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Grande Conférence de rentrée
12/09/2024 - 21:00
Parutions
Yorgos Dimitriadis & Anne Videau
Pierre-Henri Ortiz
L’Europe constitue un ensemble politique sans précédent dans l’Histoire. Pour la première fois en effet s’est organisée une communauté hétéroclite de peuples jusque-là ennemis et dont le référent au pouvoir n’est plus religieux ni tribal, pas même politique mais technocratique, c’est-à-dire scientifique. Au-delà des lobbies et des influences exercées par tel de ses membres ou des partenaires étrangers, c’est en tous cas son alibi.
Le progrès moral, lui, est considérable puisque, pour la première fois donc, la place du pouvoir n’est occupée ni par un dieu ni par un ancêtre ni par une figure mythique originelle mais par des délégués quasi anonymes supposés exercer leur talent au bénéfice supposé de tous : en quelque sorte comme dans un consortium.
Et il aura fallu que les affaires marchent mal – crise économique – pour que se réveille brutalement la passion identitaire des peuples concernés. Comme si le rétablissement des frontières allait leur permettre de se sauver en expulsant le mal à l’extérieur.
Cette aspiration à vouloir rétablir une mythique pureté originelle par l’expulsion de l’étranger est une très ancienne affaire. La même aujourd’hui que pour un Islam lui aussi en perdition identitaire et économique dans la mondialisation quoique ses moyens soient d’une brutalité plus spectaculaire ou autrement spectaculaire que ceux d’un krach boursier.
L’Euro de foot 2016 aura révélé la soudaine mobilisation identitaire de peuples que l’on croyait pacifiés. L’assassin de Nice était lui aussi un quidam, certes violent en permanence mais hors des causes triviales, pourquoi pas de foot ? Quand, sans doute, un frère prêcheur qui passait par là aura suffi pour en faire un meurtrier de masse.
On peut être précis. Nous payons avec ce crime le refus de l’opinion publique, informé par ceux qu’on appelle intellectuels, de prendre en compte le savoir sur les déterminations de l’identité établi par Freud. Il paraît qu’il serait archaïque et dépassé. Mais il est clair que la pathologie de l’identité reste plus archaïque que lui.
Ch. Melman
20 juillet 2016