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Quand
Samedi 8 février 2014

Intervention de Charles Melman à la journée EPhEP  

L'égalité est-elle compatible avec nos différences ? "

Troyes février 2014

J’ai été évidemment admiratif, à la fois de l’exposé d’Évelyne Bruant extrêmement précis dans son élaboration théorique, et puis ensuite du vôtre, Madame, puisque vous avez là où j’espérai […] – et ce qu’il dit justement sur les rapports entre homme et femme et qui sont toujours fort intéressants –, vous avez choisi un auteur très moderne, puisque justement, il traite du rapport au semblable en éliminant cette différence, dont on peut quand même estimer qu’elle n’est pas quelconque et qui est donc la différence sexuelle.

Je n’entrerai pas dans les anecdotes, puisqu’il m’est arrivé d’avoir l’occasion de connaitre un peu ce qu’il en était de la vie familiale d’Emmanuel Levinas, et il est bien évident qu’il était comme la plupart, c’est-à-dire concerné bien sûr par les rapports qu’on peut avoir avec une femme et la mère de ses enfants, tout ça est bien normal, sauf qu’on s’étonnera que dès lors, cette relation qui ne peut pas être quelconque, soit radicalement absente de son élaboration théorique.

Je lisais, je découvrais ce fait que nous sommes ici à l’Hôtel du Petit Louvre, dans un lieu qui fut occupé, visité par Jeanne d’Arc. C’est génial ! C’est génial puisqu’elle précède, si je puis dire depuis quelques siècles notre propos, dans la mesure où elle illustre le fait que, quand les hommes ne font pas leur travail ou qu’ils se montrent incapables, pas à la hauteur, c’est-à-dire les rois de France de l’époque, pour faire leur travail, il faut bien qu’une femme le fasse. Et je dois dire, que rappeler ceci nous rappelle après tout une expérience bien commune, ce n’est pas seulement celle de Jeanne, mais  qui est celle que connaissent bien les femmes au foyer, c’est que faire l’homme, eh bien c’est bien souvent ce qui leur échoit, dans la mesure où, comme on le sait, le compagnon a parfois hélas trop souvent un certain nombre de difficultés pour tenir sa place et accomplir sa tâche. Et donc ceci, je crois nous rappelle que dans l’histoire, finalement on a toujours demandé aux femmes de venir suppléer ce que justement, là, ce à quoi les hommes venaient faire défaut. Alors il y a eu un temps où on les a confinées au domicile : s’occuper des enfants, du ménage, de leur éducation, etc. ; et puis, je le rappelle souvent, quand il y eut la guerre, eh bien il a fallu qu’elles aillent à l’usine et tenir la charrue ; et puis elles l’ont fait très bien et avec beaucoup de courage, de vaillance, de capacité, elles l’ont très bien fait. Et puis la guerre a été finie et il a fallu repeupler ! Alors on les a renvoyées à la maison, et puis on les a chargées de repeupler une France qui avait perdu quatre millions d’hommes ! Et puis avec la dernière guerre, le pays était en ruine, il fallait reconstruire : on les a remise à l’usine, on les a remise dans le commerce, dans le travail, etc., on les a de nouveau retirées de leur foyer. Et puis aujourd’hui, nous en sommes arrivés à ce point, où la demande qu’on leur adresse devient beaucoup plus précise, devient beaucoup plus nette, et qui est de répondre – je ne le dirais pas autrement même si ça parait un peu cru – à ce qui a toujours été l’aspiration homosexuelle profonde de l’homme. C’est tout à fait clair dans l’Antiquité. La religion est venue là je dirais casser cette aspiration de l’homme à l’homosexualité, en faisant, en établissant ce qu’il en était d’un devoir conjugal. Mais cette aspiration, elle subsiste, et aujourd’hui il est claire qu’elle triomphe, puisque cette revendication qui est faite à l’égalité, ne veut pas dire autre chose, c’est qu’on sera tous des  copains. Alors vous me direz : « C’est pas vrai, il y en a, il y aura pourquoi pas aussi des copines, etc. » Oui, bien sûr ! Mais dans l’ensemble, dans la mesure où se formera une communauté homogène où le sexe n’aura plus aucune valeur différentielle, eh bien il est clair que ce qui va dominer, ce sera le trait de virilité accrochée à l’ensemble. On sera peut-être des copines, mais au titre de se soutenir d’une certaine virilité. Autrement dit, que ce qui est en quelque sorte en marche, ça a un nom très simple, ça s’appelle – c’est bizarre qu’on ne le situe pas comme ça, moi ça m’étonne un petit peu – : c’est l’extinction de la féminité.

