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EPhEP, le 19/11/2015 

Je commencerai l’abord des questions qui nous intéressent et qui, ce soir, viennent au premier plan de ce que je vous avais annoncé la dernière fois...

Je commencerai en vous rappelant ceci, c’est que l’Histoire a retenu que dans l’Antiquité, se sont trouvées s’opposer deux cités émérites. L’une s’appelait Sparte, l’autre s’appelait Athènes. Et ce qui les distinguait était, comme le savent sûrement la majorité d’entre vous, sinon tous, c’est que Sparte était une cité militarisée. Elle était faite de militaires. Comme ça, on pouvait être certain que le pays ne pouvait être que défendu. Et ces militaires avaient en outre l’avantage d’inclure les femmes de telle sorte que c’était, à cet égard, une cité égalitaire puisque les femmes aussi bien que les hommes se trouvaient engagées dans ce service. Et quant à ce qu’il en était des impedimenta, ce qu’il fallait travailler, fournir, eh bien il y avait fort normalement et comme d’habitude une foule d’esclaves, les Hilotes, et qui s’occupaient donc de travailler la terre et de produire les objets nécessaires. - On remarque au passage le caractère éponyme du nom des habitants de cette cité, encore qu’on dise souvent les Lacédémoniens, enfin, c’était les Spartiates -.

Et donc la constitution de cette cité - puisque le problème, je dirais, des meilleurs arrangements politiques posait questions aux Anciens - s’opposait bien entendu à Athènes qui se distinguait par le fait donc d’être l’unique démocratie de la région. L’unique démocratie de la région, ce qui avait deux aspects immédiatement remarquables : c’est que, d’une part, y fleurissaient les Ecoles de philosophie. Les Spartiates, Sparte n’a pas laissé  la moindre trace dans le domaine de la pensée et puis, ce qui est plus intéressant sûrement, c’est que lorsqu’il s’est agi de défendre la cité et en particulier contre les Perses qui étaient déjà là, qui étaient déjà dans la région, eh bien, les citoyens athéniens, bien que très inférieurs en nombre, furent suffisamment valeureux, eux qui n’avaient pas de préparation militaire particulière, pour faire reculer une massive armée perse qui, elle, était bien entendu composée de mercenaires. Qu’est-ce qu’ils défendaient les Athéniens - et voilà qui est remarquable - c’est que ce qu’ils défendaient c’était pas seulement leur terre, ce qu’ils défendaient c’était la démocratie. Donc les uns se battant pour le salut, on va dire pour simplifier, de leur patrie, militarisant de façon rigoureuse l’organisation de la cité, les autres, donc démocrates, et capables de se montrer les plus vaillants soldats dès lors qu’il s’agissait de défendre leur régime politique, la démocratie.

Alors, ce que la religion est venue modifier dans la simplicité de ce dispositif est que la religion, la nôtre, la religion monothéiste - puisqu’il y avait des religions, des rituels, etc. - je parle de la religion monothéiste, c’est qu’elle est venue substituer à la dimension horizontale qui régissait donc les rapports, une surprenante dimension verticale puisqu’elle suppose maintenant que l’identité – puisqu’on va parler ce soir de la question de l’identité - l’identité est réglée, certes par l’appartenance à une collectivité, à un groupe, mais en tant qu’elle est vectorisée dans le rapport à un Dieu unique. Contraste évidemment avec le polythéisme propre aux mythes grecs. Un Dieu unique et supposé, donc, être un Père bienveillant et qui a ce caractère évidemment remarquable c’est qu’il est le père de toutes les cités, quelle que soit leur organisation et quelle que soit leur langue. Il est unique pour tout ce qui s’appelle espèce humaine sur la terre. Quelle que soit la langue, quel que soit également le sexe, quelle que soit la fonction sociale puisque ce père est aussi bien celui des esclaves, c’est le même référent qui se trouve là accorder son identité au-delà donc des appartenances civiques particulières, en train de donner son identité à chacun. Et ce qu’il faut noter et qui quand même nous intéresse, c’est que cette religion monothéiste, eh bien, elle a trouvé son succès chez les esclaves. Ce sont eux qui furent les premiers à se convertir trouvant évidemment, je dirais, dans cette inauguration la possibilité d’une reconnaissance et d’une dignité jusque là inconnues et, comme vous le savez, ceux qui se trouvaient en position de maîtres ne se sont convertis que beaucoup plus tard.

Il se trouve - nous ne le savons plus tellement mais c’est en train de se préciser aujourd’hui, avec l’évolution de nos moeurs, c’est que cette référence, donc, à un Dieu devenu non plus collectif mais personnel, nous rend donc une relation maintenant singulière de chacun avec Lui. Ce n’était plus en tant que participant à une cité  ou à une langue que l’on était tributaire de ce Dieu, c’était à titre parfaitement personnel que l’on était tributaire de ce Dieu, que cette mise en place amenait une modification subjective majeure, et qui est l’émergence d’un dialogue intérieur du sujet avec Lui. On n’a aucune trace d’un tel dialogue dans les textes qui nous viennent de l’Antiquité préchrétienne. On aimait parler avec ses copains mais on ne trouve nulle part de trace de ce qui aurait été le dialogue intime du sujet avec son dieu et la relation singulière qu’il se trouve, donc, nouer avec lui.

