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Ephep, Séminaire du 20 mars 2014

Nous allons reprendre de façon très précise les éléments qui, pour Lacan, sont organisateurs de la phobie par une démonstration, une série d’assertions qui lui sont parfaitement originales et qui, entre autres, mettent en pratique ce tableau que nous avons pu regarder, ce tableau qui comporte la permutation du réel, du symbolique et de l’imaginaire – je dis bien la permutation des termes – était susceptible de rendre compte de ce qui dans la déclaration du petit Hans ne peut manquer de nous paraître confus et finalement, je dirais, incompréhensible. Ne serait-ce que parce qu’à la recherche permanente du sens à laquelle se soumet Freud vient là se substituer chez Lacan une pure combinatoire entre père symbolique, père réel, mère symbolique, père imaginaire, une pure combinatoire qui rend des phénomènes subjectifs et tout simplement par une permutation automatique de ces termes. Autrement dit, une sortie du récit, de la narration, du caractère romanesque, si je puis dire, donné à l’explication de la mise en place de la phobie du petit Hans pour rendre compte d’un jeu purement de structure. Et, il est évident que d’un point de vue purement méthodologique, c’est non seulement d’une originalité entière mais c’est également, je dirais, ce qui en quelque sorte ouvre la porte à ce qui sera beaucoup plus tard le maniement des nœuds. En tout cas, la pensée qu’un symptôme, ici en l’occurrence la phobie, puisse être déterminé indépendamment du récit et de la volonté du sujet par une pure combinatoire est d’une originalité qui mérite, je dirais, d’être soulignée.

Je reprends cette leçon qui est donc la leçon 13. Je la reprends quelques pages avant la fin au niveau, je le dis bien, de ce qui va se présenter comme le nœud de l’affaire.

Alors, il va nous dire ceci : « Nous sommes dans une relation prĂ©-oedipienne dans ce qui dĂ©termine la phobie. Â» (p 221) La phobie donc comme dĂ©termination prĂ©-oedipienne alors que la nĂ©vrose, vous voyez tout de suite la diffĂ©rence aura, elle, une causalitĂ© oedipienne. La nĂ©vrose est, on va dire, un refus opposĂ© Ă  la loi paternelle. Une contestation. La phobie est liĂ©e Ă  l’étape prĂ©-oedipienne. Autrement dit, indĂ©pendante donc de ce qui serait l’intervention structurante, on ne peut pas dire que le papa n’est pas lĂ , en tout cas indĂ©pendante donc de ce que serait l’intervention structurante du père.

Alors ce qui va tout de suite nous frapper dans ce que raconte Lacan, il va nous dire ceci : « Il y a deux choses, une considĂ©ration que je vais faire devant vous, qui sera un rappel de ce que nous pouvons appeler la situation fondamentale quant au phallus de l’enfant par rapport Ă  la mère. Â» (p 221) Situation de l’enfant quant au phallus par rapport Ă  la mère, prĂ©-oedipienne. « La relation de l’enfant Ă  la mère en tant qu’elle est objet d’amour, objet dĂ©sirĂ© pour sa prĂ©sence, objet qui suppose une relation aussi simple que vous pouvez la supposer, mais qui est très prĂ©cocement manifestable dans l’expĂ©rience, dans le comportement de l’enfant, la sensibilitĂ©, la rĂ©action Ă  la prĂ©sence de la mère, et très vite son articulation en un couple prĂ©sence-absence. Â» (p 221) L’introduction immĂ©diate de l’enfant Ă  la dimension de l’absence et, bien qu’il ne le dise pas mais nous pouvons aisĂ©ment en ce qui nous concerne le dĂ©duire, la prĂ©sence ne prenant en quelque sorte son effectivitĂ© que du fait de la possibilitĂ© de cette absence : qu’elle s’absente. Il est bien Ă©vident qu’à dĂ©faut, supposons la mère collĂ©e Ă  son enfant, il est bien Ă©vident que l’absence elle-mĂŞme ne saurait ĂŞtre pensĂ©e. Je ne m’attarde pas trop lĂ -dessus.

Mais il ajoute : « C’est vous savez ce sur quoi nous partons [le couple prĂ©sence/absence] et si les difficultĂ©s ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©es Ă  propos de ce qu’on peut appeler le monde objectal premier de l’enfant, c’est en raison d’une insuffisante distinction du terme mĂŞme d’objet. Â» (p 221) Et je crois que les fois prĂ©cĂ©dentes, nous Ă©tions amener Ă  rĂ©flĂ©chir sur finalement l’étrangetĂ© du terme et, je dirais, la difficultĂ© Ă  le dĂ©finir. Je crois bien que nous en avions parlĂ© ensemble. Ă€ quoi est-ce que l’on reconnaĂ®t un objet ? Et comme je crois que nous avions Ă©tĂ© très savants, nous avions fait remarquer ceci : de mĂŞme que la prĂ©sence de la mère n’est individualisable que du fait de sa possible absence, de mĂŞme la notion d’objet ne se prĂ©sentifie que parce qu’il manque. C’est parce qu’il manque que nous sommes amenĂ©s Ă  Ă©voquer ce que serait la prĂ©sence d’un objet alors que cette prĂ©sence nous est ordinairement Ă©pargnĂ©e sauf dans cette relation en quelque sorte première marquĂ©e par le couple prĂ©sence/absence et oĂą la dimension de l’objet qu’il s’agisse de la mère comme objet pour l’enfant ou de l’enfant objet pour la mère ne se met, je dirais, en relief Ă  cause de la rĂ©ciproque possible de l’absence. Et, ça a une consĂ©quence clinique dont je n’oserais pas dire qu’elle est amusante parce que je serais sĂ»rement le seul Ă  la trouver telle mais, cela rend compte de ce qui est si frĂ©quent chez les mamans justement, la crainte que le bĂ©bĂ© ne disparaisse, autrement dit ne vienne Ă  mourir puisque ce serait en quelque sorte la condition pour que sa prĂ©sence soit enfin pleinement attestĂ©e. Il faudrait sa disparition pour que sa prĂ©sence puisse ĂŞtre attestĂ©e et donc cette dimension que nous savons et Ă  laquelle le bĂ©bĂ© va ĂŞtre bien Ă©videmment sensible et rĂ©agir Ă  sa façon.

