Ch.Melman : Europe enlevée encore...

E.ArroyoA propos de la journée J.Semprun :" si la lutte continue..."


« Il se souve
nait d’avoir longuement contemplé le visage d’Europe. C’était à Venise, au Palais ducal, dans la salle de l’Anticollège. Ottla était à ses côtés, lui lisant à mi-voix la note suLEnlèvement d’Europe du guide qu’elle tenait à la main… » (J. Semprún, La montagne blanche).

Jorge était né de Semprún, d’une noblesse plutôt ancienne puisqu’elle remontait à l’époque romaine, et restée depuis cette occupation, génération après génération, au service de son pays.

Mais il ne s’agit pas seulement de l’Espagne. La patrie de Jorge en effet était aussi bien celle de l’honneur et de la droiture, ces traits d’humanité qu’il s’agissait de défendre contre les abjections de l’histoire : Franco, le nazisme, Buchenwald, ou ses méprises telle Santiago Carillo, voire les compromissions, quand il démissionna du Ministère de la Culture à Madrid.

Au cœur de ce tumulte et au prix de tous les risques, il fut immuable. Fidélité énigmatique quand on sait qu’il tenait ses valeurs humanistes pour celles, enfouies, de l’Europe et qu’il fallait dégager malgré les hésitations voire les renoncements.

Cet enfant de l’Espagne, amoureux de la France, admiratif de la philosophie allemande, n’avait de frontières que celles de la culture et donc de la dignité.

Et il est clair que si la lutte continue, c’est contre les barbelés qui menacent d’être re-installés entre nos nations.

 

Peinture d'E.Arroyo : Heureux qui comme Ulysse I - 1977
Huile sur toile :180 x 220 cm
Coll Musée National d'art moderne, Centre G Pompidou, Paris