Autre fait majeur, c’est que la loi morale ne relève plus du choix personnel, éventuellement marqué par l’appartenance à une école philosophique - l’appartenance à une école impliquait nécessairement, je dirais, la pratique de la loi morale estimée juste et bonne par la réflexion propre à cette école - supposez que venant d’ici on vous indiquerait, n’est-ce pas, quelle serait la loi morale qu’il vous conviendrait de suivre, de respecter, évident que dès lors nous passerions à l’état aujourd’hui de secte -. En tout cas, disparition donc de la question du choix d’une loi morale puisque maintenant elle est imposée.

Et ce dialogue intérieur avec ce Dieu devenu personnel, il s’inscrit dans le registre grammatical du «tu», de l’adresse directe, c’est-à-dire - il n’est pas poli, Dieu, il ne vous dit pas «vous», il ne vous vouvoie pas - je veux dire par là qu’il ne laisse pas place à ce qui serait une pluralité de votre subjectivité. Le «tu» est beaucoup plus injonctif et suppose justement l’unicité de votre réponse face à ce Dieu unique et le fait que vous êtes devant lui, je dirais, parfaitement si j’ose dire, dénudé. En tout cas, l’impossibilité pour des raisons topologiques de le joindre comme Idéal puisqu’il occupe une place Autre, il est retranché du monde contrairement aux dieux antiques qui ne se privaient pas de venir folâtrer parmi les humains n’est-ce pas, voire à se fourrer dans le lit des dames, eh bien celui-là, non seulement il n’est pas dans le champ des représentations mais il se spécifie d’être en dehors, serait-ce sur le sommet d’une haute montagne sur laquelle s’accumulent les éclairs, les orages et le tonnerre, en tout cas, hors de la vue.

Et donc, vis-à-vis de lui, inauguration d’un sentiment de culpabilité permanent du fait de ne pouvoir accomplir cet Idéal qu’il représente lui-même, et du même coup, un état dépressif qui contraste assurément avec cette sorte de gaîté sans afféterie qui semble caractériser le monde antique. Ils savaient certes diagnostiquer la mélancolie, mais c’était une maladie. Il semble que par ailleurs, il y avait une espèce de sthénicité, de tonicité et qu’on ne pourrait en aucun cas assimiler à une dépression et encore moins à un sentiment de culpabilité.

Enfin, cet élément qui est essentiel dans sa relation à ce Dieu, paternel, bon, bienveillant, c’est le fait de s’en remettre à lui pour l’exercice de la sexualité puisque dès lors elle concerne beaucoup moins la satisfaction que le sujet pourrait en éprouver que la nécessité d’accomplir ses commandements, c’est-à-dire la reproduction, puisque ce Dieu pastoral ne peut que se réjouir de l’accroissement de son troupeau. Donc avec le sexe, il n’est plus question de s’amuser ou de folâtrer, commettre quelques excès ou enfin d’avoir cette sorte de vie très particulière de partousards qu’avaient les Anciens. Il s’agit là maintenant de se trouver le délégué, le fonctionnaire de ce Dieu quant à l’exercice de la sexualité. C’est pour lui qu’elle fonctionne, et donc dans les règles qu’il a prescrites. Donc, dépossession de l’organe, amputation qui se traduit par toutes les manifestations que vous voudrez et qui vont, bien entendu, de la circoncision jusqu’à, dans certains cas, l’excision, ou même plus simplement le voile des femmes ou encore, dans la religion juive, le fait que les femmes doivent se priver de leur chevelure et ne porter qu’une perruque, puisque la chevelure est un signe éminent chez la femme de sa féminité, donc il s’agit de témoigner qu’elle en a cédé les insignes à Dieu pour ne plus être que la future mère des enfants qui pourront venir.

Remarquons que là encore dans cette loi nouvelle qui ainsi émerge, si la répartition des tâches est différente entre un homme et une femme, eh bien ils sont néanmoins parfaitement égaux quant au service à rendre à Dieu, c’est-à-dire dans le devoir sexuel. De ce côté-là je dirais que la différence anatomique des sexes n’intervient en aucun cas puisque c’est une tâche identique, qui appartient aux uns comme aux autres.

Ce qui est essentiel et va nous permettre de déboucher sur des horizons que vous n’attendez pas je suppose, c’est que cette religion introduit la dimension majeure du rapport à la voix, v-o-i-x, puisque c’est une religion révélée. C’est une voix qui s’est faite entendre, qui s’est donnée à entendre et qui, à la fois, a témoigné de l’existence de ce Dieu, mais en même temps, du même coup, a fourni les impératifs, le code moral qu’il y avait désormais à respecter et qui n’est pas quelconque et évidemment tellement original, complètement en rupture avec les civilisations ambiantes.

