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EPhEP, MTh3-ES9-3, le 07/10/2021

Bonsoir à tous et à toutes - s’il est possible de dire « à toutes ».
Il m’a été posé une question en début de séance et en aparté, importante, que j’aimerais tout de suite traiter parce que je ne voudrais pas que nous nous fourvoyions dans une théorie lacanienne dévoyée.
La question est de savoir ce qu’il en est de la jouissance. 
J’en ai traité la fois dernière, j’ai parlé de la renonciation à l’objet, cause du désir, et j’ai même parlé de renonciation à la jouissance à propos de Pascal. J’ai même parlé de la renonciation à l’objet à propos des pépères : Vous vous en souvenez ?
Alors il y a tout un débat et toute une difficulté autour du fait de savoir à quelle jouissance il s’agirait de renoncer. J’ai fini par le « jouir de la mère est interdit », j’espère que vous avez bien entendu : le jouir de la mère est interdit.

Parce que s’il y a une jouissance à laquelle il convient de renoncer pour un sujet, si le sujet veut accéder à son statut de sujet, c’est au jouir de la mère, ce qui nous situe l’enjeu du côté du complexe d’œdipe et de l’interdit de l’inceste. C’est au jouir de la mère qu’il est nécessaire de renoncer et la mère à aussi à renoncer à son jouir du côté de l’enfant. Ceci pour dire qu’il ne s’agit pas d’un jansénisme nouvelle manière dans le lacanisme que je vous enseigne.

J’anticipe sur la suite, et vous le verrez avec mon collègue sur le nœud borroméen. Dans le nœud borroméen, vous vous souvenez du nœud à trois que je vous ai montré : il y a la jouissance phallique à l’intersection du Réel et du Symbolique, la jouissance autre à l’intersection du Réel et de l’Imaginaire et la jouissance du sens à l’intersection de l’Imaginaire et du Symbolique.

Et donc point de renonciation à ces jouissances-là puisqu’elles constituent l’ossature du sujet. On n’est pas dans un jansénisme.

Je disais donc, pour que les gens se repèrent, que, la jouissance, il y est renoncé au départ, pour condition des autres jouissances : la jouissance phallique, la jouissance autre et la jouissance du sens.

C’est-à-dire qu’il y a une renonciation à la jouissance effectivement mais ça ne veut pas dire que toute la vie constitue une privation complète et radicale de toute jouissance. Je préfère que ce contresens ne soit pas fait au départ. Je crains, j’ai cru comprendre que ce contresens pouvait être fait.

Lacan a évolué dans sa théorie et il a précisé sa théorie de la jouissance. Et c’est vrai qu’elle est dans son plein épanouissement à la fin de son enseignement lorsqu’il parle du nœud borroméen. Encore plus, la jouissance phallique, la jouissance autre et la jouissance du sens encerclent l’objet petit a, donc ils sont en quelque sorte constitutifs de ce qui enserre l’objet petit a.

Donc la personne qui me posait la question de la jouissance et de la renonciation à la jouissance me faisait cette remarque très pertinente que dans le séminaire Encore, il est indissociable, « Encore », ce n’est pas n’importe quoi comme titre en… core, en… corps, encore ! et encore. On est tout à fait dans le registre de la jouissance et de la jouissance féminine en l’occurrence.

Mais je ne vais pas vous parler de la jouissance mais du plus-de-jouir qui est en rapport avec la jouissance, ce soir.

Quel est le point de départ de Lacan ? Une idée simple qui se résume de la façon suivante. Il y a, entre la théorie de la plus-value et celle de l’objet petit a, dont je vous ai parlé la fois précédente, objet « petit a » dédié à la jouissance, une homologie de structure. Terme bien savant.

Alors qu’est-ce qu’une homologie ?

Une homologie, c’est une notion mathématique, qui signifie au sens large que l’on a affaire, homo-logos, à la même logique, à la même rationalité, au même discours. Donc on a affaire avec l’objet petit a et avec la théorie de la plus-value à la même logique.

Une homologie de structure, c’est le lien qui unit plusieurs éléments distincts qui n’ont de signification qu’à l’intérieur de cette structure. Prenez la table par exemple. Les quatre pieds de la table n’ont de sens que les uns par rapport aux autres, en tant qu’ils soutiennent la table. C’est la structure de la table, avec son tablier.

La plus-value n’a de signification qu’inscrite dans un discours. Nous parlerons des quatre discours plus loin, mais je vous en ai évoqué déjà deux : le discours du maître, où vous voyez qu’il y a quatre pieds, et le discours du capitaliste, où vous voyez aussi qu’il y a quatre pieds. Il y a une table et quatre pieds.

Lacan nous dit : « c’est la même étoffe sur laquelle s’exerce le trait de ciseaux du discours » ; reprenez la citation : « c’est la même étoffe sur laquelle s’exerce le trait de ciseaux de discours ». Déjà l’étoffe, c’est une métaphore que Lacan utilise et utilisera de plus en plus avec le nœud borroméen, puisque nous sommes faits d’étoffe, nous portons des habits et notre discours est une étoffe, l’étoffe de notre semblant.

Pour le dire autrement, Marx découvre avec le mécanisme de la plus-value, le mécanisme fondamental du capitalisme en même temps qu’il met en évidence la cause du désir subjectif dans le lien social et au-delà, la cause du lien social.

À quoi s’intéresse-t-il à propos de l’objet plus-value ?

Les gens savants ? Et qui s’avancent ?

Étudiante : À l’économie de la jouissance ?

 Mr Cathelineau : Oui, à l’économie de la jouissance.

Il s’intéresse à la relation privilégiée que le sujet de l’inconscient entretient avec cet objet dédié à la jouissance. C’est un objet qui est dédié à la jouissance et ce n’est pas par hasard si la référence à Pascal croise dans le Séminaire D’un Autre à l’autre celle de Marx. Tous deux ont affaire dans leurs recherches à cette économie de la jouissance, à cet objet en tant qu’il est dédié à la jouissance. Et cet objet est au cœur de leurs problématiques respectives.

Pourquoi – question – la plus-value est-elle le concept, le plus important et le plus original de Marx ?  

Étudiant : Parce que le capitaliste veut accéder à cette plus-value en exploitant la classe ouvrière ; l’ouvrier, lui veut accéder aux plus-values.