Lacan ajoute : « Qu’il y ait un objet primordial, que nous ne puissions pas, en aucun cas constituer idĂ©alement, c’est-Ă -dire dans notre idĂ©e, ce monde de l’enfant comme Ă©tant un pur Ă©tat de suspension aux limites indĂ©terminĂ©es Ă  l’organe qui le satisfait, c’est-Ă -dire Ă  l’organe du nourrissage, c’est une chose que je ne suis pas le premier Ă  contredire […] Â». (p 221) Il parle d’Alice Balint, etc. Cet objet premier, j’explique cette phrase qui risque de vous paraĂ®tre obscure malgrĂ© le degrĂ© maintenant très avancĂ© de vos travaux sur la question. Et bien je m’explique. Elle est très simple. Cet objet primordial, nous ne pouvons pas le constituer idĂ©alement, c’est-Ă -dire le nommer puisqu’il existe que par son absence. Et, il met en cause cette espèce de conception que ce qui serait un monde premier de fusion entre le bĂ©bĂ© et sa maman, puisqu’il manque cette reprĂ©sentation, un espèce d’enfermement rĂ©ciproque de la mère et de l’enfant constituant une masse indistincte, ne saurait se voir, ne saurait s’observer.

Alors, la mère existe mais ça ne suppose pas pour autant qu’il y est déjà quelque chose qui s’appelle moi et non-moi. Donc, la mère existe du fait de cette absence qui fonde son existence. Mais, ça ne suffit pas pour marquer la distinction, la séparation d’avec elle, la distinction du moi et du non-moi, ce qui est elle et ce qui est le bébé même si l’on a mis en cause, bien entendu, la masse indistincte qu’il constituerait et, ça ne suffit pas non plus, pour faire que la mère existe comme objet symbolique et comme objet d’amour. Cette époque fondée sur le couple présence/absence, ce dispositif ne suffit pas pour qu’il puisse faire la distinction entre le moi maternel et le moi du bébé ou le non-moi représenté par la mère, ni non plus le fait qu’elle existe comme objet symbolique et comme objet d’amour. Objet symbolique, c’est-à-dire représentante de cette absence, le symbole – et nous allons de plus en plus y être habitués –, il n’est jamais que le représentant d’une absence.

C’est bien pourquoi, je dirais, que l’ordre symbolique est devenu aujourd’hui de plus en plus incertain puisque nous fonctionnons dans un monde compact, sans limite. L’accès au symbole est devenu éminemment problématique ainsi que, bien entendu, la pensée de l’absence qui ne sera vécue que dans le registre de la privation et la frustration.

Donc, ça ne veut pas dire qu’à cette époque la mère existe comme objet symbolique, symbolique de cette absence et, comme objet d’amour, c’est-à-dire comme ce qui est là investi au lieu de cette absence et comme support donc de l’amour. C’est ce que confirmera à la fois l’expérience et ce que je suis en train de formuler dans la position que je donne ici à la mère sur ce tableau, à ce stupéfiant tableau que j’évoquais au départ et en tant qu’elle est d’abord, nous dit-on, mère symbolique et que ce n’est que dans la crise de la frustration qu’elle commence à se réaliser par un certain nombre de chocs et avec la particularité de ce qui arrive dans les relations entre la mère et l’enfant, cette mère comme objet d’amour qui peut être à chaque instant la mère réelle justement pour autant qu’elle frustre cet amour, objet d’amour en tant que justement ce qui fait qu’elle est susceptible d’y faire défaut. Ce qui la fonde, c’est cette frustration même. La relation de l’enfant avec elle est une relation d’amour où il y a, en effet, ce quelque chose qui peut ouvrir la porte à ce qu’on appelle d’habitude la relation indifférenciée première. C’est ce que je vous disais mais, c’est faute d’avoir l’aptitude, il réfute, il met en cause cette notion de relation indifférenciée première, cette fusion entre la mère et l’enfant.

« En fait, ce qui se passe fondamentalement, ce qui est la première Ă©tape concrète de cette relation d’amour comme telle, Ă  savoir ce quelque chose qui fait le fond sur lequel, se passe ou ne se passe pas, avec une signification, la satisfaction de l’enfant, qu’est-ce que c’est ? C’est que l’enfant prend cette relation en s’y incluant lui-mĂŞme comme l’objet de l’amour de la mère, c’est-Ă -dire que l’enfant apprend ceci qu’il apporte Ă  la mère le plaisir, c’est une des expĂ©riences fondamentales de l’enfant qu’il sache que si sa prĂ©sence commande si peu que ce soit celle de la prĂ©sence qui lui est nĂ©cessaire, c’est en raison oĂą lui-mĂŞme il y introduit quelque chose, cet Ă©clairement qui fait que cette prĂ©sence lĂ  l’entoure comme quelque chose, Ă  quoi, lui, apporte une satisfaction d’amour. Â»

(p 222) Voilà une jolie phrase, emberlificotée à souhait mais qui nous dis bien ce que cela veut dire. Autrement dit, c’est dans cette sorte de réciprocité, il apprend son amour pour la mère dans la mesure où lui-même est pris là comme objet d’amour mais Lacan n’évoque pas ce que je disais tout à l’heure. C’est-à-dire qu’au fond, il serait lui-même objet d’amour que dans le risque de sa disparition, de son absentification.

Je ne vais pas évoquer là, ce serait trop arbitraire mais enfin, il y a comme vous le savez ce qu’on appelle les morts subites du nourrisson. Une affaire étrange à laquelle les médias ne comprennent rien parce qu’il s’agit d’enfants qui en général du point de vue organique sont impeccables. Absentification brutale du nourrisson.

« Le « ĂŞtre aimĂ© Â» entre guillemets est fondamental, [ça chacun de nous est un peu au courant de ça] c’est le fond sur lequel va s’exercer tout ce qui va se dĂ©velopper entre la mère et l’enfant, c’est prĂ©cisĂ©ment en tant que quelque chose s’articule peu Ă  peu dans l’expĂ©rience de l’enfant qui lui indique que dans cette prĂ©sence de la mère Ă  lui-mĂŞme, il n’est pas seul. Â» (p 222) On est dans la phase prĂ©-oedipienne. Il y a quelque chose qui va lui apprendre que dans cette prĂ©sence de la mère Ă  lui-mĂŞme il n’est pas seul. « C’est autour de cela que va s’articuler toute la dialectique du progrès de cette relation de la mère Ă  l’enfant. […] S’il n’est pas seul et si tout tourne autour de lĂ , ceci bien entendu ouvre Ă  notre esprit une des expĂ©riences les plus communes, que d’abord il n’est pas seul parce qu’il y a d’autres enfants. [Ce n’est pas obligatoire.] Mais nous avons indiquĂ© comme hypothèse de base qu’il y a un autre terme constant et radical, et indĂ©pendant des contingences et des particularitĂ©s de l’histoire et de la prĂ©sence ou de l’absence de l’autre enfant, par exemple, c’est le fait que la mère conserve Ă  un degrĂ© diffĂ©rent selon les sujets, le pĂ©nis-neid qui fait est quelque chose par rapport Ă  cela. Â» (p 222-223) VoilĂ  le terme troisième et avant toute intervention du papa, l’enfant qui vient s’inscrire dans ce rapport Ă  un troisième terme qui se manifeste par le pĂ©nis-neid. « Il le comble ou il ne le comble pas, mais la question est posĂ©e. La dĂ©couverte, et de la mère phallique pour l’enfant, et du pĂ©nis-neid pour la mère sont strictement coexistants du problème que nous essayons d’aborder pour l’instant. Â» (p 223) Qu’est-ce que ça veut dire la mère phallique et le pĂ©nis-neid ? Et bien, ça veut dire quelque chose d’extrĂŞmement simple. C’est que du fait de sa maternitĂ© – c’est quelque chose que j’ai l’habitude de rĂ©pĂ©ter – que du fait de sa maternitĂ©, une femme va se trouver enfin dĂ©corĂ©e de la mĂ©daille phallique. Au champ d’honneur. Sur le front. Dans les tranchĂ©es, si j’ose dire. Ben oui, elle en a maintenant la mĂ©daille. Et donc, c’est grâce Ă  cet instrument que reprĂ©sente le bĂ©bĂ© et qui vient rĂ©pondre Ă  son pĂ©nis-neid puisque du mĂŞme coup elle se trouve marquĂ©e de l’index phallique. C’est donc bien que le bĂ©bĂ© peut s’assimiler Ă  l’instrument.