Y en a marre de la féminité ! Ça nous casse les pieds ! Ça me, nous casse les pieds, parce que, comme on le sait, ça marche exceptionnellement bien ! Donc il vaut beaucoup mieux, compte tenu en outre du fait que la revendication de ce malaise sexuel est essentiellement porté par les femmes, mais les hommes n’ont pas moins à se plaindre, puisque ça marche mal ! Donc la solution de l’affaire, c’est tout simplement l’extinction de la féminité. Et je dois dire que pour ma part, dans ce qui était il y a quelques années, puisque j’ai eu tort de m’engager dans ces affaires où il faut assurément être aujourd’hui aussi prudent que dans une société totalitaire ! Il faut y aller avec précaution, parce qu’on se fait jeter avec une rapidité absolument… ou étiqueté avec une rapidité tout à fait exemplaire ! Eh bien j’ai pu raconter à la radio, que vouloir rendre les femmes égales aux hommes, mais c’était la pire des injustices qu’on pouvait commettre à leur égard, parce que quand même, entre nous, sérieusement, il est bien évident qu’elles ont un ensemble de qualités, de valeurs, de vertus, de capacités, comme je viens de le rappeler par exemple, pour occuper tous ces rôles qu’on a pu leur assigner dans l’histoire, voire qu’on a assigné à Jeanne, et que vouloir donc les rendre égales aux bonhommes, dont il faut quand même souligner que notre culture ne leur fait pas la place belle ! C’est pas terrible aujourd’hui d’avoir à soutenir ce qu’il en serait la dignité d’être un homme ! Ça consiste en quoi aujourd’hui ? Si l’on a des enfants et que l’on voudrait leur transmettre quelque chose qui serait au-delà de leur carrière professionnelle, puisque c’est aujourd’hui le principal souci des parents, mais leur transmettre quelque chose qui serait de la dignité de se tenir comme un homme ! Ça consiste en quoi ? Qui oserait aujourd’hui venir donner quelques traits, quelques critères, quelques définitions de ce qui serait aujourd’hui être un homme ? On ne sait plus ! Comment dois-je me tenir ? Comment dois-je parler ? A quoi ne dois-je pas renoncer, puisque notre société est faite de renoncements acceptés par les uns et par les autres ? Donc simplement ce fait que je rappelais tout à l’heure à notre ami journaliste qui a bien voulu être présent, c’est que cette égalité à laquelle nous aspirons dans notre société libérale, elle a déjà été réalisée dans les sociétés totalitaires ! Il est bien évident que – je vous le faisais remarquer, Monsieur –, qu’à l’époque du nazisme, les femmes étaient des combattantes, ne serait-ce qu’à tenir leur place au foyer, mais c’était des places de combattantes, pas seulement dans les usines ! C’était en tant que soldat qu’elles étaient appelées à fonctionner avec les devoirs du soldat, et elles le faisaient je dois le dire avec manifestement une acceptation plutôt volontaire, pas du tout contrainte. Dans les régimes communistes, il est bien évident que les femmes étaient des travailleuses à l’égal des hommes, si ce n’est d’ailleurs qu’on attendait souvent davantage encore d’elles. Le régime chinois, c’est même pas la peine d’en parler, etc., et voilà ! Et voilà que dans notre société libérale, eh bien resurgit bizarrement cette aspiration, cette… c’est plus qu’une aspiration, c’est une imposition ! Je dois dire que si vous pensez un petit peu différemment, je dis bien, étrange dans une société libérale, vous vous faites exclure ! Ce n’est pas compliqué, moi dans ma jeunesse, j’ai tenté de discuter avec les protagonistes de cette affaire, et en particulier avec cette dame qui s’appelle Martine Gross et qui est la représentante des mouvements lesbiens en France, j’ai tenté de discuter avec un honorable professeur, à l’époque il était à Normal…anormal (rire), Monsieur Éric Fassin, etc. Vous ne pouvez pas, il n’y a pas de discussion ! Qu’est-ce que ça veut dire qu’il n’y a pas de discussion ? Eh bien ça veut dire qu’il n’y a plus de terrain commun, il n’y a plus de terrain à partager, il n’y a plus… on se met dans le même ensemble, et puis on se réfère à une certaine supposée rationalité. Mais pas du tout ! C’est une opinion qui tranche et qui a la force de décider de l’exclusion de ce […]. En tout cas ce qui à chaque fois m’est arrivé, c’est-à-dire de me trouver… immédiatement on vous colle un certain nombre d’étiquettes, etc. Or de quoi s’agit-il ? Parce qu’il est clair que dans l’ensemble chacun d’entre nous, tout en essayant de s’appuyer sur des arguments rationnels, au fond sa position elle lui vient toute seule, au fond il ne sait pas très bien ce qu’il dit, mais il sait qu’il le dit avec force. C’est normal sur un sujet comme celui-là !  C’est comme sur la question de l’identité. Est-ce que ça relève de la discussion, est-ce que ça relève de la  rationalité ou est-ce qu’elle relève de l’engagement de chacun vis-à-vis de problèmes identitaires ? Donc il est normal que chacun parle à partir de son propre engagement subjectif dans l’affaire, mais avec la question qui surgit aussitôt : Y-a-t-il, est-ce que j’oserais dire une rationalité commune qui pourrait valoir pour les uns et pour les autres ou y-a-t-il en quelque sorte une référence, un référent commun, un tiers commun qui ne serait pas un tribunal, mais qui ferait que nous serions obligés de convenir que c’est par rapport à ce tiers que nous avons à nous décider, pas seulement en fonction de nos engagements subjectifs ?

