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 EPhEP, Séminaire de Charles Melman, 26/09/2013

Charles Melman : […] le livre que vous avez amené, puisque nous allons commencer ce soir par l’une des cinq psychanalyses de Freud, et nous allons prendre le cas du petit Hans. Autant vous dire que c’est vraiment la cerise sur le gâteau… Donc pour notre prochaine rencontre, vous pourrez avoir lu et relu ce cas, et également vous être intéressés, de façon anticipée, à la manière dont Lacan l’analyse dans son séminaire sur La relation d’objet ; et vous aurez le plaisir de voir, également, de quelle façon entre ce texte de Freud, l’analyse de Lacan et ce que, grâce à lui, nous pouvons en dire aujourd’hui.

Alors, ce cas du petit Hans est absolument admirable, et je pense que vous allez partager l’intérêt qu’il suscite. Il comporte trois parties, c’est très bien construit du point de vue de l’exposition : une partie d’introduction, une partie d’analyse, et une partie de commentaires. Nous allons donc commencer par la partie de l’introduction, et où vous allez d’emblée vous réjouir à propos de deux incidentes, proposées par Freud. La première, c’est qu’il doit ce cas au fait, dans lequel il n’est intervenu qu’à l’occasion d’une unique rencontre, comme vous le savez, avec le petit Hans, alors qu’il devait avoir cinq ou six ans, et qu’il l’a guéri en une seule séance - ce qui mériterait que nous en prenions, comme ça, quelque inspiration - eh bien dans un premier temps, vous allez trouver admirable que l’essentiel du cas, ou la totalité, lui est rapporté par le père du petit Hans qui, non seulement était en analyse chez Freud mais, comme il le dit, s’intéressait à la psychanalyse, et dans la mesure où Freud souhaitait pouvoir vérifier in vivo ses thèses sur la sexualité infantile, eh bien le papa s’est en quelque sorte dévoué pour observer directement sur son enfant ce qu’il en était de son rapport à la sexualité. Et, il y a cette remarque qui va avoir quelques conséquences, pour la suite de l’aventure à Vienne, c’est que Freud va dire que finalement cette conjonction de la position du papa, de l’observateur et du thérapeute, c’est-à-dire le fait qu’une unique personne supporte ces trois dimensions, a sûrement été favorable pour l’évolution et pour la guérison du cas. Autrement dit si l’analyste est un papa, ça n’en serait que mieux. Ce qui est assurément une assertion redoutable, d’autant qu’il la mettra lui-même en œuvre pour analyser sa fille, mais avec des résultats qui ne furent pas probants. C’est le moins que l’on puisse dire. Sa fille, Anna. Mais, d’un point de vue pour nous qui jugeons de cette affaire plus de cent ans après, puisque le cas a été publié en 1909, pour nous qui jugeons de cette affaire plus de cent ans après, on voit bien ce qui était pour Freud ce fantasme (on ne peut pas le dire autrement) du rapport à un père qui serait suffisamment informé sur la sexualité de ses enfants pour la leur rendre favorable. Mais, comment dirais-je, il en va sûrement en ce domaine comme cela a été le cas pour la conceptualisation et la pratique des rayons X, ceux qui s’y sont livrés, dans cette observation, dans cette activité de transparence, eh bien ils se sont brûlés, et même grièvement… Et à l’évidence, là, Freud va sérieusement se brûler. La seconde chose c’est que, évidemment, il est tout à fait heureux de pouvoir rapporter in vivo les manifestations de la sexualité infantile, à l’occasion d’un cas clinique  chez le petit Hans, dans la mesure où jusqu’ici ses thèses se trouvaient déduites à partir de souvenirs rapportés par ses patients adultes sur son divan et, comme nous le savons, cette sexualité infantile étant particulièrement refusée par notre culture, récusée, niée, il est bien évident que cette observation directe a, pour Freud, un intérêt tout à fait exceptionnel. D’autant plus exceptionnel que, comme vous allez le voir, ou comme vous l’avez déjà vu, le petit Hans, qui commence ainsi à s’intéresser à la chose à partir de l’âge de trois ans, est particulièrement allumé. Je suis sûr que, enfin, je suis sûr… il est rare d’ailleurs que l’on observe un enfant de trois ans flambant, je dirais, comme le fait le petit Hans, et je crois que l’on peut avancer que si c’est le cas, c’est peut-être bien qu’aussi bien papa que maman étaient en analyse chez le grand-père Freud, chez pépé Freud, et que donc il devait y avoir, vraisemblablement, dans la vie familiale une présence tout à fait inhabituelle, exotique, de conversations touchant la sexualité. Outre le fait que le projecteur braqué donc par le père sur son enfant - ce n’est pas un idiot, le petit Hans, pas du tout - projecteur braqué, sur, soyons précis, sur son organe, ne pouvait manquer d’avoir, bien entendu, des conséquences. Donc il a trois ans et, chose admirable, voilà qu’il demande à sa mère : « Maman, as-tu aussi un fait-pipi ? », un Wiwimacher… Et la maman : « Bien entendu. Pourquoi ? », « J’ai seulement pensé… », c’est admirable, hein, comme dialogue, « J’ai seulement pensé… » :

            « Au même âge, il entre un jour dans un étable et voit traire une vache :

            « Regarde, du fait-pipi il sort du lait. » »

Nous voyons bien le développement d’une interrogation, et en même temps, bien entendu, je dirais, d’une façon de se défendre contre ce à quoi il avait pensé c’est-à-dire que le fait-pipi de maman lui faisait question, à trois ans.