Mr Cathelineau :  Oui, on peut dire cela, c’est la clé de voûte du capital, la clé de voûte du capital par lequel le capitalisme accède à ce qui soutient l’édifice de la jouissance. C’est la clé de voûte.

Alors nouvelle question. Vous avez le droit de répondre, n’est-ce pas : Quelle est la finalité du système de production capitaliste ? Vous êtes plongé dans le système de production capitaliste, vous en êtes les acteurs quelle est sa finalité ?

Étudiante :  Produire et consommer toujours plus, sans limites ? Produire et consommer toujours plus ?

Mr Cathelineau :  Produire et consommer toujours plus, oui, c’est une façon de le dire.

Étudiante : Aliéner le sujet ?

Mr Cathelineau : Il y a un terme marxiste qui va dans le sens de ce que vous dites, qui est l’accumulation du capital. Il y a quelqu’un qui l’a dit dans la salle et c’est assez juste. Le profit consiste à ajouter une certaine quantité de valeur à la valeur initiale de la marchandise. On accumule de la valeur et on ajoute de la valeur à la valeur.

Prenez un exemple d’investissement : J’investis dans des restaurants à Paris. Ça ne m’arrive pas, n’est-ce pas, mais ça peut m’arriver. Je connais des gens à qui ça arrive. Qu’est-ce que je cherche ? Je cherche un profit dans cet investissement. En payant mes salariés, en payant ma marchandise, je cherche un bénéfice, je cherche un profit et donc un profit N+1, N+2, N+3. Donc une certaine quantité de valeur supplémentaire à la valeur initiale de la marchandise. Je paie mes salariés, je paie ma matière première, je cherche à accumuler un certain profit en fonction de ces salaires et de cette matière première, en plus : pas seulement le paiement des salariés et la matière première, mais quelque chose de plus, qui se dégage de la rencontre de mes salariés avec la matière première, et c’est là que surgit la plus-value.  Je suis désolé de vous parler de restauration... on en a manqué pendant deux ans. Le profit est la forme transformée de la plus-value et il procède de quelque chose que Marx appelle une extorsion, une extorsion forcée que subit le prolétaire. Alors, le prolétaire, c’est aussi bien le prolétaire que le cadre. 

Ce n’est pas parce que le cadre gagne plus qu’il n’est pas sujet à une extorsion. Il est sujet aussi à une extorsion peut-être même plus importante que le salarié. Pourquoi cette extorsion est-elle forcée ? C’est une question. Pourquoi est-elle forcée ?

C’est que ni le cadre ni l’ouvrier ne sont propriétaires des moyens de production. Et ils n’ont d’autre choix que de vendre leur force de travail, c’est leur seule ressource. L’ouvrier ne détient pas le restaurant, il ne détient pas les tables, il ne détient pas la cuisine, les machines qui sont dans la cuisine, il ne détient pas les moyens de production, et donc il ne saurait qu’en faire puisqu’il ne les détient pas. Quel est son choix pour gagner de l’argent ?

Son seul choix, c’est de se servir de ce qu’il détient, et ce qu’il détient, c’est ce que Marx appelle la force de travail. Sa force de travail, c’est son savoir-faire. C’est le savoir-faire S2, que vous voyez inscrit sur ce discours, que détient le prolétaire ou le salarié. S2, face à un S1 qui lui commande, grâce à la flèche que vous voyez partir de S1, de fabriquer de la plus-value, de l’objet petit a. Vous voyez le sens des flèches ?

Mais alors vous allez me dire pourquoi vendre sa force de travail ? On va décomposer les choses, Pourquoi vendre sa force de travail ? Pourquoi vendez-vous votre force de travail ?

Étudiante : Pour gagner sa vie ?

Mr Cathelineau : Pour gagner sa vie tout simplement. Pour vivre. On vend sa force de travail pour vivre, pour assurer sa subsistance, nous dit Marx. Il faut bien vivre ! Et donc, quel est le rapport de structure que met en évidence le capitalisme ? Il met en évidence un certain rapport de structure. Le rapport de production capitaliste présuppose donc la séparation stricte des moyens de production qui appartiennent à ceux qui détiennent le capital et qui peuvent les acheter. 

J’achète des cuisines, j’achète des restaurants, j’ai un capital de 200, de 300 000€ que je peux investir dans un restaurant pour lequel j’achète des machines et la force de travail que possède le travailleur. Il y a une séparation de structure entre la détention des moyens de production liés au capital et la force de travail.

Vous allez me dire : - mais ce n’est pas vrai, il y a des start-ups. Mais les start-ups qu’est-ce qu’elles font ? Elles vont taper à la porte des banques et essayer de convaincre les banques qu’elles sont des capitalistes suffisamment chevronnées pour que ces banques leur confient un certain capital à faire fructifier et, donc : séparation entre la détention des moyens de production et la force de travail.

C’est le principe du système capitaliste, il y a une séparation stricte entre les moyens de production, les machines, les locaux, la logistique détenue par le capitaliste et la force de travail que possède le travailleur. Vous voyez, c’est assez logique.

Aujourd’hui n’importe qui peut s’improviser capitaliste, emprunter à la banque et créer une start-up. Toutefois les conditions de l’emprunt sont encore relativement drastiques et puis, comme le disent les jeunes patrons, il y a ces fameuses ressources humaines si difficiles à gérer. C’est vrai, le plus dur dans les affaires ce sont les ressources humaines, les ressources inhumaines. 

En tout cas, le travailleur est contraint de se vendre pour survivre. Aujourd’hui, il y a tout un discours issu des écoles de commerce sur la nécessité, vous en avez entendu parler, je n’invente rien, sur la nécessité de savoir se vendre. Il faut savoir se vendre. Alors vous avez des sites en ligne qui vous présentent des CV types. Vous connaissez ça, vous connaissez les CV types ou on remplit des cases en fonction de…, bon, vous connaissez tout ça.

Il faut savoir se vendre. Donc chacun se vend comme objet plus ou moins utile sur un marché. Et ce que craignent aujourd’hui les individus, c’est surtout de perdre cette valeur marchande sur le marché. C’est de ne pas avoir la bonne gueule, le bon CV, le bon diplôme, la bonne présentation de diplôme. C’est de perdre cette valeur marchande sur le marché. C’est aussi tout le drame du chômage de masse et la culpabilité de ceux qui ne savent pas se vendre. Parce qu’il y a du chômage. Et on leur dit : « Moi je ne suis pas au chômage, j’ai réussi à me vendre ! Tu devrais faire pareil ! ».  Il faut rentrer dans le mécanisme de la concurrence entre les salariés qui doivent pouvoir se vendre sur le marché.