Religion révélée, dimension de la voix, en tant qu’elle est l’instrument de la maîtrise. Chez les Grecs, l’usage de la voix venait s’inscrire dans ce qu’il en était d’un exercice très important chez eux, qui s’appelait la rhétorique mais qui était fondée moins sur l’exercice, je dirais, sonore, que sur l’usage de l’argumentation. Ce qui faisait l’efficace de la rhétorique c’est pas le fait qu’elle était vocalisée, plaidée, mais c’était évidemment la qualité de l’argumentation et d’une argumentation susceptible de séduire un jury même lorsque le cas, comme nous savons, ne le méritait pas. Et c’est un exercice qui a été tellement essentiel que lorsque l’Empire Romain s’est trouvé décati et en crise - on peut évoquer les 6ième, 7ième, 8ième siècles - ce qui a tenu la société au moment où le pouvoir en quelque sorte se dissolvait, pouvoir politique, ç’a été la rhétorique. Si vous vous penchez un instant, je dirais, sur les textes, sur les études de cette fonction, vous serez assurément fascinés.

En tout cas, dans le cadre de la religion, il ne s’agit pas d’argumentation, il s’agit… …d’injonction. Il n’y a pas à demander pourquoi ni à développer les bonnes raisons, c’est comme ça. Et donc, ce qui s’articule depuis ce lieu a à être pris en compte sans discussion et aveuglément. Ce qui fait que, pourquoi ne pas le dire, dans la mesure où, si vous prenez en compte la formule lacanienne selon laquelle le sujet reçoit son message de l’Autre, et il ne le reçoit de l’Autre qu’à partir du moment où cet Autre justement est habité par cette instance supérieure, injonctive, eh bien, la parole du sujet va se trouver très spontanément mise au service de cette instance de l’Autre puisqu’elle en reçoit les injonctions. Et c’est comme ça que nous nous reconnaissons comme appartenant à la même famille, aux mêmes familles puisque nous sommes amenés les uns et les autres à ne parler, je dirais, qu’à partir de ce message injonctif reçu de l’Autre et qui fait que c’est comme ça.

Vous en avez un témoignage, si jamais vous aviez là-dessus quelque doute, vous en auriez un témoignage dans le fait que dans l’évolution récente que nous connaissons, évolution culturelle, évolution des moeurs que nous connaissons, devant la massive liquidation de la fonction paternelle, eh bien vous avez l’opportunité - je ne dirais pas la chance, certains diront la chance - de pouvoir vérifier que justement aujourd’hui beaucoup de jeunes, y compris bien entendu parmi nous, n’est-ce pas ? vous êtes bien d’accord ? se trouvent affranchis de toute - j’espère que vous allez apprécier le terme - de toute vocation.  C’est-à-dire que il n’ y a plus de message qui leur vient de l’Autre et s’il n’y a plus de message injonctif qui leur vient de l’Autre, eh bien, du même coup, eux-mêmes ne savent plus très bien ce qu’il y a à faire, ce qu’on attend d’eux, quelles sont leurs fins dernières.

Et même, ça c’est encore plus embêtant, il ne savent plus ce qu’ils veulent, ce qu’ils désirent, alors ce qui fait jouir se décide, je dirais, collectivement, autrement dit c’est parce qu’on appartient à tel ou tel groupe, c’est-à-dire finalement, à tel ou tel club - la jouissance aujourd’hui est une affaire de club ! C’est donc un appui pris, je dirais, sur le semblable et le regroupement en communautés, communautés de jouissances. On se reconnaît et on participe à un ensemble commun dans la mesure où la jouissance comporte le même objet, le même style, la même manière.

Eh bien, vous pourrez donc vérifier les effets de cette mutation et qui fait donc que bien entendu, aussi bien des parents que des éducateurs peuvent se trouver désarmés ou désappointés ou ne sachant plus très bien de quoi il est question devant ces formes parfaitement neuves que peut prendre, je dirais, la parole chez ces jeunes, et dans la mesure où justement la voix ne sera plus du tout instrument de maîtrise - le chant, oui, ou la musique ou le rythme, la scansion, le battement, oui, mais pas la voix. L’image… Donc une espèce de fait nouveau qui est cette sorte de désinvestissement, je dirais, du caractère à la fois séducteur et potentiellement toujours prescriptif et autoritaire de la voix. Ça ne marche plus.

Donc, vous avez là le témoignage que jusque là, cette parole injonctive venue de l’Autre stipulait en même temps l’éclipse de tout sujet parce qu’il n’avait, cette parole, qu’à l’endosser et à la retourner. On ne lui demandait pas son avis, son sentiment, son assentiment. Il avait simplement à dire ce qu’il faut.

Alors en philosophie, Kant fait valoir ce fait avec l’impératif catégorique. C’est ça ! Exactement ça ! C’est-à-dire ça s’impose comme ça et ça ne se discute pas.