« L’intérêt [dit Freud] qu’il porte [à l’instrument] n’est cependant pas purement théorique ; […] [mais] le pousse à des attouchements du membre. A l’âge de 3 ans et demi, il est surpris par sa mère, la main au pénis. Celle-ci menace : « Si tu fais ça, je ferai venir le Dr A… qui te coupera ton fait-pipi. Avec quoi feras-tu alors pipi ? » »

Je ne sais pas s’il y a des dramaturges, il doit y en avoir, capables de restituer la justesse et la fraîcheur, ça c’est vraiment… Et réponse de Hans :

            « Avec mon tutu. »

Ce qui veut donc dire qu’il a parfaitement repéré la différence des sexes, et qu’à la provocation maternelle, il répond en témoignant que la différence des sexes lui est parfaitement perceptible. Et alors vous trouvez là tout de suite, chez Freud, un élément qui va mériter de vous interroger, puisqu’il va dire ceci, Freud :

« [Hans] répond sans sentiment de culpabilité encore, mais [il] acquiert à cette occasion le « complexe de castration » - entre guillemets - auquel on doit conclure si souvent dans les analyses des névropathes, tandis qu’ils se défendent tous violemment contre sa reconnaissance. Il y aurait beaucoup de choses importantes à dire sur la signification de cet élément de l’histoire infantile. Le « complexe de castration » - entre guillemets - a laissé des traces frappantes dans les mythes (et pas seulement dans les mythes grecs) ; j’ai fait, dans ma Science des rêves et ailleurs encore, allusion au rôle qu’il joue. »

Or le complexe de castration, tel que Freud, ici, en parle, concerne évidemment ce qui se présente à ce moment-là comme étant la menace d’une… ablation du pénis et, je vous le signale tout de suite, il est vraisemblable que c’est à partir de ce type d’écriture chez Freud, que Lacan a été amené à mettre en place ces trois dimensions du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire. Pourquoi ? Parce que vous n’allez plus rien comprendre si le complexe de castration chez Freud doit être entendu comme organisé par cette menace, la crainte d’une ablation du pénis, vous ne saisissez aucunement en quoi il a un rôle formateur de la sexualité. Et c’est donc très vraisemblablement à partir des difficultés rencontrées, et chez Freud même, par cette évocation du complexe de castration, que Lacan va être amené à distinguer la dimension du Réel, c’est-à-dire effectivement la possibilité d’une ablation chirurgicale, d’une castration du pénis, sa dimension symbolique, qui est la condition d’un accès à la sexualité, et sa dimension imaginaire, qui concerne tout ce que l’on va voir foisonner dans la suite de l’introduction opérée par Freud. Qu’est-ce que ça veut dire la dimension symbolique de la castration ? Si ce n’est qu’il y a en effet une remise de l’autorité ayant pouvoir sur la sexualité à une puissance tierce, dont l’interpellation, dont l’autorisation va être désormais nécessaire pour que le sujet lui-même se permette cet exercice. Opération symbolique qui consiste à déléguer à une autorité dans l’Autre, à faire d’une autorité dans l’Autre, le référent dont va s’autoriser l’exercice de la sexualité. Est-ce que ça a toujours été le cas ? Ça, dans la culture, sûrement pas, mais ce n’est pas là ce qui nous intéresse. En tous cas, c’est comme ça que nous avons à entendre la castration symbolique, et d’autant plus à l’entendre qu’ordinairement ce thème est plutôt évité que déplié. Sans ces catégories qui risqueraient de vous paraître abstraites de Réel, Symbolique et Imaginaire, vous ne pouvez pas comprendre ce qu’il en est chez Freud, qui lui-même n’a pas fait cette distinction. Il faudrait reprendre, chez Freud, ce qu’il a écrit à propos du complexe de castration, le rassembler, pour voir de quelle manière il avait les plus grandes difficultés… S’il rencontrait chez tous les névropathes, comme il dit, et comme il le dit « la menace ressentie sur l’organe », ailleurs il a parfaitement situé combien le complexe de castration était une étape sur le chemin d’une constitution de la sexualité.

