EPhEP, MTh3 - ES10, le 10/10/2015
Je donne la parole au Dr. Masnou, PH, neurologue au Kremlin Bicètre et qui va vous parler des manifestations psychiques des épilepsies.
Je me suis permis de modifier le titre parce que j’ai rajouté manifestations psychiques et comportementales
Voila le plan :
- En introduction des rappels de ce qu’est l’épilepsie
- Et toujours en intro même si c’est en marge du sujet, la problématique de la co-morbidité épilepsies/troubles psychiatriques
- Vif du sujet : les particularités des crises comportant des signes psychiques et j’ai choisi quelques vidéos, je vous expliquerai comment on obtient ces vidéos. Ce qui va permettre un peu d’expliquer quels sont les symptômes possibles, psychiques au cours de ces crises d’épilepsie. Il y a un polymorphisme énorme, impressionnant.
- Avant de finir, à l’inverse, la présentation pseudo-épileptique du trouble psychiatrique, qui est au quotidien une problématique.
Alors qu’est-ce que l’épilepsie ?
Déjà, il faut savoir qu’il n’y a pas une épilepsie mais des épilepsies, donc un certain nombre de patients qui vont avoir une vie normale avec une épilepsie et un certain nombre d’autres comme cet enfant-là, qui seront en institution permanente associant à des troubles du comportement des crises subintrantes
Il y a 40 millions de personnes dans le monde, 500 000 en France, peut-être un peu plus, il y a 100 patients de plus par jour. Sur le plan du traitement, on a une efficacité variable (je fais une introduction rapide, mais c’est indispensable) : 20 à 30% des patients vont être libres de crise, il y en a qui vont pouvoir guérir, c’est-à-dire ne plus avoir de traitement au bout d’un certain nombre d’années et malheureusement, 30-40% qui vont continuer à avoir des crises toute leur vie.
Sur le plan des causes, alors bien entendu l’épilepsie n’est pas une maladie mentale, ça a été quand même un problème pendant plusieurs siècles. Il y a un corrélat biologique, les patients posent cette question, ce n’est pas parce qu’on est contrarié, excité, énervé qu’on fait une crise d’épilepsie, ça n’a rien à voir, les crises d’épilepsie sont la traduction clinique d’une décharge soudaine et passagère, électrique intra-cérébrale ou qui touche une population de neurones plus ou moins étendue. Donc c’est un phénomène soudain, début/fin brusque survenant à n’importe quel moment, qui n’est pas provoqué, qui survient spontanément, n’importe quelle heure du jour et de la nuit.
Les causes sont liées à un trouble diffus ou localisé de l’excitabilité cérébrale aux raisons multiples, alors il y a plein de causes, ce qu’on appelle les syndromes épileptiques, un décrit supplémentaire chaque jour. Pour des raisons physiopathologiques, quand la crise implique de façon bilatérale les hémisphères cérébraux, on appelle ça des crises généralisées. Dans les crises dites partielles ou focales, cette décharge anormale nait dans une zone précise du cerveau.
Maladie fréquente, a tendance à débuter plutôt chez le petit enfant et puis après 65 ans, mais on peut devenir épileptique à n’importe quel âge.
Alors, encore en introduction, on peut faire une crise de convulsions sans être épileptique à l’occasion d’un événement soudain, situationnel, un trauma crânien, AVC au moment de son installation, une méningite ou une cause toxique médicamenteuse par exemple, donc ça, ça n’a rien à voir avec l’épilepsie. L’épilepsie, c’est la répétition des crises et vous voyez un exemple des syndromes épileptiques, avec un pronostic extrêmement varié avec des formes bénignes et des formes très graves.
