EPhEP, le 12 février 2015
Charles Melman : Cet effort que nous devons à Marcel, Marc et moi-même et que, je dois dire, reste riche d’enseignement et peut-être de promesses. Peut-être… Ce qui est curieux, c’est qu’il nous faille assurer la promotion de Lacan parmi ses élèves eux-mêmes. Ça, c’est une opération étrange. Mais, la situation cocasse était la suivante pendant des années. Lacan fait sa présentation. Elle est assurée par des élèves privilégiés pendant des années et il y a là un petit auditoire, un auditoire composé lui aussi d’élus, de privilégiés, de savants et chacun assiste à la démonstration qu’il fait de son examen sans rien comprendre à ce qu’il cherche, sans qu’il donne la moindre indication sur le parcours qu’il a effectué avec un patient qui, parfois est ravi, je dirais, de le rencontrer mais qui parfois l’est moins. Nous ne retrouvons dans ce parcours, qu’il effectue, aucun des traits de la clinique classique. Il s’en fout. Ça ne l’intéresse pas, où il conclut en ne faisant aucun commentaire sur ce qui s’est passé. Les échanges entre les présents sont en général succincts, polis et tout le monde s’en va avant que la semaine suivante ça recommence. C’était bien ça Marcel ?
Marcel Czermak : C’était bien pire ! Mais, c’est vrai. C’est tout à fait exact.
Charles Melman : Ceci, cette situation – mais nous sommes tous de grands esprits – ne gêne personne et la scène se répète donc sans obstacle, sans protestation, sans contestation. C’est comme ça. L’unique fois où je l’ai vu suivre une démarche consistante, en tout cas qui, à mes yeux, me paraissait consistante dans l’examen du malade, c’était un cas où il recherchait les signes – alors là j’ai reconnu l’unique affection psychiatrique qu’il a décrite dans sa thèse, c’est-à-dire la paranoïa d’autopunition. C’est donc l’unique fois où je l’ai vu suivre, je dirais, l’exploration systématique du champ à la recherche des éléments qui permettaient ou non d’affirmer ce diagnostique. Il a fait son séminaire sur le cas Schreber une année dont nous avons des éléments du séminaire dans les Écrits, Marc Darmon a bien voulu pour nous reprendre ce schéma pris de la géométrie hyperbolique pour rendre compte du dispositif qui aurait été spécifique de la psychose de Schreber. Ce schéma n’a soulevé aucun problème, aucune question, aucune discussion, si ce n’est qu’il a laissé l’auditoire toujours émérite dans une discrétion et un silence remarquables. Je dirais plutôt stupéfait. Moi, je dois dire que voir la psychose de Schreber, j’avais pas mal étudié Schreber, j’avais traduit alors que ça n’avait pas encore été fait en français (après c’est Nicole Sels) mais j’en avais fait avant une traduction de l’allemand d’abord pour mon usage personnel mais, en tout cas, je connaissais assez bien le père Schreber qui m’émerveillait toujours, que j’admirais beaucoup. Et bien, je dois dire que la présentification de ce schéma ne m’a laissé que stupéfait. Je n’étais pas en mesure de faire quelque connexion entre ce cas et ce que je voyais-là. La question de fond est la suivante à mon sens : s’il est vrai que le champ de la réalité est pour nous déterminé et construit par le plan projectif – ce qui ne va pas sans conséquence à la fois clinique, thérapeutique et en particulier, par exemple, dans le maniement de l’objet petit a – si cela est vrai, il est sans doute vraisemblable que les psychoses ne sont pas moins régies par des géométries qu’il nous appartient d’essayer de préciser. Pourquoi des géométries après tout puisqu’il s’agit de psychoses ? Pourquoi donc ne s’agirait-il pas d’ensembles de points (…)[1] sans structure spécifiée et qui, après tout, viendraient rendre compte des désordres, des délires aigus, des schizophrénies, etc. ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce que néanmoins nous pouvons penser à des structures de type géométrique ? Et bien parce qu’évidemment il existe des formes cliniques. Ça n’est jamais n’importe quoi, c’est même d’une certaine pauvreté dans l’organisation clinique. Il n’y en a pas tellement. Et donc le fait que ces formes cliniques existent, qu’un délire aigu ce ne soit pas une mélancolie… etc. que ces formes cliniques existent nous contraignent de penser que le support en est une organisation géométrique particulière et qui donc échappe à sa figuration dans l’espace euclidien qui est celui du plan projectif, avec la difficulté que nous ne pensons que dans le champ de l’espace euclidien. Donc, vraisemblablement des dispositifs géométriques qui se trouvent supporter les diverses formes de clinique des psychoses mais à la clé non pas seulement, je dirais, le plaisir intellectuel d’en mettre en évidence les formes mais évidemment l’idée d’une chirurgie possible. C’est ce qui, à mon avis, n’est pas très exaltant mais en tout cas c’est ce qu’il va tenter dans le séminaire le Sinthome avec cette chirurgie du nœud qu’il va évoquer à l’occasion de Joyce. Nous n’avons les uns et les autres de par notre formation, nous n’avons pas d’aptitude ni d’affinité pour ce type d’engagement donc il faut bien dire qu’il n’en a jamais été que le seul, le seul, et ce qui est sans doute plus gênant sans qu’il n’ait jamais cherché sur ce point à avoir des élèves, jamais chercher à engager des élèves dans une recherche ou peut-être… Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Est-ce parce qu’il n’était pas certain ? Que c’était une recherche en cours ? Qu’il ne souhaitait pas être dépossédé – ce qui n’était pas exceptionnel – de ce qu’il pouvait introduire, de ce qu’il pouvait avancer ? Là-dessus, il n’y a pas de réponse mais, en tout cas, il est certain que dans ce travail, il a toujours été seul. Même nous qui étions très près de lui et – pour utiliser le terme exact – nous qui l’avons servi de notre mieux, c’était dans la confiance qui était faite et sans plus.
La question qui – un peu tardivement évidemment mais entre-temps nous avons plus mûri que pris de l’âge, n’est-ce pas ? – et bien la question qui aujourd’hui est à la disposition de chacun de ceux qui travaillent dans notre petit cercle et de savoir si nous entendons poursuivre ou bien si nous entendons laisser tout ça s’assécher, périr dans les sables, recouvert par, je ne dirais pas les commentaires, il n’y en a pas, il n’y a pas eu de commentaires sur les travaux de Lacan en psychiatrie. C’est la question, avec la remarque suivante, c’est qu’on ne peut pas dire que dans le champ de la psychiatrie il y ait beaucoup d’autres recherches possibles. Ça on ne peut pas le dire.
Donc, c’est le point qui est proposé aussi bien aux anciens qu’aux plus jeunes, c’est de savoir si cette recherche qu’il faut bien qualifier d’exceptionnelle vaut la peine. Les qualifications mathématiques de Lacan pour les faire sont connues. Il y a eu un condisciple à Stanislas qui s’appelait Leprince-Ringuet et qui dans un article sur Lacan au moment de sa mort, nécrologique, a spécifié combien il était un brillant élève en mathématiques et sans doute aurait-il pu faire une carrière de mathématicien. Sans doute.