Donc, le petit Hans qui a toujours trois ans, trois ans et demi maintenant, il est au zoo devant la cage du lion, et il est très joyeux, excité :

            « J’ai vu le fait-pipi du lion ! »

Et donc cette intelligence d’identifier donc le fait qu’il y a peut-être là une sorte d’universel, et un peu plus tard, il voit à la gare une locomotive lâcher de l’eau :

            « Regarde, dit-il, la locomotive fait pipi. Où est donc son fait-pipi ? »

[Et puis] après un moment, il ajout d’un ton pensif [il a trois ans et demi]: « Un chien et un cheval ont un fait-pipi ; une table et une chaise n’en ont pas. » Ainsi [dit Freud] il est en possession d’un caractère essentiel pour différencier le vivant de l’inanimé.

[Mais] la soif de connaissance [dit Freud,] semble inséparable de la curiosité sexuelle. [Et] la curiosité de Hans est particulièrement dirigé vers ses parents.

[…] (3 ans et 9 mois) - Papa, as-tu aussi un fait-pipi ?

[…] - Mais oui, naturellement.

[…] - Mais je ne l’ai jamais vu quand tu te déshabilles.

Une autre fois il regarde, toute son attention tendue, sa mère qui se déshabille avant de se coucher. Celle-ci demande : « [Qu’est-ce que tu regardes comme ça] ? »

[…] - [Ben,] je regarde seulement si tu as aussi un fait-pipi.

[…] - [Mais] naturellement. […] Ne le savais-tu donc pas ?

[…] - Non [, non], je pensais que, puisque tu étais si grande, tu devais avoir un fait-pipi comme un cheval. »

Quelle courtoisie ! Mais vous voyez là l’introduction du cheval, puisque maman, comme elle est grande, elle devait avoir un fait-pipi comme un cheval ; l’introduction du cheval comme l’animal qui va ensuite, dont on va réentendre parler avec l’éclosion de la phobie.

Mais le grand évènement de la vie de Hans, c’est la naissance de sa petite sœur, Anna, alors qu’il a exactement trois ans et demi. Et cette occasion, son comportement à cette occasion a été noté par le père, le père évidemment prend des notes pour Freud, et pour l’avenir de la psychanalyse, on est sur le terrain expérimental. Et le père écrit donc :

« Ce matin de bonne heure, à 5 heures, comme commencent les douleurs, le lit de Hans est transporté  dans la chambre voisine. »

On le sort de la chambre conjugale.

« Il se réveille à 7 heures et entend les gémissements de la parturiente ; alors il demande : « Pourquoi maman tousse-t-elle ? » Puis, après un moment : « Bien sûr […] la cigogne [va venir] aujourd’hui. »

Un peu plus tard, on le mène dans la cuisine, il voit la trousse du médecin, il dit :

« « Qu’est-ce que c’est ? […] à quoi on répond : « Une trousse. » [Bonne réponse !] Alors lui, d’un ton convaincu : « C’est aujourd’hui que viendra la cigogne ! » Après la délivrance, la sage-femme vient à la cuisine et Hans l’entend commander du thé, alors il dit : « Ah ! Parce qu’elle tousse, maman va avoir du thé. » On l’appelle alors dans la chambre, mais il ne regarde pas sa maman, rien que les cuvettes, pleines d’une eau sanglante, qui sont encore là, et il remarque, très surpris, montrant le bassin où il y a du sang : « Il ne sort pas [du] sang de mon fait-pipi à moi. »

Donc, la démonstration de deux choses. D’abord ce qui est son parfait repérage, la parfaite lecture, son déchiffrage parfait de ce qui se passe ; mais aussi, et c’est sûrement encore bien plus important là, finalement, la pudeur humoristique avec laquelle il [suit] l’évènement, autrement dit sa façon de participer à la fable, au mythe, à la façon dont il faut raconter l’évènement, et qu’il endosse je dirais parfaitement, tout en faisant savoir en même temps qu’il n’est pas dupe. Alors :

« Hans est très jaloux de la nouvelle venue et, dès que quelqu’un fait des compliments, la trouve jolie, etc., il dit […] d’un ton sarcastique : « […] Elle n’a pas encore de dents ! » »

« Elle n’a pas encore de dents », il est bien évident qu’il a déjà repéré qu’il n’y avait pas que les dents qui lui manquaient, et puis il déclare très simplement que cette petite sœur, il lui en veut, ça ne lui convient pas du tout. Mais :

« Au bout de six mois environ la jalousie est surmontée, et il devient un frère aussi tendre que convaincu de sa supériorité sur sa sœur.

