune coincé dans sa chambre à la conviction de l’élection « tu es le peuple, le vrai peuple, tu as été choisi pour rétablir le vrai sur le vrai ».
Cette dialectique en trois temps, personnalisée pour chaque jeune et les soucis spécifiques qu’il affronte, avec ses parents ou au collège, discours de rupture-retournement-conviction de l’élection, nous le connaissons, car c’est également le discours rhétorique du populisme.
Le complotisme, la théorie du complot « on nous cache la vérité », il n’est pas nouveau, depuis le protocole des sages de Sion, ourdi par la police secrète tsariste en 1901, afin de convaincre le tsar Nicolas II des méfaits d’une trop grande ouverture libérale de la société civile russe, jusqu’aux dernières accusations de cabinet noir à l’Elysée d’un candidat malchanceux aux présidentielles. C’est un discours de repli et d’isolement, constamment utilisé en politique, il existe un ouvrage de politologie qui est un best-seller aux Etats Unis, écrit par Richard Hofstadter, Le style paranoïaque qui explore comment la droite radicale aux Etats Unis a pu dans les années 60, user et mésuser des théories du complot pour tenter de chasser les démocrates et s’emparer du pouvoir.
Islamistes et Populistes utilisent les mêmes méthodes rhétoriques, celles de la conspiration.
A partir d’un sentiment de frustration initial, les recruteurs du Djihad, ou les partisans du populisme, surfent sur le même type de processus, à plusieurs temps, de désaffiliation-réaffiliation. L’Autre, le grand Autre, au sujet duquel tu étais jusqu’ici dans l’incertitude de savoir qui l’habitait, incertitude qui caractérisait ta subjectivité, incertitude dont il te revenait de découvrir progressivement et par toi-même au fil de tes expériences et de tes rencontres qu’elle allait faire ta force d’adulte, ton orientation et ta curiosité vis-à-vis du monde extérieur (après tout ce n’est rien d’autre que cela grandir et devenir adulte, rater, se relever, s’orienter, rater, se relever, se réorienter, rater encore, rater mieux, etc. Beckett a très bien décrit cette dialectique de la construction d’un adulte), eh bien ce grand Autre a été vidé volontairement par des forces malfaisantes, occultes, organisées, qui ont agi à ton insu, dans ton dos en te dépouillant et en trahissant ta confiance.
Afin de rétablir ton honneur bafoué, et celui de ta famille, il te revient de retourner la situation, de refuser ta condition de victime humiliée, et te le réapproprier avec ceux, nous autres - c’est le temps qui suit, celui de la force que donne le groupe et l’affiliation groupale, notre groupe, qui t’accueillons à bras ouverts - qui vont t’apporter le Vrai sur le Vrai, et à qui tu peux accorder ta confiance et ton adhésion .
Et faire de ce grand Autre, purifié, une habitation sans failles, pleine, sans entame et sans creux. Sans angoisse non plus, puisqu’il n’y a de fait plus de division, mais au contraire une pacification, une certaine béatitude. De cette conviction, tu vas en faire, avec nous, ton combat désormais, et nourrir ton sentiment légitime de vengeance contre ceux qui n’ont souhaité que ton humiliation.
Vengeance à deux versants, puisqu’il ne s’agit toujours que de la réparation des parents, finalement, de l’humiliation faite aux parents. Soit sur un mode agressif, c’est celui de la violence terroriste, soit sur un mode humanitaire, pseudo-altruiste, notamment pour les filles, pour qui il s’agit de sauver les enfants, ou d’en fabriquer soi-même, et de les élever sur une terre pure. Réparer les parents, contre leur gré, « Ne t’inquiète pas pour moi, Papa, ou Maman, mais ne viens pas me chercher, car je suis capable de te faire arrêter ». C’est le message des jeunes filles françaises de Raqqua, qui ont rejoint l’Etat Islamique.
Dans ce cadre, le foulard pour les filles, ou le khamis, la tenue informe des garçons, permet de fournir un abri contre le sexuel, qu’il s’agisse de l’effraction par le regard, n’importe quel regard, provenant de l’extérieur, ou qu’il s’agisse de leur affolement intérieur devant l’envahissement pulsionnel qui leur est propre. Et il est sans doute maladroit de rajouter aux difficultés de ces jeunes l’obligation de l’enlever dans un lieu public, lieu d’enseignement, de soin, ou espace public, au nom du principe de laïcité.