Alors pour l’évoquer, parce que je vais vite fait être très rapide là-dessus, la remarque suivante : Aujourd’hui, ce qui est promu, c’est que l’identité sexuelle est un rôle social, est une convenance sociale, et donc où chacun finalement en fait ce qu’il veut, et pas forcément avec une détermination qui doit être permanente et que je dirais au gré des circonstances, des rencontres, en fonction de l’humeur, des expériences qu’il y a faites, chacun peut ainsi jouer, prendre le rôle de l’identité sexuelle qui lui plairait, comme si donc cette identité était à notre disposition, relevait de notre bon vouloir. La question se pose également, vous le remarquerez à ce propos, au sujet du corps. Est-ce que je suis le propriétaire de mon corps ? Est-ce que je peux décider par exemple d’y mettre fin à la vie qui anime mon corps au gré je dirai de… C’est des problèmes évidemment contemporains. Or qu’est-ce qui se passe à la naissance du bébé ? Ce qui se passe c’est très simple ! C’est que comme cette naissance est marquée d’une différence des sexes… les biologistes feront-ils des progrès à cet égard, mais pour le moment c’est encore comme ça, il y a une différence des sexes : petit garçon ou petite fille. Et cette différence des sexes a une valeur éminemment, pas seulement réelle, mais symbolique. Elle est symbolique de quoi ? Elle est symbolique de ceci, c’est que chacun des deux sexes est promu, est promis à ce qui sera une vie sexuelle chargée en quelque sorte d’assurer la continuité de la lignée. C’est comme ça que c’est vécu, la naissance d’un garçon ou de la petite fille. Ça veut dire que chacun de ces deux-là est promis à une vie sexuelle et destiné, dans  des cas qui ne sont pas obligés mais qui sont néanmoins fréquents, à perpétuer la lignée d’où il sort, d’où il vient. Donc l’identité sexuelle à une valeur chaque fois symbolique, elle est symbolique de ce destin. Là aussi, comment ne fait-on pas remarquer que vouloir substituer à cette différence une égalité entre les sexes, c'est du même coup, il faut bien le dire comme ça – tout à l’heure j’évoquais l’extinction de la féminité –, mais c’est l’extinction du désir sexuel, de la sexualité ! Et ce que je raconte là, c’est pas une anticipation, puisqu’il y a déjà dans certains pays la possibilité d’identifier son sexe en spécifiant qu’il est neutre, qu’il est ni l’un ni l’autre !

Il me semble que dans le débat qui nous anime, qui anime notre fonctionnement social, il y aurait lieu de poser la question en ces termes : Veut-on abolir ce qu’il en est de la féminité ? Ce qui, je dirais à partir de mon engagement à moi personnel, paraitrait étendre sur le monde une chape grise à laquelle je n’ai pas une spéciale attraction… J’ai connu un petit peu les architectures des sociétés totalitaires, c’est exemplaire de ça ! Vous n’aviez aucune couleur : les immeubles étaient uniformes, et il est évident que les femmes ne se distinguaient pas spécialement, et peut-être surtout pas par quelques attraits ou signes extérieurs, par quelques couleurs, de leurs camarades… Extinction de la féminité, extinction du sexe !