Il y a un texte de Freud que je ne saurais assez vous recommander dont le titre me reviendra sûrement un jour mais que vous pourrez retrouver vous-mêmes, c’est sur l’équivalence d’un certain nombre d’objets. Il y en a quatre. Il y a pénis, argent, fèces et enfant. C’est audacieux de la part de Freud d’avoir pu établir une telle équivalence. Faudra que je vous donne, si vous ne connaissez pas cet article, faudra que je vous en trouve les coordonnées.

Donc « […] oĂą l’on voit que c’est dans la relation Ă  la mère que l’enfant Ă©prouve le phallus â€“ au fond lui, il ne prend du prix pour elle que parce qu’il vient rĂ©pondre Ă  cette instance qui est – le centre du dĂ©sir de la mère et oĂą il se situe lui-mĂŞme en diffĂ©rentes positions, par oĂą il est amenĂ© Ă  maintenir, et très exactement Ă  leurrer, ce dĂ©sir de la mère. Â» (p 223) C’est-Ă -dire, Ă  ĂŞtre le semblant, le semblant de pĂ©nis qui lui donne cette valeur phallique. «  De quelque façon, l’enfant se prĂ©sente Ă  la mère comme Ă©tant ce quelque chose qui lui offre le phallus en lui-mĂŞme, et Ă  des degrĂ©s et dans des positions diverses. Â» (p 223) Et, Ă©coutez la suite de cette histoire absolument fabuleuse. « Ici il peut s’identifier Ă  la mère, s’identifier au phallus, s’identifier Ă  la mère comme porteuse du phallus ou se prĂ©senter lui-mĂŞme comme porteur du phallus. Il y a lĂ  un haut degrĂ©, non pas d’abstraction, mais de gĂ©nĂ©ralisation de ce niveau de la relation imaginaire, â€“ autrement dit de la relation en miroir – de la relation que j’appelle leurrante, par oĂą l’enfant en quelque sorte atteste Ă  la mère qu’il peut la combler, non seulement comme enfant, mais aussi pour ce qui est le dĂ©sir et ce qui manque, pour tout dire, Ă  la mère. Â» (p 223)

Je dois vous dire qu’à ma surprise ce moment qui est ici si finement dĂ©crit et rapportĂ© est assurĂ©ment dĂ©terminant ; lorsqu’il ne peut pas avoir lieu, il est dĂ©terminant de l’autisme. L’autisme infantile c’est ce qui se produit quand une mère ne peut pas venir inscrire son enfant comme venant rĂ©pondre Ă  un pĂ©nis-neid et venant lui donner la mĂ©daille phallique. Je suis Ă©videmment Ă  chaque fois surpris de devoir remettre ça sur l’ouvrage et Ă  chaque fois insister en Ă©tant, je dirais, heurtĂ© de la dĂ©xesualisation radicale que nos collègues qui s’intĂ©ressent Ă  la question introduisent dans la question de l’autisme infantile. C’est vraiment une opĂ©ration qui vient hors sexe pour elle alors que c’est justement parce que c’est hors sexe que l’enfant devient autiste. Si on ne veut pas qu’un enfant devienne autiste, il faut qu’il soit pris dans cette dialectique sexuelle antĂ©-oedipienne et, on sait qu’il y a des mères qui, pour des raisons diverses, ne sont pas intĂ©ressĂ©es ou ne peuvent pas, je dirais, faire valoir, mettre en Ĺ“uvre cette Ă©conomie-lĂ , Ă  ce moment-lĂ . C’est pas compliquĂ©, c’est simple comme chou, comme petit chou.

Et bien voilĂ , c’est quand mĂŞme Ă©trange… Je vous conseille vivement un bouquin qui vient de sortir chez Érès,Autismes et Psychanalyses [1] qui est constituĂ© d’articles Ă©crits par diffĂ©rents praticiens de l’autisme infantile. Vous regarderez ça et vous vous demanderez dans quelles pages la psychanalyse est concernĂ©e parce que ce n’est pas parce que ce sont des gens qui sont psychanalystes et qu’ils s’occupent de ces bĂ©bĂ©s, qu’ils font de la psychanalyse. C’est je dois dire assez impressionnant. Moi, personnellement, ça m’impressionne, de quelles façons ces praticiens reçoivent eux-mĂŞmes des cas qu’ils Ă©tudient sur un mode imaginaire, le fait qu’il n’y a pas de sexe dans l’affaire et donc qu’il n’y a pas Ă  mettre en cause quelques dĂ©terminations sexuelles. Ben oui, y a pas de sexe mais c’est Ă  ça qu’est dĂ» l’autisme infantile. Étrange affaire.