La psychanalyste Danièle Epstein a fait sa carrière à la PJJ, à la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Dans son ouvrage Dérives adolescentes : de la délinquance au Djihadisme, elle donne une dimension fondamentale, source de la réceptivité des jeunes à ces discours, à la faille que serait l’absence de reconnaissance de la manière dont nous avons collectivement, en tant que société, mal traité la question de la colonisation et de l’immigration d’Afrique et du Maghreb.
Quoi qu’il en soit, et pour peu que l’histoire personnelle, ou familiale de chacun ait été un tant soit peu bousculée, malmenée, voire déniée, et cela ne concerne pas uniquement les populations immigrées, il faut y ajouter tous les laissés pour compte de l’économie, il y a une complaisance accrue à ces discours.
L’humiliation subie individuelle et collective, le mépris qu’ils ont eu à affronter, revient en boomerang à charge de la, des générations suivantes.
Ces jeunes issus de l’immigration, « symptômes de l’échec sociétal », nous renvoient en acte, écrit-elle, « ce que nous leur avons transmis, mais aussi et surtout les points aveugles de cette transmission ».
« Ce que leurs parents ont tu, écrit-elle encore, revient au galop comme symptôme d’une transmission gelée. Là où leurs parents se laissèrent effacer, les enfants font effraction. Là où leurs parents furent soumis, ils sont insoumis. Là où leurs parents furent résignés, ils sont révoltés. Bruyants là où leurs parents furent discrets. Impatients quand leurs parents avaient tout le temps. »
« En accueillant leur plainte, écrit-elle encore, en renforçant la haine, en donnant corps à la mécanique victimaire, les grands frères fondamentalistes cadrants et aimants aimantent les enfants en attisant leur rancœur. Maniant des arguments identitaires élémentaires, avec promesses miroitantes à la clef, les nouveaux guides auto proclamés leur donnent une raison de vivre en mourant en héros. Sauveurs du monde dans le sillage du prophète, ils s’aveuglent de certitudes qui écrasent la pensée, prêts à tuer ce qu’ils étaient, pour renaître purifiés. »
Retour dans le Réel de ce qui n’a pu se symboliser dans un récit collectif.
Furieux désir de sacrifice, dira Fethi Benslama dans son ouvrage éponyme, sous-titré le sur-musulman, qui met l’accent sur le sentiment de déracinement.
« La radicalisation, écrit-il, peut être comprise comme le symptôme d’un désir d’enracinement de ceux qui n’ont plus de racines ou qui se vivent comme tels. »
Et que sera le plus exaltant des réenracinements que l’enracinement dans le ciel, là où l’enracinement sur la terre aura été trop compliqué à accomplir ?
Fethi Benslama qui rappelons le, a beaucoup travaillé la clinique de l’exil, il vient régulièrement, je crois en parler à l’EPHEP, apporte un éclairage à l’énigme que sont ces jeunes silencieux, que l’environnement décrit toujours dans l’après-coup du passage à l’acte violent comme des garçons sans histoire, gentils, serviables, bons élèves. On ne peut parler écrit-il, de radicalisation instantanée, ni de dissimulation à leur sujet car depuis longtemps, ces jeunes, souligne t-il, « vivent des tourments secrets, passés inaperçus des adultes». Ce sont, dit-il, les plus imprévisibles, et parfois les plus dangereux.
La trajectoire d’un couple d’apprentis djihadistes, qu’on a appelé les amoureux djihadistes de la tour Eiffel, dont la journaliste Elise Vincent a pu retracer l’itinéraire de manière assez détaillée, dans Le Monde des 12 et 13 Mars 2017, vient donner corps à ces thèses.
Elle, que la journaliste appelle Angela, a 16 ans, et s’est inscrite sur le site de rencontres muslima.com, sous le pseudonyme de Salafya.
Elle vit avec sa mère, dans l’Hérault, dans une périphérie urbaine difficile d’accès. La mère est assistante maternelle, divorcée, d’origine croate et catholique, et vient tout juste de se remarier avec un jeune marocain de 27 ans alors qu’elle même en a quarante-trois.
Angela, qui s’est convertie à l’Islam après une longue phase gothique, et qui a convaincue sa mère de lui acheter un jilbab, sorte de cape qui couvre la tête et le corps sur un marché de Fès lors d’un voyage familial, a quitté le collège le jour même de ses 16 ans, pour une formation de couturière qu’elle ne fera finalement pas. Cloîtrée dans sa chambre, elle occupe ses journées à surfer sur les sites complotistes, et à écouter en boucle les chants guerriers de propagande de EI, et notamment un qui est intitulé paramour, qui vante les mérites du Djihad par passion pour Allah.