Que se passe-t-il quand le salarié se fait embaucher ? En toute logique marxiste, il vend sa force de travail pour un temps donné, par exemple 35 h, c’est le temps légal. Ce n’est pas toujours vrai. Les cadres qui, dans les institutions publiques ou privées, sont au forfait, sont corvéables à merci. Ils travaillent autant que l’entreprise le nécessite et le réclame. Ils vont gagner plus mais également travailler plus. Quelle est la valeur d’usage de cette marchandise qui est la force de travail ? Quelle est son utilité sociale ?

La valeur d’usage de la force de travail va de soi. Quelle est sa valeur d’usage, comment est-elle consommée, la force de travail ?

Étudiant : À produire

Mr Cathelineau : À produire exactement. La force de travail est consommée dans la production elle-même. C’est ça le chic, de la force de travail, c’est qu’elle permet de produire, contrairement à tout autre chose, la force de travail est consommée à produire. On consomme du travailleur, on consomme de l’ouvrier, on consomme du cadre, on consomme du cerveau. On les consomme pendant qu’ils fabriquent des objets ou des techniques ou des compétences et c’est à ce titre que la force de travail a une valeur d’usage. 

La valeur d’usage de la force de travail, c’est dans sa consommation elle-même. Pour la production.

Et la valeur productive de la force de de travail en quoi consiste-t-elle ?

La valeur productive de la force de travail consiste à demander aux travailleurs des efforts physiques et intellectuels. On va faire suer le burnous, au sens logique du capitalisme colonial. On va faire le maximum pour qu’ils soient productifs, pour qu’ils soient performants, et les mots aujourd’hui sont, je ne vais pas vous les inventer, vous les entendez tout le temps : la performance, l’excellence. Alors, il y a eu des extrêmes dans la performance et l’excellence. On va faire en sorte que la rémunération du salarié produise un surplus de plus-value. Ces efforts physiques et intellectuels nécessaires sont là pour transformer des matières premières plus ou moins élaborées en objets fabriqués utiles et consommables. Quels exemples Marx donne-t-il souvent dans le capital ? Vous savez que le copain de Marx, c’était Engels. Engels était son mécène. Mais Engels avait cette autre caractéristique, c’est qu’il était entrepreneur et qu’il était chef d’entreprise textile. Et donc les exemples que Marx donne souvent dans Le Capital, ce sont des exemples qui viennent de l’industrie textile.

Engels dirigeait une entreprise de textile. Dans son texte, Le Capital, il parle de morceaux de toile, de quantité de toile échangée, je ne vais pas vous rentrer dans les détails, ça n’a pas d’intérêt ici. Marx travaille beaucoup sur le tissu et c’est très intéressant d’ailleurs, si l’on pense qu’ensuite Lacan a fondé la topologie du signifiant sur une affaire de tissu. Donc il y a entre la plus-value, le tissu et le signifiant des liens inhérents.

Maintenant la question qui va se poser est : comment mesure-t-on la force de travail ? Question que je vous pose. Comment un capitaliste mesure-t-il la force de travail ? Il a des ouvriers… Concrètement comment il la mesure ?

Étudiante : La quantité d’objets fabriqués ?

Mr Cathelineau :  Oui c’est vrai. Le temps. Et le temps se calcule en fonction du salaire.

À quoi sert le salaire ? À quoi sert le salaire pour quelqu’un ?

Étudiant : Pour le payer, le motiver ? 

Mr Cathelineau : Le payer, le motiver mais plus concrètement, que faites-vous de votre salaire ?

Étudiant : Pour vivre ?

Mr Cathelineau : On consomme, on vit, on se nourrit, on s’éduque, on s’habille, on se loge, on entretient sa femme et ses enfants, on roule… en deux chevaux, ou en Porsche pour les meilleurs.

Il s’agit pour Marx de savoir quelle quantité de travail social il faut pour que l’ouvrier puisse produire, en ayant une vie à peu près supportable. Quelle quantité de travail produire pour avoir une vie supportable ? C’est-à-dire, une vie supportable : continuer de produire. Cela veut dire qu’il ne faut pas le réduire à la misère, ni non plus qu’il vive dans l’opulence, il faut que le travailleur productif puisse entretenir sa force de travail.

Le travail social est inclus dans le travail versé. Il gagne assez mais pas plus, pour subvenir à ses besoins fondamentaux. D’où les revendications salariales, on aimerait bien avoir la dernière Clio et on ne peut pas l’avoir, parce qu’on n’a pas le salaire qu’il faut, sauf à payer des mensualités de 129€ par mois pendant 20 ans !

C’est ça que Marx appelle la reproduction de la force de travail. Alors il est vrai que les esclavagistes, à la naissance du capitalisme au XVIIe siècle et au XVIIIe siècles, avaient trouvé la solution parfaite en transformant les esclaves en pures et simples matières premières, que l’on pouvait jeter dès qu’ils étaient usés, sans se soucier de la reproduction de la force de travail.

Le capital pense la reproduction de la force de travail en dehors de la thématique de l’esclavage. Prenez l’esclavage à la Réunion par exemple. Il conduisait l’esclave à une mort rapide et atroce. On les considérait comme une sorte de bétail humain pour lequel le système productif représentait un gigantesque abattoir. Il faut voir que cette logique est à nuancer mais que son paroxysme est le système d’extermination concentrationnaire mis en place par l’esclavagisme patriarcal comme on dit, au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle.

Certaines branches du capitalisme sont plus sauvages que d’autres et il faut aussi penser que cette autre forme de capitalisme, qui est le capitalisme d’état, qui s’est développé dans les pays sous influence soviétique sous la forme de camps de travail, était aussi un capitalisme d’exploitation. Il s’agit de produire à bas coût au prix de la vie des prisonniers et de réprimer toute forme de déviationnisme social dans le territoire appelée Kolyma où périrent en déportation, de fatigue, de faim, de froid des millions d’êtres humains consommés et consumés par des tâches harassantes dans les mines aurifères de Sibérie. Sans parler d’une autre forme d’exploitation radicale, qui a vu le jour au XXe siècle comme le totalitarisme soviétique, Arbeit macht frei, qui rappelle ce que vaut notamment le nazisme en matière d’exploitation du capital.