Alors, une digression clinique, pourquoi pas. La situation, c’est-Ă -dire, le fait que cet enfant peut combler la mère non seulement comme enfant mais aussi pour ce qu’il en est du dĂ©sir et de ce qui lui manque, il ajoute : « La situation est certainement structurante, fondamentale, puisque c’est autour de cela, et uniquement autour de cela que peut s’articuler la relation du fĂ©tichiste Ă  son objet […] Â». (p 223) C’est fantastique de rattacher la genèse du fĂ©tichisme Ă  cette Ă©tape prĂ©coce. « […] par exemple toutes les gammes intermĂ©diaires qui le lient Ă  une relation aussi complexe et aussi Ă©laborĂ©e, et Ă  laquelle seule la psychanalyse a pu donner son accent et son terme, le transvestisme, l’homosexualitĂ© Ă©tant ici rĂ©servĂ©e Ă  ce dont il s’agit dans l’homosexualitĂ©, c’est-Ă -dire du besoin de l’objet et du pĂ©nis chez l’autre. Â» (p 223) Donc, dans ce travail de la genèse du fĂ©tichisme, du transvestisme et de l’homosexualitĂ©, Ă  cette Ă©tape prĂ©-oedipienne et tout Ă  fait primitive, tout Ă  fait première, ce besoin de la prĂ©sence du pĂ©nis rĂ©el chez l’autre ou de l’objet dans l’homosexualitĂ© fĂ©minine. « Ă€ quel moment allons-nous voir que quelque chose met un terme Ă  la relation ainsi soutenue ? Â» (p 223) Ah, ah, ah ! Vous allez dire, ben voilĂ , on va attendre que Guignol sorte des coulisses avec son gros bâton. Et bien, voyons si c’est bien de Guignol dont il est question. « Ce qui met un terme dans le cas du petit Hans par exemple, que nous voyons au dĂ©but de l’observation par une sorte d’heureuse rencontre de l’éclairage, de mirage heureux qui se produit Ă  chaque fois que nous faisons une dĂ©couverte, nous voyons l’enfant complètement engagĂ© dans cette relation oĂą le phallus joue le rĂ´le le plus Ă©vident. Les notes qui sont donnĂ©es par le père comme Ă©tant ce qui a Ă©tĂ© relevĂ© dans le dĂ©veloppement de l’enfant jusqu’à l’heure H oĂą commence la phobie nous apprennent que l’enfant est tout le temps en train de fantasmer le phallus, d’interroger sa mère sur la prĂ©sence du phallus chez la mère prĂ©cisĂ©ment, puis chez le père, puis les animaux. On ne parle que du phallus, le phallus est vraiment l’objet pivot, l’objet central de l’organisation de son monde, du moins si nous nous en tenons aux propos qui nous sont rapportĂ©s. Nous sommes devant le texte de Freud, nous essayons de lui donner son sens. Â» (p 223-224) Qu’il y a-t-il donc de changĂ© pour que cette pĂ©riode heureuse oĂą il est dans la relation de leurre avec sa mère ? « Qu’y a-t-il donc de changĂ©, puisqu’il n’y a vĂ©ritablement rien d’important, rien de critique qui survienne dans la vie du petit Hans ? Â» (p 224) Qu’est-ce qu’il y a de changĂ© pour qu’il entre dans la phobie ? Alors c’est pas la trique que nous attendions, c’est pas Guignol. « Ce qu’il y a de changĂ©, c’est que son pĂ©nis Ă  lui commence Ă  devenir quelque chose de tout Ă  fait rĂ©el – Hein ! Plus d’imaginaire ! –, il commence Ă  remuer, il commence Ă  se masturber, et ça n’est pas tellement que la mère intervienne Ă  ce moment-lĂ  qui est un Ă©lĂ©ment important. Â» (p 224) Comme vous vous en souvenez Ă©videmment, comme il ne pensait qu’à ça, la mère lui a dit : « Si tu te touches, je vais te le couper Â» ou un truc dans ce genre-lĂ . « Que dĂ©jĂ  le pĂ©nis devienne quelque chose de rĂ©el, ceci c’est le fait massif de l’observation ; Ă  partir de lĂ  il est tout Ă  fait clair que nous devons nous demander s’il n’y a pas une relation entre cela et ce qui apparaĂ®t Ă  ce moment-lĂ , c’est-Ă -dire l’angoisse. Â» (p 224)

On n’est pas encore dans la phobie. C’est l’angoisse. Il y a la relation leurrante, imaginaire. C’est son pĂ©nis rĂ©el qui se met Ă  remuer. Il commence Ă  se masturber et c’est l’angoisse. « Je n’ai pas encore abordĂ© le problème de l’angoisse ici, parce qu’il faut prendre les choses par ordre. L’angoisse, vous le savez, tout au long de l’œuvre de Freud est vĂ©ritablement une des questions permanentes, Ă  savoir comment nous devons la concevoir. Â» (p 224) Je vous renvoie Ă  ce travail qui est très difficile et qui s’appelle Inhibition, symptĂ´me, angoisse de Freud. « Je ne donne pas dans une phrase le rĂ©sumĂ© du chemin parcouru par Freud, c’est tout de mĂŞme quelque chose qui, comme mĂ©canisme, est lĂ  toujours prĂ©sent dans les Ă©tapes de son observation, la doctrine vient après. Â» (p 224) Alors la doctrine de Freud c’est que l’angoisse est liĂ©e Ă  un excès de libido dont l’insuffisance d’épanchement provoque cet affect. L’angoisse est la montĂ©e d’une libido qui n’est pas satisfaite et, c’est pourquoi en bon hygiĂ©niste contre l’angoisse, le petit père Freud refusera ce que sĂ»rement Martha Freud aurait souhaitĂ©, parce qu’elle en avait assez de pouponner tout le temps, refusera le coitus interruptus puisque le coitus interruptus nous dit Freud est une soustraction de libido, de satisfaction qui entraine est source d’angoisse. On est lĂ  dans une mĂ©canique relativement simple qui est celle de Freud.