[Il] assiste au bain de sa sœur, [alors] âgée d’une semaine. [Et] il observe : « Mais son fait-pipi est encore petit » et il ajoute, en consolation : « Mais elle grandira, et il deviendra plus grand. » »

C’est très… métaphysique, c’est-à-dire c’est d’abord l’isolement d’un signe caractéristique de toutes les créatures, humaines voire animales, il a fait la distinction, et si on ne le voit pas, c’est qu’il est quand même soit petit, soit quelque part, et qu’il apparaîtra, qu’il grandira. Autrement dit cette conception infantile très répandue qu’évidemment tous les enfants, garçons et filles, relèvent forcément d’un même trait sexuel, quitte à ce qu’à certains moments, la question, comme on va le voir, de la différence se pose. Et puis, à partir de ce moment-là, vous allez voir qu’il va se passer chez lui une grande activité de séduction à l’endroit des fillettes de son entourage, y compris des fillettes bien plus grandes que lui, et vis-à-vis desquelles il adopte une attitude de type paternel. C’est-à-dire à la fois comme si lui, donc, identifié à son père, disposait de l’instrument qui lui permettait, je dirais, d’avoir une position de supériorité à l’endroit de ces fillettes, mais en même temps du fait de l’équivoque des jeux avec elles, qui est fort banal bien sûr chez les enfants, la virtualité de relations incestueuses. Et puis, dit le père :

« Je dessine une girafe pour Hans, qui [a souvent été], ces derniers temps, au jardin zoologique […] »

La girafe vous la trouverez dans le bouquin, la girafe dessinée par papa, et Hans lui dit… Il dessine une girafe tout à fait convenable, mais Hans lui dit :

« « Dessine […] aussi le fait-pipi. » Je réplique [dit le père] : « Dessine-le toi-même. » Alors il ajoute à mon dessin de la girafe ce trait, d’abord […] tirant un trait court, puis […] le prolongeant d’un autre trait, en remarquant : « Le fait-pipi est plus long. » »

C’est un… alors, de mon temps, ce dessin de la girafe était l’objet d’un nombre considérables d’exégèses, chaque analyste avait, je dirais, sa poésie particulière, excités par ce dessin. Et ce que vous pourrez, je pense, en retenir c’est vraiment l’intelligence de ce gosse, puisque si le père a dessiné cet animal au long cou, stipulant en quelque sorte que son trait caractéristique ce serait la longueur d’une partie du corps, mais identique pour les deux sexes, une girafe générique, en quelque sorte, abstraite. C’est le petit Hans qui réclame donc le dessin du sexe, et puis qui va en quelque sorte en dessiner deux. D’abord un trait, et puis ensuite le rallonger d’un autre trait, réalisant cette opération fabuleuse… vous verrez que mon association vous paraîtra évidemment excessive… Il y a une assertion biblique qui, elle aussi, est toujours l’occasion d’amusements herméneutiques, qui est : « Quand Dieu créa Adam, il le fit homme et femme ». Alors, est-ce que ça veut dire qu’il les a fait bisexués ? Est-ce que… alors qu’il suffit évidemment de prendre Adam pour le nom générique de l’homme, abstrait, pour savoir qu’effectivement… Alors vous me direz qu’Adam, c’est le nom d’un individu mâle… bien sûr. Mais en tous cas lui reconstruit là quelque chose de très simple, c’est que son père lui offrant une girafe générique, il demande qu’elle soit sexuée, et il lui colle, avec un petit sexe et puis un sexe plus long, il lui colle en quelque sorte deux sexes. Et puis vous voyez aussi sur le dessin ce que Freud n’analysera pas, qu’il y a un trait qu’il lui coupe les pattes, à cette girafe, alors vous auriez tous les commentaires des analystes de l’époque pour évoquer évidemment que la perception par Hans du phénomène de la castration, et puis vous aurez bien plus tard, parce que Lacan l’ignorait quand il a fait l’étude du cas dans La relation d’objet, c’est que le nom de famille, donc, du petit Hans, c’est Graf. Et donc qu’il soit venu spontanément au papa l’idée de dessiner une girafe, c’est le même mot en allemand, Girafe, évidemment témoigne qu’il s’agit bien chez lui d’une production de l’inconscient dont on voit de quelle manière il circule activement, dans cette famille. Le père poursuit :

« Je passe avec Hans près d’un cheval [encore !] qui est en train d’uriner. Hans dit : « Le cheval a son fait-pipi sous lui comme moi. »

Il assiste au bain de sa sœur, âgée de trois mois, et dit, d’un ton de pitié : « Elle [en] a un tout petit, tout petit fait-pipi. »

On lui fait cadeau d’une poupée comme jouet ; il la déshabille, l’examine avec soin et dit : « Mais son fait-pipi est tout petit, tout petit ! »

[…] Tout investigateur [dit Freud] court le risque de tomber à l’occasion dans l’erreur. Ce lui est une consolation lorsque - tel Hans dans l’exemple qui va suivre - il n’est pas seul à errer, mais peut en appeler, pour son excuse, à l’usage de [la langue]. Hans voit notamment dans son livre d’images un singe et montre sa queue retroussée en l’air : « Regarde, papa, son fait-pipi ! » »

Je vous disais que Hans était un petit allumé. Il y a là le récit, enfin il est rapporté un évènement dont l’importance ou dont la qualité ne paraissent pas évidentes. C’est que :

