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Samedi 30 septembre 2017

INTRODUTION A LA JOURNEE DU 30 SEPTEMBRE A NICE.

DU TEMPS SOCIAL AU TEMPS SUBJECTIF DU TRAUMATISME LORS D’UN ATTENTAT TERRORISTE

Cette journée d’étude « Du temps social au temps subjectif du traumatisme lors des attentats terroristes » ouvre un travail de recherche que l’EPHEP et l’Association Chrysalides mènent concernant les malaises contemporains dans la culture.

Les traumatismes de masse ne sont pas nouveaux dans l’histoire de notre humanité ; cette guerre sourde ou assourdissante autant sur la toile que dans nos villes européennes n’est pas que réelle en Syrie. Elle a désormais contaminé notre jeunesse la plus fragile et nous interpelle quant à notre responsabilité.

Cette forme de terrorisme, d’actes sacrificiels au nom d’une autre forme de culture, d’une autre jouissance, c'est-à-dire d’un autre rapport au Réel nous obligent à reconsidérer notre lecture à la fois de la psychologie collective et de la psychologie individuelle.

Dans son séminaire de 1993, 1994, « Problèmes posés à la psychanalyse » que nous avons travaillé avec certains d’entre vous, Charles Melman qui est là avec nous et qui nous fait le grand honneur de sa présence et de sa participation, soulève des questions mais aussi apporte des réponses quant à ce changement de coordonnées, de ce qu’il appelle le point fixe et de ses conséquences sur le traitement du symptôme. C'est-à-dire de ce qui ne va pas autant dans l’organisation de la vie collective que psychique, et qui se manifeste dans les malaises contemporains de la culture.

Je ne peux pas développer ces questions ici, mais c’est un travail qui reste en cours. Je vous recommande la lecture de ce séminaire.

 Je vis et je travaille dans cette ville depuis 37 ans, l’attentat du 14 juillet restera pour moi un événement marquant dans mon rapport à cette ville et aussi à mon métier.

 Les jours qui ont suivi dans l’écoute des patients à mon cabinet, dans l’écoute des équipes de professionnels mobilisées sur le terrain de la prise en charge des victimes, des blessés de leur famille puis ensuite dans l’écoute des enfants et leur famille dès septembre 2016 au sein de l’Association Chrysalides j’ai mesuré « le traumatisme-même » avec lequel nous devions, vous deviez, désormais travailler.

En novembre 2016, l’Association Chrysalides expérimentant des modalités de prise en charge a sollicité notre collègue et ami Fernando Bayro-Corrochano, lui-même impliqué dans le suivi de patients du 13 novembre à Paris. Fernando est venu nous présenter à Nice son travail en tant qu’art thérapeute, nous avons pu le mettre en place dans le cadre d’un Atelier avec des enfants, des adolescents et leurs parents.

Durant une année, les effets de cet événement, de cet attentat, avec sa dimension surréaliste, dépassant la dimension du Réel et de l’imaginaire, a résonné pour chacun d’entre nous, et surtout cet événement résonne encore pour les professionnels qui continuent aujourd’hui de suivre ceux et celles qui ont été fauchés par le camion et qui restent blessés dans leur chair et dans leur être.

Avec deux personnes présentes ici qui me sont très proches le 14 juillet 2017 nous avons silencieusement suivi la commémoration puis écouté le concert, assis à même le sol, sur la place Massena. Puis, quand les ballons ont disparu dans le ciel nous sommes partis.

Cette belle commémoration du 14 juillet 2017 est venue dans un temps social précis mais également personnel, individuel, intime, subjectif apporter une dimension symbolique, de symbolisation pour rétablir le nouage entre ces trois dimensions (le Réel, le Symbolique, et l’Imaginaire) qui a volé en éclat lors de l’attentat.

 Le nouage de ces trois dimensions, fait tenir à la fois notre lien social et notre organisation psychique de sujet parlant.

Cette commémoration aura nous l’espérons, permis que notre lien social et nos histoires individuelles se renouvellent.

C’est avec ces équipes niçoises et nos collègues de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes en psychopathologie, de l’Association Lacanienne Internationale, et d’autres associations psychanalytiques que nous avons élaboré cette journée. Je les remercie pour la confiance qu’ils m’ont témoignée.

Aujourd’hui, 30 septembre 2017, vous l’aurez compris à la lecture de notre programme, cette journée est dédiée avant tout aux professionnels de terrain qui vont pouvoir pour reprendre l’expression de Samira Adda, chef de service de L’IAE Montjoye, « faire un retour sur expérience ».