En général, à l’exception de quelques-uns, ça se présente à nous de façon beaucoup plus réfractaire. Est-ce évidemment une raison pour s’en détourner ? On reconnaîtra que si ça apparaît comme une raison, ça s’inscrit plutôt dans l’ordre du prétexte. C’est clair. Nous nous baladons dans un domaine où, plus qu’ailleurs, le moindre déplacement des savoirs acquis est ressenti comme une offense. Il est quand même pour nous surprenant de voir que lorsque Clérambault décrit si admirablement l’automatisme mental et le met comme processus à la base de toutes les psychoses, le met, je dirais, comme élément premier des psychoses, l’automatisme mental, il est évidemment passionnant de voir aussitôt la levée de boucliers qu’il provoque parmi ses collègues et en particulier Auguste Magnan qui était une grande autorité de l’époque. Chacun de nous peut se demander quel était l’enjeu tout de même ? Il faut croire qu’il était là. Et l’enjeu ce n’est pas seulement évidemment celui des autorités disputées mais il a forcément des implications intellectuelles. Autrement dit, nous sommes dans un domaine de la psychiatrie où les partis pris ne sont pas toujours explicites, les partis pris des participants, qu’ils soient éthiques, oniriques, qu’ils soient spontanés, sont déterminants. Ça c’est clair. Quant à la démarche de Lacan, il est bien évident qu’elle était animée par un rationalisme absolu et un matérialisme absolu ce qui, dès lors que l’on quitte le champ de l’organicité, est dans le champ de la psyché complètement neuf et étranger. Il est bien évident que pour Lacan il n’y a pas de psychogénèse. Ça n’existe pas. On ne peut pas opposer la psychogénèse à ce que serait organogénèse. Le psychosomatique, ça n’a aucun sens, etc. puisque le psychisme a un support matériel, défini, précis et une organisation logique qui lui est propre et une géométrie qui lui est propre – en l’occurrence, par exemple, le champ de la réalité, le plan projectif.
Ce que pour ma part j’avais pu souhaiter comme effet de ces rencontres et de ces discussions – je vais m’arrêter dans dix minutes pour que Marcel et Marc puissent donner leurs points de vue – ce que j’avais pu souhaiter et que je souhaite toujours, c’est que les présentations de malades de Lacan soient déchiffrées ; autrement dit que ce qu’il cherchait et, je pense qu’aujourd’hui c’est faisable, soit mis au clair. Qu’est-ce qu’il cherchait ? Qu’est-ce qu’il voulait ? On peut aujourd’hui le faire. Je crois qu’on a commencé et avec L’homme aux paroles imposées et que ceci peut être enseignant pour chacun d’entre nous et profitable.
Si je prends l’observation que nous avons grâce à Marcel, l’observation de la présentation faite par Lacan, nous commençons par ceci :
« G.L. : Je n’arrive pas à me cerner.
Dr Lacan : Vous n’arrivez pas à vous cerner ? […]
G.L. : Je suis un peu disjoint au point de vue du langage […] » [2]
C’est-à-dire que nous sommes d’emblée dans une affirmation de la défection du champ des représentations, c’est-à-dire du plan euclidien où chacun de nous est évidemment représenté par une silhouette, par son cernage et dont le support symbolique est le Un. Ça fait Un ce cernage et nous figurons dans le champ des représentations au titre donc de cette silhouette, isolée, compacte, faisant unité ; de telle sorte que si nous suivons Lacan nous avons d’emblée avec cette première parole du patient, l’aveu de la défection pour lui du champ des représentations, du plan euclidien et du même coup de la défection de ce qui est susceptible de soutenir le Un, c’est-à-dire le symbolique. Voilà, on n’a pas commencé qu’on y est déjà. C’est-à-dire dans la clinique qu’apporte le patient – c’est pas Lacan qui le trafique – nous sommes d’emblée, là, dans une clinique où c’est la dimension de l’imaginaire qui se trouve dévoilée dans sa défection avec à la fois le fait qu’il n’arrive pas à cerner et que c’est la disjonction, autrement dit le fait qu’il est fait de morceaux qui n’arrivent pas à se conjoindre et qu’il va décrire comme disjonction entre le rêve et la réalité ce qui est autrement dit clérambaldien… clérambaldien, c’est beau hein ? La disjonction entre le rêve et la réalité, il n’a pas lu De Clérambault le type et il parle de Clérambault là, cette disjonction entre le rêve et la réalité. Et, c’est amusant parce que cette disjonction est quand même organisée par une équivalence entre ces deux mondes. Ils sont disjoints et équivalents. Il se fait une disjonction… alors là la formule est d’une poésie imparable :