C’est vrai que le sexe nous embête ! Mais c’est tout à fait vrai ! Il nous embête parce que chacun de nous a forcément rencontré un certain nombre de difficultés dans l’assomption de son identité sexuelle et de sa vie sexuelle. C’est vrai ! Alors est-ce qu’on sera mieux en faisant comme Levinas, et en le mettant entre parenthèse, en suspension ? Disons....c’est terminé, on va passer à autre chose ! Autre chose, quoi ? C’est pas n’importe quoi autre chose ! Quel est le mécanisme, quelle est la force qui est là en jeu ? Moi je le présenterai comme ça : c’est que finalement, la relation sexuelle privée, intime, volontaire, celle qui peut aboutir à un partage conjugal ou un compagnonnage, elle est encore aujourd’hui le seul domaine qui échappe à la vénalité, à la commercialisation. La vie conjugale entre partenaires, dans les bons cas, c’est pas encore tarifé. Ça va peut-être venir, non ? Je ne sais pas d’ailleurs qui devra payer l’autre ? On verra bien ! Mais en tout cas c’est encore ce qui échappe à la vénalité. Notre système de fonctionnement a totalement tiré parti commercial de tout ce qui peut se présenter, tout ! C’est ce qui fait partie de notre développement économique : il faut que l’économie, comme vous le savez, ait une croissance, sinon on ne peut pas donner de travail aux gens. Donc il faut toujours consommer plus, sinon les jeunes qui arrivent ne peuvent pas avoir de travail. Donc nous sommes contraints à consommer davantage pour donner du travail à nos enfants ! Il faut que les parents deviennent obèses pour que leurs enfants puissent avoir du travail ! Je plaisante ? Ce n’est pas une plaisanterie ! Vous allez aux Etats-Unis, vous verrez de quelle manière ça saute immédiatement aux yeux. Et donc la façon dont nous allons en quelque sorte annuler l’un des derniers domaines qui dans les relations humaines, dans les échanges entre êtres humains, pouvait échapper à la commercialisation.

Pour m’amuser et pour conclure la chose, je faisais remarquer tout à l’heure, que cette égalité aujourd’hui entre homme et femme, elle avait déjà été accomplie par les sociétés totalitaires. Il y a actuellement un autre mouvement par lequel nous sommes concernés, ce sont les interventions faites à l’endroit du fonctionnement familial. Je veux dire c’est donc l’école, c’est-à-dire l’école publique, c’est-à-dire donc l’Etat qui viendrait régler ce qu’il en serait de la morale à l’intérieur du groupe familiale. C’est une affaire remarquable ! Surprenante ! Géniale ! Pourquoi ? Eh bien parce que, justement, ça a toujours été le cas dans les régimes totalitaires ! Les régimes totalitaires, ils sont toujours intervenus pour discréditer le papa dans la famille et puis faire que ce soit la morale du chef, de l’Etat, de la bonne conduite, du bon comportement social, qui vienne régler le… Il y a là-dessus une pièce de Brecht, je ne sais plus comment elle s’appelle, mais qui est à cet égard tout à fait évocatrice, c’est très joli, et où c’est le gamin qui appartient à la jeunesse hitlérienne, et qui avec son brassard vient apprendre, dénoncer le comportement des parents à la maison, parce que vraiment ils ne se tiennent pas comme il faut ! Y compris quant à la pudeur ! Ils ne sont pas corrects quoi ! Et alors, extraordinaire ! Là aussi nous y sommes dans cette affaire !

Dernière remarque encore à ce sujet : Les régimes totalitaires ont toujours eu pour référent idéologique quoi ? La biologie. Les références biologiques ont été déterminantes sous le régime nazi, elles ont prévalues sous le régime communiste, en Chine, je ne sais pas, je manque d’informations, mon information n'est pas assez fine à cet égard. Mais en tout cas, la référence à la biologie, autrement dit c’est l’organisme qui commande. C’est pas vous ! C’est pas le sujet ! C’est pas la singularité ! C’est pas l’individu, la personne ! Non ! C’est le corps qui commande ! C’est donc un corps évidemment qui devient d’abord celui du consommateur, et puis ensuite dont il y a à régler les conduites, il faut que ses conduites soient correctes. Ça s’appelle dans notre culture le comportementalisme. On rééduque les gens pour leur apprendre les bonnes conduites. On se fout de savoir ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent, ce qu’ils craignent, ce qu’ils aiment, ce qu’ils… ça n’intéresse pas, ce qui importe ce sont ces bonnes conduites.

