Le devoir d’assistance et de soins de l’Etat aux plus démunis et aux moins autonomes d’entre nous sur le plan psychique, que sont les psychotiques, a pris le nom, au cours du siècle dernier, de secteur psychiatrique.
Sa mise en place progressive durant ces soixante dernières années est une histoire dont les enjeux restent encore méconnus, au point que son utilité est régulièrement décriée et mis en cause, au bénéfice de ce que pourrait être une santémentalisation préventive - excusez le néologisme - une pratique citoyenne du bien-être psychique, dont on ne cerne pas très bien les soubassements, les articulations théoriques et cliniques.
Loin d’être une suite contraignante de décrets, de lois et de rapports, la mise en place du secteur repose sur une poignée de psychiatres novateurs, créatifs, imaginatifs, militants - beaucoup sont au parti communiste, mais pas tous - et dont les noms vont souvent revenir au cours de mon exposé, Daumézon, Bonnafé, Le Guillant, pour citer les principaux, ceux de la première génération, mais il y en a d’autres, Tosquelles, Paumelle, etc…, dont on s’imagine de façon un peu faussée que leur vision a pris appui sur leur révolte morale, en 1945, face aux famines qui ont conduit à la mort de la moitié des malades mentaux hospitalisés, ce qu’on a appelé sous le terme d’extermination douce. Lisez par exemple l’ouvrage d’Isabelle von Bueltzingsloewen, La famine des hôpitaux psychiatriques sous l’occupation, paru chez Aubier en 2007.