« […] Je suis constamment en train de fluer l’imaginatif. » [3]
Et donc cette dimension de l’imaginaire… voilà quand même ce qu’il offre à Lacan, ce qu’il offre à ses élèves. Ce n’est pas par hasard tout à fait s’ils l’ont recueilli ce qu’il nous donne… non, non… parce que donc on parle…
Marcel Czermak : On n’est pas complètement puceaux
Charles Melman : … d’autres ne l’ont pas recueilli. « Fluer l’imaginatif », autrement dit le champ des représentations qui devrait être tranquillement habité de ces silhouettes représentantes chacune de Un individu et bien il est animé par ce mouvement qui y
fait apparaître des figures différentes mais prises, je dirais, dans un réseau, dans un écoulement de paroles. On voit bien effectivement un imaginaire dérangé. Et, tout de suite, il va lui donner des exemples remarquables de la structure, de ce flux puisque c’est lalangue avec un « l » apostrophe ou en un mot, comme vous voudrait. C’est lalangue qui se trouve organiser ce langage venu de l’Autre, ce langage donc du rêve et d’emblée à partir de ce qu’il en est de son identité de Gérard –
autrement dit ce qui lui donne cette identité d’oiseau, du geai – est sûrement rare puisqu’on l’a vu à propos de l’oiseau bleu, de l’oiseau gris, de l’oiselle, etc. Il est tout seul. Défection du champ de l’imaginaire introduite aussitôt par celle du symbolique. Anarchique système venu du réel. Il y a une complicité entre ce que dit l’homme aux paroles imposées et la théorie lacanienne qui, je dirais, justifie sûrement l’effort qu’il se donne, lui aussi en solitaire.
Ce qui a été ma tendance lorsque j’ai lu cette observation a été extrêmement simple, moi, je voulais revenir les pieds sur terre, autrement dit dans le plan euclidien et dire la chose suivante : ce délire n’est aucunement insensé mais significatif de la non admission de ce personnage dans le champ du symbolique (…) relève beaucoup moins du hasard que de la dénonciation de sa présence dans le champ et que donc au paradoxe de là où le Nom-du-Père se trouve forclos, à sa place se manifeste un trou qui dit que du même coup c’est le sujet qui a à être forclos, qu’il y est pas sa place et que donc si tout ceci – c’est-à-dire le contenu de ces hallucinations – a un sens comme c’est très facile à montrer, trop facile presque à montrer, il paraît possible d’intervenir. Est-ce une forme de chirurgie ? J’en sais rien. Cela se prête à l’interprétation. Peut-être même cela appelle-t-il une interprétation ? Sans qu’elle puisse être garantie le moins du monde (…) donc je peux constater en ce qui me concerne, je vais tenter de contourner, d’éviter le problème de cette géométrie hyperbolique que Lacan sollicitera à propos du cas Schreber pour revenir à ce qui est familier à tous et sans doute aux patients lui-même, c’est-à-dire le plan euclidien. Voilà tout ceci à un sens. Une fois que ça a un sens, on est dans le plan euclidien, les formulations s’interprètent, ce qui s’est passé avec les parents, etc. ainsi de suite. J’ai déjà équivoqué là-dessus.
Je me dérobe. C’est clair.
Marcel Czermak : Non, non, non. (…)
Charles Melman : Je me dérobe parce que je dis sans aucunement savoir à propos de ce cas ce que ça ferait ou ce que ça ne ferait pas et d’ailleurs qui peut le dire ? J’en sais rien. Mais en tout cas, la vraie question qui est celle de ce que serait une géométrie spécifique organisée par les diverses formes cliniques des psychoses et sans que nous soyons amenés – on l’évoquait l’autre jour avec Marcel – sans qu’on soit amenés à postuler qu’il n’y en aurait qu’une de géométrie, que ce serait forcément celle hyperbolique qui serait applicable dans tous les cas, et peut-être y a-t-il dans l’organisation des symptômes diverses organisations géométriques qui se trouveraient sollicitées, qui se trouveraient parlantes ?