Le capitalisme ordinaire, celui que Marx décrit en Angleterre, veut que sa force de travail se reproduise. C’est déjà gentil ! Il demeure un peu plus gentil que la nomenclature stalinienne ou nazie mettant en œuvre de façon parfaitement rationnelle les principes du marxisme au service de la production.

Revenons au salaire. Marx admet que par le salaire, le capitaliste c’est-à-dire le propriétaire des moyens de production, achète la force de travail du prolétaire à sa valeur. Mais la valeur de la force de travail, qu’est-ce que c’est ?

C’est la quantité de travail social incluse en elle. Il y a une certaine quantité de travail social qui est incluse dans le salaire : par exemple, éduquer ses enfants, par exemple, se loger, par exemple, manger ; mais alors vous allez me dire d’où vient le profit du capitaliste ?  D’où vient son profit ?

S’il y a une quantité de travail social inclus dans la valeur du travail, par quel étrange mécanisme, en dépit du salaire, la force de travail est-elle à l’origine du profit ?

Admettons que la force de travail a une valeur déterminée par une certaine quantité de travail social. On dirait aujourd’hui qu’il faut tant de travail social pour que les enfants soient éduqués, tant de travail social pour qu’on puisse aller faire les courses chez Franprix etc. etc. Où est le secret de la plus-value ? Quel est son secret ? Là je vous apprends les règles du capitalisme pour ceux que ça intéresse de développer une petite entreprise.

Quelle est le secret de la plus-value ?

C’est l’utilité sociale de la force de travail. C’est-à-dire qu’elle produit des objets utiles mais pas uniquement. La force de travail crée de la valeur. Comment la valeur est-elle créée ? Comment la valeur que créé la force de travail est-elle créée ?

C’est là la clé. Je vous la donne. Et retenez-la bien pour les amateurs de capitalisme : parce que le salaire versé qui rémunère l’entretien de la force de travail, la valeur sociale, ne coïncide pas du tout avec la valeur produite totale par la force de travail. La force de travail produit plus de valeur qu’elle ne nécessite pour son entretien, c’est là le secret.

Chaque salarié produit plus de valeur que ce qu’il coûte du point de vue du salaire qu’il reçoit, C’est-à-dire qu’il y a un temps de travail qui n’est pas payé. Pour le dire autrement, la force de travail produit plus de valeur qu’il n’en faut pour garantir, par le salaire, la reproduction de la force de travail. Donc c’est magique. Ça produit plus de valeur que ça n’en nécessite pour se reproduire. Vous comprenez le truc ?  Vous avez compris le truc ou pas ? 

C’est le profit ! Alors vous avez compris où je dois répéter ?

C’est-à-dire qu’on vous fait travailler 35 h, mais en réalité on vous en rémunère 30. Et les 5h supplémentaires ne sont pas rémunérées. Et elles produisent une valeur supplémentaire. Vous comprenez ça ? Même si on vous dit frontalement et facialement que l’on vous rémunère vos 35h, il vaut mieux vous le dire.

L’idée ,c’est qu’on va rémunérer par un salaire l’ouvrier ou le cadre et lui permettre de vivre, mais on va le faire travailler au-delà de ce qui permet la reproduction de la force de travail. Avec les 35 h, on lui fait produire plus de valeur que ce qu’on lui faisait produire autrefois. Cette valeur produite en plus de la valeur du salaire constitue la plus-value.

Plus-value en allemand ça se dit Mehrwert : mehr veut dire plus en allemand et Wert  veut dire valeur. Littéralement valeur en plus, plus-value. Qu’est-ce qui est remarquable ici ? il y a quelque chose qui est remarquable et que Marx met tout son acharnement à repérer. Le capitaliste, et ça c’est très important, entendez bien ce que je vais vous dire. Le capitaliste est censé être le seul producteur des objets fabriqués dans le temps de la production. Et par conséquent, c’est à lui seul qu’appartient le supplément de valeur produite qui a été inclus dans la production. C’est lui. Vous, vous êtes les salariés. Vous travaillez au restaurant, vous passez les plats où vous faites la cuisine, mais c’est lui qui détient les objets fabriqués. Et qui fabrique cette plus-value, plutôt... qui engendre cette plus-value. Si l’on extrait 2  tonnes de charbon par jour et que 100 kilos de charbon sont nécessaires pour entretenir la force de travail qui extrait 2 tonnes de charbon, les 1900 tonnes de charbon supplémentaires sont pour la poche du capitaliste. Vous comprenez ça ? Donc il y a extorsion. Le capitaliste ne rémunère pas le salarié au juste prix de sa production. Il choisit de consommer cette plus-value immédiatement en achetant des marchandises consommables ou de la réinvestir en achetant des nouveaux moyens de production.

Je connais quelqu’un, un ami d’ailleurs, un gentil capitaliste, qui a fait fortune depuis à peu près 5/6 ans dans les restaurants. Il a d’abord installé un restaurant puis un 2ème, puis ensuite un 3ème puis ensuite un 5ème, et sa plus-value augmente sans cesse grâce à la gestion qu’il fait du temps de travail de ses salariés et de ses matières premières.

C’est là ce que Marx appelle le mécanisme d’accumulation du capital. On accumule le capital qui amplifie la séparation entre la force de travail et le capital. En effet entre le capitaliste qui possède 10 restaurants et vous qui n’avez que votre force de travail, il y a une séparation. Là donc se situe l’extorsion du surtravail identifiée par Marx, qui est le reste inaperçu et la vérité du mode de production capitaliste. Celui qui est rémunéré par un salaire est supposé ne jamais pouvoir être détenteur du capital. En effet, sauf s’il se lance dans les affaires, celui qui est rémunéré par un salaire ne sera jamais détenteur du capital sauf si comme on dit il se lance dans les affaires. C’est-à-dire qu’il requiert l’aide d’une banque ou alors, qu’il achète des actions éventuellement. Que reste-t-il comme solution ?

Entonner l’Internationale ? Vous voulez l’entonner avec moi ? La solution de la destruction du système ? La grève ? La révolution pour se réapproprier les moyens de production et l’on sait avec quelle réussite la révolution de 1917 il y a 100 ans a triomphé en Union soviétique, c’est le triomphe d’un capitalisme d’état encore pire que le capitalisme qui ne l’est pas. Le rêve révolutionnaire, je suis désolé de vous le dire, peut-être que certains d’entre vous l’ont encore, le rêve révolutionnaire est mort en Union soviétique avec l’apparition d’une classe de maîtres bien plus féroce et totalitaire que ne l’a vue l’Europe libérale.

