J-J.Tyszler : Éléments d’histoire de la psychanalyse

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Extrait

28 février 2011

Il y a bien entendu, alors là ça mériterait un temps, il faut à tout prix quand même que vous lisiez, ça, c’est très bien raconté par les historiens, il faut que vous lisiez la rencontre de Freud avec Charcot à la Salpêtrière, il faut bien vous représenter ce que c’est pour ce neurologue viennois d’arriver à Paris à la Salpêtrière et donc de distinguer, là si vous voulez à juste titre, la rencontre avec le Maître Charcot, et, l’hystérie. Ce qui va s’en déduire pour Freud c’est la rencontre avec l’hystérie, ce dont nous avons parlé collectivement aux dernières Journées de l’Association. Vous trouverez ça tout à fait bien raconté par les historiens. Il faut vous représenter que cela a été une rencontre très importante pour Freud, surtout que Freud revient ensuite à Vienne et va payer, si je puis dire, de sa vie, dans sa vie, cette rencontre avec l’hystérie et Charcot à la Salpêtrière. Parce que Freud revient à Vienne, non seulement se fait la promotion de ces jeunes idées sur l’hystérie mais en plus il faut bien que vous vous représentiez le pas considérable que ça représente, Freud se met à parler non seulement d’hystérie chez la femme, bien entendu, mais Freud parle d’hystérie masculine, voire d’hystérie de l’enfant. C’est-à-dire que dans la société de neurologie dont il faisait partie, il se met à parler de l’hystérie sur un mode qui était pour l’époque totalement incongru, inaudible et scandaleux pour ses propres collègues. Pourquoi c’est scandaleux ? Parce que ses collègues vont lui dire mais enfin Freud, l’hystérie, tu as oublié ? L’hystérie, c’est l’utérus ! Tu vas pas quand même nous faire croire que l’homme a donc cet organe ! Donc le dialogue était de ce type, à ce niveau d’échange. Si bien que Freud quittera ce milieu qu’il aimait bien, celui avec qui il était en harmonie de travail, avec ses pairs, ce milieu de neurologie sur la question de l’hystérie. Tout ça est très bien raconté par les historiens, il faut lire. Ça a été majeur pour Freud, la rencontre, Paris, la rencontre avec la Salpêtrière, Charcot, la rencontre avec les hystériques et le retour, le retour et le fait que ce retour fera que Freud va se séparer dans sa vie propre d’une discipline qu’il aimait bien et qui donc continue à s’appeler  la neurologie.

Il y a ensuite la question, la théorie du traumatisme sexuel dont je vais vous dire quelques mots tout de suite.

Première conception par Freud du refoulement, et par là même du transfert, et quelque chose que nous n’avons pas oublié mais que l’on méconnaît souvent qui est aussi le passage de l’hypnose que vous connaissez, qui existe d’ailleurs encore un peu, passage de l’hypnose et de la suggestion à la technique dite de libre association. Et donc je parlais du fantasme tout à l’heure, gardez ces deux mots par devers vous parce que, immédiatement Freud va devoir travailler sur deux courants signifiants très importants, la question du traumatisme d’un côté, et ce que vous appelez, nous appelons fantasme de l’autre. Ces deux filons vont toujours se travailler de manière juxtaposée, parfois se croiser, parfois diverger, parfois se recouvrir, faire polémique jusqu’à aujourd’hui encore bien évidemment dans le champ de la psychanalyse. Qu’est-ce que j’appelle fantasme, qu’est-ce que j’appelle traumatisme ?

Vous savez que le courant nord-américain n’a pas du tout la même idée de ce que nous faisons en France concernant la place du fantasme dans la psychanalyse. Pour eux, quasiment tout est traumatique, c’est essentiel. Donc j’y reviendrai un peu tout à l’heure.

(…)

Qu’est-ce que Freud appelle traumatisme au départ de son travail ?

C’est tout à fait simple. Freud appelle traumatisme au départ un fait réaliste qui est tout simplement arrivé dans la vie de quelqu’un. Que sont ces faits réalistes qui intéressent Freud ? Si vous prenez les Études sur l’hystérie dont on a parlé un peu au séminaire sur « Dora », d’habitude ce que Freud va appeler là traumatisme c’est donc un attouchement, une séduction sexuelle, quelque chose qui va toucher dans la prime enfance à ce qu’on pourrait appeler la dignité du petit sujet en quelque sorte. Ce fait… et il faut faire attention à ceci, c’est que ce fait d’indignité l’est également du fait du jugement social sur le même fait. Il faut faire attention à ceci qui intéressera beaucoup Lacan qui est qu’un fait clinique est un fait intra subjectif personnel mais qui est déjà noué au jugement que la société accorde au même fait. C’est-à-dire, là, l’attouchement précoce d’une petite fille va paraître cruel pour cette petite fille, mais il apparaîtra cruel aussi bien dans le milieu social où elle est plongée. Sinon évidemment le statut en quelque sorte traumatique va être très différent.

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Je ne sais pas comment vous dire ça, souvent on parle, moi-même à tort, des concepts de la psychanalyse, de la théorie psychanalytique etc., peut-être parce qu’il n’y a pas d’autres mots pour dire les sédiments, en quelque sorte les grands signifiants maitres dont accouche une pratique, il n’y a pas d’autres mots que d’appeler ça des concepts, mais ce n’est à coup sûr pas tout à fait juste, parce que ni Freud ni Lacan ne pensaient leurs pratiques comme conceptuelles.

(…)

Ce que nous vivons, moi je n’en sais rien, de quoi va accoucher ce que nous sommes en train de vivre, là, actuellement, quand on ouvre la télé ou qu’on lit les journaux. On verra bien. Mais ce que je sais c’est qu’il est probable qu’un certain nombre de choses qu’on racontait, concernant la clinique, celle du père humilié, ou des banlieues, des choses comme ça, de toutes façons ces questions vont devoir être revisitées dans peu de temps, c’est inévitable. On ne pourra pas toujours avoir un discours clos sur lui-même alors que la marche du monde plie nos subjectivités à des dimensions imprévues et nouvelles.