Pour dire encore un mot là-dessus qui personnellement m’encourage. Certains d’entre vous étaient hier soir ici-même à une soirée sur les problèmes de l’adoption. C’est merveilleux l’adoption, c’est comme pour les psychoses. D’ailleurs, c’est simple l’adoption mais on est encore infoutus aujourd’hui de dire aux parents de quelle manière ils doivent informer l’enfant de sa situation afin que celui-ci ne s’en trouve pas immédiatement déglingué parce que ce qui prévaut – y compris, je dois dire, avec
Dolto – c’est que c’est la vérité qui est guérisseuse, hein. Il faut dire la vérité. Faut pas cacher. Faut dire la vérité. La difficulté dans ce domaine et, vous allez tout de suite voir pourquoi j’évoque cette affaire, la vérité dans ce domaine c’est qu’une naissance quelle qu’elle soit, ça ne s’explique jamais que par un mythe. Y a pas d’autres façons de rendre compte d’une naissance. C’est obligé de passer par le mythe. Papa et maman se sont tellement aimés qu’il est passé là une étincelle et c’est toi. Voilà. Tu es la trace du passage de l’étincelle. Vous ne pouvez pas l’expliquer autrement. Le seul problème avec l’enfant adopté c’est que ce mythe-là, il ne marche pas. Vous ne pouvez pas lui dire ça. Et si vous lui dites la vérité, vous serez obligés de lui dire : « –Papa et maman se trouvaient dans un plumard, ils ont fait ce qu’ils ont pu et de toi ils n’ont pas voulu. » C’est ça la vérité. Allez lui dire ça, ça lui servira de quelle manière ? Donc la question du mythe à construire pour l’enfant adopté, il n’y en a qu’un, il n’y en a pas cent-mille. Ils ont ce mythe à construire – d’ailleurs c’est tellement étranger à nos processus – alors évidemment nous sommes tous des rationalistes alors le mythe… qui permettrait à l’enfant d’éviter cette catastrophe qui consiste à ne se soutenir que d’une disjonction entre le réel de sa naissance et le symbolique dans lequel il est élevé, disjonction, ce qui le confère à un définitif statut d’étranger. Si on veut savoir ce que ça signifie être étranger, c’est ça. C’est quand il y a une disjonction entre le réel de la naissance et le symbolique de l’identité et de l’éducation. Et bien essayez de vous dispenser du nœud borroméen et des trois catégories de Lacan. Et bien, essayez de vous en dispenser pour être capables d’écrire le mythe très simple mais dont il serait civilisé de l’utiliser pour préserver le malheureux enfant adopté de toutes les conneries qui vont lui tomber sur la tête avec la vérité (…) et de telles sortes qu’il ne saura plus jamais ni le vrai ni le faux et, se déplacer dans l’existence sans plus savoir ni le vrai ni le faux, c’est pas évident. Pourquoi je raconte cette histoire ? Et bien puisqu’on s’interroge et pas moins sur, je dirais, sur l’opportunité du nœud borroméen : à quoi ça sert ? Je défie quiconque de penser ce mythe nécessaire et de l’écrire à défaut de ce nœud borroméen. J’essaie donc à cette occasion mais je me retrouvais hier soir d’une certaine manière avec soulagement, je m’en sentais un peu… que ce ne soit pas purement des exercices réservés aux meilleurs de l’Association. Ben voilà, tout de suite… ce que je permets d’affirmer, c’est que les psychoses attendent, de temps en temps, je les entends comme ça dans les couloirs qui grincent comme ça, qui geignent, elles attendent. Elles attendent… Marcel ?
