Jean-Marie Forget : Désespoir et désespérance

à propos du livre de Fethi Benslama

UN FURIEUX DESIR DE SACRIFICE, LE SURMUSULMAN

 

Le livre de Fethi Banslama sur le djiadisme est d’une grande richesse. Il a en particulier l’avantage d’offrir la possibilité d’approfondissements supplémentaires. Il avance l’hypothèse que la radicalisation des jeunes, qu’il désigne du terme de super-musulmans, serait à rapporter à une désespérance du monde musulman, en général, et des jeunes dits musulmans de France, en particulier,  avec toutes les ambiguïtés que comporte cette dénomination.

Cet ouvrage suscite une résonance avec le constat que nous faisons dans la clinique actuelle d’un désespoir de jeunes confrontés à ce que J. Lacan a désigné comme le discours capitaliste, dont l’inconséquence n’offre pas de répondant, et pousse les jeunes à des agirs qui semblent incompréhensibles et auxquels j’ai consacré une grande partie de mon travail. Or s’il y a lieu de distinguer les conditions conjoncturelles qui suscitent d’un côté la désespérance, de l’autre le désespoir, nous pouvons faire l’hypothèse qu’il s’agisse, sous des habits différents, d’une absence analogue de repères que rencontre le sujet dans la vie sociale.

Nous pouvons tenter d’identifier plusieurs écartèlements spécifiques dans lesquelles sont pris ces  jeunes dits musulmans : ils sont souvent à la fois coupés de la culture musulmane, et citoyens de pays régis par le régime financier capitaliste qui connait une crise économique profonde; eux-mêmes ou leurs parents sont venus dans ces pays laïques croyant en des avancées possibles et ils ont été heurtés de front par  une remise en cause aigüe de leurs propres repères habituels (mariage pour tous, G.PA., etc.), ce qui génère un fossé qui est difficile à appréhender et qu’on risque de réduire à une opposition entre croyants et incroyants.

 

1 – Un vécu de désespérance.

Ces réflexions sur l’espérance, ou la désespérance n’ont pas l’ambition d’aborder ce qui se passe, dans les différents pays du monde musulman mais plutôt d’attirer notre attention sur les discours qui s’y développent. Le vécu de sujets musulmans vivant dans un pays occidental est éprouvé par l’écart entre la sécularisation conjoncturelle ou forcée du lien à l’occident et la difficulté d’entretenir une référence aux valeurs et aux leviers d’interdits de leur religion. La sécularisation liée à un exil occidental sans Dieu, la référence à un Etat qui relève du rationnel et non plus d’une référence religieuse pour régler le domaine de la vie privée comme la vie publique, les entraine dans un déséquilibre où ils risquent d’être dessaisis des références et des interdits entretenus par le respect de la tradition et de la religion. Du fait de la mondialisation des échanges, l’incitation à la consommation du discours capitaliste s’ajoute au changement d’équilibre suscité par cette sécularisation. Il est certain que bon nombre d’entre eux arrivent à ménager leur place, à l’instar d’autres citoyens français de confessions diverses.

Quand les plus fragiles, les plus marginaux de ces citoyens de fraiche date se sentent abandonnés pour de multiples raisons (crise économique, recrudescence de la violence…), ils se vivent comme désavoués par leur propre patrie. L’un d’entre eux me disait : «Lorsque j’entends chanter la Marseillaise, j’ai l’impression que le sang impur qui abreuve nos sillons pourrait bien être le mien ! ». Ils peuvent alors constituer le terreau de l’émergence du fléau épidémique mondial dont la dénomination d’islamique fait résonnance avec leur histoire familiale. Ceci d’autant que leurs gourous les incitent à se désavouer en tant que citoyens français, tentant de reprendre ainsi à leur compte ce dont ils souffrent. Et comme ces prêcheurs leur exposent leur propre conception de la  foi islamique ou leur présentent l’abandon de la foi de leur ancêtre comme la cause de leur malheur, ils entretiennent la difficulté de leurs auditeurs à se sentir  d’authentiques musulmans. « Le malheur de se percevoir comme un soi inauthentique est le ressort du désespoir musulman ».