« Dans l’antichambre il y a le lieu d’aisance et aussi un cabinet noir où l’on garde du bois. Depuis quelque temps, Hans va dans le cabinet au bois, [il] dit : « Je vais dans mon w.-c. » [Et, dit le père,] Je regardai un jour ce qu’il faisait dans la petite pièce noire. Il fait une exhibition et dit : « Je fais pipi. » Ceci signifie donc qu’il joue au w.-c. Le caractère ludique de la chose est illustré non seulement par [ceci] qu’il fait simplement semblant de faire pipi et ne le fait pas vraiment, mais encore par [cela, etc.] qu’il préfère le cabinet au bois et l’appelle son w.-c. » »

Il est évident que, pas plus Hans que le père, ou Freud ne peuvent savoir ce qu’il fabrique dans cette activité ludique, mais en tous cas nous pouvons y reconnaître le fait qu’il instaure une ségrégation entre l’activité urinaire de ses parents et de lui-même, comme s’il y avait en quelque sorte le cabinet des grands et puis le sien. Comment entendre cette ségrégation ? C’est bien difficile à dire. Mais en tous cas aussi sans aucun doute un ludisme qui témoigne la perception que dans toute cette affaire, il y a du semblant. Il y a le réel auquel il est affronté, le réel de la différence des sexes, et puis il y a aussi cette dimension du semblant à laquelle à l’évidence il est sensible, et qui sans doute fait partie également de toutes les activités ludiques des enfants quand ils font semblants à tout ce que l’on veut, c’est-à-dire à jouer au docteur, à jouer à la marchande, à jouer à ce que vous voudrez ; mais qui n’a évidemment de l’intérêt qu’à venir témoigner de la mise en place dans la subjectivité de l’enfant de cette dimension du semblant, et combien finalement elle peut provoquer des investissements affectifs, je dirais, d’une qualité sans doute égale à ce qu’il en est de la réalité. La réalité qui est, elle-même, de l’ordre du semblant.

Et puis le père remarque ce qu’il appelle une disposition, chez Hans, à la polygamie. Autrement dit tous les enfants qui l’entourent, qu’ils soient garçons ou filles sont pour lui l’occasion d’investissements, de propositions érotique, ou en tous cas de situations pseudo-conjugales, de jeux de ce type, et sans aucun attachement évidemment spécifique, et donc il est passionné par cette activité qui témoigne donc, c’est le moins qu’on puisse dire, d’une parfaite identification chez lui de cette position sexuelle, mâle. Et lorsque son père va lui demander : « Laquelle des petites filles aimes-tu le mieux ? » puisqu’il y en a toute une série, toute une batterie, il va répondre : « Fritzl. », c’est un garçon… Alors donc on va évidemment immédiatement évoquer Freud, on va pas hésiter à évoquer ce qu’il en serait de touches homosexuelles de l’affaire alors que ça n’a évidemment aucunement ce sens, mais bien plutôt… enfin, c’est un carrefour où l’on peut retrouver tout ce que l’on peut imaginer, c’est-à-dire aussi bien le désaveu du sexe féminin comme étant susceptible d’avoir un attrait, que la défense, je dirais, devant le père de s’affirmer comme son rival eu égard au sexe féminin, voire (comment dirais-je ?) des propositions libertaires quant à l’usage du sexe et le droit finalement à un usage indifférent à la différences des sexes, enfin, je veux dire, nous sommes là à un carrefour où toutes les interprétations en tant qu’éventuellement causales, déterminantes pour Hans, sont possibles, et vraisemblablement existantes. Et donc sans que l’on puisse le moins du monde parler chez lui, à ce moment-là, de tendances homosexuelles. Et puis peut-être aussi le témoignage d’un attachement pour son père. Donc, gardons ça à l’esprit. Et puis, il y a une grande fille qui s’appelle Mariedl, et il réclame, lui l’homosexuel paraît-il, qu’il veut que Mariedl couche avec lui. Alors on lui dit, c’est pas possible. Alors il dit :

« Il faut […] qu’elle couche avec maman ou papa. »

Hein, vous voyez que, après tout, la différence des sexes ce n’est pas… après tout c’est rapport de sexe à sexe ; si sexe masculin et sexe féminin sont équivalents, on voit pas du tout pourquoi y aurait pas rapport de sexe à sexe, quelles que soit leurs différences. Alors on lui réplique qu’il n’est pas possible non plus que Mariedl couche avec papa ou avec maman, parce qu’elle doit aller dormir chez ses parents. Et alors a lieu le dialogue suivant :

« […] - Alors, c’est moi qui [vais descendre] coucher avec Mariedl. »

Alors sa mère :

« […] - Tu veux vraiment quitter ta maman et aller coucher en bas ? »

Hein, tu vas faire ça à ta maman, quand même ?

« Oh ! Je remonterai demain matin pour mon petit déjeuner et pour aller au cabinet.