Thomas, lui, est fiché S. Il a vingt-cinq ans, et vit 900 kms plus au nord, à Charleville Mézières, avec son père, ancien couvreur au chômage.
Sans permis de conduire, et sans argent, il se retrouve plutôt coincé dans le bourg de 1900 habitants, où il vit, à la frontière franco-belge. Il a quitté le collège en 5ème, apprentissage au CFA local afin d’obtenir un CAP de couvreur, comme son père. Il travaille un peu en intérim, mais perd très vite pied. Il dit s’être « toujours cherché », un jour à fond, le lendemain « prêt à tout arrêter ». Avant de se convertir à l’Islam, il a essayé la musculation, et a même avouera t- il, « détesté un temps les maghrébins ».
De son inconstance, sa mère dira aux enquêteurs qu’elle pensait qu’il « allait faire pareil avec la religion », et que elle en restera étonnée.
Thomas s’est retrouvé fiché S après s’être présenté au comptoir d’Air France de Roissy avec un billet simple pour la Turquie. Sur le site muslima, son pseudo sera salafi, Angela et Thomas étaient faits pour se rencontrer….
C’est dans cet amour que les projets de mariage fleurissent.
Coûte que coûte, Thomas décide de rejoindre Angela. Cela tombe bien, car il a décroché une formation de soudeur à Alès, dans le Gard, à environ une heure de Montpellier. Seulement il ne tient pas deux mois. Il est renvoyé pour violences et absentéisme.
C’est à ce moment que les idées de vengeance prennent forme. « La France, ça m’énervait, je n’avais pas d’avenir, dira Thomas, mais également « Vous m’avez empêché de quitter la Syrie, alors je fais ça ».
Ca, c’est faire sauter la tour Eiffel, ce « truc de fer », que Thomas trouve « moche ». Munis de ceintures explosives, l’un devait grimper sur les pieds, un autre devait lancer de la fumée pour pas qu’on le voie et détourner l’attention. Un autre devait tirer des coups de feu sur les militaires qui devaient alors intervenir à ce moment là. »
Après avoir accompli son attentat « hautement symbolique », qui aurait fait « chambouler toute l’économie», il devait mourir en kamikaze.
Devenue « veuve d’un homme qui allait rentrer dans l’histoire », Angela devait alors s’enfuir en Syrie, accomplir la hijrah.
Et pour ce faire, Thomas effectuera des recherches sur Internet, à l’aide de sa console PS3, afin d’être plus discret. Des sites pour en examiner l’armature, et pour voir comment faire exploser la Tour Eiffel, avec de la thermite. Ou au moins, « la faire pencher ».
Elle se met à rêver qu’elle la voit tomber….
La police arrivera tout de même à retrouver suffisamment d’explosif, 70 g de TATP déjà fabriqué dans le petit appartement qu’Angela avait louée pour Thomas, suffisamment pour se faire du mal, ainsi que des produits chimiques, de l’acétone, de l’eau oxygénée et de l’acide sulfurique, tout un matériel perfectionné pour l’apprenti terroriste.
Entre temps, les deux pieds nickelés arrivent à se mettre en contact sur la toile avec un authentique djihadiste, basé entre la Syrie et la Turquie, ancien combattant d’Al Nosrah, un grenoblois âgé de 26 ans, qui va leur demander, moyennant de leur fournir les armes qu’ils demandent, de faire allégeance.
Ce n’est qu’ensuite qu’il pourra fournir à Angela, par le biais d’un intermédiaire, les papiers nécessaires pour rejoindre l’Etat Islamique en Syrie.
Ce que fait Angela, dans une petite vidéo de sept secondes, seule, enveloppée dans son niqqab. Derrière elle, la bannière de l’EI. Sur ses genoux, son ordinateur.
Une allégeance simple, qu’elle déclame d’une seule traite, son ordinateur à la main : « Salam aleikum, je prête serment d’allégeance au calife Ibrahim de l’Etat islamique »
Impossible de faire plus simple.
L’intervention de la police viendra interrompre et mettre un terme à tout cela.
Vous voyez, dans cette observation, tout y est.
