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Auteur(s)
LANDMAN Claude
Lieu
Facultés Loyola Paris, 35bis rue de Sèvre 75006 Paris
et en distanciel sur inscription
Quand
Jeudi 11 septembre 2025 21h00
à 22h30

Ouvert au public et en distanciel

Facultés Loyola Paris
35 bis rue de Sèvres 75006 Paris

Inscriptions Zoom sur ephep.com jusqu’au 09.09.25

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Claude Landman, La schizophrénie en questions 

En 1911, Eugen Bleuler (1857-1939) publie un ouvrage monumental et novateur, à la fois théorique et clinique intitulé : Dementia præcox ou groupe des schizophrénies dans lequel il justifie l’introduction au sein de la nosographie psychiatrique, après bien des hésitations, du néologisme schizophrénie, forgé à partir du grec schizeïn, fendre, scinder, séparer, et phrèn, esprit. Ce terme désigne une entité clinique psychotique, riche et polymorphe dans ses manifestations symptomatiques, fluctuante dans son évolution. Elle se caractérise sur le plan psychopathologique, selon Bleuler, par une opposition entre un symptôme primaire, effet direct du processus morbide, le relâchement des associations entre les idées qui perdent leur fil conducteur habituel, et des symptômes secondaires qui en dépendent : troubles du cours de la pensée, du langage oral et écrit, affects discordants, dissociation (Spaltung) de la personnalité, ambivalence, catatonie, négativisme. Certains symptômes secondaires sont à mettre au compte d’une réaction du sujet, d’une tentative d’adaptation, soit par annulation de la réalité dans l’autisme, soit par son remaniement dans le délire paranoïde.

Le terme de schizophrénie se substituera durablement à celui de démence précoce avancé par Kraepelin (1856-1926), moins par les descriptions sémiologiques et la division en sous-groupes, paranoïde, catatonique, hébéphrénique et simple - elles sont à peu près les mêmes - que par la référence au symptôme primaire et à l’absence de troubles démentiels (perception, mémoire et orientation sont conservées). Par ailleurs, la précocité du déclenchement n’est pas non plus toujours la règle.
Il éclipsera également le terme de folies discordantes avancé la même année par Philippe Chaslin (1857-1923), qui rend tout autant compte de la symptomatologie. 

Outre son extension discutable, quasiment à l’ensemble de la nosographie des psychoses et même au-delà dans la psychiatrie anglo-saxonne, nous aurons à questionner cette année la pertinence d’une telle approche psychopathologique de la schizophrénie. Elle se réfère en effet, pour rendre compte du symptôme primaire, le relâchement des associations entre les idées, à la conjonction de deux théories à mon avis incompatibles. L’une qui est ancienne, l’associationnisme, implicite chez Bleuler, se réfère à la réalité empirique à partir de laquelle se construit la solidité du lien logique entre les associations par synthèses progressives.  L’autre, explicite et contemporaine, plus déductive, se réfère aux concepts freudiens mis à l’épreuve de l’expérience de la cure psychanalytique.

Bleuler écrit en effet dans l’avant-propos de son ouvrage : 
Une part importante de la tentative d’approfondir plus avant la pathologie n’est rien d’autre que l’application à la démence précocedes idées de Freud.

Mais ce dernier, tout en considérant que l’abord de la schizophrénie lui semble indispensable pour approcher de plus près l’énigmatique inconscient et nous le rendre pour ainsi dire saisissable, restera néanmoins à distance de la théorie bleulérienne.  Dans le recueil de 1915 intitulé Métapsychologie, il proposera sa propre conception de la schizophrénie en insistant sur le fait que les mots, de la même manière que dans le travail du rêve, y sont traités comme des choses, c’est-à-dire selon leur matérialité sonore et indépendamment de la signification. L’inconscient, refoulé dans la névrose, serait ainsi selon les propres termes de Freud, saisissable à ciel ouvert dans la schizophrénie, mais sans que le sujet puisse pour autant se l’approprier.

Lacan repartira, entre autres, de cette conception de la schizophrénie, pour avancer que l’inconscient est structuré comme un langage, proposition qui résout la contradiction dans les termes que constitue chez Freud la notion de représentations inconscientes. Jusqu’à la fin de son enseignement, il soutiendra que l’inconscient n’a de corps que de mots. Si des mots, éléments du Symbolique, peuvent être refoulés dans le Réel de l’inconscient, les représentations, qui appartiennent à la catégorie de l’Imaginaire, ne le peuvent pas. Dans la schizophrénie, c’est tout le symbolique, tous les mots qui, sur un mode néanmoins réversible, ont tendance à devenir réels, ainsi qu’en témoigne la schizophasie.

Il conviendra de questionner, à partir de la lecture de textes et d’exemples cliniques, ces conceptions psychanalytiques de la schizophrénie.
Seront également questionnés la raison de la disparition de la schizophrénie comme entité dans la classification américaine du DSM, remplacée par les troubles du spectre schizophrénique, les apports de la psychiatrie institutionnelle ainsi que les effets positifs et négatifs du traitement neuroleptique de longue durée.

De même qu’une tribune parue dans le journal Le Monde il y a un an, signée par un collectif international et appelant à un débat national inclusif afin de supprimer le terme schizophrénie, considéré comme stigmatisant et le remplacer par un autre à déterminer. Le Japon est donné en exemple, où depuis 2002 le trouble de l’intégration s’est substitué à celui de déchirure de l’esprit. 

Notes