 

2 – Les conditions de la désespérance.

Fethi Benslama souligne le glissement qui s’est opéré. Une articulation pouvait s’exercer auparavant dans le monde musulman entre le discours religieux qui constituait le fondement des lois régissant le domaine de la vie privée et qui pouvait inspirer la vie de la société, et le commandement qui ressortait du pouvoir temporel avec ses lois propres. Or la citoyenneté nationale dans le monde occidental, qui un effet de la rationalité, a mis en évidence que le fondement des lois peut se passer de la référence religieuse. L’exercice d’une souveraineté politique dans un pays musulman, comme en Turquie a pu mettre en cause ce qui représentait jusqu’alors l’équilibre subtil entretenu entre la référence religieuse et l’exercice du pouvoir temporel. 

La population émigrée a pu être sensible à  l’écart, ou plutôt au fossé qui s’est ainsi creusé dans un antagonisme grandissant entre la société civile et la communauté traditionnelle, et qui a conduit à la perte de références dans la vie collective. Car les interdits traditionnels sont alors désamorcés dans la vie sociale, et à l’inverse certains interdits de la citoyenneté n’ont pas d’autorité dans le discours du musulman, alors qu’ils exercent leur impératif dans la vie sociale. Il en résulte une incertitude sur le discours qui pourrait servir de référence : la perte du repère que constitue la structure d’un discours, comme la perte de référence à des interdits traditionnels, plongent les sujets démunis dans une désespérance religieuse et un désespoir laïque. Le sujet y perd à la fois le sentiment de pouvoir espérer et la référence à une instance qui lui permettrait de supposer un espoir possible. Ce qui peut générer ce que Fethi Benslama nomme une désespérance.

Si la première génération d’émigrés a pu être directement éprouvée par les effets de cet écart, elle bénéficiait d’assises claires qui pouvaient entretenir une espérance ; leurs enfants ont subi le contrecoup de la précarité de l’autorité traditionnelle, d’où une désespérance, et le désespoir d’inauthenticité de leur ancrage dans les valeurs de leur patrie laïque. Le « surmusulman », comme le désigne Fethi Bensalma, qui a été parfois d’abord un caïd, correspond à une réaction contre un désespoir de ne pouvoir être authentiquement français et une désespérance à l’égard de ce qui aurait pu faire autorité dans la tradition et dans la religion.

La désespérance correspondrait à l’effondrement du rapport du sujet à un discours qui pourrait entretenir un lien social, et dont la structuration était jusqu’alors transmise par la tradition.

Peut-être pouvons-nous avoir une difficulté à bien tenir compte d’une spécificité : la structuration familiale où l’autorité parentale relève de repères traditionnels nécessite une articulation à l’ensemble de la société, à la collectivité environnante, et à la religion ; elle est bien loin de l’individualisme contemporain. Or si l’émigration fragilise les repères traditionnels qui feraient autorité dans la famille, elle peut être grevée d’une précarité sociale et professionnelle des parents qui favorise l’effritement de tels repères. C’est en cela que la sécularisation touche d’une manière particulièrement directe le sujet émigré : elle associe l’exil en occident et ses conséquences socio-professionnelles, le désamorçage de référence à la tradition, à la religion, à un Dieu et la vie dans un état qui relève du rationnel, alors que ce dernier est régi par un discours qui n’a rien de logique, encore moins de rationnel. L’inscription dans un tel Etat ne peut être que précaire puisque l’inconséquence du discours social entraine une diminution de son autorité ; et l’adhésion à ses principes est problématique car l'égalité se heurte à la ségrégation, la fraternité se confronte à la mise à l’écart, et la liberté est perpétuellement incertaine.

 

3 – Les mécanismes de la vie collective et leurs incidences.