La frustration sociale, des ratés de l’intégration ou des enfants déshérités, originaires de ghettos communautaires ou de lieux de relégation, ban-lieues comme le souligne volontiers Louis Sciara, devenant la proie de prêcheurs de haine, manipulés par une communication simplifiée au maximum, lesquels prêcheurs ont trouvé à s’installer, outre l’Internet, dans les mosquées, les prisons, les fratries.
Des carences morales et affectives majeures, un sentiment d’exclusion et d’abandon, un terreau social dégradé, les défaillances multiples de l’école, du quartier, de la société, des conditions économiques, un sentiment d’inutilité et de marginalité sociale. Des discriminations à l’embauche, au logement, etc, etc..
Face à tous ces fléaux sociaux, qui méritent notre respect, ils ont une réalité que nul ne peut nier, sans compter un Occident qui n’est pas sans tâche, comme l’écrit Edgar Morin dans le Monde du 10 février 2016 : « Nous ne voulons voir que la cruauté et la monstruosité de l’Etat islamique, mais eux voient la cruauté et l’inhumanité de la guerre des drones et des missiles, ils voient la continuation, par nos interventions militaires au Moyen Orient de notre colonialisme, ils voient le pouvoir de l’argent, et le vide moral d’une civilisation qu’ils veulent fuir et détruire pour un monde nouveau ordonné par Dieu.. »
Face à tout cela, on comprend que « la radicalisation écrit Fethi Benslama, offreun idéal total, une mission héroïque au service d’une cause sacrée. »
Un réenchantement du monde, là où il était désenchanté et sans isssue.
On pourrait donc s’arrêter là, et être satisfaits de notre vision de la radicalisation, telle que je viens de vous la présenter, de ses causes psychologiques, sociales, politiques. N’en avons nous pas fait un tour assez complet ?
Cependant, quelque chose ne va pas, et je m’imagine que vous devez le ressentir autant que moi.
Aurions nous oublié quelque chose dans nos explications et notre appréhension de la radicalisation des jeunes ? N’avons-nous pas passé en revue les causes et les mécanismes de cette radicalisation ?
Nous avons tout simplement oublié de prendre en compte ce que Lacan appelait le plus-de-jouir.
Nous avons oublié que c’est ce plus-de-jouir, qui détermine nos décisions, et oriente nos actes, et nos paroles.
Obnubilés par le discours universitaire et le discours du maitre où la rationalisation telle que notre société la vit actuellement occupe la place du S1, nous avons oublié d’intégrer des phénomènes aussi majeurs que par exemple la conversion dans la radicalisation, la moitié, disions nous au début de cet exposé, des jeunes qui partent en Syrie, ou encore ce qu’il est convenu d’appeler l’auto-radicalisation.
Ce n’est qu’une fois leur projet élaboré qu’Angela et Thomas, rappelons-le vont chercher, afin de soutenir leur mariage, et le départ d’Angela en Syrie un tuteur sur Internet.
Pour reprendre le titre d’un petit livre de Scott Atran, anthropologue franco-américain et chargé de recherche au CNRS, l’Etat islamique est une révolution, sous-titré Il est de notre devoir de le comprendre.
Néanmoins, ce n’est pas tant sur son ouvrage que je vais m’appuyer, que sur le travail d’un spécialiste des discours, Philippe Joseph Salazar, et qui a étudié la rhétorique à l’œuvre dans les discours de l’Etat islamique. Livre passionnant, Paroles armées, que je vous recommande.
Car c’est dans l’étude de cette rhétorique que nous allons essayer maintenant de mieux saisir ce qui vient faire force d’appel pour ces jeunes.
Danièle Epstein parlera d’un appel réussi, là où pour les parents, ceux de la première génération de l’immigration, il y avait également appel, de l’Occident cette fois, vers les centres de production, automobile ou bâtiment, mais appel raté, celui-ci, puisque l’intégration n’a finalement pas tenu ses promesses.
Quel est ce plus-de-jouir qui parle et fait appel à des jeunes qui n’ont au départ pas de lien spécifique ni avec l’islam, y compris quand ces jeunes sont issus de familles musulmanes, ils boivent de l’alcool, ils consomment, ils sortent avec des filles, ne se différenciant en rien de jeunes de leur classe sociale et de leur génération, ni avec la violence armée, en dehors de ceux qui ont commis des actes graves de délinquance, qu’il aient ou non été déjà incacérés en prison.