Cela a à voir avec les mécanismes du discours que j’ai commencé d’esquisser dans mon introduction aux enseignements. Mais revenons à Marx. C’est le constat de cette injustice originaire qui jette Marx dans l’action politique, et après lui les mouvements révolutionnaires qui s’inspirent depuis le XIXe siècle de cette analyse pour justifier une lutte sans merci contre le capitalisme et les privilèges de la bourgeoisie.

Il y a des gens qui continuent bille en tête, de penser qu’il y a des solutions de ce côté-là. C’est à la fois pitoyable et comique et totalement inconséquent d’un point de vue tant historique que politique puisque la révolution est à l’origine d’une aggravation du système de l’exploitation capitaliste dans les pays communistes et avec peut-être la productivité en plus et la liberté en moins dans un pays communiste par excellence : la Chine. La Chine, exemple d’un pays communiste qui a réussi sa conversion au capitalisme, et qui a détruit toute forme de liberté.

Mais Lacan n’en tire pas exactement ces conclusions, même s’il est face à des jeunes qui ont l’impression de faire la révolution dans la rue en mai 68. Tout ça c’est en mai 68 que ces discours se tiennent. Il va leur dire que leur révolution l’intéresse mais peut-être pas là où ils pensent que cela pourrait l’intéresser. Lacan dit parfois quelque chose d’assez marxiste dans son esprit mais qu’il faut entendre avec des nuances. Il dit « que le capitalisme est intrinsèquement voué à la crevaison »

Le capitalisme est intrinsèquement voué à la crevaison. Crevaison de pneu, mais crevaison, ça veut dire que ça va crever. La question c’est : quand ? C’est dans le Discours de Milan. Tout cela, dit-il, va mal finir. On en a déjà les prémices que ça va mal finir avec l’éternelle rabâchée problématique climatique. L’écologie, qui est un symptôme de ce qui risque de se passer dans les années qui viennent pour le capitalisme.

Comment Lacan intègre-t-il la théorie de la plus-value dans la théorie du sujet ?

Ce n’est pas l’économie qui détermine les positions subjectives, mais comme vous le voyez sur le schéma que je vous ai dessiné au tableau, le langage, l’articulation symbolique d’un discours fondé sur la matérialité du signifiant. L’économie, c’est une vaste discipline calculatoire, mais qui est articulée au langage. Et ce langage vous en avez l’illustration ici, dans le discours capitaliste que je vous ai écrit au tableau. Cette articulation symbolique, elle suppose un sujet $, un signifiant maitre S1, un savoir S2, le savoir du salarié, qui est bien pris dans cette histoire, et un objet petit a, la plus-value, le plus de jouir, vous le voyez là. Le plus de jouir, où il s’écrit ? Il s’écrit en place, ce sont les différentes places, en place de production. Je vais vous noter les places. Ici, il y a la place de l’Agent, ici la place de la Vérité, ici la place de l’Autre, et ici la place de la Production.

                        

Pourquoi le langage ? Car c’est de cette articulation symbolique que résulte la production d’objets d’une part et d’autre part la plus-value que Lacan appelle dans D’un autre à l’autre, le plus de jouir. Il n’y a pas d’interprétation sémantique du terme de plus de jouir dans D’un Autre à l’autre, mais on peut dire que la plus-value est à la fois ce surplus prélevé par l’entrepreneur et dans l’esprit de Lacan un supplément de jouissance concrétisé par des objets de consommation, notés objet petit a, là, sur le dessin que je vous ai fait. Des objets petit a qui sont produits par le discours.

On va fabriquer des objets, on va en jouir un peu plus. Regardez la course folle au IPhone, à la 4G, à la 5G, à la 6G bientôt ! Le plus est là présent, sans cesse, et il est érigé en système, tous les secteurs de la consommation de masse sont concernés.

Il faut entendre ce plus de jouir, je l’ai dit dans mon premier discours d’introduction aux enseignements, comme un moins de jouir et vous voyez pourquoi il faut l’entendre comme un moins de jouir très précisément par rapport au cours que je vous ai fait la fois précédente.

C’est quelque chose dont, d’une façon structurale, le sujet a à se détacher au départ de la subjectivité, dans ce qu’on appelle les effets de la castration.

C’est en effet à cet objet-là qu’il s’agirait de renoncer, mais que les mécanismes de la consommation de masse ne nous invitent pas à abandonner. Pour le dire autrement cet objet petit a, c’est à la fois les objets pulsionnels que nous rencontrons au moment de l’avènement de la subjectivité : objet oral, objet anal, objet vocal, objet littéral, souffle, ce sont ces objets-là que l’on rencontre à l’avènement de la subjectivité, et ce sont ces objets-là, ces mêmes objets-là, qui se retrouvent au bout du processus de production à travers des objets fabriqués.

C’est pour cela que Lacan ne fait pas de différence entre l’objet a qu’il écrit (voyez dans le cours que je vous ai fait la fois précédente) à propos de la renonciation à l’objet a et du jouir de la mère, et l’objet a tel qu’il l’écrit dans la production capitaliste.

Vous voyez le lien entre les deux ? C’est-à-dire que c’est du même objet qu’il s’agit. Un objet pulsionnel transformé en objet fabriqué. Vous voyez là nettement le parcours conceptuel de Lacan. Lacan fait ses inventions dans les années 70, mais il fait ses inventions avec une intelligence stupéfiante.

Il met en lien l’objet pulsionnel et l’objet fabriqué. Et c’est à cet objet-là qu’il s’agirait de renoncer mais que les mécanismes de la consommation de masse ne nous invitent pas à abandonner. Ce plus de jouir et un paradoxe et même le condensé de ce qu’on appelle un oxymore. Un oxymore, c’est une expression qui contient son contradictoire. Plus de jouir, ça contient son contradictoire. C’est à la fois plus de jouir, toujours plus de jouir, et plus de jouir c’est-à-dire pas de jouir du tout.

C’est pour cela que je considère que l’expression plus de jouir est un oxymore.