La structure du lien social est différente dans les sociétés où la subjectivité s’appuie sur une tradition entretenue par le collectif et celles de l’individualisme moderne où une laïcité est déclarée et affichée. Il serait trop long de développer ici les conséquences de ce qui centre la collectivité sur la vie sociale et sur le discours qui y circule, suivant qu’il s’agit d’un évidement central ou d’un élément positivé, fut-il un idéal. Mais on peut mettre en parallèle le long cheminement en France, par exemple, qui a conduit un  pays de références traditionnelles à la République et à l’individualisme contemporain où se développe une consommation sans frein; et la brutalité du saut que représente actuellement la confrontation de  pays dont le mode de vie garde des références traditionnelles religieuses à la sécularisation de la vie publique et à une incitation analogue de l’économie. Certains pays du monde musulman ont pu passer de l’écart entre le religieux et le pouvoir temporel qui pouvait correspondre à un évidement central, à la positivation du un d’un exercice exclusif, du rationnel ou du religieux. Ce qui se constate aussi bien dans des Etats dits religieux comme l’Iran que dans des états dits rationnels, ou dits laïques comme la Turquie, si on reste dans le monde dit musulman. Or le discours qu’entretient un groupe social centré sur un élément positivé est celui d’un groupe, comme l’a montré S. Freud. 

Nous pouvons faire l’hypothèse que l’influence du discours capitaliste s’exerce dans ces deux configurations sociales, de manières sensiblement différentes, mais qui font résonance entre elles du fait de l’incitation à une jouissance sans limite du discours capitaliste. Le discours capitaliste est ce que J. Lacan identifiait comme un pseudo-discours. Il fait supposer que le désir pourrait être assouvi non pas par un objet insaisissable, mais par un objet adéquat, et il entretient la recherche incessante d’acquisitions d’objets, dans une consommation sans frein. Il se manifeste dans la clinique sous la forme d’un discours qui ne tient pas compte des contradictions, d’un pseudo-discours, qui n’est pas conséquent.

Un discours structuré ou conséquent prend son autorité d’une perte consentie. Si j’affirme quelque chose je m’engage à en subir les conséquences, et à ne pouvoir dire immédiatement le contraire, ni à me dédire de cette affirmation sans perdre la consistance de mon engagement et de l’autorité de ma parole. La structure d’un discours conséquent a comme effet de faire référence à une perte, comme l’a mis en évidence J. Lacan dans son travail sur La lettre volée (Le séminaire sur « La lettre volée » in ECRITS). Elle introduit aussi une représentation de cette perte, notamment sous la forme d’un manque, qui se trouve en jeu dans les répartitions de la parole entre les positions d’énonciation et d’écoute. Les propos qui ne tiennent pas compte des contradictions et des oppositions élident cette référence à la perte et ils excluent de ce fait toute représentation de la perte, de la différence et du réel. C'est-à-dire que la perte, la différence et le réel ne s’y trouvent pas représentés. Et quand ils se manifestent, ils ne peuvent le faire que par effraction dans cette inconséquence par une crise, par un traumatisme, par un accident ou par la mort.

 

4- Les conséquences d’un défaut de discours sur la subjectivité. 

La structure d’un sujet se constitue sur la trame langagière de la société qui lui préexiste, qui véhicule par sa culture une langue porteuse en filigrane d’une perte consentie pour permettre la vie collective et offrir au sujet les conditions d’un refoulement qui permette sa parole. La trame langagière d’un groupe centré sur un élément positivé, - fut-il un trait idéal - générant un discours inconséquent ne permet pas la référence à une perte structurelle ; à la fois dans la manière dont ce pseudo-discours circule entre les membres et aussi de ce que une langue ne peut y servir de repère, puisqu’il n’y a pas et de référence à une opération de refoulement.

                On perçoit donc que cette logique de pseudo-discours prévaut dans ce que Fethi Benslama désigne comme la désespérance musulmane. Un émigré, puis un enfant d’émigré est privé d’une référence à la tradition qui était jusqu’alors assurée par la religion ; privé de ce fait d’une référence à l’instance qui représente une position d’extériorité, par un culte des ancêtres, ou par la référence à la lecture d’un texte qui peuvent entretenir le recours à une antériorité ou à une perte consentie.