Marcel Czermak : Ouais… D’abord, tu amènes tellement de choses là que je serai bien incapable (…) autre que les questions (…) scientifiques. Il y a des questions qui nous sont internes. Comment dire ? Des dispositions qui, comme je le sais, aussi bien pour toi comme pour moi, nous ont été (…). Je n’ai pas de gêne à dire que je suis un réfractaire puisque tu parles de mathématiques – référence méconnue de nos camarades. Philippe Chaslin à la fin de sa vie, excellent clinicien et (…) de mathématiques a écrit un petit bouquin qui s’appelle Les fondements psychologiques de la mathématique pure[4] et bien je me suis demandé pourquoi il n’a pas écrit « Les fondements de la mathématique de la psychologie pure » ? Tu vois. Je vais vous dire des confidences. Donc tu évoques, je sens ta pente, à moins que je ne me trompe, comment dans notre discussion il y a un écart, comment tu ramènes les choses au plan euclidien, à notre doxa quoi. Nous sommes des gens, on est installés dans une géométrie, on n’arrive pas à s’en sortir. Et tu dis
« – Psychoses, quelles géométries ? » J’avoue-là que je suis nase. Question qui m’a maintenu si longtemps (…) c’est quoi ces espaces ? Enfin on va avoir au mois de mars, j’apprends que notre Association fait un colloque sur « Transmettre la psychanalyse ». Très bien mais à quelle condition fabrique-t-on un praticien pour autant qu’il soit exigible et qu’il apprenne à changer d’espace ? C’est-à-dire, un praticien qui au lieu de fourrer du sens se pose la question : quelle est la signification d’un phénomène et, a fortiori si ça se passe dans un espace qui n’est pas à deux, à trois dimensions mais à une dimension. Quel type de franchissement mental faut-il produire chez quelqu’un pour qu’il puisse se déplacer éventuellement ? Ce n’est pas toujours donné, dans un espace à une dimension. Carrément.
C’est pour moi des enjeux essentiels dont on gamberge tous à savoir de ce qui est de transmettre la psychanalyse. Ah non ! À savoir dans quel type d’espace on est capables de nous déplacer et avec les questions que tu évoques, je pense, de façon extrêmement bien vue, quelles géométries au pluriel ? Sinon l’expérience des psychoses dont on a à connaître, elles sont finalement bien plus variées que les névroses. Ça n’a pas cette monotonie de la névrose – en tout cas, de mon point de vue.
Et, il y a ceci (…) parce que quand même les publications en psychanalyse qui est que souvent elles nous tombent des mains. Il y a beaucoup de gens qui estiment actuellement qu’on aurait trouvé l’œuvre terminale de Lacan, le bon truc. On m’a bassiné concernant les suppléances. Faudra qu’on m’explique comment on fait une suppléance avec ceux qui ont trouvé le bon nœud, au point que j’ai entendu des types me dire il y a des années : « – Je vais repérer le sinthome pour ne pas y toucher. » Je me disais mais bon dieu de merde comment fait-il pour ne pas toucher au sinthome ? Il suffit de tendre l’oreille et le coup est parti et, même sans avoir tendu l’oreille, comme le transfert est préalable à la rencontre, on n’a même pas parlé à quelqu’un que déjà il y a transfert. Donc tout ça me rend en écoutant, je ne pense pas qu’il faille être déterminé sur des questions comme ça d’autant que cette espèce de bonhomie, cette espèce d’autosatisfaction que je rencontre chez beaucoup (…) paraît à biaiser. « – On a trouvé le bon truc. » On n’a pas trouvé le bon truc. On rame, on rame. Je vois maintenant dans des catalogues des pans entiers de clinique qui évoquent la psychosomatique – ça me fait marrer la psychosomatique, rien que le terme. Et donc il y a toute une série de registres dont Lacan a ouvert la voie et qui ne sont pas la bonne clé pour entrer par la bonne porte. C’est une des portes. Bon. Alors tu évoquais la question d’une chirurgie possible. Certainement. Il y a des chirurgies possibles sans qu’on n’en ait eu la moindre intentionnalité. C’est tombé bien et c’est mal tombé. Et pourquoi ? Alors là après coup parfois on arrive à piger et encore. Enfin, il y a toujours des malins qui nous disent :
« – Voilà ce qui s’est passé camarade. » Ils font toujours les malins après coup. Tout ça c’est des questions générales, je suis très content qu’on discute de ça, qui n’est pas sans nous heurter.