[La maman] - Si tu veux vraiment quitter papa et maman, prends ton manteau et ta culotte, et… adieu ! »

Hans, qu’est-ce qu’il fait ? Il prend ses vêtements et gagne l’escalier afin d’aller coucher avec Mariedl. Voyez… Il est prêt à quitter papa et maman pour… voilà. Le petit homosexuel… il est quand même bien décidé. Bon. Et alors Freud note quand même :

« Notre petit Hans s’est comporté, en face du défi de sa mère, comme un vrai petit homme, malgré ses velléités d’homosexualité. »

Mais vous notez bien entendu, en cours de route, le mode d’intervention maternel, qui est à la fois tellement classique… alors vous vous dîtes, vraiment d’où sort ce classicisme ? Quel est l’auteur qui a écrit ces textes classiques ? Pourquoi la mère… ? Elle est vraiment formidable, hein : si tu fais ça, tu vas perdre ta maman, hein. Et lui, il dit, le gosse il a trois ans, quatre ans : oh, ben d’accord ; j’y vais.

« A une autre occasion, dont nous allons parler, Hans dit aussi à sa mère : « Tu          sais, j’aimerais tant coucher avec la petite fille. » Cet épisode nous a fort           amusés,        [dit le père,] car Hans s’est ici vraiment comporté comme un adulte amoureux. Dans   le restaurant où nous déjeunons vient depuis quelques jours une jolie petite fille de         huit ans de qui bien entendu Hans s’éprend aussitôt. Il se retourne sans cesse sur             sa chaise afin de lui lancer des œillades, quand il a fini de manger il va se mettre       près d’elle afin de flirter avec elle, mais s’il se sent se faisant observé, il devient            cramoisi. La petite fille répond-elle à ses œillades, il regarde aussitôt d’un air confus    de l’autre côté, sa conduite fait naturellement la joie de tous les hôtes du restaurant. Chaque jour pendant qu’on l’y mène, il demande : « Crois-tu que la petite fille sera là aujourd’hui ? » Quand elle apparaît enfin il devient tout rouge ainsi qu’un adulte en pareil cas. Un jour il vient à moi tout radieux et me murmure à l’oreille : « Tu sais, papa, je sais maintenant où habite la petite fille. Je l’ai vu en tel et tel endroit monter l’escalier. » Tandis qu’il se comporte de façon agressive avec les petites filles habitant sa maison, dans cette occasion-ci, il est un amoureux platonique et transi. »

Alors voilà ce que dit Freud… c’est le père qui dit ça, c’est pas terrible :

« Cela tient peut-être à ce que les petites filles de la maison sont des villageoises, tandis que la petite fille […] est une dame du monde. »

C’est [radical], hein. Ben voilà.

« Comme je ne veux pas laisser Hans dans la tension psychique où il a été jusqu’alors, de par son amour pour la petite fille, je leur fais faire connaissance et j’invite la petite fille à venir le voir au jardin […]. Hans est tellement [ému] par l’attente de la petite fille que, pour la première fois, il ne peut dormir l’après-midi, mais se tourne et se retourne sans cesse dans son lit. Sa mère lui demande : « Pourquoi ne dors-tu pas ? Penses-tu à la petite fille ? » Il répond, tout heureux, que oui. En rentrant du restaurant à la maison, il a aussi raconté à tous les gens de la maison : « Tu sais, aujourd’hui ma petite fille [, ma petite fille,] va venir me voir. » Et Mariedl, qui a quatorze ans, [celle avec qui il voulait aller coucher,] raconte qu’il lui a sans [trêve] demandé : « Crois-tu […] qu’elle sera gentille avec moi ? Crois-tu qu’elle me donnera un baiser quand je l’embrasserai ? » […] Il pleut l’après-midi [et] la visite n’a pas lieu. »

Voilà, voilà, voilà.

« Hans a quatre ans et [demi]. Ce matin, sa mère lui donne son bain quotidien et, après son bain, elle le sèche et le poudre. Comme elle est en train de poudrer autour de son pénis, en prenant soin de ne pas le toucher, Hans demande : « Pourquoi n’y mets-tu pas le doigt ? » »

Que va répondre maman ? Qu’est-ce qu’elle répond, une maman, dans ces cas-là ?

Stéphane Renard : Ça ne se fait pas.

Charles Melman : Là vous cherchez dans le texte. Vous vous fiez pas comme ça à…

Stéphane Clément : C’est dégoûtant.

Charles Melman : Elle répond :

« […] - Parce que c’est une cochonnerie.

[…] - Qu’est-ce […]? Une cochonnerie ? Pourquoi ? »

L’insigne vraiment émérite, voilà que c’est une cochonnerie.

« […] - Parce que c’est pas convenable.