En quoi est-il alors légitime de considérer que cet oxymore reflète la situation de l’objet petit a ? Il y a une équivalence entre le plus de jouir produit par la marchandise et le supplément de jouissance qu’il engendre dans le corps social. Mais il y a aussi une équivalence entre ce supplément de jouissance et l’objet perdu au niveau de la structure psychique du sujet.

Il y a une équivalence, c’était ce que j’étais en train de vous dire tout à l’heure, objet pulsionnel-objet fabriqué. D’une façon tout à fait extraordinaire, le fameux objet a qui a été articulé à la dimension pulsionnelle va en quelque sorte migrer dans le champ de la réalité sociale concrète et venir s’incarner dans tous les objets de nos échanges. L’ordinateur, le micro, tout ça, ça a à voir avec l’oralité. Ça a à voir avec le regard.

J’ai oublié le regard tout à l’heure. Le regard, l’oralité, tous les objets pulsionnels vont s’incarner dans les objets fabriqués. Et c’est ce qui fait le ressort de la jouissance de ces objets fabriqués. Lacan utilise le symbole petit a pour représenter à la fois les objets pulsionnels et tous les objets qui circulent dans les échanges. Car il n’y a d’objets d’échange que d’objets pris dans le circuit de la pulsion. Les objets d’échange appartiennent au circuit de la pulsion. Ils sont tous qualifiables d’objet petit a : la table, la bouteille d’eau, c’est un objet petit a.

Quel est le forçage de Lacan ? Il passe de l’objet pulsionnel : objet oral, regard, anal, urinaire, scopique, souffle littéral, à l’objet petit a comme objet d’échange avec l’autre, qu’il appelle et qu’il va appeler en 1969 dans le Séminaire D’un Autre à l’autre : plus de jouir. Plus de jouir, parce que toujours plus de jouir et plus de jouir parce que pas du tout de jouir. 

Vos questions ?

Étudiant :  J’ai une petite ambiguïté concernant cette question de plus de jouir. Si j’ai bien saisi, c’est que dans le plus de jouir il y a donc l’idée d’aller à fond dans la jouissance. Donc c’est ce que le capitalisme engendre de manière structurelle et instantanée. Et puis il y a le plus de jouir dans l’autre sens. Mais est-ce que ça, c’est ce que Lacan apporte comme nouveauté, à travers son discours analytique où il va l’éclaircir un peu plus ?

Mr Cathelineau :  Tout à fait.  Je souscris intégralement à ce que vous dites. C’est à dire qu’il y a un oxymore. Il y a une ambiguïté liée à l’usage que fait Lacan des signifiants dans ce terme de plus de jouir. Il y met plus de jouissance et il en retire la jouissance. C’est ça le grand truc de sa démonstration. Il lui retire sa jouissance. Son quantum de jouissance.

Étudiante : Tout au début, vous avez parlé essentiellement finalement de l’entreprise. Mais l’auto-entrepreneur ? Parce que quand on se met à son compte, qu’on soit psychothérapeute nous à la fin... ou ceux d’entre nous qui sont déjà à leur compte, on est dans quoi là du coup ? Et deuxième question : la tarification à l’hôpital, la tarification à l’acte, elle est dans quoi là du coup ?

Mr Cathelineau : L’auto-entrepreneur, il a sa force de travail et en tant que psychothérapeute, il est dans une position à proprement parler qui l’apparente à une position analytique. Et on peut dire que ce qui fait sa spécificité par rapport au plus de jouir c’est qu’il sait que ce plus de jouir est perdu. Et que ce n’est pas parce qu’il va gagner du fric que pour autant ça n’est pas perdu. Donc il y a une originalité du psychothérapeute ou du psychanalyste bien qu’il gagne du fric.

Mais il gagne du fric parce que c’est perdu. Et c’est perdu d’avance. Sur la tarification à l’activité à l’hôpital, il est bien clair que l’on a affaire à une logique concurrentielle qui, comme vous le savez, met en concurrence des actes entre eux et des hôpitaux entre eux par rapport à ces actes et qui renvoie aux mécanismes concurrentiels d’un capitalisme bien compris. Vous êtes d’accord avec ça ?

Étudiante : Oui merci beaucoup, et cela m’a choquée en fait en stage, quand je l’ai découvert. J’étais un peu naïve...

Mr Cathelineau :  Il ne faut pas être naïf, on est dans le système capitaliste ou on ne l’est pas. On l’est tous.

Étudiante :  Maintenant il y a décroissance, les coopératives qui existent alors ça s’inscrit où ?

Mr Cathelineau :  Les mécanismes associatifs sont des mécanismes de redistribution de la plus-value et donc amodient ce qu’il en est d’une exploitation capitaliste effrénée. Mais cela n’empêche que, y compris dans les systèmes associatifs, il y a des mécanismes de salariat et d’exploitation, simplement il y a des systèmes de redistribution qui amodient l’exploitation concernée.

Étudiante :  Est-ce que Lacan pense à un rapport à l’objet qui échappe finalement à cette relation de fétiche, cette relation illusoire de jouissance en tout cas, illusoire, est-ce qu’il y a moyen dans certaines structures, d’entretenir un rapport aux objets de consommation ou pas qui échappent à ça ?

Mr Cathelineau : Là vous me demandez un programme politique ! Je ne me suis pas présenté aux présidentielles mais il est bien évident que s’il y avait un programme politique à présenter, ce serait un programme politique pour savoir que faire de ce rapport au plus de jouir qui vous embrasse et qui engendre entre les individus des mécanismes de pouvoir et d’exploitation qui font problème. Si j’avais la réponse, je vous la donnerais !

Alors il y a peut-être une réponse quand même. Il y a une réponse. Le discours psychanalytique, en mettant l’objet petit a en position d’agent, permet une certaine désillusion par rapport à l’objet et donne à cet objet une consistance qui est une consistance, je dirais, telle que ce qui la soutient, cette consistance, et je n’en ai pas parlé, c’est sans doute le trou. Le trou. La consistance de l’objet, c’est le trou. Au-delà des objets pulsionnels que je vous ai énumérés :  oral, vocal, regard, urinaire, anal, littéral, qu’y a-t-il sinon un trou ?

Et donc peut-être faudrait-il penser à un lien social qui rendrait compte de la possibilité entre les individus de la question du trou. Et du trou dans la relation à l’autre, et du trou dans la relation à la jouissance. Et c’est une sacrée paire de manches. Et on y accède, me semble-t-il à cette question du trou au terme d’une cure analytique. Mais il faudrait que les cures analytiques soient suffisamment répandues pour que le lien social s’en trouve changé. 