Tu évoques Lacan et la psychiatrie. Oui. La psychiatrie dans le champ qui nous intéresse à savoir celui de la psychanalyse mais moi je suis resté psychiatre (…) et, quand je lis les ouvrages des uns et des autres, je ne peux pas méconnaitre comme toujours les histoires transférentielles. Chacun a lu le truc sous son angle transférentiel. Et moi, je ne peux en parler que sous mon propre angle, à savoir la situation difficultueuse que tu connais parce que ça a été la tienne (…) parce que tu sais le terme d’ « état limite » ça m’emmerde mais à quel point nous avons été sur des frontières, sur des bordures, sur des limites qui sont nos limites. Et oui, il y avait toujours des mecs pour faire les malins. « – Moi j’ai compris, toi t’as rien compris, blablabla », en méconnaissant complètement Lacan, le prix très élevé par ceux qui voulaient bien effectivement accompagner Lacan parce que Lacan était seul. J’ai souvent posé la question : qu’est-ce qu’il voulait Lacan ? Moi, j’ai une réponse toute bête. Il était seul alors il voulait des copains. À mesure qu’on avance en âge, on avance en solitude et les copains ils disparaissent, ils cassent leur pipe. Pourquoi est-ce que Lacan a téléphoné à trois heures du mat pour lui dire vous avez lu tel bouquin ? C’est par pour faire chier. « – Vous dormez ? – Oui ! – Quelle chance vous avez ! » (…) Je crois qu’il n’a jamais rien compris à tout ça. Je dois dire que je n’en sais pas grand chose mais pour reconstituer avec toutes les difficultés qui, jusqu’à ce jour (...), c’est à dire cette maladie (…). Moi, j’en étais.
Je me souviens il y a fort longtemps, tu travaillais sur les élèves de Freud et, (…) actuellement, on est dans un cas analogue. Moi, j’en étais. J’en étais. (…) Je reçois un coup de téléphone. Lacan m’avait dit : « – Je ne veux plus personne ». Alors moi, bon soldat : « – Non c’est fermé. – Pourquoi ? – Et bien c’est comma ça. – Ah si vous le prenez sur ce pied là Marcel. – C’est fermé. ». Cinquante ans après, ça continue, donc la question là-dedans de l’ouverture et de la fermeture. Quels types de rapport ouvert ou fermé (…). On me téléphone : « – On veut publier tel truc. » Je dis non. Personne ne s’est posé la question de savoir si c’était le truc qui est dans mes cartons. Ce n’est pas quelqu’un que je suis depuis quarante ans. Heureusement au téléphone, je dis niet. « – Ah c’est pas bien ! C’est le bien commun. » Pour le publier, j’ai eu du mal à m’y résoudre. J’ai eu du mal. Et en plus me disait Nicolas, Nicolas, il est là, il me ramène un truc. Il y a un truc sur le net. Il y a de nos bons camarades, je ne sais pas où ils ont chouravé le résumé de synthèse de L’homme aux paroles imposées que j’avais fait pour le dossier. Voilà, ça circule sur le net. Non, hein ? D’accord Nicolas ? (…) Alors tu vois, tu brasses un certain nombre de trucs qui sont tellement redoutables. (…)
À la vérité, j’ai envie de me taire sur tout ça. Je suis un réfractaire ! Non mais la distinction entre sens et signification, ça, j’aimerais que ce soit mis au travail. Ce n’est pas du tout la même chose. (…) On veut donner du sens alors que parfois il n’y en a aucun. Mais la signification, ça c’est la science – encore que je ne sache plus ce que c’est que la science. Est-ce que la clinique c’est une science ? Qu’on me réponde là-dessus. La clinique est-elle une science ? Moi, je réponds que oui. C’est une science indémontrable mais elle se démontre en marche. Enfin voilà. Je te remercie Charles.