Les symptômes, on a toujours tendance à classer, alors à gauche ça sera les crises dites généralisées, c’est la fameuse crise convulsive, tout le monde a cette image, la crise de convulsions, la cause souvent associée est l’éthylisme, l’alcool ou des drogués, bien entendu ça n’est pas l’image de l’épilepsie, mais ça reste ancré dans les esprits, donc c’est la crise généralisée. Il y a plusieurs types de crise, ce n’est pas le sujet du cours parce que ce ne sont pas des manifestations psychiques, là, c’est des manifestations neurologiques. Donc celles qui vont nous intéresser, c’est à droite, les crises dites partielles : elles vont naitre dans une partie bien précise cérébrale, et donner des symptomatologies extrêmement multiples. Alors un petit rappel anatomo-fonctionnel de base, simple : c’est un cerveau donc vu de profil, c’est organisé en lobes, la région temporale, la région frontale, la région occipitale, et la région pariétale ici. Alors, il y a des espèces de spécialisations, là je vais être extrêmement schématique, en fonction de la localisation, par exemple évidemment sur la région occipitale c’est plutôt la vision, cette partie là, ça sera le langage, la région du langage, ici ce sera la région motrice, bref, il y a des régions où il y aura telle ou telle fonction. Le problème n’est pas si simple au cours d’une crise d’épilepsie puisque c’est un phénomène dynamique, c’est que la crise va débuter à un endroit particulier, je parle des crises partielles, il va y avoir une propagation secondaire d’où le polymorphisme de ces symptômes, parce que bien entendu, les symptômes vont se succéder ou s’associer les uns aux autres et donc devenir ce qui va expliquer qu’au cours d’une crise d’épilepsie, il y a plusieurs symptômes qui vont s’enchevêtrer, qui vont se succéder ou s’associer. Il y a toujours une même caractéristique, il y a un début de la crise, soudain, qui dure toujours quelques secondes à quelques minutes, avec une propagation, origine, propagation, après il y a ce qu’on appelle la phase post-critique, c’est la phase dite de récupération, après la crise, quand l’activité électrique cérébrale anormale cède, il y a une phase post-critique avec des symptômes cliniques qui vont encore persister avant une récupération totale. Donc vous voyez, les phénomènes épileptiques sont de courte durée mais le temps de récupération peut être assez long, donc le symptôme peut durer plusieurs minutes pour le patient.
Alors les symptômes vont être extrêmement variés, on en décrit plusieurs comme vous le voyez ici dans cette case, je ne parlerai que de certains puisque le sujet du cours est « Manifestations psychiques et comportementales ».
La 2eme partie de l’introduction c’est la comparabilité épilepsie/ troubles psychiatriques, il y a souvent bien entendu, en médecine, toujours, des interactions avec la psychiatrie bien entendu, et là, on le voit dans l’épilepsie, elle existe clairement en particulier soit un à instant donné soit sur la vie entière, des statistiques ont été données : 60% des patients vont être confronté à cette problématique. Alors il y a des raisons de comorbidité, elles sont multiples, il y a certainement des raisons organiques, faites par les lésions structurelles des équilibres de neurotransmission (vous savez que la maladie épileptique, on n’en connaît pas les causes, mais il y a des perturbations dans la neurotransmission), des répercutions sociales et personnelles de la maladie, c’est évident, il y a des conséquences, des effets biologiques et des comportements de crises : quand les patients ont beaucoup de crises, à chaque fois ils ont des symptômes post-critiques qui peuvent durer, qui peuvent donner des troubles du comportement post-critique et donc qui participent à ces manifestations d’allure psychiatrique, il y a les effets des traitement aussi médicamenteux qui peuvent aussi poser des problèmes.
Alors quels sont les principaux troubles mentaux associés à l’épilepsie ?