Ça s’impose comme une totalité sans réserve, sans espace pour qu’un sujet vienne prendre un retrait critique, qu’il puisse dire «qu’est-ce que ça dit, qu’est-ce que ça veut ce truc-là ?» C’est un impératif catégorique et ceux qui sont parmi vous peut-être un peu moins jeunes ont parfaitement connu avec les générations qui les ont précédés comment ceci fonctionnait, je dirais, dans leur propre famille serait-ce à leur étonnement : mais pourquoi ils marchent comme ça ? Qu’est-ce qui pour eux fait comme ça impératif et ne se discute pas ?

Ce qui est quand même à noter et qui est très étrange c’est que si la parole du sujet s’exerce donc, je dirais, dans la reprise de cet impératif, des impératifs venus de ce Père dans l’Autre, le désir, lui, ça c’est curieux, il n’a pas de voix. Et pour lui donner la parole, le sujet va être obligé de fournir de lui-même, d’inventer, de faire de la poésie quand il peut. C’est étrange, le désir ne parle pas, mais - écoutez ça parce que c’est drôlement lacanien - le désir, il écrit. Et c’est ce qui fait que de façon tout-à-fait spontanée et sans savoir ce que vous ferez, là vous ferez des lettres d’amour.

Je ne fais là que vous indiquer une dimension complètement inexplorée mais que votre talent propre va sûrement vouloir travailler, c’est qu’il y a une manifestation très singulière de l’écrit, justement dans la psyché, à l’occasion de ce que les psychiatres ont appelé les hallucinations - je vous en ai sûrement déjà parlé parce que c’est assez formidable, ça n’attire pas l’attention - ce que les psychiatres ont appelé les hallucinations psychiques. C’est-à-dire des hallucinations qui sont faites de signifiants, de mots, de phrases et qui ne sont pas sonorisées. Alors comment pouvez-vous dire que ce sont des hallucinations «auditives» ? Dans les hallucinations psychiques, le patient, il vous explique très bien que non, non, il ne les entend pas, elles sont là mais il ne les entend pas, mais ça ne passe pas par l’oreille et cependant il peut très bien raconter ce qu’elles lui disent ces hallucinations : «Tire-toi de là, pauv’ con, sale type, tu nous embêtes, qu’est-ce que tu fous là, pédé...» mais il ne les entend pas.

Alors, vous vous posez nécessairement la question que les autres ne se posent pas : s’il ne les entend pas, ça passe par quelle sensorialité ? Puisque ça ne passe pas par les sens identifiés comme tels, catalogués comme tels, et si ça ne passe pas par les sens catalogués comme tels, ça passe comment ? Par où ? Quel est le sens concerné, intéressé dans ce qu’on appelle les hallucinations psychiques ? - C’est pourquoi actuellement dans l’École, nous accordons une attention particulière au phénomène d’automatisme mental, puisque l’automatisme mental est l’une des manifestations majeures de ces hallucinations dites psychiques -.

Vous voyez, c’est étrange, parce que c’est comme si ce phénomène se déroulait dans  vraisemblablement, on va dire, dans l’encéphale. Où est-ce qu’on va le mettre ? - Vous savez qu’aujourd’hui la mode veut qu’on ait découvert qu’il y avait un cerveau intestinal ! On s’en serait douté, remarquez, mais enfin ! À supposer que ça se passe dans l’encéphale, c’est comme si on assistait au déroulement d’une bande passante, écrite et comme si on avait une espèce de sensorialité directe sans intermédiaire d’un organe sensoriel. Un organe sensoriel suppose, pour fonctionner, une découpe, la perte de cet objet littéral vous dira Lacan, qui a à choir, pour que cet organe se trouve apte à la sensorialité. Pour l’œil par exemple, il faudra la chute de ce que Lacan a appelé le regard. C’est drôle, ça, chute du regard, pour accéder à la vision. On dira : « Oh quand même, qu’est-ce que c’est que ça !» Mais attendez ! Un des sentiments les plus communs du parlêtre, c’est qu’il y a justement un regard qui l’observe, qui le suit et, comme vous le savez, il y a des cultures où ça joue un rôle essentiel et donc absolument comme si justement se trouvait bien détaché du corps cet objet qui constitue le regard et qui vous regarde, et qui vous suit, qui vous observe, qui vous critique… Je ne vais pas développer toute cette affaire mais simplement, pour revenir sur le fait que je vous indique là, comment dirais-je, il se trouve des domaines peu ou mal explorés et qui sont des domaines essentiels.

En tout cas, ce fait, donc, fait remarquable, que le désir, lui, n’a pas de voix propre. Vous pouvez le faire entendre mais sans vous référer à la voix maîtresse. C’est votre petite voix, personnelle, singulière, qui se risque et vous avez en même temps le témoignage que ce qui va le supporter, ce désir, ça va être l’écrit, la lettre, l’écriture. Je me permets de revenir sur ce que vous allez entendre dans bien d’autres circonstances dans notre École, c’est-à-dire l’intérêt, la valeur je dirais pour le travail, de cette distinction entre la voix et l’écrit.

Venons-en au point qui nous intéresse ce soir et dont vous ne vous doutez pas je pense encore, pas du tout.