Hans (riant) - Mais très amusant ! »

Vous voyez comment il s’en sort. Et donc l’affaire se poursuit avec, évidemment, des jeux de gages. Mais ce qui va être important, c’est que vous voyez on en est en quelque sorte dans la phase exhibitionniste, exhibitionnisme, il faut bien le dire, provoqué par l’attention familiale. Et donc le père va dire ceci :

« Hier, comme j’allais l’aider à faire [son] petit besoin […] »

C’était papa qui le plus souvent allait le déboutonner, et Freud ajoute : « ce qui aide à la fixation d’une inclination homosexuelle sur le père », en tous cas la question est de savoir pourquoi c’est pas la mère qui le fait, bien sûr :

« Hier, comme j’allais l’aider à faire un petit besoin, il me demanda pour la première fois […] »

Voilà le drame qui s’installe, tout était jusqu’ici quand même magnifique, le monde simple, tout en place, tout est en place et voilà que, pour la première fois, il demande à son père :

« […] de le mener derrière la maison, afin que personne ne [puisse] le voir et il [ajoute] : « L’année passée, pendant que je faisais pipi, Berta et Olga me regardaient. » Cela veut dire [dit le père], je pense que l’année passée il lui était agréable d’être regardé, ce faisant, par les petites filles, mais qu’il n’en est plus ainsi. L’exhibitionnisme a […] succombé [dit le père] au refoulement. Le fait que le désir d’être regardé par Berta et Olga pendant qu’il fait pipi […] soit maintenant refoulé dans la vie réelle fournit l’explication de son apparition dans le rêve […] »

Y a un rêve que je vous ai évité, qui n’est pas essentiel…

« […] où ce désir a emprunté le joli déguisement du jeu des gages. J’ai observé depuis, à plusieurs reprises, qu’il ne veut plus être vu faisant pipi.

[…] Le père de Hans a noté encore une observation datant de la période qui suivit immédiatement le retour de la famille à Vienne : « Hans ([il a maintenant] 4 ans et demi) […] » »

Vous vous rendez compte, tout ça s’est passé en trois ans, entre trois ans et quatre ans et demi :

 « [Hans] assiste de nouveau au bain de sa petite sœur et commence à rire. On lui demande : « Pourquoi ris-tu ? »

 […] - Je ris du fait-pipi d’Anna.

 « Pourquoi ? » - « Parce que son fait-pipi est si beau. » »

Le père ajoute :

« La réponse n’est naturellement pas sincère. Le fait-pipi lui semblait en réalité    comique. C’est, de plus, la première fois qu’il reconnaît aussi expressément la différence entre les organes génitaux masculins ou féminins, au lieu de la nier. »

Ecrit le père.

Alors, il y a à cet endroit un point qui va donner évidemment la… être à la source de l’installation de la phobie ; puisqu’on en est, là, à la fin de l’introduction, et que le chapitre suivant, que nous verrons dans quinze jours, va raconter l’installation de la phobie. En effet, il est facile comme le fait le père de penser que - et comme Freud l’avait prédit - la sexualité se trouve maintenant frappée de refoulement. Ce qui, comment dirais-je ? aurait fait partie du processus de castration, symbolique, autrement dit le fait de renoncer à l’exhibition de son sexe, pour pouvoir s’en autoriser. Et donc y voir comme le père, là, a tendance à le faire, et comme Freud le reprend lui-même, le passage à l’étape suivante, que raconte Freud dans sa Métapsychologie, c’est-à-dire de quelle façon la sexualité infantile va être frappée de refoulement, et voilà que le père l’observe sur son propre enfant. Sauf que, et la notation qui est faite, qu’il fait néanmoins, parce qu’il y a quand même une grande sincérité, une grande fidélité dans le rapport des faits, des évènements… ce fait qu’il regarde Anna dans son bain, qu’il rit, qu’il dit qu’il rit parce que son sexe est si beau, et le père le prend comme une dénégation, alors que c’est vraisemblablement l’entrée dans sa phobie, c’est-à-dire le fait que, devant la prévalence familiale du sexe féminin, lui-même va se sentir dépossédé de toute appartenance sexuelle, et de toute référence sexuelle, que son sexe est devenu inadéquat, celui dont il était si fier, est devenu inadéquat pour lui permettre de s’autoriser dans le monde. Ce qui est, et vous le verrez avec la suite de cette remarquable affaire, ça vaut vraiment Conan Doyle et tous les policiers, c’est qu’effectivement, à la maison, le phallique, le phallicisme est supporté par les femmes, et y compris maintenant par la petite sœur. De telle sorte que pendant que le père est là, avec son carnet de notes à observer les choses, il ne voit pas que le petit Hans maintenant est dans un état de déshérence. Et ceci donc a l’avantage d’introduire (la prochaine fois, on va frapper les trois coups) à l’acte suivant, et donc il est merveilleux et normal qu’il se déroule comme d’habitude dans l’aveuglement éclairé des personnages. Alors donc je vous réserve, je réserve à votre attention la suite qui, vous le verrez, d’abord expose, propose des surprises… Pour votre amusement, je peux vous dire que Lacan est allé sur des cartes de la ville de Vienne, rechercher les parcours qu’effectuait le petit Hans avec sa bonne et où il était frappé de sa phobie des chevaux. Il est allé écrire la topologie, ses parcours, je crois que ça lui a rien donné d’ailleurs, mais enfin il l’a tenté.