Tout d’abord, il nous faut prendre conscience de la puissance rhétorique, de la puissance oratoire et persuasive, du djihadisme, qui mêle les mots et les tueries.
L’entrée en Islam se fait par une parole pleine, et simple, une proclamation de foi, la chahada, laconique : « J’atteste qu’il n’existe pas d’autre Dieu qu’Allah et j’atteste que Mahomet est son prophète ». Un acte de parole fort et fulgurant. A la différence de la chrétienté, qui demande une série d’actes longs et complexes, soumis à examen, une préparation, le catéchisme, le dialogue avec le prêtre.
La simplicité absolue de cette chahada, cette allégeance que reprend Angela, dans une vidéo de sept secondes, c’est court, condense de manière structurante la base de toute action. Parole d’action, et d’unicité du Dieu musulman Allah, et de la vérité du Coran, de sa prophétie. Cette force se ramasse dans le cri d’Allah Hou akhbar des coups de mains terroristes ou militaires. Elle se déplie dans les harangues et dans leur éloquence, grandiloquente, souvent inaccessible à l’oreille occidentale.
Elle se justifie à elle-même, en réinstallant le djihad au centre du monde.
Rôle de l’analogie. Dans notre discours politique, l’analogie est illustration. Dans la harangue djihadiste, l’analogie est argument, interprétation, son caractère imagé lui donne une force rhétorique et persuasive. Ce qui est juste, ou injuste, licite ou illicite, ne se détermine pas par l’application d’une norme du droit, et son interprétation, contradictoire, mais par une confrontation des traditions à valeur analogique, partant toujours d’un fait littéral. Ce que nous appelons en Occident l’interprétation littérale du Coran.
Nous ne saisissons pas cette force analogique utilisée par les harangues de l’Etat islamique, qui tire sa puissance d’adhésion du rapport à la fois de l’image, du concret, s’attachant à un problème donné, et logique que cette force établit entre deux faits, l’un plongé dans la tradition, et l’autre dans une situation concrète. Et qui vient justifier les exécutions publiques, toujours accompagnées d’harangues analogiques.
Là où nous pensons que ces vidéos d’exécution que se passent en boucle les jeunes relèvent d’une fascination et un effroi face à la cruauté et à la terreur, elles sont orientées vis à vis des potentielles recrues occidentales, comme source de passage d’une logique occidentale à une autre, celle du licite ou de l’illicite, et du sort qui doit être réservé aux mécréants, comme l’indique tel ou tel hadith (récit des faits de Mahomet), ou passage du Coran.
L’allégeance, qui est le passage obligé, pourrait-on dire d’Angela, elle va activement rechercher sur Internet l’homme à qui elle va pouvoir envoyer, adresser, sa vidéo, ouvrir un compte Facebook, sous le nom d’Ansar Al-Haqq Ghuraba, le défenseur de la vérité étrangère, un nom d’homme, mettre u lion en photo de profil, ajouter une bannière noire et blanche, passer une annonce « cherche un frère avec un bon tahwid, une bonne croyance.. », l’allégeance donc est un performatif, de même que le calife dans une mise en scène très sobre et très étudiée s’auto proclame, l’allégeance est un acte d’affirmation et d’existence qui tient à sa nature proclamatrice.
Tout comme a pu l’être en son temps la déclaration d’indépendance américaine, qui proclamait que l’égalité entre les hommes, la liberté, le droit à vivre, l’accès au bonheur étaient des vérités self-evident. Auto-évidentes. Et pourtant, pour que cela se traduise en acte politique, il fallut en passer par une révolution sanglante, le soulèvement d’une partie de la population loyaliste refusant de se soumettre aux agitateurs de Boston, deux invasions anglaises, une guerre civile sans pitié, la sujétion continue des Noirs jusqu’aux révoltes raciales et le mouvement des droits civiques.
Idem chez nous, en France, le serment du Jeu de Paume, accueilli dans toute l’Europe politique, particulièrement l’Angleterre, par un immense éclat de rire.
Donc, une force, une puissance de la proclamation que nous voulons méconnaître et ignorer, à ne pas sous-estimer.