Et donc – et je vais si vous le permettez presque terminez là-dessus – la surprise de constater de quelle manière je vais donner un nom à cette affaire : On évoque souvent le soft power. Moi je dirais que ce qui s’impose là, de manière je dis bien qui ne me parait pas discutable, qui ne relève pas d’un discours ou d’un échange, moi j’appelle ça la soft tyranny. Une tyrannie douce ! Y a pas de chef, y a pas d’armée, y a pas de police pour l’imposer ! Il y a juste l’opinion commune, la doxa, la règle commune, et si vous ne la partager pas, vous vous trouvez jetés ! Et donc, puisque j’évoque ce dernier aspect, et puisque vous nous parliez de Levinas, il y a une dimension majeure que nous vivons sans forcément l’identifier et qui est extrêmement précieuse, parce qu’elle est un signe de notre humanité, cette dimension ça s’appelle l’altérité. L’altérité ça veut dire être capable d’avoir identifié autrui comme étant ni un semblable ni un étranger. Aujourd’hui, notre tendance générale, fréquente en période de crise, c’est de vouloir constituer des ensembles homogènes protégés par une frontière, et avec à l’extérieur l’étranger, forcément menaçant du même coup, ou avec lequel il y a des comptes à régler. Eh bien il se trouve justement qu’une femme est éminemment représentante de l’altérité parce qu’elle n’est pas semblable, elle n’est pas étrangère ! Vous me direz qu’évidemment il y a des mariages mixtes aussi, mais dans ce cas-là, c’est pas dans les bons cas au titre d’étrangère qu’elle intervient dans le couple, mais c’est pour venir occuper la place justement de l’altérité, et cette place de l’altérité est également celle qui commande la place de l’objet propre à entretenir le désir qui n’est pas un objet hostile, un objet persécutif, et qui est un objet autre. Autre, c’est-à-dire qu’il n’est pas comme moi, mais néanmoins il ne relève pas d’une identité autre que la mienne. Eh bien, comme vous le voyez, dans les préoccupations culturelles contemporaines, et dont le domaine est extrêmement vaste puisque ça concerne aussi bien la vie privée que la vie sociale, et pour être extrêmement précis les prochaines élections européennes, ces problèmes-là sont là ! Et vous pouvez assister, à suivre la presse, la télé, les médias, etc., l’embarras avec lequel nos autorités politiques, morales et culturelles, la façon dont elles peinent pour nous répondre et nous orienter sur ces questions.

Donc si en cette matière inattendue, en ce domaine inattendu, l’enseignement de Freud et celui de Lacan sont susceptibles de façon tellement étonnante, tellement bizarre –  ça ne parait pas aller de soi quand même ! –, de venir introduire là des éléments de réflexions, des concepts qui peuvent nous aider à nous orienter et à ne pas devenir trop cinglé, parce qu'on lest déjà pas mal ! Donc eh bien voilà, ça peut là nous aider à ne pas nous perdre. Et ce n’est pas moi qui vous apprendrai dans ce lieu historique, admirable, toutes les façons dont on s’est perdu dans l’histoire, quelle est notre pente si facile à nous égarer, à nous perdre à notre détriment !

Donc simplement pour dire, que sans chercher à convaincre quiconque, simplement l’intérêt qu’il peut y avoir à poser des questions de façon claire et explicite : Est-ce que vous voulez la disparition de la féminité, de la sexualité au profit de toutes les autres consommations, vénales celles-là, bien sûr !? Est-ce que vous voulez l’annulation de l’altérité ?

Il y a près de quarante ans maintenant, et dans l’un de ses derniers séminaires, et alors qu’il était déjà pas mal malade, Lacan nous a dit un truc, c’était en 1978 je pense, une chose qui à l’époque nous a paru...D'où est-ce qu'il sort une histoire pareille ?  il nous a dit : « Vous croyez que la ségrégation, vous croyez qu’elle est derrière vous ? Eh bien vous n’avez encore rien vu ! Elle vous attend, c’est devant vous la ségrégation ». C’est-à-dire cette tentation de constituer des ensembles parfaitement homogènes, et déjà maintenant. Donc ne sera plus reconnue explicitement la différence des sexes, qui se tiennent grâce à une frontière au-delà de laquelle s’arrête l’humanité,et de même adviendra l’incapacité de reconnaitre l’humanité dans celui qui n’appartient pas  à l’ensemble dont je relève. Ça c’est abominable ! Et c’est ça la ségrégation ! Donc voilà à propos de questions qui semblent générales et badines, le type de problèmes qui nous arrivent et dont nous aurons à trancher.

Voilà, merci pour votre attention

Charles Melman

Notes