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Extrait

30 mai 2011

Alors, j’ai repris assez longuement la notion de comment s’est formé le concept de bouffée délirante aiguë. Alors pourquoi ? Parce que je sais que vous n’aimez pas les diagnostics, je sais que vous considérez souvent que ce sont des étiquettes. Alors, je pense qu’il s’agit là d’un syndrome, c'est-à-dire d’un certain nombre de symptômes qui vont éclater chez un patient, qui vont peut-être disparaître, qui vont peut-être réapparaître, mais cette notion s’est formée au fil des années, et elle marque en tous cas, classiquement c’est la bouffée aiguë délirante de Magnan,  c’est le début de la psychiatrie moderne. Quand on a des maîtres comme j’en ai eu, comme beaucoup d’autres en ont eu d’ailleurs, qui nous demandent de faire des travaux au cours de nos internats, en général ils nous demandaient de faire des travaux sur Morel et Magnan.

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Et Follin – alors, je ne sais pas si on cite encore Follin – Follin a été un de nos grands psychiatres, il a été, c’était à peu près l’époque de Henri Ey, c’est l’après-guerre, et c’est Follin qui a fait, qui a repris souvent les travaux de Mayer-Gros, en se ciblant sur le trouble affectif de la conscience où la violence du flux affectif menace la relation fondamentale du sujet et du monde. C’est ce que je vous disais tout à l’heure, c’est qu’effectivement cette violence fait que la communication est difficile et surtout qu’elle n’intéresse pas, dans le côté très aigu de la bouffée délirante polymorphe, elle n’intéresse pas le patient. Les états de conscience altérée avec une prévalence nettement thématisée du vécu interne, intiment par rapport aux réalités de l’ambiance ; ça c’est important pour faire la différence entre la bouffée délirante aiguë polymorphe et la psychose maniaco-dépressive, et en tout cas la psychose maniaque. Les états maniaques sont extrêmement sensibles à l’ambiance : ils en jouent, ils s’en moquent ; ça, vous ne retrouvez pas ça dans la bouffée délirante. Et Mayer-Gros cite également les états de conscience décomposée où l’obnubilation de la conscience altère ses fonctions elle-même et se dissocie en-deçà du courant vécu. Mayer-Gros situe de tels états délirants à la limite de l’état vigile et de la confusion, là où l’activité psychique se résout en une pensée imagée, mobile, scénique, chargée d’affects. Ça, souvenez-vous de ça parce que ça, je crois que c’est exactement, ça caractérise très bien la pensée de la bouffée délirante aiguë, c'est-à-dire qu’elle est mobile, elle est imagée, et elle est chargée d’affects. Donc ça, c’est ce malade que vous voyez et avec lequel il va importer, il va être très important de le sortir très rapidement de cet état, parce que sinon cette bouffée délirante va se prolonger, et d’autre part ces images vont faire le lit de ce qu’on appelle après le résidu kystique de la bouffée délirante. On dit qu’elle est sans lendemain, mais il existe, en particulier dans des bouffées délirantes dont on dit un petit peu rapidement qu’elles ont trainé pour une raison x, y ou z, il y a ce résidu kystique qui va être le sous-bassement  des  épisodes qui vont se reproduire ; et on le retrouve très souvent. Là, cet après-midi je voyais un jeune qui a refait une bouffée délirante avec un intervalle où il n’y avait strictement plus aucun symptôme, d’autres collègues l’avaient vu et s’étaient demandé franchement pourquoi je le voyais toutes les semaines, et lorsqu’il a rechuté on a retrouvé intacts les thèmes qui avaient été sous la première bouffée délirante, alors que ces thèmes avaient été critiqués entre.

Méfiez-vous des critiques des patients ; les critiques des patients, elles sont destinées à vous faire plaisir, elles sont destinées, sur les malades aigus hospitalisés, à sortir. Alors maintenant c’est plus tellement la cause, étant donné qu’ils sortent tous et très rapidement. Mais les critiques des patients, quand on suit pendant très, très longtemps – j’allais dire : c’est le privilège de l’âge – des patients, ils vous disent : ah, quand même, c’était quand même joli ce que je voyais, ah, c’était intéressant. Quand le patient critique, ça veut dire que le tout est là bien présent, bien enfoui mais bien présent.