Étudiant : J’aurai deux questions. La première, il y a un Séminaire où, si je me rappelle bien, Lacan parle de « lathouses ». Est-ce que c’est cela les objets de consommation dans son esprit à ce moment-là ? Et puis l’autre question, c’est : Pour moi l’objet a jusque-là, j’avais une perception qui était quand même quelque chose de plus central, dans la cure, une recherche un peu d’une sorte de manque absolu et là finalement vous dites que tout peut être objet a en termes de consommation.

Mr Cathelineau : Vous avez des questions sacrement pertinentes ce soir, il va falloir que je me muscle. Donc « lathouse » : lathouse, s’écrit comme ça. Et c’est fait du greclié à alétheia, qui signifie « le dévoilement », et de ousia qui signifie « être ». C’est ce qui dévoile l’être. « Lathouse », c’est ce qui dévoile l’être. C’est ce qui dévoile la vérité de l’être et ce qui dévoile la vérité de l’être, c’est l’objet petit a.

Qu’est-ce que c’est que notre être sinon précisément ces objets pulsionnels auxquels nous sommes appendus dans notre vie. Dans notre vie sexuelle, ne faut pas aller chercher midi à 14h, nous sommes appendus à ces objets. Reposez-moi la deuxième question ?

Étudiant : Pour moi, l’objet a dans la cure, c’était quelque chose d’un peu central comme si chaque sujet cherchait un objet a spécifique et là finalement je comprends à vous entendre que non c’est une multitude d’objets a finalement.

Mr Cathelineau : Là, vous posez la question du fantasme. Vous avez raison. Ce qui caractérise une cure, c’est que le sujet fait l’expérience d’un certain rapport à l’objet a.

Et cette expérience d’un certain rapport à l’objet a n’est pas identique chez tous les sujets. C’est-à-dire que vous avez par exemple, pour ne citer que cet exemple de l’Homme aux rats, cet homme qui rêve qu’on lui fait pénétrer des rats dans l’anus, fantasme fort sympathique, et qui articule son fantasme autour de cette vision. C’est autour de cette articulation de fantasme que va tourner la cure de l’Homme aux rats. C’est-à-dire qu’il va élucider ce qu’il en est de cette pénétration par les rats de son anus, et l’objet sacré ou qu’il sacralise, anal, que traduisent ces rats.

Donc vous avez raison de dire que ces objets sont pluriels, ils inondent le lien social, mais le rapport que nous avons à ces objets est singulier et on ne va pas parler du rapport de l’hystérique à l’objet oral comme on va parler du rapport de l’obsessionnel à l’objet anal.

Il y a un rapport de l’hystérique à l’objet oral. Si vous voyez par exemple ce qui se passe pour l’hystérique ou disons pour des jeunes femmes anorexiques, boulimiques, qu’on peut recevoir dans sa clinique, le rapport qu’elles ont à la nourriture, au gonflement et à la rétraction de leur corps avec ce travail minutieux sur le poids et le poids qu’elles pèsent, c’est un rapport singulier : loin de moi de vous dire que le rapport à l’objet petit a est un rapport universel. Il est universel au sens où il concerne universellement le lien social, mais chaque sujet a un rapport subjectif et singulier à l’objet petit a et il y a l’objet petit a d’élection qui articule son fantasme.

Étudiant : donc il y a quand même un objet petit a qui s’articule avec un fantasme pardon fondamental. Donc il y a quand même un objet petit a plus important que les autres pour le sujet.

Mr Cathelineau : Exactement. Il y a une singularité du rapport à l’objet petit a simplement dans le lien social contemporain et c’est ça qui fait la différence. Et vous posez à juste titre la bonne question. C’est que la nouvelle économie psychique nous met en lien avec une masse d’objets petit a qui concernent tous les trous, les orifices pulsionnels, possibles et c’est ça qui fait l’originalité de la nouvelle économie psychique. C’est-à-dire qu’elle généralise le rapport à l’objet petit a dans un flux de jouissance où les objets petit a dans leur généralité se trouvent sollicités.

Étudiante :Vous avez commencé en reprenant ce que vous aviez vu la semaine dernière sur la mère : j’ai l’impression quand même que tout était lié…

Mr Cathelineau : Oui, oui, vous avez raison. J’ai commencé ce cours sur la mère parce que je voulais mettre en évidence le fait que mon propos n’était pas de condamner la jouissance. Mon propos n’était pas de dire : c’est mal de jouir, je ne suis pas un curé. En revanche le premier objet de la jouissance, c’est certainement ce à quoi il s’agit de renoncer : c’est le jouir de la mère.

Étudiante :  C’est la nécessité de retrouver justement son premier objet jouissance. Donc on a dû retrouver ce premier objet à partir d’une plus-value de jouissance.

Mr Cathelineau : Exactement. Vous avez tout à fait compris. C’est-à-dire que la nouvelle économie psychique, et le discours capitaliste, est incestueux. C’est-à-dire qu’il fait croire que l’on pourrait retrouver la jouissance perdue.

Étudiante : Cet objet de jouissance, c’est une question vraiment par rapport à la mère, par rapport à l’alimentation, par rapport au fait qu’elle va alimenter parce que…

Mr Cathelineau : Il n’y a pas que l’alimentation.

Étudiante : Oui il y a aussi beaucoup de choses, mais ça pourrait être aussi partagé ça ne serait pas que la mère à ce moment-là.

Mr Cathelineau : Non il n’y a pas que la mère mais enfin la mère joue un rôle considérable dans la mise en place de l’objet petit a.

Étudiante : Agent, vérité, autre, et production c’est toujours dans ce sens-là ?

Mr Cathelineau : Oui, c’est toujours dans ce sens-là.

Étudiante : J’aimerais bien que vous reveniez sur la phrase... que vous nous avez donnée au début, de Lacan disant que c’est la même « étoffe surlaquelle s’exerce le trait de ciseaux du discours ». C’est-à-dire qu’au regard du déroulé du cours est ce que vous pourriez nous la reformuler aussi, s’il vous plaît ?

