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La proxipathie

Il s'agit d'attirer l'attention sur une pathologie des plus courantes, familière, au point d'être méconnue. Elle concerne la relation au voisin, qu'il soit de palier, du jardin, de table, de métro etc. voire de lit.

Ce proche sera en effet souvent mal toléré, du fait d'être un semblable par la proximité topographique et en même temps différent du fait de ses particularités.

Cette allergie – c'est le cas précis de le dire – est liée non pas à la mauvaiseté des intéressés mais à leur commune perception de l'espace plan dans lequel ils trouvent place.

Ils sont en effet chacun autre pour l'autre, mettant ainsi en cause réciproquement leur sentiment d'identité.

La limite fluide qui les sépare sans les isoler est volontiers l'objet de contestation, d'empiètements,  allégués et forcément réels.

Il faut un référent tiers commun vigoureux – appartenance nationale, religieuse, ethnique, professionnelle, sportive etc. – pour que cette diversité soit résorbée, mise a contrario à la gloire de la fécondité du référent.

Mais un tel rassemblement de semblables (comme le laisse entendre lalangue) est exposé à la dissociation, du fait du sentiment qu'a chacun alors de la désappropriation de son image par le voisin.

Ainsi que Lacan l'avait introduit au départ de son enseignement : c'est bien un rapport essentiellement paranoïaque qui semble régir la relation de l'homme à son semblable comme à lui-même.

Dès lors peut-on croire son espèce pérenne ?

Structure de la proxipathie

Cette disposition pathique est liée à la projection, à l'étalement sur le plan euclidien des deux côtés d'une bande de Mœbius, disposés ainsi côte à côte. Celle-ci, rappelons-le, est le support physique de la relation entre conscient et inconscient, du 1 avec l'Autre, de l'interprétation permanente de l'infiltration consciente par des éléments inconscients et ce sans franchissement d'aucun bord.

Le discours, quant à lui c'est-à-dire la distribution des locuteurs entre 1 et Autre, entre agent et objet, participe de cet éclatement comme si la pensée avait nécessairement pour support le plan euclidien, comme si l'adresse se faisait toujours de moi à toi (et non pas de je à te) l'incidence pathologique naît de ce que, du fait de l'étalement de la bande et de l'infiltration permanente du conscient par l'inconscient, il n'y a pas sur le plan de ligne physique, de démarcation entre eux. Deux côtés donc sans ligne de séparation alors qu'ils sont hétérogènes l'un à l'autre, et leur  infiltration réciproque inévitable. On croirait à le décrire ainsi, raconter un cauchemar. Celui si fréquemment et si banalement vécu dans les relations de voisinage et sans que le progrès culturel ne lui ait jusqu'ici fait un sort.

Charles Melman, le 5 juin 2016

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