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Samedi 28 janvier 2017

L’École met à la disposition de ses étudiants et du public, sur son site Internet, les vidéos de l’intégralité des remarquables contributions qui ont tenté de répondre à la question posée lors de la Journée d’étude de l’EPhEP du 28 janvier dernier : Quels sont les ressorts du populisme ?

Dans l’ordre chronologique, se sont succédé à la tribune :

  • Hélène L’heuillet, philosophe à l’Université Paris-Sorbonne, psychanalyste (ALI) ;
  • Alain Rouquié, directeur de la Maison de l’Amérique Latine, ancien Ambassadeur de France au Brésil, directeur de recherche émérite à la Fondation nationale des sciences politiques ;
  • Dominique Reynié, professeur des Universités à Sciences-Po, directeur général de la fondation pour l’innovation politique ;
  • Denis Salas, magistrat, président de l’Association Française pour l’histoire de la Justice ;
  • Charles Melman, psychiatre, psychanalyste, doyen de l’EPhEP, fondateur de l’ALI.
  • Claude Landman, psychiatre, psychanalyste, vice-doyen de l’EPhEP a assuré la fonction de discutant.

Cette journée d’étude aura-t-elle apporté quelques éléments de réponse à la question posée ?Et ce, au-delà du constat et de l’analyse détaillée par les différents intervenants de la montée du discours populiste, porteur de tous les dangers que nous savons sur le plan politique, comme de son infiltration étendue, sous la pression de l’opinion, dans d’autres domaines comme celui du discours juridique ?Autrement dit, un savoir sur les ressorts du populisme, prenant appui, entre autres, sur les apports que la psychanalyse a produits sur la logique qui est à l’œuvre dans ce type de discours, rend-il possible d’inventer aujourd’hui   la rhétorique qui permettrait de s’y opposer avec une certaine efficace ? Et sans que ce savoir soit immédiatement discrédité comme appartenant à celui des élites, alors qu’il est bien plus largement partagé que nous ne le supposons ?Tel était, ainsi que le souligne Charles Melman dans sa conclusion, l’enjeu de cette rencontre et des suites qui pourraient lui être données.Aura-t-elle fait événement sur ce point ? Ce sera à chacun qui aura pris plaisir à en suivre le déroulement sur le site de notre École d’en décider.

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Intervention d’Hélène L’Heuillet : Le populisme, pathologie de la démocratie ou nostalgie d’une société close.

Hélène L’Heuillet, qui vient de publier chez Albin Michel, un ouvrage intitulé Du Voisinage Réflexions sur la coexistence humaine, a insisté dans son exposé sur ce qu’elle considère comme un des ressorts majeurs du succès du discours populiste : la promesse de la réparation d’une spoliation dont le peuple aurait été la victime. Le spoliateur s’incarnant dans la figure qu’elle désigne dans son livre comme étant le voisin d’en haut. Elle prend appui pour soutenir cette thèse sur la référence à Tocqueville qui attribue aux peuples démocratiques, une passion ardente pour l’égalité.

Intervention d’Alain Rouquié : Populismes, opportunismes et tentation majoritaire.

Alain Rouquié est l’auteur d’un ouvrage récent : Le siècle de Perón Essai sur les démocraties hégémoniques, publié au Seuil. Lors de sa contribution, prenant appui sur les expériences concrètes où des leaders populistes ont exercé effectivement le pouvoir en Amérique latine, il a défini le populisme comme une stratégie politique opportuniste qui apparaît et se développe toujours dans certaines circonstances particulières et favorables : malaise social, exclusion, inégalités croissantes, angoisses identitaires auxquels l’opinion publique considère que les gouvernements n’ont pas remédié.

Il envisage également l’hypothèse selon laquelle le populisme pourrait à l’avenir constituer un contre-modèle efficace pour les démocraties, au même titre que les régimes communistes jusqu’en 1989.

Intervention de Dominique Reynié : Déstabilisation existentielle et politique patrimoniale.

