Sur la sensi bi lité
Chacun peut en faire l'épreuve, à peu de frais. Un dîner, un spectacle, un concert, une visite etc. ne sont pas les mêmes selon qu'on est seul, en compagnie d'amis ou bien en couple. Les épousailles accomplies dans ces cas avec l'environnement impliquent qu'elles aient eu lieu d'abord à l'intérieur du couple. C'est ainsi ce binôme qui devrait être le support des études sur la sensi bi lité. Elles montreraient que ce binôme est en réalité un ternaire : il se noue en effet à l'instance qualifiée de divine, paternelle ou phallique selon que l'on est religieux, filial ou psychanalyste et qui est ordonnatrice sinon médiatrice de la relation entre les deux. Elle ne rend pas la sensi bi lité identique, au contraire. Car elle implique des points de vue différents mais qui par une subtile et mystérieuse alchimie s'accordent sans se conjoindre. Elle nous introduit au cœur du problème : celui de l'espace à préserver qui rende l'union désirable sans aboutir à la confusion, et de sorte qu'il substitue à la référence tierce signalée plus haut l'éther de l'amour voulu et partagé.
Les correspondances littéraires amoureuses sont les documents cliniques de ces tentatives. Il n'y a pas d'obstacle à la volonté des élèves qui voudraient s'y intéresser.
Ch. Melman
P.S. Nous avons organisé avec ART Press un concours pour imaginer et écrire la lettre que Nora aurait pu adresser à James Joyce