Je vous ai raconté tout ça pour attirer votre attention sur le fait qui a été étudié d’abord par un Français qui s’appelait Gustave Le Bon - il a commencé à produire en 1920 - dont les ouvrages avaient un tirage de 500 000 exemplaires, ce qui fait que vous pouvez les trouver dans leurs éditions originales, ce n’est pas difficile, il y en a eu tellement, les ouvrages sur la psychologie collective, la psychologie des masses que, paraît-il, Mussolini avait sur sa table de chevet. Gustave Le Bon, et dont Freud, je dirais, va se servir, qu’il va citer lorsqu’il va écrire Psychologie collective et analyse du moi, et d’ailleurs va s’engager une relation par correspondance entre Freud et Gustave Le Bon.

Qu’est-ce que nous, nous allons en reprendre ? Je ne vais pas vous développer ça. Ceux que ça intéresse iront chercher eux-mêmes.

Et nous, en quoi ça nous intéresse ? Ça nous intéresse en ceci, c’est que à chaque fois qu’une foule est en état de déshérence, c’est un joli mot en français, « déshérence » - la déshérence, ça veut dire que vous êtes privé d’héritage. Vous êtes privé d’héritage, c’est-à-dire que sur son testament, le Père ne vous a rien donné, ne vous a pas reconnu, il ne vous a pas reconnu comme faisant partie de ses enfants, de ceux qu’il aimait. Et donc vous vous trouvez, dans le fonctionnement social, pas reconnu, mis de côté, écarté de la citoyenneté puisque vous êtes en état de déshérence et que du même coup, vous n’avez plus aucun message qui vous vienne de l’Autre et du même coup vous n’avez plus de vocation non plus, et donc du même coup vous êtes paumés, à quel groupe donc appartenez-vous ?....

Et si vous retenez ce fait que j’ai déjà abordé - j’ai l’impression que c’est l’un de mes bateaux – mais enfin, moi, ça me surprend toujours qu’un philosophe ait dit ça, que « le désir premier de l’homme est le désir d’être reconnu », hein ! Vous allez répondre que le premier désir de l’homme c’est de faire miam miam et puis de pouvoir copuler joyeusement, hein, c’est pas ça, non ? Eh bien un philosophe vous répond : « Non, c’est pas ça, le premier désir de l’homme - et c’est bizarre que les politiques continuent de l’ignorer-  le premier désir de l’homme c’est d’être reconnu.»

Ce qui témoigne combien spontanément, je dirais, à l’état natif et sans les constructions qui lui permettent de se tenir verticalement - puisque sinon il marcherait à quatre pattes - l’enfant sauvage de Itard, il marchait à quatre pattes évidemment, il n’y avait rien qui venait le verticaliser - eh bien, faute donc de ce référent, du fait d’être écarté de la citoyenneté, du fait d’être oublié, négligé, vous êtes dans l’attente de la voix, v-o-i-x.

Et elle viendra s’adresser personnellement et collectivement à vous pour vous permettre enfin de récupérer votre dignité et vous permettre de la faire reconnaître de façon tellement décisive c’est-à-dire totale, intégrale, la vraie, la bonne. J’ai dit intégrale c’est-à-dire en même temps donc intégriste, autrement dit totalitaire avec cette injonction qui vous vient de l’Autre et qui est une injonction totalisante si vous la respectez, qui n’admet pas que vous veniez la discuter, qui veut que vous obéissiez comme un cadavre parce que, à obéir de la sorte, vous êtes déjà un cadavre même si vous continuez encore de bouger, de respirer, vous êtes déjà un cadavre. Et qui fait donc que ce type de restauration va prendre une forme d’autant plus simple qu’elle va organiser le monde sur un mode binaire c’est-à-dire séparer d’un côté ceux qui en sont, de l’autre côté, il ne reste plus que les étrangers c’est-à-dire les infidèles, ceux qui ne méritent pas de vivre, c’est eux maintenant les déshérités, les pauvres.

Je vous fais remarquer là - j’espère que certains d’entre vous vont m’en vouloir un peu, j’espère que ce sera un peu seulement - vous faire remarquer que cette devise républicaine, je dirais, dont nous sommes fiers, elle est néanmoins amphibologique, je veux dire qu’elle se prête à des interprétations sémantiques qui ne sont pas forcément évidentes. On en va prendre une qui est tellement plaisante : « Fraternité ». Fraternité, c’est la loi du partage, hein! On est entre frères, on partage, autrement dit, il n’y a pas d’inégalité quant à la propriété, et comme vous l’avez tous remarqué, eh bien la pratique du partage, aujourd’hui, est devenue un élément du fonctionnement social des échanges, hein ! Il y a des trucs extraordinaires, le problème n’est plus la possession de l’instrument mais simplement le fait que l’usufruit prévaut sur la propriété. Du moment qu’on en a l’usage, peu importe ensuite qui en est le propriétaire. Qu’est-ce que ça lui donne si ce n’est que c’est lui qui a payé pour le truc. Bon, mais enfin une fois que c’est fait, pourquoi ça ne servirait pas à tout le monde ? Ça va, comme vous savez, du barbecue jusqu’à la cocotte minute, l’aspirateur, la voiture évidemment, ..... la femme .... Ben oui ! Ecoutez ! Oui, bien sûr ! Les clubs d’échangistes ça existe et je dirais, c’est assez bien toléré. Ça ne pose pas de problème et je vous assure que ça peut rassembler des gens par ailleurs tout à fait tout à fait honorables.