« L’angoisse dont il s’agit en cette occasion, comment devons-nous la concevoir ? Aussi près que possible du phĂ©nomène. Je vous prie un instant simplement d’essayer cette sorte de mode d’abord qui consiste Ă  faire preuve d’un peu d’imagination et de vous apercevoir que l’angoisse – Ă©coutez bien – par cette relation extraordinairement Ă©vanescente par oĂą elle nous apparaĂ®t chaque fois que le sujet et, si insensiblement que ce soit, dĂ©collĂ© de son existence et oĂą pour si peu que ce soit il s’aperçoit comme Ă©tant sur le point d’être repris dans quelque chose que vous appellerez comme vous voudrez suivant les occasions, image de l’autre – image de l’Autre avec un grand A – tentation, bref ce moment oĂą le sujet est suspendu entre un temps oĂą il ne sait plus oĂą il est, vers un temps oĂą il va ĂŞtre quelque chose qu’il ne pourra plus jamais se retrouver, c’est cela l’angoisse. Â» (p 224) C’est-Ă -dire ce moment, ce temps de bascule entre un temps oĂą d’un cĂ´tĂ© il ne sait plus oĂą il est et l’autre oĂą il va ĂŞtre quelque chose qui ne pourra plus jamais se retrouver. Moment charnière en quelque sorte. « Ne voyez-vous pas qu’au moment oĂą apparaĂ®t chez l’enfant sous la forme d’une pulsion dans le sens le plus Ă©lĂ©mentaire du terme, quelque chose qui remue, le pĂ©nis rĂ©el, â€“ Ah ! VoilĂ  le moment nouveau. Il partait d’un temps qui Ă©tait celui de l’imaginaire auquel il doit renoncer pour entrer dans un temps oĂą il va ĂŞtre quelque chose – c’est Ă  ce moment-lĂ  que commence Ă  apparaĂ®tre comme un piège ce qui longtemps a Ă©tĂ© le paradis mĂŞme du bonheur, Ă  savoir ce jeu oĂą on est ce qu’on est pas – c’est-Ă -dire ce moment de leurre imaginaire avec la mère – oĂą on est pour la mère tout ce que la mère veut, parce que bien entendu je ne peux pas parler de tout Ă  la fois, mais tout cela dĂ©pend du fait après tout ce que l’enfant est rĂ©ellement pour la mère, et nous allons essayer d’y mettre tout Ă  l’heure quelque diffĂ©rence, et nous allons tâcher d’approcher de plus près ce qu’était Hans pour sa mère. Mais pour l’instant nous restons dans ce point crucial qui nous donne le schĂ©ma gĂ©nĂ©ral de la chose. Jusque-lĂ  l’enfant, d’une façon satisfaisante ou pas – mais après tout dont il n’y a aucune raison de ne pas voir qu’il peut mener très longtemps ce jeu d’une façon satisfaisante – l’enfant est dans ce paradis du leurre avec un peu de bonheur, et mĂŞme très peu pour sanctionner cette relation, si dĂ©licate qu’elle puisse ĂŞtre Ă  mener. Par contre l’enfant essaie de se couler, de s’intĂ©grer dans ce qu’il est pour l’amour de sa mère. Mais Ă  partir du moment oĂą intervient sa pulsion Ă  lui, son pĂ©nis rĂ©el, il apparaĂ®t ce dĂ©collement dont je parlai tout Ă  l’heure, Ă  savoir qu’il est pris Ă  son propre piège, qu’il est dupe de son propre jeu, que toutes les discordances, que toutes les bĂ©ances, et la bĂ©ance particulièrement immense qu’il y a entre le fait de satisfaire Ă  l’image et de, lui, avoir lĂ  justement quelque chose Ă  lui prĂ©senter, Ă  prĂ©senter cash si je puis dire, et ce qui ne manque pas de se produire n’est pas simplement que l’enfant, dans ses tentatives de sĂ©duction, Ă©choue pour telle ou telle raison, ou qu’il soit refusĂ© par la mère qui joue Ă  ce moment-lĂ  le rĂ´le dĂ©cisif. C’est que ce qu’il a en fin de compte Ă  prĂ©senter – Ă  sa mère – est quelque chose qui peut lui apparaĂ®tre Ă  l’occasion, et nous en avons mille expĂ©riences dans la rĂ©alitĂ© analytique, comme quelque chose de misĂ©rable. Â» (p 224-225)

Catastrophe. Il Ă©tait lĂ  dans cette relation imaginaire de leurre et de bonheur avec la maman et prĂŞt Ă  assurer justement les images qu’elle pourrait souhaiter et puis voilĂ  ce pĂ©nis rĂ©el qui s’agite et d’un coup l’image qui tombe et la bĂ©ance entre ce qui Ă©tait cette image idĂ©ale et l’affaire misĂ©rable qu’il a Ă  lui prĂ©senter. Pourquoi misĂ©rable ? La question mĂ©riterait d’être posĂ©e Ă  Lacan. Il est pas lĂ , on lui posera pas. Mais c’est en tout cas sĂ»rement un moment oĂą l’enfant prend… On est toujours dans la phase prĂ©-oedipienne, or Lacan continue de penser que l’enfant ne prend cette apprĂ©hension du caractère misĂ©rable de ce qu’il a Ă  proposer Ă  sa mère que par une comparaison avec ce qu’il a pu observer ailleurs et pas seulement chez le cheval oĂą, mĂŞme chez la mère parce que vous vous souvenez qu’il dit : « Toi, tu dois en avoir une grosse, une grosse comme le cheval Â» et donc avec ça vient le sentiment effectivement du caractère misĂ©rable de ce qu’il a Ă  offrir. Alors, il essaie. Tout ça, c’est merveilleusement dĂ©licat.

Alors. « Ă€ ce moment le fait que l’enfant soit mis devant cette ouverture – cette bĂ©ance – ce dilemme, ou d’être captif […] Â». (p 225) Cette phrase, elle sera plus claire. Mais, ça ne fait rien, nous y allons. On avance. On verra bien ce qu’on en fait. « […] la victime ou l’élĂ©ment pacifiĂ© d’un jeu oĂą il devient dès lors la proie des significations de l’autre. Â» (p 225) Je pense que lĂ  au niveau de cette phrase, il y a des erreurs de transcription ou stĂ©nographiques. Mais, ça dĂ©bouche sur quelque chose de tout Ă  fait inattendu. Je suis sĂ»r qu’aucun de nous ne l’attendait Ă  ce moment-lĂ . Et, c’est le dĂ©bouchĂ© sur ceci : « C’est très prĂ©cisĂ©ment en ce point – c’est-Ă -dire lorsqu’il devient le captif, la victime ou l’élĂ©ment pacifiĂ© d’un jeu oĂą il devient dès lors la proie des significations de l’autre. Je dis bien que cette phrase est sĂ»rement fautive. Je ne sais pas comment Lacan rĂ©digeait encore – que s’embranche ce que je vous ai indiquĂ© l’annĂ©e dernière – nous n’y Ă©tions pas – comme origine de la paranoĂŻa, parce qu’à partir du moment oĂą le jeu de leurre devient sĂ©rieux et oĂą en mĂŞme temps ce n’est qu’un jeu de leurre, l’enfant est entièrement suspendu Ă  la façon dont le partenaire indique par toutes ses manifestations, pour lui toutes les manifestations du partenaire deviennent sanction de sa – suffisance ou insuffisance. Â» (p 225)

C’est Ă©trange qu’il fasse lĂ  encore remonter la paranoĂŻa, cette pĂ©riode, je dis bien, prĂ©-oedipienne, entièrement suspendue Ă  ce qui serait la stase d’un moment oĂą, dans la relation Ă  la mère, il trouverait le modèle d’une relation Ă  l’autre dont il serait entièrement et en permanence dĂ©pendant quant Ă  sa suffisance ou insuffisance. « C’est ce qui se passe très prĂ©cisĂ©ment dans la mesure oĂą cette situation est poursuivie, c’est-Ă -dire oĂą ne vient pas intervenir la Verwerfung â€“ c’est-Ă -dire la forclusion – laissant dehors ce terme du père symbolique, dont nous allons voir dans le concret justement combien il est nĂ©cessaire. Â» (p 225) LĂ  encore la phrase est fautive puisqu’il faut la lire en supprimant une nĂ©gation : « C’est ce qui se passe très prĂ©cisĂ©ment dans la mesure oĂą cette situation est poursuivie, c’est-Ă -dire oĂą vient intervenir la Verwerfung, la forclusion, laissant dehors ce terme du père symbolique, dont nous allons voir dans le concret justement combien il est nĂ©cessaire Â». Il y a tout lieu de penser que pour Lacan lui-mĂŞme l’élaboration de ces points n’était pas Ă©vidente pour que ces phrases soient aussi tordues. « Laissons le donc de cĂ´tĂ© pour l’autre enfant, â€“ le père symbolique – pour celui qui n’est pas dans cette situation très particulière de voir et d’être livrĂ© entièrement, Ă  partir de ce moment, Ă  l’œil et au regard, â€“ du grand Autre – c’est-Ă -dire au paranoĂŻaque futur. Â» (p 225) C’est drĂ´le comment il se prend lui-mĂŞme les pieds dans ses phrases. « Pour l’autre la situation est littĂ©ralement sans issue par elle-mĂŞme. â€“ C’est-Ă -dire celle du paranoĂŻaque livrĂ© aux caprices de l’Autre. – Bien entendu elle est avec l’issue puisque, si je suis lĂ , c’est pour vous montrer en quoi le complexe de castration en est l’issue. Â» (p 225-226)