- Les troubles de l’humeur, 40 à 60%, il y a un risque suicidaire 4 à 5 fois plus élevé dans cette population par rapport à la population générale,
- l’anxiété, jusqu’à 30%, il y a l’anxiété dite anticipatoire, le patient a peur de faire une crise, il ne peut pas sortir dehors, il ne l’exprime pas souvent d’ailleurs mais c’est quelque chose qui existe clairement
- les troubles de l’affectivité,
- des conduites addictives, 22% des patients, alcool, toxique, médicamenteux
- et ce qu’on appelle des troubles somatomorphes, de nombreux d’épileptiques qui ont mal, ils ont mal à la tête, et il faut ajouter à l’ordonnance du doliprane de façon systématique, faut toujours se battre pour éviter, mais ils ont mal
- les troubles psychotiques, l’association épilepsie/ psychose est plus élevée qu’on pourrait le supposer dans la population générale, donc c’est un facteur de risque, les troubles psychiatriques, ils sont classés, je ne vais pas rentrer dans les détails, mais c’est assez passionnant, un certain Bertrand de T qui est à Tours, un neurologue, un psychiatre, qui s’est beaucoup intéressé à ça, qui a écrit un merveilleux livre je trouve et donc avec une classification, là j’ai simplifié, il y a les psychoses dites inter ictales, c’est à dire les patients qui ont des manifestations psychotiques entre leurs crises, alors soit c’est chronique, c’est à dire c’est entre chaque crise, soit c’est transitoire, pendant une courte période, ils vont avoir des manifestations qui vont céder et puis réapparaitre après la crise suivante ou les séries de crises suivantes. La psychose post-ictale aussi, là on a un jeune adolescent qui pose cette problématique-là, chaque fois qu’il fait une crise, on est obligé de l’hospitaliser, de lui donner des doses de neuroleptiques le temps qu’il récupère, ça dure 24-48h. Et les psychoses médicamenteuses, on a la problématique des médicaments qui peuvent donner des troubles psychiatriques sévères.
Alors ! Voilà, on arrive au vif du sujet. Crise d’épilepsie à manifestations psychiques et comportementales, alors selon la localisation et selon la propagation des crises les symptômes vont être variés. Mais ce n’est pas si simple que ça, le cerveau c’est compliqué et là, j’ai pris un exemple, c’est le problème des réseaux. Là c’est représenté exprès, c’est un schéma incompréhensible, le système limbique avec toutes les interconnections qui sont connues. Alors là, il y a si vous voulez regarder l’anatomie le système limbique, il y a différentes structures et donc des interconnections dans ce système compliqué avec des phénomènes d’activation/inhibition à distance qui vont donner des symptômes. Donc ça rajoute à la complexité, il y a la géographie, l’origine, la propagation plus l’excitation de zones à distance ou d’inhibition. Donc on peut comprendre qu’à ce moment-là, les symptômes d’une crise ce sont de nombreux phénomènes. Alors après on fait des théories, on dit c’est à cause de ça, il y a des personnes qui font des stimulations intra-cérébrales qui disent « quand on stimule ça, on a tel symptôme », bon là après on arrive dans des choses compliquées mais qui sont très très utiles, qui ont fait beaucoup avancer les choses dans la compréhension du cerveau.
Je vais vous montrer d’abord en premier lieu deux vidéos. Je vous explique d’où viennent ces vidéos : c’est au cours de l’exploration des épilepsies dans certains cas mais pas chez tout le monde, on a besoin de préciser exactement les caractéristiques des crises de chaque patient, les patients qui sont dits pharmaco résistants, une technique éventuellement thérapeutique c’est de les opérer, donc il faut essayer de retirer la zone dite épilepthogène. Donc les vidéos c’est des extraits des vidéos qui sont faites en routine dans cette optique là. Donc je vous en ai sélectionné certaines, celle-là m’ont beaucoup frappé, vous allez voir qu’elles sont particulièrement spectaculaires, il ne faut pas considérer que tous les patients vont présenter ce type de crises : il y a un type de crise par patient. Tous les jours on en apprend, on voit une crise chez un patient, on dit tiens ça on n’avait pas encore vu.
Ils sont hospitalisés – « c’est important tout ce que je dis parce que ça peut choquer si on n’est pas habitué » - on ne provoque pas les crises. Comme ils font beaucoup de crises on les enregistre spontanément. Ils sont hospitalisés plusieurs jours avec une technique d’EEG vidéo, ils ont l’électroencéphalogramme qui est la méthode pour enregistrer l’activité électrique cérébrale (indolore), couplée à une vidéo. L’idéal c’est qu’il y ait un technicien à côté pour pouvoir interagir quand une crise survient. Là, on a la chance d’avoir un technicien assez chevronné pour ça. Donc il faut que les patients fassent les crises aux heures ouvrables. On s’organise pour que ça se produise comme ça. Les patients ont tous signés un consentement pour qu’on montre les vidéos, de toute façon, on ne le reconnait pas.