Fraternité. Il est évident que le grand instrument des échanges fraternels c’est Internet. Or, il y a un truc génial, je sais pas qui a déjà dit ça, s’il n’y a personne alors on est les premiers à le dire, quand vous entamez un chat, qui parle ? Et qui vous répond ? L’identité de l’un et de l’autre est susceptible de se décider en cours de route mais pas forcément, je dirais, conforme à celle d’origine. Ce qui pourra paraître en cours de route l’adoption de l’identité la plus confortable c’est peut-être celle qui, dans cette rencontre, autoriserait éventuellement la jouissance partagée la meilleure ; peu importe ensuite la place que viendrait occuper tel ou tel dont on ne sait même pas d’ailleurs forcément a priori dans ce chat, on ne sait pas forcément toujours quel est son sexe. Comme je le raconte quelque part, la théorie du genre doit beaucoup à ce fait que finalement l’adoption du sexe que l’on prendra à l’occasion de cet échange - à l’occasion de cet échange, il n’y a aucune raison d’être définitif, pourquoi le serait-il dès lors qu’on est libéré, affranchi de cette référence à ce Bon Papa qui veut que l’on soit son fonctionnaire en matière de sexualité ? C’est lui qui veut qu’on soit condamné à être un homme ou une femme, voilà !

Mais à l’occasion de cet échange, il est offert à chacun, dans ce qui va se tisser au cours de cette affaire, et réciproquement et mutuellement de choisir son sexe, au fond comme des gosses qui vont jouer au papa et à la maman, mais sans que au départ ce soit attaché à l’identité sexuelle, à l’identité anatomique. Il y a quelque chose qui est bien là également de l’ordre du partage parce que ce qui n’a encore non plus  jamais été bien précisé c’est que le droit de propriété est vraisemblablement inspiré, soutenu par le fait qu’on est de naissance un propriétaire ou pas. De naissance, ça veut dire anatomiquement, un propriétaire ou pas. On l’a ou on ne l’a pas. Et c’est formidable que cet instrument-là puisse lui-même devenir un instrument d’échange. Tu le veux ? Je te le passe. Tiens, allez, c’est toi qui, c’est toi qui l’assumes et puis moi je vais profiter de l’autre position pour voir ce que ça donne ..... Ce que je vous évoque, je crois, fait partie de ce qui ne se présente plus comme exceptionnel en tout cas. C’est théorisé et avancé au nom justement de la liberté, de la liberté des échanges.

Prenons un autre, un autre élément de cette devise et que nous aimons bien et à juste titre, ça s’appelle l’«Égalité ». L’égalité si on la prend au sérieux, ça veut dire la disparition de la dimension Autre. Tous égaux, c’est l’ambition de tous les régimes totalitaires et avec entre autre justement la disparition de la distinction des sexes. Comme à Sparte tout à l’heure. Au fond, fondamentalement, c’est cela.

La liberté c’est beaucoup plus redoutable parce que la liberté, et c’est là que je reviens à ce qui m’inspirait pour vous dire quelques mots ce soir, pourquoi ce ne serait pas la liberté de tuer ? Qu’est-ce qui doit faire limite ? Qu’est-ce qui doit empêcher le bras meurtrier d’agir ? Si je suis effectivement libre. Il y a des romanciers qui ont su filer ce thème, hein ? Ce n’est pas moi qui l’invente, celui-là.

Donc pour vous faire remarquer comment, comme si nous le savions pas, nous nous référons à des valeurs dont je dirais, les interprétations sémantiques se prêtent à des conséquences qui, je dirais, peuvent faire problème. Bref, je me permets de vous rappeler à cette occasion ce qu’était pour Lacan la définition de la liberté. Parce qu’on l’avait un jour interrogé sur ce qu’était pour lui la définition de la liberté. Eh bien, Lacan...alors il y a deux réponses. Il y en a une : sans un mot - il était à la tribune - il s’est levé puis s’est tiré. Une réponse zen, hein ! Pourquoi est-ce que la liberté, pourquoi est-ce que je me soumettrais à la contrainte qui fait que je suis là à m’embêter avec vous. Vous voulez savoir ce que c’est que la liberté ? Et vous pouvez partir aussi, hein !

Mais il en a donné une définition qui, évidemment ne vient pas coïncider avec les revendications bien souvent politiquement légitimes qui viennent s’inscrire sous le nom de liberté puisque le régime totalitaire, c’est bien quand même ce à quoi nous aspirons, pouvoir être tous pris en charge, ne pas avoir à se fatiguer pour trouver son petit chemin, son petit sentier, avoir sa petite vie privée. Il ya une aspiration à être pris en charge ! Oui.

