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Quand
Samedi 13 septembre 2014

Journée EPhEP, le 13 septembre 2014

     Avant de commencer, je ne sais pas si vous l’aurez remarqué, mais je voulais vous signaler que notre journée de travail pour l’EPHEP ici au Consulat Suisse de Marseille, se déroule dans une salle baptisée - je vous le donne en mille : « Angst » ! Angoisse dans la langue de Freud… Ceci sans doute pour souligner la gravité, le sérieux et l’importance des questions que nous avons à traiter.

Alors comment peut-on encore vivre ensemble ?

Comment tenir l’ensemble ?

Ou comment faire tenir l’ensemble, également ?

Comment faire en sorte que ces diversités parviennent néanmoins à confluer vers une certaine direction qui prenne le pas sur les pseudo accomplissements individualiste et narcissique ?

Ces questions ne sont évidemment pas étrangères aux préoccupations tardives de Lacan, qui s’avèrent aujourd’hui d’une actualité bouleversante dans ses travaux sur les nouages ; puisqu’il s’agissait déjà là pour lui de tenter de faire tenir des entités hétérogènes les unes aux autres. N’était-ce pas au regard de ce qui est ainsi en train de déferler dans notre vie sociale, d’une anticipation prémonitoire fulgurante ?

Alors pour ne pas rester sur le Lacan visionnaire, nous évoquerons dans ce qui caractérise notre monde contemporain, la prégnance de discours sociaux courants qui prônent une injonction à tout crin de la jouissance, laquelle à la différence du désir, ne ménage pas nécessairement une place au Réel, mais tente plutôt de le suturer, comme d’ailleurs les techno-sciences essayent par tous les moyens de s’y employer.

D’un autre bord que celui de la reprise en main par l’ordre moral, si nous y insistons, ce n’est jamais que pour rappeler que la jouissance ne fait pas lien. Ce n’est pas parce que des groupes s’agglutinent autour d’un objet commun de jouissance, qu’il y aurait lien social pour autant. Cela ne reste qu’un amalgame de diverses bulles isolées de solitude.

Alors qu’est-ce qui fait lien ? Qu’est-ce qui nous rassemble ? Qu’est-ce qui nous uni ? C’est toujours un Réel, la reconnaissance que nous relevons d’un même impossible, d’un indépassable. Comme le présentifie l’écriture des 4 ou 5 discours de Lacan qui isole cette dimension réelle à la place dite de la vérité, en bas à gauche. Et bien sûr la fonction du refoulement fait oublier ce point de départ décisif.

Comment en sommes nous arrivés là collectivement aujourd’hui ?

Faire l’impasse sur l’instance paternelle a des effets - pas seulement d’addiction généralisée.

L’abolition de la dette qui en découle, voire même son renversement, sa réversion, la perte d’une nécessité de transcendance, à savoir que la référence soit prise comme exception hors de l’ensemble qu’elle ordonne, implique une mutation de la structure du lien et aussi du sujet, dont l’abolition de la nécessité du tiers et donc de la prévalence d’une logique duelle, n’en constitue qu’un des aspects.

L’autre, tout aussi essentiel, concerne spécifiquement la seconde moitié de l’humanité, à savoir les femmes. Puisque du même coup dans cette alternative binaire entre mêmeté ou étranger, l’altérité s’en trouve écrasée et la réponse psychotique au Réel - la paranoïaque - éminemment favorisée.   

Pourtant, la perte constitutive de notre condition humaine est inhérente à la parole et au langage. Jusqu’à présent, l’intérêt du collectif avait toujours prévalu sur celui de l’individu. Que devient dès la vie en société quand son nouveau précepte est de ne promouvoir rien de moins que l’individualisme même ?

Voilà donc quelques interrogations qui traverseront sans doute les diverses interventions que vous allez être amenés à entendre maintenant.

Gérard Amiel

                                                                      

Notes