La terreur, recherchée par Thomas et Angela est une terreur qui dit le territoire du Djihad. Après l’acte d’allégeance, il s’agit de renommer, re-définir une réalité de territoire, en prenant possession, par la terreur, d’un territoire que s’est déjà attribué au Califat, et peuplé de mécréants, d’égarés, d’infidèles, immoraux, criminels, qu’il s’agit de soumettre et de ramener dans la bonne voie. La terreur est du côté de l’exigence morale, pas du côté du mal, c’est pourquoi tant de gens en France n’étaient de façon aussi horrifiante pour nous à entendre, et surtout à découvrir, Pas Charlie au moment des attentats.
Quand un jeune est fasciné par les scènes d’exécution, de décapitation sur Internet, ou se met à faire la louange des actes terroristes, il n’a pas affaire à un terroriste dans son imaginaire, mais à un soldat, à un partisan, à une avant-garde, et ce n’est pas par fascination morbide qu’Angela passe en boucle les vidéos de Daesh, recluse dans sa chambre juste équipée d’un lit et d’une étagère, nous dit la journaliste, mais par admiration d’une geste morale, justicière, nécessaire, et sacrificielle, justice immanente rendue par un soldat de l’Islam agissant à visage découvert. Si vous avez regardé les documentaires sur la fin de la deuxième Guerre Mondiale et la Libération lundi et mardi derniers, sur France 2, vous avez pu observer ce montage de justices rendues par pendaisons de collaborateurs et de nazis et ces gros plans cinématographiques savamment montés mettant en scène l’exécution, et éprouver vous aussi ce sentiment de justice rendue en assistant à la mort d’un homme par écran interposé.
Cette guerre numérique est par ailleurs totalement inégale. Car la doxa politique, celle qui donne la tonalité des clips de contre propagande, où l’on voit un jeune devant son ordinateur mis en garde de la séduction de Daesh avant de découvrir la réalité atroce des champs de bataille, part du principe de la manipulation de jeunes désinformés, ignorants, naïfs, incultes.
La mise en scène des vidéos par Daesh est au contraire une recherche de sophistication et de qualité de publication, tel le périodique en ligne Dar al Islam, en Français, ou Dabiq, en anglais, qui s’adressent à des jeunes avertis, intelligents, éduqués, en possession d’un bon capital culturel, voire matériel, de bons lycéens brillants, les trois petites anglaises qui ont défrayé la chronique l’an dernier en voulant rejoindre la Syrie, un médecin hospitalier à Marseille, un ingénieur informatique, et caetera, des doués, voire des surdoués, qui ont un désir réfléchi d’héroïsme et de dépassement. De transcendance et de surpassement. Et de devenir un sur-musulman. Un homme nouveau.
Aussi difficile à entendre que cela puisse paraître, là où nous voyons séduction, manipulation, emprise et prédation, crimes et barbarie, Daesh parle aux jeunes d’Ethique. De morale et d’Ethique. De justice licite, car écrite dans le Coran et ses sourates. Les vidéos terroristes ne cherchent pas à séduire, par un argumentaire, mais à joindre l’image, le geste et la parole, par l’émotion esthétique, et le Califat ne relève pas du marketing.
Leur valeur, comme le fait Angela, qui écoute en boucle le nachid, le chant choral modulé, est une valeur émotionnelle et esthétique d’illustration, comme les vitraux des cathédrales illustraient le message chrétien pour les paysans qui n’entendaient pas le latin, mais en comprenaient l’Ethique, adhéraient à son appel par le bouleversement émotionnel que cette gloire du Christ célébrait en combinant l’image et le chant. Pouvoir d’adhésion émotionnel mélangeant l’image et le son, ni Angela ni Thomas ne comprenaient un mot d’arabe, précédant une rupture et une adhésion éthique.
Angela, élevée par sa mère, femme de tête, la force à lui acheter le djilbab. C’est elle qui loge Thomas, lorsque ce dernier est renvoyé de son centre d’apprentissage, et l’installe dans un local technique au sous sol de sa résidence, puisque sa mère ne veut pas de lui à la maison. C’est elle, aidée par les voisins, qui va lui chercher des couvertures, un petit réchaud. C’est elle encore, qui part à la recherche via Facebook du tuteur qui leur permettra de se marier. C’est elle toujours, qui dégotte à Thomas par le biais d’une amie de la mosquée, le F3 où ils stockeront et prépareront leurs explosifs. Elle qui enregistre le serment d’allégeance, qui s’occupe des préparatifs du mariage, toujours sur Internet, et qui s’apprête à accomplir la hijrah.