            Alors une remarque encore qui n’est pas superflue. J’évoquais tout du long le Père de la religion. Mais comme vous le savez, comme nous avons un fort esprit laïc, nous pouvons le séculariser. Et le séculariser, c’est en faire par exemple le Père de la nation.

Le père de la religion lui, il est supposé être celui de l’ensemble de l’humanité. Ce qui fait qu’évidemment aussitôt les religieux se scindent, se divisent, se séparent, se combattent etc., mais on peut également le séculariser et vouloir le père de la nation.

Ça a les mêmes conséquences, quant aux effets c’est strictement pareil. Il a beau être sécularisé, du moment qu’il occupe la même place dans l’Autre, les effets en sont les mêmes. Autrement dit, le père de la nation a la propriété - comme le père des religions, puisque c’est un père … de la religion c’est devenu le père des religions - il trace aussitôt des frontières entre ceux qui lui appartiennent, y appartiennent et puis les autres.

Ce qui fait que il n’y a que la psychanalyse - c’est quand même embêtant pour elle, parce que ça la fragilise singulièrement - pour dire que dans l’Autre, le Un qui va faire commandement est un artefact. Autrement dit que ce qu’il y a dans l’Autre, c’est le père du Un qui est le zéro.

Un jour, je ne sais pas, il faudra faire ça pour s’amuser, se donner un peu de temps, je vous l’ai déjà indiqué comme lecture, il faudra lire l’article de Frege sur l’origine du Un, c’est-à-dire la façon de compter zéro. Il y a un zéro. Il y en a « un » zéro. A partir du moment où vous dites il y a un zéro, effectivement il n’y en a qu’un. Il y a « un » zéro. A partir de ce moment là, vous avez posé le Un en tant que l’ancêtre. Le papa du Un c’est le zéro. Ca a beaucoup de conséquences évidemment parce que le Un se trouvera toujours incarné. Le zéro, lui, il a pas d’incarnation, il a pas d’ondes propres, pas d’ondes positives spéciales. Et même, je dirais, c’est ce qui pose justement certaines difficultés avec l’évolution des moeurs et à des jeunes d’aujourd’hui d’avoir à faire à ce qui dans l’Autre est un pur zéro.

Moi, j’en vois tous les ans. Est-ce que je leur souhaite à la place un Un ? Un hhhUn ? Vous savez un hhhhhun ? Où il y a plus de moquette quand il est passé, le Hun. Est-ce qu’il faut leur souhaiter un Un ? Autrement dit, ce qui va être la source de ces passions…meurtrières ? Ou est-ce qu’il faut savoir comment il va se débrouiller avec ce zéro qui fait que d’abord, il est là devant vous, il ne sait pas comment se tenir - parce que si vous avez un Un correct, vous tenez, vous avez une colonne vertébrale - et puis ensuite quand il vous parle vous sentez très bien qu’il n’y a pas de césure, je dirais, qui tienne dans ce qu’il vous dit. Alors on dit grossièrement, « c’est de la bouillie ». En tout cas, il y a un problème dans ce qui est la scansion de sa parole et puis évidemment il est embêté parce que, qu’est-ce qu’il fait, qu’est-ce qu’il veut ? Est-ce que nous avons le droit de poser le problème de la sorte ?

Comme vous le voyez, il n’est pas inutile que aussi bien en tant que psy que comme citoyen, voire que comme cible, on ait quelque idée de tout ça. De tout ça qui n’existe, il faut bien le dire et je crois que vous le trouverez sur le petit billet que j’ai fait pour le site de notre École, il n’existe que parce que - ça se trouve comme ça, moi je n’y peux rien - parce que l’opinion publique, l’opinion commune n’a pas pris en compte ce que la psychanalyse c’est-à-dire la pratique quotidienne de ce qui peut mettre en œuvre un parlêtre, n’a pas pris en compte ce qui est apporté là-dessus, ne veut rien savoir, autrement dit souhaite préserver les nombreuses jouissances permises, assurées par cette référence au Un.

Y compris quand il est déserté, dans cette alternative où il devient le zéro, alors que c’est cette alternative qui aurait à être dépassée c’est-à-dire ne plus se poser comme telle : ou bien on devient un fou de Dieu ou bien on devient un paumé, et donc très vulnérable - quand on est paumé pour devenir un fou de Dieu soi-même évidemment - quelles que soient par ailleurs les origines ; mais donc, il y a sûrement longtemps que ce type d’alternative aurait eu à être dépassé, qu’on sorte de là pour passer à des agencements affranchis de ce type de dilemme et qui oscille sur le mode binaire entre le tout ou rien.

C. Melman :   Est-ce que vous avez une question, une seule ? Madame...

Question : Soit j’ai manqué d’attention mais je n’ai pas entendu la deuxième définition de la liberté de Lacan.

C.Melman : Ah oui, j’ai dû l’oublier, vous voyez, c’est un lapsus, c’est une manifestation de ce que vous voudrez. La deuxième définition donnée par Lacan c’est que la seule liberté de l’homme c’est de «désirer en vain». Il faut dire que ne serait-ce que ça comme mot d’ordre, ça ...pfffff oblige à ..., ça calme, hein ?