Voyez pourquoi je prends ça ligne après ligne puisque c’est vraiment nodal. « Le complexe de castration reprend sur le plan purement imaginaire tout ce qui est en jeu avec le phallus et c’est pour cela prĂ©cisĂ©ment qu’il convient que le pĂ©nis rĂ©el soit en quelque sorte mis hors du coup. Â» (p 226) Alors lĂ , vous vous rendez compte ? « C’est par l’intervention de l’ordre qu’introduit le père avec ses dĂ©fenses, avec le fait qu’il introduit le règne de la loi, Ă  savoir le quelque chose qui fait que l’affaire Ă  la fois sort des mains de l’enfant, mais qu’elle est quand mĂŞme rĂ©glĂ©e ailleurs, qu’il â€“ le père – est celui avec lequel il n’y a plus de chance de gagner qu’en acceptant la rĂ©partition des enjeux telle quelle. Cela fait que l’ordre symbolique intervient et sur le plan imaginaire prĂ©cisĂ©ment. Â» (p 226)

Vous ne comprenez rien pour le moment, c’est très bien. Attendez un tout petit peu. « Ce n’est pas pour rien que la castration c’est le phallus imaginaire mais c’est en quelque sorte hors du couple rĂ©el que l’ordre peut ĂŞtre Ă©tabli oĂą l’enfant retrouve quelque chose Ă  l’intĂ©rieur de quoi il pourra attendre l’évolution des Ă©vènements. Â» – Autrement dit entrer en pĂ©riode de latence. C’est moi qui l’ajoute. – « Ceci peut vous paraĂ®tre simple pour l’instant comme solution du problème. C’est une indication, ce n’est pas une solution, c’est rapide, c’est un pont jetĂ©. Si c’était facile, s’il n’y avait qu’un pont Ă  jeter, il n’y aurait pas besoin de le jeter, c’est le point oĂą nous en sommes qui est intĂ©ressant. Le point oĂą nous en sommes c’est prĂ©cisĂ©ment celui oĂą en est privĂ© le petit Hans oĂą il ne se produit justement pour lui rien de pareil, oĂą il est confrontĂ©, oĂą il est mis Ă  ce point de rencontre de la pulsion rĂ©elle et de ce jeu du leurre imaginaire phallique, et ceci par rapport Ă  sa mère. Â» (p 226)

Alors qu’est-ce que ça veut dire tout ça ? C’est que le complexe intervient d’abord en effaçant dans le champ imaginaire la reprĂ©sentation pĂ©nienne et d’autre part – ça c’est encore bien plus amusant – venant affirmer, je dirais, le caractère rĂ©el du pĂ©nis, c’est-Ă -dire en le mettant hors champ puisque le rĂ©el c’est ce qui se trouve, je dirais, hors du symbolique ; autrement dit lĂ  le pĂ©nis rĂ©el venant, je dirais, en quelque sorte nourrir l’instance phallique prĂ©sente dans le rĂ©el. Ça vous Ă©tonne tout ça hein ? C’est complètement farfelu et donc ça mĂ©rite que vous repreniez attentivement… Je vous le redis : cela fait que l’ordre symbolique intervient sur le plan imaginaire prĂ©cisĂ©ment, c’est-Ă -dire avec cette dĂ©coupe de l’image pĂ©nienne dans l’image du corps. DĂ©coupe de l’image pĂ©nienne dans l’image du corps. Ce n’est pas pour rien que la castration c’est le phallus imaginaire, c’est-Ă -dire qu’elle porte sur le phallus imaginaire. Mais, c’est en quelque sorte hors du couple rĂ©el que l’ordre peut-ĂŞtre Ă©tabli oĂą l’enfant retrouve quelque chose Ă  l’intĂ©rieur de quoi il pourra attendre l’évolution des Ă©vènements.

Bon. Et donc pour le petit Hans, le fait que pour lui cette castration symbolique ne s’est pas produite. Et qu’est-ce qui se produit Ă  ce moment-lĂ  ? Et bien ce qui se produit c’est une rĂ©gression. Une rĂ©gression. Ça c’est un passage, je dirais, très amusant. Très amusant. La rĂ©gression c’est un Ă©lĂ©ment important de la topique freudienne. Autrement dit, quand une Ă©tape ne peut ĂŞtre satisfaite chez Freud et bien il se produit un retour Ă  l’état prĂ©cĂ©dent.

Et bien Lacan reprend dans ce sĂ©minaire ce procès-lĂ  des questions en disant ceci : « Je prĂ©fĂ©rerai quand mĂŞme que vous en soyez Ă©tonnĂ©s, parce que le terme de rĂ©gression, je l’articule ni plus ni moins qu’à la stricte portĂ©e que je lui ai donnĂ©e dans la dernière sĂ©ance avant l’interruption, quand nous avons parlĂ© de la frustration. De mĂŞme qu’en prĂ©sence de dĂ©faut de la mère – quand elle est absente – je vous ai dit que l’enfant s’écrase dans la satisfaction du nourrissage, de mĂŞme Ă  ce moment oĂą c’est lui qui est le centre qui ne suffit plus Ă  donner ce qu’il y a Ă  donner, il se trouve dans ce dĂ©sarroi de ne plus suffire. â€“ Le moment oĂą du faut de l’intervention de ce pĂ©nis rĂ©el, il ne se trouve plus suffire. – Ă€ ce moment-lĂ  la rĂ©gression se produit, qui fait feindre ce mĂŞme court-circuit qui est celui avec lequel se satisfait la frustration primitive, de mĂŞme que lui s’emparait de sein pour clore tous les problèmes. La seule chose qui s’ouvre devant lui comme une bĂ©ance, c’est exactement ce qui est en train de se passer d’ailleurs, c’est la crainte d’être dĂ©vorĂ© par la mère, et c’est le premier habillement de la phobie. C’est très exactement ce qui apparaĂ®t dans le cas de notre petit bonhomme, car tout cheval que soit l’objet de la phobie, c’est quand mĂŞme d’un cheval qui mord dont il s’agit et le thème de la dĂ©voration est toujours, par quelque cĂ´tĂ©, trouvable dans la structure de la phobie. Â» (p 226) Autrement dit s’il ne peut plus la satisfaire dans le leurre imaginaire phallique, retour Ă  la phase antĂ©rieure ; de mĂŞme lui venait rĂ©pondre Ă  la possibilitĂ© d’absence de la mère en venant s’écraser dans la satisfaction du nourrissage, de mĂŞme lĂ , il va imaginer qu’il ne peut plus satisfaire sa mère que elle-mĂŞme venant Ă©craser son insatisfaction en le bouffant, ce qui n’est pas gentil.

