Extrait
À l’occasion de la première Journée de l’EPhEP : La question de l’identité aujourd’hui ; entre amnésie et hypermnésie Le 29 janvier 2011.
Il est bien sûr difficile de prendre la parole après ce qui vient d’être dit, mais ce que nous avons entendu justifie, s’il en était besoin, le bien-fondé de cette Journée, et peut-être ce que je souhaite dire, même si cela risque de présenter un certain caractère de difficulté.
Les deux grandes structures cliniques que constituent l’hystérie et la névrose obsessionnelle sont étroitement solidaires – c’est là l’apport de Freud que Lacan a ordonné dans la première partie de son enseignement – étroitement solidaires d’un mode d’accès à la jouissance sexuelle fondé sur la castration, castration que rendent opératoire la référence à la métaphore paternelle et la signification phallique qu’elle engendre.
Dans les lois de l’échange qui se trouvent ainsi mises en place dans notre culture, le nom propre, sous la forme du patronyme, même si sa généralisation est d’introduction récente – en France cela date de François 1er me semble-t-il, et nous avons vu qu’en Turquie c’est encore bien postérieur – et même si, sur ce point, les choses sont en train de changer rapidement – puisque nous évoquons l’actualité : il y a eu ce recours devant le Conseil constitutionnel, qui au cas où le Conseil constitutionnel aurait statué positivement sur le mariage des homosexuels, la question par exemple du patronyme de l’enfant aurait pu poser problème. Malgré cette nécessaire relativisation du patronyme et de sa fonction, il joue encore, il a encore une place importante dans la mise en place de la chaîne des générations : il se transmet de père en fils, tandis que la fille en change à l’occasion de l’alliance entre deux familles.
Le nom propre donne ainsi à chacun une identité, non pas au titre de la nomination de ce qui serait sa singularité, mais comme simple élément du fonctionnement des structures de la parenté. À ce nom propre que nous recevons de l’Autre (du grand Autre) au titre d’un signifiant maître, d’un trait unaire qui nous identifie (au sens transitif du terme) sans que nous ayons notre mot à dire, eh bien ce nom propre, nous lui attribuons la valeur d’une dette contractée en échange d’un accès plus ou moins satisfaisant à la jouissance sexuelle, à la jouissance phallique, d’une dette contractée à l’endroit de celui que nous supposons habiter le lieu de l’Autre, que nous l’appelions l’au-moins-un, l’ancêtre fondateur ou le père mort.
Si les deux grandes névroses qui se distribuent chacune, ainsi que nous le savons, de manière préférentielle entre les deux sexes, sont à entendre comme deux modalités différentes de défense contre la castration, comme un refus de la jouissance phallique que cette castration organise, si donc ces deux névroses sont à entendre comme un refus de la castration et de la jouissance phallique que cette castration organise, il est aisé de concevoir en quoi son nom propre importune le névrosé. Son patronyme lui rappelle en effet, comme à tout à chacun, le devoir qui est le sien à l’égard de l’Autre (du grand Autre), soit d’avoir à se mettre en règle à l’endroit d’une part de sa position sexuée, et d’autre part de la mort et de la procréation.
La difficulté – qui fait d’ailleurs la force de la position névrotique à laquelle, je vous le rappelle, nous devons l’invention de l’existence de la psychanalyse – la difficulté, c’est qu’il n’existe pas dans l’ordre symbolique qui pourtant rend compte d’à peu près tout, il n’existe pas dans le grand Autre de signifiant métaphorique spécifique pour rendre compte ni du sexe de la femme, ni de la succession des individus, c’est-à-dire de la raison pour laquelle il convient, dans la mesure où la vie dépend de la reproduction sexuée, qu’un individu n’ait accès à la vie qu’à la condition que d’autres périssent. Eh bien ça, ça reste pour l’ordre symbolique une véritable difficulté.