Dominique Reynié, auteur d’un livre publié dans la collection Pluriel : Les nouveaux populismes, a considéré dans son propos que le populisme était une entreprise, point essentiel, pré-politique, fondée sur un appel au peuple, pris au sens d’ethnos, par-delà les corps intermédiaires : une désintermédiation, opposant, à l’aide d’un discours associant une homogénéisation artificielle et un clivage, le peuple aux élites, le peuple d’ici et celui de l’extérieur.

Il a insisté sur le fait que le leader ne représente pas le peuple mais vise à l’incarner.

Ayant énuméré ensuite avec brio et précision un certain nombre de causes qui pourraient être à l’origine de l’émergence du populisme ces dernières années, il a pourtant remarqué que l’analyse causale était insuffisante pour expliquer entièrement le phénomène. Il a avancé en conclusion ce qu’il a appelé un phénomène de retournement trompeur par lequel les partis populistes, ce serait là leur puissance, laissent entendre qu’ils seraient les plus à même de défendre les valeurs de la démocratie.

Intervention de Denis Salas : Le ressort persistant du populisme pénal.

Denis Salas est l’auteur d’un ouvrage original, publié dans la collection Pluriel : La volonté de punir Essai sur le populisme pénal.

La thèse qu’il a soutenue dans son intervention est celle d’un changement qui a vu le jour dans les années 80 à l’intérieur du discours juridique, effaçant la figure du délinquant supposé capable de réinsertion, au profit de celle de la victime et de son droit à obtenir réparation pour le crime commis.

Il en est résulté, sous la pression de l’opinion publique, une idéologie victimaire, fondée sur la demande présumée des victimes, entraînant un durcissement des peines et une remise en question des valeurs démocratiques humanistes qui régissaient la réflexion et la pratique juridiques depuis la Libération. Un glissement s’est ainsi produit, qui tend à substituer la volonté de punir au droit de punir. Denis Salas a ensuite développé, dans ce contexte de populisme pénal, le redoublement des effets négatifs sur un fonctionnement serein et indépendant de la justice, produit par l’impact du terrorisme et de la prolongation de l’état d’urgence. Chacun, prenant la mesure de la richesse et de la qualité dialectique de l’argumentation de Denis Salas, appréciera l’importance des corps intermédiaires dont il est un représentant  et que le discours populiste vise à faire disparaître.

Intervention conclusive de Charles Melman

Charles Melman, a intégré dans son exposé de nombreux éléments des interventions précédentes, pour dégager certains points forts dont le développement méritera, pour chacun d’entre eux, d’être suivi sur le site.

D’abord la définition du populisme et de ses avatars, le nationalisme et le djihadisme religieux radical : le populisme est une rhétorique qui ignore la dialectisation, le principe de non-contradiction, la tempérance, ainsi que tout rapport à la vérité des faits. Cette rhétorique, ainsi qu’en témoigne l’analyse détaillée du discours de Donald Trump notamment, annule, du fait de sa logique binaire, la référence tierce et donc les corps intermédiaires, assimilés à des parasites et à des profiteurs.

La rhétorique populiste surgit, dans une démocratie, au moment où se produit une défaillance, réelle ou supposée, des élites. Le populiste prétend assumer à leur place l’instance directrice, celle du commandement, qui régit toute communauté humaine. Le populisme consacre ainsi la fin de la politique, de la discussion permanente, et substitue au débat qui est le reflet de la division du corps social, la menace étrangère venue de l’extérieur où cette division s’incarne dans la frontière érigée en mur.

Enfin, Charles Melman, constate le discrédit qui frappe à l’avance les arguments rationnels avancés pour lutter contre les mouvements passionnels, extrémistes, intempérants et radicaux par nature, qui animent les différentes formes de populisme. Il pose donc la question du type de rhétorique qui serait à inventer pour répondre efficacement à la rhétorique populiste et à son caractère apparemment irrésistible. Il avance que cette rhétorique aurait à se fonder sur ce qui paraît être la caractéristique, rarement soulignée comme telle, du discours populiste et de ses leaders : l’exhibitionnisme. Il s’agit en effet, dans l’opération du populisme, de montrer « qu’on en a », précisément lorsque ceux qui sont chargés de la fonction d’avoir à diriger se montrent défaillants.

Notes