Quel suspens ! Vous voudriez savoir qui est le coupable, attendez encore un peu. On n’est pas très loin. Mais vous voyez, on ne peut pas… J’aurais dĂ» rĂ©flĂ©chir Ă  la façon de corriger les phrases oĂą il y a des erreurs de transcription. Mais voyez qu’on peut rien laisser passer lĂ . Essayez d’imaginer ce qu’un auditoire pouvait en retenir, il n’y avait aucun texte, il fallait prendre des notes. C’est pas Ă©vident de prendre des notes avec des phrases ainsi. Voyez dans quel Ă©tat de dĂ©shĂ©rence se trouvaient les Ă©lèves et quelle chance vous avez. Vous ne la mesurez pas.

Bon alors, est-ce lĂ  tout ? Bien entendu non. « Ce n’est pas n’importe quoi qui mord, ni qui dĂ©vore. Nous nous trouvons confrontĂ©s avec le problème de la phobie chaque fois qu’il se produit avec un objet un certain nombre de relations fondamentales, dont il faut bien laisser certaines de cĂ´tĂ© pour pouvoir articuler quelque chose de clair. Ce qui est certain, c’est que les objets de la phobie qui sont en particulier des animaux, se marquent d’emblĂ©e Ă  l’œil de l’observateur le plus superficiel, par ce quelque chose qui en fait par essence un objet de l’ordre symbolique. Si l’objet de la phobie est un lion, que l’enfant habite ou non, et surtout quand il n’habite pas des contrĂ©es oĂą cet animal ait le moindre caractère, non seulement de danger, mais simplement de prĂ©sence, c’est Ă  savoir que le lion, le loup, et voire la girafe, sont justement ces objets Ă©tranges parmi lesquels le cheval montre justement une sorte de limite extrĂŞmement prĂ©cise, qui montre bien Ă  quel point il s’agit lĂ  d’objets, si on peut dire, qui sont empruntĂ©s Ă  une sorte de liste ou de catĂ©gorie de signifiants qui sont de la mĂŞme nature, homogène, ce qu’on trouve dans les armoiries. Â» (p 227) Autrement dit emblĂ©matique non pas d’une filiation totĂ©mique mais emblĂ©matique de certaines propriĂ©tĂ©s prĂŞtĂ©es Ă  l’animal qui sont assurĂ©ment le courage, la vaillance, la force, l’agilitĂ©, la rapiditĂ©, tout ce que vous voudrez. « Ces objets qui ont menĂ© Freud et rendu Ă©galement nĂ©cessaire pour Freud dans la construction de Totem et Tabou l’analogie entre le père et le totem, ont une fonction bien spĂ©ciale et sont lĂ  pour autant justement que par quelque cĂ´tĂ© ils ont Ă  supplĂ©er â€“ lĂ , il fait une faute de français : « ils ont Ă  supplĂ©er Ă  Â», c’est pas beau – Ă  ce signifiant du père symbolique, signifiant dont nous ne voyons pas quel est le dernier terme et dont c’est justement la question de savoir pourquoi il se revĂŞt de telle ou telle forme, de tel ou tel habillement. Il faut bien qu’il y ait quelque chose qui soit de l’ordre du fait ou de l’expĂ©rience et du positif et de l’irrĂ©ductible dans ce que nous rencontrons. Â» (p 227)

D’oĂą ça sort ce père symbolique ? Et pourquoi est-ce que lĂ  il prend telle forme ? « Ceci n’est pas une dĂ©duction mais est quelque chose qui est un appareil nĂ©cessitĂ© pour le soutien de ce que nous trouvons dans l’expĂ©rience. Aussi bien nous ne sommes pas lĂ  pour rĂ©soudre pourquoi la phobie prend la forme de tel ou tel animal ; ce n’est pas lĂ  la question. Â» (p 227) Et bien il est clair que si l’animal est lĂ  prĂ©sent, c’est en tĂ©moignage je dirais, c’est une prĂ©sentification d’une absence structurale, d’une instance lĂ  dans le rĂ©el, symbolique de ce qui Ă  l’occasion est reprĂ©sentĂ© comme ce qui mord faute, je dirais, d’être reprĂ©sentatif de ce qui châtre et faute Ă©videmment que ce soit l’instance paternelle vienne honorablement la reprĂ©senter. Et Lacan essaie d’expliquer pourquoi il y a lĂ  quelque chose qui est irrĂ©ductible, « Il faut bien qu’il y ait quelque chose qui soit de l’ordre du fait ou de l’expĂ©rience et du positif et de l’irrĂ©ductible dans ce que nous rencontrons. –Autrement dit, ça peut pas s’expliquer autrement. – Ceci n’est pas une dĂ©duction mais est quelque chose qui est un appareil nĂ©cessitĂ© pour le soutien de ce que nous trouvons dans l’expĂ©rience. Â» (p 227)

Donc, cet animal qui mord, en tout cas c’est l’animal menaçant. Et on ne va pas dire tout Ă  fait que – c’est drĂ´le – que l’enfant ne peut pas imaginer quelques relations, quelques filiations avec cet animal puisque d’abord la girafe, lui-mĂŞme s’appelle Graf, il n’en n’est pas très loin et puis quant au cheval, nous savons qu’il va jouer au cheval Ă  la maison comme s’il Ă©tait un petit cheval et puis aussi comme je le faisais remarquer… c’est Freud, le professeur Freud qui Ă©tait le vrai père symbolique de cette famille sauf de lui jusqu’au moment oĂą le papa l’y a amenĂ©, du jour au lendemain Freud est devenu un membre de la famille et c’est ça qui l’a guĂ©ri. C’est drĂ´le hein.