                Le sujet se trouve en désespérance dans sa singularité. Le vécu intérieur du désespéré l’amène à se considérer comme un déchet : il s’agrippe alors à tout ce qui correspond à une sorte de relief – à ce qui fait « slogan » - dans le discours inconséquent, dans le pseudo-discours du groupe social. Il s’accroche aux slogans de ce discours, aux mots fétichisés de ce pseudo-discours qui font bouchon là où un discours structuré est articulé par des marques de manques. On peut employer à propos de ces mots qui ont valeur de slogans, le terme de fétiche car ils sont des signes qui à la fois obturent un manque et qui, du fait même de leur présence, révèlent ce manque. Il s’agit de signes qu’il faut se garder de considérer comme des équivalents d’idéal, même s’ils en ont le masque parce qu’ils sont fédérateurs pour le groupe. Il s’agit de traits positivés, au même titre que le simple trait de la moustache d’Adolf Hitler. Ainsi, comme le relève Gilles Kepel,  le partir des djihadistes, leur quête d’une vraie famille : « ma varie famille est là-bas, au milieu des musulmans.. », le chez nous de Coulibaly pour désigner un pays où il n’est jamais allé.

                C’est ainsi que Gilles Keppel relève une formulation qui l’interroge dans les propos de déclarations de djihadistes : « désavoue-toi », « désavouez-vous »,  « je me désavoue ». Il souligne que cette formulation est inhabituelle en français, puisque désavouer, le désaveu appellent un complément d’objet, comme le confirme le dictionnaire de A. Rey. Il peut s’agir du refus d’hommage à un seigneur, du refus de reconnaitre pour vrai un engagement antérieur, le refus de reconnaitre le mandat accordé à un autre, etc. En tout état de cause le désaveu porte sur un objet, alors que les formules « se désavouer », « je  me désavoue » évoquent une forme réflexive du verbe. Il ne s’agit pas d’une forme réflexive car le me est un complément d’objet interne, qui signifie « je désavoue ce que la société voudrait que je sois ». La formulation ne se boucle pas comme une forme réflexive, mais elle est plutôt une modalité pour un sujet de tenter de reprendre à son compte le désaveu dont il est l’objet on me désavoue, restant dans la position où il est l’objet d’un désaveu. Il s’agit là de la révolte d’un sujet contre son  vécu d’être rejeté, désavoué.

On pourrait identifier l’agrippement d’un sujet désespéré à ce type de trait positivé comme une forme de suppléance, ou comme une sorte d’étayage. L’attachement d’un sujet désespéré à un tel trait a incontestablement la valeur d’une véritable rencontre, puisque ce signe exerce à l’égard du pseudo discours, du discours inconséquent le même effet d’obstruction et d’assurance apparente que celle que le sujet recherche pour lui-même. Avec l’aveuglement qui en résulte. Voici un exemple de ce type de rencontre qui tranche avec le vécu de désespoir : « Il arrivait qu’Abou Zoubeïr en personne se joignit à nous. Et c’était comme une victoire sur la médiocrité de nos petites vies. Nous buvions ses paroles car nous les comprenions. Il était parvenu à nous rendre notre fierté avec des mots simples, des mots ailés qui nous transportaient aussi loin que le pouvait notre imagination. Nous n’étions plus des parasites, des rebuts d’humanité, des moins que rien. Nous étions propres et dignes et nos aspirations trouvaient résonnance dans des esprits sains. Nous étions écoutés, guidés. La logique avait remplacé les coups. Nous avions ouvert la porte à Dieu et il était entré en nous. Finies les courses effrénées à brasser du vent, les insultes et les bagarres stupides. Finies la vie de cafards sur les déjections des apostats. Aux orties la résignation injectée dans nos veines par nos parents incultes. Nous apprîmes à nous serrer les coudes, à refuser tout net l’état de larve auquel nous étions condamnés à perpétuité. Nous savions que les droits ne se donnaient pas, ils s’arrachaient. Nous étions prêts à tous le sacrifices ».

Un exemple de cet agrippement aux slogans et au signe ressort de l’article récent de  Jean Birnbaum, auteur d’un excellent ouvrage que nous avons déjà mentionné dénonçant le silence des politiques sur la religion. Il relève dans cet article que ce qui rassemble, c’est la « référence à tel verset du coran, à tel ange protecteur, à telle révélation prophétique ». C'est-à-dire que la référence correspond au texte pris à la lettre, à la lettre extraite du texte, destinée à être brandie et répétée, et non à la lecture d’un texte qui puisse consister en une opération qui exige une perte, comme l’exercice de toute lecture.