Concernant les professionnels, ils ne seront pas tous là aujourd’hui, mais la majorité ont répondu à mon invitation, je souhaiterais remercier le Docteur Florence Askenazy (Hôpital Lenval) prise dans une autre journée, Le Docteur Michel Benoit de l’Hôpital Pasteur, le docteur Pol-Henri Guivarch de l’ARS, également Réné Garcia qui a mis en place le DU de psycho-trauma, Le docteur Jover nous en parlera peut-être rapidement.

Les professionnels que j’ai rencontrés, écoutés, mettent et remettent au travail depuis de nombreux mois avec une certaine éthique, une certaine recherche, une certaine justesse dans leurs pratiques, j’en témoigne, la question de la prise en charge des « victimes ».

Ces professionnels sont toujours au travail pour accompagner les victimes, penser des dispositifs, faire de la recherche clinique, expérimenter des protocoles, à l’hôpital Lenval de Nice, à l’Hôpital Pasteur de Nice.

 Ces professionnels, en prenant la parole pour élaborer leurs pratiques ont bien plus « honoré la vie » qu’entre -tenu la négativité, la souffrance ou la plainte à laquelle inéluctablement les victimes sont soumises.  Ils ont fait entendre et ont fait émerger le titre de cette journée, « Du temps social au temps subjectif du traumatisme lors des attentats terroristes », la question de la temporalité sera reprise ici.

La temporalité est à la fois celle qui constitue ce que l’on appelle le noyau traumatique, et la temporalité même à prendre en compte pour sa prise en charge sociale et psychique, dans les dispositifs sociaux, juridiques médicaux et psychothérapeutiques. Car depuis les attentats terroristes, nous pouvons bien considérer que nous entretenons une culture des traumatismes avec ses toutes ses dérives.

Du coté de nos collègues psychanalystes, et psychothérapeutes qui se réfèrent à Freud et Lacan, ils ne peuvent oublier que la psychanalyse s’est élaborée, a été inventée sur ce concept de « traumatisme » avec ce magnifique texte de Freud, « L’au-delà du principe de plaisir ».

Différents textes de Charles Melman ont pu être mis en ligne sur le site de l’EPHEP, je retiendrai pour ma part en tant que psychanalyste le texte qui s’intitule « Le désir de l’analyste » c’est pour moi le point pivot sur lequel j’ai pu m’appuyer dans l’écoute des patients et des équipes, pour déplacer la question de la « victime » et du « traumatisme ».

Beaucoup d’entre vous, nous ont interpellé sur l’image de notre Flyer. Ce flyer vous a beaucoup fait parler. Monsieur Melman ou certains d’entre vous, pourriez nous en donnez une lecture.

L’illustration du flyer est une reprise d’un petit détail d’un triptyque de Gérôme Bosch que l’on peut admirer au Prado à Madrid : « Le jardin des délices » œuvre située entre 1494 et 1505. Ce détail se retrouve dans la partie qui est désignée comme « L’enfer musical ».

Ce jardin des délices se révèle en fait un Enfer pour le petit personnage pris dans ce Paradis à l’instar de notre monde contemporain et des attentats que nous subissons, mais aussi à l’instar du sacrifice des terroristes qui visent le Paradis !

Voici comment en préparant ces journées, j’ai pu lire ce détail :

Ce petit détail, ces deux oreilles épinglées : vient métaphoriser notre titre. En effet les professionnels que nous sommes en fonction de nos formations différentes mobilisent leur écoute (les deux oreilles) soit sur un bord plus social, politique ou bien soit sur un bord plus subjectif dans l’écoute de la parole singulière. Concernant les attentats terroristes, les deux écoutes sont épinglées, pas l’une sans l’autre. Aussi les professionnels qui ont construit cette journée, se sont souvent interrogés pour savoir où se trouve la coupure, pour repérer sur quel bord ils travaillent ? Les psychologues et psychothérapeutes ont dégagés la question de savoir quelle coupure pouvait permettre de déloger la victime et commencer un travail de subjectivation ?

Je voudrais enfin remercier Marie-Jeanne Hamon, la présidente de l’Association Chrysalides et Neang Tea, son trésorier sans qui cette journée n’aurait pas eu lieu.

Christine Dura Tea, le 30 septembre 2017

                                   

Notes