Charles Melman, le fondateur de notre École, considérait que l’obstacle majeur à ce que la psychopathologie devienne une discipline rigoureuse tenait à son enracinement persistant dans le modèle du savoir médical. À savoir que la cause de la souffrance est à rechercher dans le corps, ici au niveau du cerveau.
Et ce, malgré Freud qui avait mis en évidence dès 1895, grâce à une stricte expérience de parole, la talking cure, que le symptôme hystérique, accompagné ou pas de manifestations corporelles, avait une signification pour le sujet et était à situer comme un fait de discours. Il est remarquable que l’inventeur de la psychanalyse ait tout de suite repéré en effet, que les manifestations amoureuses de ses patientes ne lui étaient pas destinées mais s’adressaient à un autre qui restait à identifier, phénomène qu’il a nommé transfert.
Il n'est pas étonnant à cet égard que ce soit en 1980, en plein développement des neurosciences aux États-Unis, que l’hystérie, attachée au nom de Freud et promue par Lacan au rang d’un des quatre discours organisant le lien social, ait disparu de la classification internationale des maladies mentales, le DSM, établi sous la responsabilité de l’Association de Psychiatrie Américaine.
Ainsi, deux méthodes s’opposent dans l’approche de la psychopathologie : l’une fondée sur le regard et l’observation, la chimie et l’imagerie cérébrales, l’autre sur la lecture de la littéralité inconsciente qui organise le discours tenu par le sujet.
Prendre en compte sérieusement que la psychopathologie relève d’effets d’écriture à déchiffrer constituerait un franchissement considérable par rapport à la procédure qui est à l’œuvre dans le savoir médical. Tant sur le plan de la distinction entre le normal et le pathologique ou le rapport à autrui dans les différentes modalités du lien social, que sur la causalité matérielle, celle du signifiant et de la lettre, en jeu dans la distribution des différents phénomènes cliniques.