Une petite remarque encore, pour ajouter au dynamisme, à la dynamique interne de cette affaire. La mère et le père étaient donc en analyse chez Freud. Et à l’évidence, Freud avait investi le papa, le papa Graf, et semblait ne pas tenir en grande estime la maman. Je pense qu’il devait la prendre pour une sotte ou… Et il est vraisemblable que la maman s’est vengée, dans sa maison, et en particulier auprès de ses enfants, et également dans ce qui a été sa vie ultérieure puisque… après, ensuite, tout ça terminé, et y compris son propre séjour chez Freud, elle s’est répandue en propos peu amènes sur Freud et également sur l’utilité, ou plutôt l’inutilité de la cure. Et tout laisse à penser que ce qui est resté là en chantier et inanalysé, c’était la manifestation de la fixation de Freud sur papa Graf, sur le père, qui devait être un homme intelligent, et qui en outre lui fournissait cette observation directe, ce qui pour Freud était évidemment très précieux, très important, et que la maman a ainsi, dans le foyer, retourné la situation, et dans ce qui est resté son insatisfaction de la relation à Freud et à la psychanalyse. Mais on aura l’occasion… ce sont à la fois des à-côtés mais en même temps, vraisemblablement, des éléments déterminants de ce qui a été l’alternative pour le petit Hans, c’est-à-dire la question de savoir… il pensait que la transmission se faisait du côté paternel, tout bêtement, et puis voilà qu’il s’est aperçu que c’était sa petite sœur, Anna, qui bénéficiait du privilège d’une transmission qui faisait d’elle la créature phallique par excellence, et préférée par la mère. Le petit Hans n’ayant lui-même manifestement rien à lui offrir qu’une cochonnerie. C’est donc à la fois une situation dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle est banale, et qu’elle n’a ici que le mérite, comment dirais-je ? De venir écrire la première tragédie. Ça se passe comme dans une tragédie, et y compris, vous le savez sans doute déjà, l’intervention dernière, qui est vraiment celle d’un deus ex-machina, intervention… une phrase, qui va tomber, c’est génial ! et qui va faire quoi ? Alors ce sera justement ce que, avec Lacan, nous réinterrogerons. Elle va faire quoi, cette phrase ?

Alors pour ceux qui aiment les anecdotes, mais ce ne sont pas seulement des anecdotes, il y a un bonhomme qui est l’un des… des fabricants du Livre noir de la psychanalyse, qui s’est donné la peine d’aller rechercher - C’est un travail ! Faut vraiment avoir une haine bien vissée au corps - toutes les vies des patients de Freud. Ça s’appelle d’ailleurs Les patients de Freud, c’est édité par je ne sais pas qui. Alors, ça fait un petit peu exploration des poubelles, un peu ce caractère, néanmoins il est certain que sur ce qu’il en est de la mère du petit Hans, dont on ne savait pas grand’ chose, le nom de famille que l’on ne savait pas - Lacan ignorait qu’il s’appelait Graf ; puisqu’on verra plus tard, vous le savez, vous vous en souvenez, une girafe chiffonnée -, et puis également ce qu’il en était du père, et puis aussi bien sûr le destin ultérieur du petit Hans. Donc je ne vous recommande pas le livre mais… il a le mérite de nous rappeler que la psychanalyse s’est forcément construite dans un milieu microbien tout à fait privilégié, c’est forcé. Tous ces gens vivaient au milieu de tous les microbes, et je dirais qu’ils ont plutôt été dignes dans une situation aussi polluée, et où eux-mêmes évidemment… comme lorsque Freud évoque le fait que si l’analyste c’est en même temps un père, ou si y a les deux, c’est-à-dire qu’il évoque évidemment ce qui aurait été pour lui le fait d’avoir eu un père qui aurait été un peu plus éclairé et averti sur ce qu’il en est de la sexualité des enfants, on parle toujours de soi, forcément. Et qu’est-ce que ce serait un père qui, vis-à-vis de ses enfants, serait éclairé ? Comment il se comporterait ? Une mère aussi, d’ailleurs. Evidemment, peut-être qu’elle éviterait de parler de cochonnerie, du genre « ah ben bon, prends ton manteau et ta culotte, et puis va-t’en », quelque chose comme ça. Mais si elle le faisait, si elle évitait ça, ça manquerait de sel. Il faut du sel, quand même.

Voilà, donc c’est une… ce qui est mis là aujourd’hui à l’examen pour nous c’est une remarquable… comment dirais-je ? Vous avez sans cesse l’impression d’être au plus près de la vie, de la façon dont la vie est faite, avec tous ses balbutiements, toutes ses erreurs, et en même temps une espèce d’inflexibilité, l’impression d’un destin, et ce sera celui de Hans évidemment. 

Notes