Bon donc on va terminer. Encore trois minutes et trente secondes et terminons ce chapitre. La tempĂŞte est passĂ©e, la mer se calme. Donc, dit Lacan, la phobie de Freud « c’est une phobie en marche Â» – C’est-Ă -dire que pour qu’on voit l’évolution que va dĂ©velopper le petit Hans – Ă  plein tuyau toutes sortes d’imaginations â€“ extrĂŞmement – romancĂ©es concernant ses relations avec tout ce qu’il adopte comme ses enfants. â€“ C’est-Ă -dire qu’il prend une position dont on ne sait pas trop si elle est maternelle ou paternelle mais en tout cas une position, on va dire ça d’un terme neutre pour dire le gĂ©niteur ou gĂ©nitrice – une position qui mĂŞle l’identification Ă  la mère, l’adoption d’enfants Â» (p 228). Il prend « toute une sĂ©rie de formes amoureuses Â» (p 228). Mais en mĂŞme temps – voyez c’est intĂ©ressant ce qu’il dit lĂ  – Ă  la fois l’identification Ă  la mère mais aussi des petites filles dont il est le gĂ©niteur, je dirais, de fixations amoureuses sur elles. C’est-Ă -dire en mĂŞme temps, elles sont sexuellement concernĂ©es et « le contraste entre cela c’est ce qui va se passer quand après les interventions du père, sous la pression de l’interrogation analytique plus ou moins dirigĂ©e du père auprès de lui, il se livre Ă  cette sorte de roman vraiment fantastique dans lequel il â€“ le petit Hans –reconstruit la prĂ©sence de sa petite sĹ“ur dans une caisse dans la voiture sur les chevaux, bien des annĂ©es avant sa naissance. Bref la cohĂ©rence que vous pourrez voir se marquer massivement entre ce que j’appellerai l’orgie imaginaire au cours de l’analyse du petit Hans avec l’intervention du père rĂ©el. Â» (p 228)

Intervention du père rĂ©el nous dit Lacan Ă  ce moment-lĂ . Le père rĂ©el donc en tant que castrateur et il attribue ce danger imaginaire du petit Hans Ă  la fois dans ses identifications gĂ©nitrices, si je puis dire, et sa toute-puissance prolifique et puis Ă©galement ses attachements amoureux aux petites filles. L’intervention du père rĂ©el nous dit Lacan. « En d’autres termes, si l’enfant aboutit Ă  une cure des plus satisfaisante, nous verrons ce que veut dire cure satisfaisante Ă  propos de sa phobie, c’est très nettement pour autant qu’est intervenu le père rĂ©el qui Ă©tait si peu intervenu jusque-lĂ , parce qu’il a pu intervenir d’ailleurs parce qu’il avait derrière le père symbolique qui est le père Freud. Mais il est intervenu, et dans toute la mesure oĂą il intervient, tout ce qui tendait Ă  se cristalliser sur le plan d’une sorte de rĂ©el prĂ©maturĂ© repart dans un imaginaire si radical qu’on ne sait plus mĂŞme tellement bien oĂą on est, qu’à tout instant on se demande si le petit Hans n’est pas lĂ  pour se moquer du monde ou pour faire un humour raffinĂ©, et il l’est d’ailleurs incontestablement, puisqu’il s’agit d’un imaginaire qui joue pour rĂ©organiser le monde symbolique. Mais il y a en tout cas une chose certaine, c’est que la guĂ©rison arrive au moment oĂą s’exprime de la façon la plus claire sous la forme d’une histoire articulĂ©e, la castration rĂ©elle, c’est Ă  savoir que « l’installateur Â» â€“ le fameux plombier – vient, la lui dĂ©visse et lui en donne une autre. C’est exactement lĂ  que s’arrĂŞte l’observation. La solution de la phobie est liĂ©e Ă , si on peut dire, la constellation de cette triade, intervention du père rĂ©el, et nous y reviendrons la prochaine fois, tout soutenu et Ă©paulĂ© qu’il soit par le père symbolique. Il entre lĂ -dedans comme un pauvre type. Freud Ă  tout instant est forcĂ© de dire, c’est mieux, il fallait bien le laisser parler, surtout dit-il […] Â« ne comprenez pas trop vite Â». […] le rĂ©sultat est scandĂ© par ces deux points, l’orgie imaginaire de Hans, l’avènement si on peut dire de la castration pleinement articulĂ©e comme ceci, on remplace ce qui est rĂ©el – son petit pĂ©nis rĂ©el – par quelque chose de plus beau, de plus grand – ( p 228-229) qui est donc de l’ordre d’un imaginaire mais cette fois-ci, je dirais, rĂ©fĂ©rĂ© au symbolique, c’est-Ă -dire rĂ©fĂ©rĂ© parce ce qu’il en est de l’inscription du petit Hans dans une lignĂ©e, dans une gĂ©nĂ©alogie.

« L’avènement, la mise au jour de la castration est ce qui met un terme Ă  la fois Ă  la phobie et ce qui montre, je ne dirais pas sa finalitĂ©, mais ce Ă  quoi elle supplĂ©e. Il n’y a lĂ , vous le sentez bien, qu’un point intermĂ©diaire de mon discours[…] Nous reprendrons la prochaine fois cette dialectique de la relation de l’enfant avec la mère et la valeur vĂ©ritable du complexe de castration. Â» (p 229)

Voilà. C’est un chemin que j’ai voulu faire pas à pas qui est, je dois dire, entièrement lacanien avec l’implication à l’observation de Freud de ces trois dimensions. À vrai dire, on pourrait penser que c’est de la lecture de l’étude même de cette observation du petit Hans que Lacan en est venu à les forger ces trois catégories du réel, du symbolique et de l’imaginaire. Ça ne lui est pas sorti de la tête, je dirais, comme Athéna sortant de la tête de Zeus. C’est pas venu comme ça mais c’est en se confrontant avec ce que nous-mêmes quand nous avons à l’étudier que l’intervention du petit Hans a pu nous paraître au bout d’un moment… parce que personne ne pouvait plus y retrouver ses petits. C’est bien le cas de le dire. Et bien, c’est vraisemblablement à l’occasion de l’étude d’une observation comme celle du petit Hans que Lacan en est venu à forger comme nécessaire ces trois catégories et, en outre, en donnant au complexe de castration, je dirais, en reconnaissant un processus complètement évidemment inédit puisque, comme nous l’avons vu, c’est la prise de l’imaginaire et du réel par le symbolique, la sanction donnée par le symbolique à l’imaginaire de la représentation phallique et au réel du petit zizi que Hans pouvait douloureusement, je dirais, proposer à sa maman.

Ça va pas de soi hein ! Ça va pas de soi.

Charles Melman

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→ Les citations de Charles Melman sont extraites du sĂ©minaire de Jacques Lacan La relation d’objet et les structures freudiennes, Ă‰ditions de l’Association lacanienne internationale, texte revu et corrigĂ© en 1994.

  

[1] Autismes et psychanalyses, Évolutions des pratiques, recherches et articulations, Marie Dominique Amy, Éditions Érès, 2014

Notes