Peut on parler d’une femme soumise ? Il existe un discours adressé aux femmes, de départ du pays infidèle, répétant la tribulation de Mahomet quittant La Mecque pour Médine, c’est-à-dire quittant la cité des apostats et des idolâtres pour rejoindre la communauté des croyants. Départ et retour vers la terre d’Islam, lieu véritable où s’affirme l’universalité de la foi. Il n’existe pas de stratégie d’accommodation pour la femme, de vivre là où l’infidèle décide des codes de mode de vie, autre que celle du départ et de la rupture. De l’émancipation de la famille et des parents. Sans Haine. Prenez bien soin de vous, mais ne vous avisez pas de venir me chercher, car je vous ferais arrêter.
Ce départ, cette émigration, est figure de la liberté. Son hégire, son retour, est un acte d’autonomie et de prise de responsabilité, un acte féministe, en contraste avec les codes culturels d’oppression des femmes au sein des communautés musulmanes vivant en Europe, et en contraste également avec les canons du féminisme occidental.
Acte également de renaissance spirituelle, et donc physique, car la nature humaine est intégrale. Si elle perd son enfant pendant son voyage, l’enfant mort-né renait par l’enterrement en terre d’Islam. Il est restitué à la communauté.
Acte d’exaltation spirituelle, d’achèvement de la conversion, leur donnant le droit de supériorité, le droit d’admonester les demi-hommes qui veulent bloquer les émigrantes en marche vers le Califat.
Je pourrais continuer encore, parler de la virilité guerrière proposée comme modèle identificatoire à Thomas, un peu plus exaltante que celle de chaudronnier chômeur, mais vous voyez que nous devons nous extirper d’un pathos de marginalisation de jeunes paumés, pour nous interroger sur ce que nous avons nous-même à proposer. Quel est l’appel occidental de nos sociétés ? En avons-nous une idée ? Quel est notre contre-appel ? Quelle force d’adhésion et d’enthousiasme avons-nous à proposer, à insuffler ? Le discours de nos politiques n’est-il pas lui-même un discours de marketing qui résonne en creux, en bla-bla, chez des jeunes en quête d’autre chose ?
Dans son dernier ouvrage Un monde sans esprit, la fabrique des terrorismes, Roland Gori parle de « nouvelles de nous-mêmes que nous renvoie la radicalisation ».
Il nous faut prendre le Califat pour ce qu’il est. Non pas un gang islamo-terroriste contre lequel il faudrait sans relâche, par des clips anti propagande, ou des séjours de dé-radicalisation- est ce qu’on a pensé à dé-radicaliser la bande à Baader-mettre nos jeunes en garde. Mais contre un ennemi redoutable. Doctrinaire, organisé, déterminé, sachant parfaitement exploiter les failles et les clivages de l’ennemi, d’une hostilité sans mesure, et prêt à porter la terreur en territoire ennemi par une avant-garde recrutée chez nos jeunes en quête d’un Idéal. D’un Dépassement de soi. D’une Ethique. D’une Politique, même théologique. Roland Gori forge le néologisme de théofascisme. Que ceux-ci se présentent à nous en Europe sous la forme d’anciens petits délinquants repentis ou non et passés par la case prison, ou de marginaux de banlieues ne change rien à l’affaire. C’est également parmi ces derniers, un lumpenprolétariat il est vrai non musulman, mais cela ne change rien, que les SS recrutaient à leurs débuts. Relisez Bertold Brecht, et l’irrésistible ascension d’Arturo Ui, par exemple..
Gardons nous de ne pas faire nôtres les propos conclusifs de Philippe Muray, dans une parodie de lettre intitulée Cher djihadiste, écrite en 2002, peu après les attentats de New York : « Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus morts ».
Un point encore, il concerne ce que l’on appelle les déséquilibrés. Nous avons noué ensemble les deux termes de déséquilibré et de passage à l’acte pour des actions et des actes qui mériteraient certainement d’être nommés autrement. Gardons-nous de donner raison à Foucault, dans son Histoire de la Folie, et de dessiner un contour psychiatrique à un acte militaro-politique. Quel que soit par ailleurs l’état de confusion mentale et d’exaltation de celui qui le commet, ce que l'on pourrait nommer état islamique.
Thierry Florentin,
* Intervenant dans le cadre de l'enseignement de Clinique contémporaine de Jean-Louis Chassaing
[1] S.Weil. Ecrits sur l’Allemagne. 1932-1933. Rivages Poche. Petite Bibliothèque Payot. 2015