                L’agrippement au trait fétichisé incite à l’agir et au passage à l’acte. L’aveuglement du slogan que je mentionnais précédemment débouche tôt ou tard sur une impasse car le sujet ne peut trouver dans cette obturation artificielle, dans cet étayage provisoire une réponse à la quête de répondant qu’il attend d’un discours structuré. Il s’y trouve emprisonné ; lui-même prisonnier de la lettre ; prisonnier du signe. Le signe ne peut rendre compte d’une quête d’identité qui est une quête d’espoir, une quête d’espérance et dont il attend confirmation par la référence à la structuration d’un discours conséquent sur lequel il pourrait prendre appui pour frayer son propre parcours et constituer sa propre subjectivité.

Le travail de Dounia Bouzar sur la dé-radicalisation révèle bien comment en permettant à un jeune de retrouver la singularité de son histoire personnelle, rapportée par les proches, par les parents notamment, par les générations précédentes, rend possible de réintroduire pour un sujet la prise en compte de la différence, de l’affect. Mais  le vécu de désarroi, le vécu de désespoir que la radicalisation masquait se révèle alors. C’est un moment de grande fragilité pour le sujet, et la nécessité d’une attention rigoureuse de la part des proches pour lui permettre de trouver ses propres marques. Car il se trouve alors confronté aux nécessités de trouver du répondant dans le discours qui le concerne pour trouver l’assise d’une parole et d’une identité singulières.  il s’agit non pas de lui offrir une garantie qu’il a pu quêter initialement en réaction à l’inconséquence d’un discours social, mais de lui proposer la fiabilité de la structuration d’un discours dont témoignent les adultes qu’il peut alors rencontrer avec ses proches. Cette expérience peut lui permettre de trouver les conditions pour faire l’ébauche de sa singularité, dans la référence à un discours marqué d’une perte qui peut lui offrir un répondant, en regard de la source de sa désespérance, entre des repères traditionnels et un discours social inconséquent.

 

5 - Conclusion

Au terme de ce parcours, il est intéressant de relever comment les manifestations actuelles d’agirs correspondent à l’incidence dans le monde occidental, comme dans le monde musulman du discours capitaliste ambiant.

Le déni de la différence est entretenu par ce discours inconséquent qui pousse aux agirs de toutes sortes.

Des deux côtés, ce discours est ponctué de slogans qui sont des mots fétichisés, qui ne peuvent être discutés, ni mis en cause, mais qui n’ont pas le même habillage du côté occidental, et du côté musulman. Ces slogans fédérateurs ne peuvent être assimilés à un idéal pour le sujet. Du côté  occidental c’est par exemple la parentalité militante qui élude la différence sexuée, ou l’intérêt de l’enfant qui place l’enfant au centre de la famille, à la place du couple ; du côté djihadiste c’est le partir, la vraie famille, le chez nous, qui stigmatise une religiosité qui exclut le discours religieux.

Des deux côtés la différence des positions sexuées n’a plus court, ni du côté de la parentalité, ni du côté du voile qui ne couvre pas la pudeur, mais réveille des regards obscènes qui se poseraient sur les corps des  femmes.

Les effets d’annonce du monde occidental concernant la laïcité masquent l’empreinte de l’histoire religieuse de la nation dans la vie sociale, alors que la réduction de la religion à une surenchère de règles restrictives du monde musulman correspond à des empêchements restrictifs plutôt qu’à de réels interdits et sont des tentatives pour marquer un frein à un discours sans limite.

                Il reste que désamorcer les effets de ce discours inconséquent nécessite des modalités distinctes, suivant qu’on a affaire au citoyen occidental ou à un musulman émigré, puisque dans ce dernier cas la mise en jeu de la subjectivité dans le rapport à la tradition, à la tradition religieuse, et à la transmission de celle-ci présente des contingences radicalement différentes. 

 

Jean Marie Forget
Octobre 2016


>> Voir aussi la conférence de Fethi Benslama sur son livre à l'EPhEP le 29 septembre 2016