Mr Cathelineau :  Oui, oui, je peux. Il peut le faire, il peut le faire, il va le faire ! Donc, l’étoffe, le trait de ciseaux du discours, c’est très précisément ce que vous voyez écrit sous les formes de $, S1, S2, a, et c’est cette étoffe-là qui constitue l’étoffe du discours de Marx.  $, S1, S2 a, qui est un trait de ciseaux d’écriture, c’est l’étoffe du discours de Marx. C’est ça que je veux dire. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ou pas ? C’est-à-dire que je n’aurais pas pu faire l’exposé que je vous ai fait sur Marx s’il n’y avait pas eu coïncidence et rencontre entre ce que dit Lacan de la « lathouse », de la « Mehrwert » et ce qui s’écrit du discours sur le tableau que je vous ai présenté. C’est ce trait de ciseaux. Le trait de ciseaux, c’est tout simplement l’écriture. Cette écriture rend compte du discours de Marx. L’étoffe du discours, c’est l’étoffe du discours de Marx.

Étudiant : [Pour reprendre ma question sur l’enseignement de la dernière fois], de manière très simple, dans le mathème de la sexuation, il y a l’exception du Un. Mais, dans le grand Autre, supposé trésor des signifiants, on retrouve aussi le Un qui fait exception et que l’on va barrer par la suite.

Mr Cathelineau : Oui, cela va être difficile pour vos collègues de suivre. Je redessine.

  

Votre collègue fait allusion à ce mathème. Il existe un x, ce serait le x de l’exception. L’exception à la castration. La castration étant noté pas φ de x. Il existe un x qui nie φ X. Et donc votre collègue me demande s’il y a un lien entre le grand A non barré et il existe un x non φ de x.

Oui il y a un lien. Simplement, il y a aussi un lien avec le grand A barré. Vous vous souvenez, dans les écritures que je vous ai montrées la fois dernière, il y avait un A barré et un A non barré. Le grand A barré ça n’est pas la solution lacanienne. Il n’y a pas de Dieu dans l’Autre, il n’y a pas d’altérité, d’Autre de l’Autre. Lacan le dit, il le répète, il n’y a pas d’Autre de l’Autre. Il n’y a pas de Dieu dans l’Autre et donc on est obligé d’interpréter il existe un x qui nie φ de x par rapport à l’Autre barré. Pourquoi ? Parce qu’il existe un xn c’est une fonction, ça n’est pas un Dieu. C’est une fonction une et donc il y a un lien entre le A barré et cette fonction une qui existe dans l’Autre et qui nie la castration. Il y a une fonction une dans l’Autre qui nie la castration et qui est celle du père pour le dire tout simplement et qui n’est pas la fonction divine, qui n’est pas celle de Dieu.

Est-ce que c’est clair ce que j’ai dit ? Non. Mais cela supposerait un travail beaucoup plus approfondi sur les mathèmes de la sexuation, ce qui est ici en 10 mn, même pas, en 3 min totalement impossible.

Pour le dire autrement, Lacan maintient toujours le cap d’un Autre de l’Autre inexistant. Il n’y a pas de Dieu dans l’autre. Et ce cap il le maintient jusqu’aux mathèmes de la sexuation en disant qu’il y a un « au moins un » dans l’Autre mais que ce n’est pas Dieu, c’est le père en tant que fonction une, en tant que fonction pas en tant que Dieu, pas en tant que surpuissance.

Vous comprenez ce que je veux dire là ? J’espère avoir été clair, mais expliquer les mathèmes de la sexuation en 5 mn, c’est difficile ! Il faudrait tout un cours mais si vous voulez faire le lien entre les deux, sachez que pour Lacan il n’y a pas d’Autre de l’Autre, il n’y en a jamais eu et il n’y en aura jamais

Étudiant : C’est la réponse qu’il manquait et maintenant c’est clair merci beaucoup

Étudiante :  Vous avez dit que la vérité des lettres, c’est l’objet petit a.  J’entends de cette formulation qu’elle est applicable à l’être humain, au sens où on peut dire que sa vérité, c’est l’objet petit a, où elle est applicable à l’être social, où on peut dire que sa vérité, c’est l’objet fabriqué.

En revanche, dans le sens philosophique, je ne sais pas si c’est applicable, cette formulation lacanienne. Ousia chez Aristote, c’est la substance ou c’est l’essence dans le sens philosophique ; la question de la vérité de l’être, c’est l’être, c’est quelque chose de beaucoup plus abstrait, c’est quelque chose de l’être en soi, de l’être en tant que tel, il y a une dimension cosmique universelle. Pour moi, cette formulation ne s’ouvre pas à la dimension métaphysique, en revanche, la dimension métaphysique est à mon avis présente chez Lacan… il y a quelque chose de métaphysique ou mystique dans la notion du Réel.

Mr Cathelineau : Alors justement vous avez raison de dire que ça ne s’ouvre pas à une dimension métaphysique, parce que ce que fait Lacan en disant que la vérité de l’être c’est l’objet, c’est dépasser la question métaphysique. Il décide arbitrairement à partir de sa position d’analyste de dire que ce qui fait l’être du sujet, ce qui n’a pas toujours été dans la philosophie, c’est ce déchet que constitue l’objet. C’est-à-dire que nous tenons, que notre être tient à un déchet : c’est comme cela que Lacan transforme la métaphysique et qu’il la dépasse ; c’est ce que je voulais vous signaler, ce que je développe dans le dernier chapitre de mon livre Lacan lecteur d’Aristote, je vous y renvoie.

Étudiante : Si j’ai bien compris les cours précédents, c’est l’incorporation du Nom du père qui vient faire obstacle, poser une interdiction par rapport à la jouissance de la mère. Mais en quoi l’incorporation du Nom du père est-elle, serait-elle, en elle-même incompatible avec la jouissance ?, il ne peut pas y avoir de jouissance de l’incorporation du Nom du père ?

Mr Cathelineau : C’est-à-dire que, pour que le père puisse transmettre quelque chose de sa jouissance phallique et de la jouissance en général, il faut qu’il y ait la possibilité de l’interdit, que la barre soit posée sur la jouissance de la mère pour que la jouissance soit accessible au sujet ; il faut que la barre soit posée sur la jouissance de la mère pour qu’ultérieurement cette jouissance soit accessible, il y a cette condition, et c’est ce qu’on appelle la castration.

Retranscription : Angélique Myhié Léraillé

Relecture : Audrey PERRIER & Anne VIDEAU

Notes