Qu’est-ce que c’est les disputes ? Aussi bien dans le couple, que dans les familles ... entre générations, entre copains, entre amis, ce sont toujours des disputes quant à la répartition de la jouissance. Toujours. Il ne s’agit que de ça. C’est systématique. 
C’est que l’idée que l’autre en a plus et que vous êtes lésé, vous n’avez pas votre part. Toujours ça, hein !

Eh bien, si cette formule de Lacan était par exemple enseignée à l’école primaire, déjà, ça pourrait pacifier un petit peu la sottise de nos querelles ordinaires et qui occupent toute l’existence y compris mentalement, on rumine, ça se rumine. « Ce qu’il m’a fait, ce qu’elle m’a fait, m’a pas donné, ce qu’il m’a pris, emprunté, pas rendu » etcetc.

Question : Y a une question ... La tempérance est-elle la solution à votre dernière énigme ?

C. Melman : La tempérance...

Question : Vous semblez dire, vous le dites plutôt, que quand il y a une foule et quand il y a un guide, chaque élément de la foule est en train de rendre au guide sa castration, pourquoi et comment ça se fait ? Comment peut-on rendre sa castration à quelqu’un ?

C. Melman : Pardon ?

Suite de la question : C’est-à-dire qu’en fait le guide récupère quelque part la castration de chaque individu c’est-à-dire là, le fait que chaque individu est castré, est soumis à des règles sociales.

C. Melman : C’est pas sa castration qu’il lui rend, c’est sa vie. La vie que ce guide est supposé lui avoir donnée, il la lui rend, il la met à sa disposition : «Tu en feras ce que tu voudras, elle n’est plus à moi, je te la rends, elle est à toi, c’est toi qui en décides ». Ben oui ! C’est comme ça qu’on se fait sauter. La castration c’est un sacrifice partiel et qui au fond est au service de la perpétuation de la vie. Alors que, qu’est-ce qu’il peut y avoir - c’est comme dans les grands amours - qu’est-ce qu’il peut y avoir comme plus belle preuve d’amour que de donner sa vie à l’objet aimé, si l’on ne vit que cet amour ? C’est une restitution ! Nous sommes comme ça.

            Je récuse toujours les procédés qui veulent attribuer à des gens bizarres, étrangers, ce qui sont les traits de l’humanité et qu’il y a à voir comme tels. On ne peut pas continuer comme ça, persévérer à vouloir les reléguer, je dirais, dans des zones qui seraient des zones de démence ou de folie, non ! La démence et la folie aussi appartiennent à l’humanité. Ce sont des traits qui appartiennent à l’humanité. Faire le sacrifice de sa vie ça a toujours été, ça a toujours pu fonctionner comme un Idéal, par amour pour le chef ! - Quand même les armées depuis Napoléon, - il a fallu la République et Napoléon - quand on était mercenaire, c’était pas comme ça. Mais à partir du moment où s’est formée la nation, mourir pour la patrie je ne vois pas à qui est-ce que ça peut paraître choquant ? Non ! Ca paraît normal ! Ça ne l’est pas ? Bien sûr, ça l’est ! Tuer le maximum d’ennemis ça a toujours été la vocation de tout patriote. Quoi ? Je suis désolé mais c’est comme ça que nous sommes.  Et ça n’est qu’à partir d’une prise en compte de la façon que nous sommes que quelque chose peut se dégager, non pas de vouloir à chaque fois l’écarter comme étant un phénomène parasite, arbitraire etc.

Question : Ne doit-on pas malgré tout passer par du Un pour, au-delà, accéder au zéro, à l’ensemble vide qui nous ouvre à l’acceptation de la jouissance Autre ?

C. Melman : Vous voulez bien redire, là ?

Question : Ne doit-on pas, malgré tout, passer par du Un pour, au delà, accéder au zéro, à l’ensemble vide qui nous ouvre à l’acceptation de la jouissance Autre avec un grand A ?

C. Melman : Sûrement. C’est une très jolie question et sûrement. Mais il y a quelque chose qui s’appelle la dialectique et qui est fondé sur ce genre de procédé, de procédure. C’est-à-dire conserver le Un dans le zéro, par le zéro.

Qu’est-ce que je voulais dire ? Ah oui, la tempérance ! Comment vous dire, la tempérance… La tempérance c’est la loi du sage; personne n’est sage, le désir n’est jamais sage, un désir tempérant ..... oh là là ! Quelle barbe !  

- Rires dans la salle -

C. Melman. Donc il y a une intempérance qui est propre au désir, qui va jusqu’où ça peut, tant que ça se supporte, jusqu’à la douleur. Faut pas non plus faire de l’intempérance une loi ! C’est drôle, on voudrait à chaque fois, n’est-ce pas, chercher un justificatif en transformant ce genre de mouvement en des lois. Autrement dit je ne fais qu’accomplir une loi en étant intempérant ! Non ! Non ! Ce n’est pas l’accomplissement d’une loi, c’est l’accomplissement de ce qui est une physiologie, mécanique propre au désir.

Notes