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Les écoles étrangères, je crois qu’on va peut-être s’en dispenser de façon à ne pas trop dépasser… Je pense qu’elles ont toutes finalement repris et adopté le cadre de Magnan. Certaines écoles étrangères ont été plus sensibles à la notion de confusion mentale ou au contraire ne l’ont pas prise en compte préférant faire plus de place aux réactions exogènes, aux psychoses toxi-infectieuses. On le verra effectivement, il y a le problème des déclenchements des bouffées aiguës délirantes après les « pétards ». Alors pendant très  longtemps effectivement on disait : non, non, ça n’est pas la prise de haschisch qui est à l’origine de la bouffée délirante. C’est toujours une question difficile parce que je pense que les consommations abusives de shit sont déjà chez quelqu’un qui ne se sent pas bien, et qui au lieu d’aller prendre des benzos ou des antidépresseurs, va fumer du shit et va au début y trouver un certain apaisement. Par contre il est certain aussi que ça joue un rôle relativement important dans les bouffées délirantes qui vont se répéter ; il y a un certain nombre de patients, c’est toujours difficile de savoir : est-ce qu’il a re-consommé du shit parce qu’il n’était pas bien ou est-ce que c’est le fait de consommer qui a ré-entrainé la bouffée délirante ?

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L’examen clinique

On va reprendre de façon plus organisée l’examen clinique. C’est toujours une question quand on fait un enseignement comme ça, à la fois en peu de temps, de retracer à la fois l’histoire − et pour retracer l’histoire il faut avoir des notions cliniques − et de traiter la clinique pure en dehors de l’histoire. Alors particulièrement dans le cadre de la bouffée délirante aiguë puisque elle est basée sur l’histoire. C’est plus facile dans les délires chroniques où certes il y a l’histoire, mais par définition le délire chronique est un délire chronique. Il n’y a pas cette notion d’évolutivité rapide, ou à ce moment-là il regagne le cadre des bouffées délirantes aiguës.

La clinique : on apprécie effectivement ce que je vous ai déjà dit, l’agitation. Elle peut être… on a souvent décrit des agitations furieuses. En général, il faut se rappeler quand on voit un patient, se rappeler dans quel cadre on le voit. Le patient sur Paris, par exemple : le patient, soit c’est une première bouffée délirante aiguë, soit sa famille l’a amené aux urgences d’un hôpital universitaire. L’hôpital universitaire va soit le garder, mais en général les bouffées délirantes aiguës : non ; il garde les états dépressifs… Bon, c’est compliqué, ça nécessite en tout cas un pavillon fermé, et qu’ils n’ont pas – il faut être juste aussi. Donc, il va l’orienter sur le secteur, et maintenant ça s’est compliqué puisque les secteurs se sont dotés de centres d’accueil. Alors si vraiment le diagnostic a été correctement fait, il doit arriver sur le service de secteur et non pas sur le centre d’accueil qui est un lieu ouvert. Il n’a pas toujours été bien fait, il faut… bon, j’allais dire les psychiatres manquent. C’est difficile de faire des placements maintenant, en plus il y a une grande judiciarisation des placements, tout le monde fait très attention. Dans Paris, on n’a pas forcément les familles. Il faut que le placement corresponde à, et qu’il soit bien rédigé sinon l’administration nous fait remarquer que l’adresse n’est pas bonne, que le prénom n’est pas écrit correctement ; donc pour un peu il a fait urgence, il a pu rester vingt-quatre heures aux urgences. Alors avec les nouvelles lois peut-être qu’on avait parlé de laisser plus de temps avant de prononcer le placement, ce qui à mon avis me semble difficile et me semble retarder la prise en charge du patient, et donc il va aboutir, quelquefois il a fait trois lieux, parfois il y a eu des antidépresseurs mis dessus, il y a eu parfois du Zyprexa et donc le patient que vous voyez, c’est important de savoir les traitements qu’il a eus, de savoir quand est-ce que vous, vous le voyez parce qu’il a pu arriver deux ou trois jours avant. Normalement quand c’est bien… quand les services arrivent à disposer de lits pour toujours les accueillir, ce qui est quand même la moindre des choses quand vous internez un patient qu’il n’aille pas faire le tour de l’hôpital, et souvent il fait le tour de l’hôpital. Donc, ce n’est pas du tout la même chose, vous pouvez trouver que finalement il n’est pas si agité que ça – bon, mais il a déjà eu un certain nombre de neuroleptiques.

Le côté furieux a été décrit surtout beaucoup plus quand vous avez un malade vraiment très violent. Furieux, ça veut bien dire ce que ça veut dire ! Il faut se poser : est-ce que ça n’est pas un état maniaque ? La fureur fait plutôt partie des états maniaques. Est-ce que ça n’est pas, on en voit un peu moins maintenant, mais avant  les trithérapies on a vu beaucoup d’encéphalopathies dans le cadre du sida, qui donnaient des fureurs très importantes.

Notes