Charles Melman : Merci Marcel. Je suis très sensible à ta réponse qui est voisine de la mienne lorsque je dis que je me dérobe donc nous sommes frères en dérobade sauf que, et puisque tu me connais, et tu sais que je ne laisserai pas ça tranquille, tant que ce sera possible, je ne laisserai pas ce point tranquille. Je veux dire qu’il n’y a pas d’autre chose à faire pour ceux d’entre nous qui sont dans le domaine de la psychiatrie qui est de reprendre tout ça avec toutes les difficultés que… Lacan ne s’est pas épargné lui-même, il n’a jamais été dans la moindre certitude. Il a eu des avancés, des retraits, des changements (…). Nous sommes habitués à un savoir garanti. Nous sommes habitués à un savoir garanti où nous sommes les dignes fils du Père qui vieille sur nous, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, ça change rien. Nous nous engageons-là et avec lui sur un terrain où il n’y a plus aucune garantie et c’est ça la psychose. Justement, il n’y a plus de garantie. Il n’y a plus rien qui fasse une garantie au sens et à la signification, je vous remets au travail de Frege là-dessus. Ça sera un très bon départ si tu souhaites le poursuivre. C’est un début. Mais la difficulté avec les psychoses, c’est pourquoi aussi elle pousse entre ce qui est la description clinique dont Lacan s’étonnait ; comment la simple observation a pu rassembler, je dirais, des signes aussi pertinents. Mais, il remarquait que néanmoins ça avait marché comme ça avec la clinique classique, que la simple observation qui, elle n’est jamais naïve, l’avait toujours informé comme d’ailleurs le patient lui-même là. Il ne cesse de parler de lui comme un cas qu’il est en train d’exposer. Autrement dit, il dispose parfaitement du système, du cadre, lui qui a perdu le champ, il dispose néanmoins du cadre qui lui permet d’analyser son propre cas, hein. Ce n’est pas le seul et il y a des cas de psychoses où ça manque ça, justement, etc. Tout cela pour dire que dans le champ de la psychiatrie il est temps de savoir si on est prêts à s’exposer à ce risque que – je vais me servir d’une métaphore qui j’espère va te plaire –c’est de naviguer sans carte et sans boussole.
Marcel Czermak : Je suis pour ! Moi, je suis pour voyager léger !
Charles Melman : Alors puisque tu es pour, on va sûrement s’entendre pour ne pas laisser tomber tout ça en déshérence.
Marcel Czermak : Le type qui m’a appris à naviguer mon bateau m’avait appris à faire une carte, pas besoin… la carte, il va la fabriquer. Quant à la boussole, si t’en a une, tant mieux, sinon (…). Tu te débrouilles avec ça.
Charles Melman : Je sens que tu vas m’aider là. Marc ?
Marc Darmon : Oui alors j’interviens modestement. Je me suis aperçu en cours de route que j’étais tel un délinquant puisque j’ai assisté aux présentations de Lacan sans te demander l’autorisation.
Marcel Czermak : C’est vrai mais tu n’es pas le seul et puis maintenant il y a prescription.
Marc Darmon : Je ne le regrette pas. Je ne le regrette pas parce que c’est là où j’ai appris à parler avec un malade. Je n’ai pas le souvenir… Dans mes souvenirs, ça regroupait exactement ce que vous avez dit. Il arrivait à Lacan de faire une très courte discussion au diagnostic. J’avais été surpris d’une discussion au sujet d’un jeune patient, un jeune homme à propos duquel il a parlé de paranoïa sensitive. Alors j’étais très étonné. Pour moi, la paranoïa sensitive c’étaient les vieilles filles.
Marcel Czermak : Ce n’est pas faux !
Marc Darmon : Elles ne sont pas toutes… Enfin, ça avait toujours un caractère étonnant, ce qu’il disait en conclusion, s’il lui arrivait de dire quelque chose. Et j’ai souvenir aussi de Lacan faisant marcher une patiente pour voir si elle n’avait pas la marche schizo. Bon, voilà des souvenirs. Ils sont assez vifs.
Alors sur la géométrie, j’en avais déjà parlé mais il y a une discussion sur la géométrie dans l’entretient de Lacan avec ce malade. Une discussion à propos de la géométrie où Gérard dit qu’il est dans un espace borné et infini. Je vais peut-être lire. Je prends en cours de route la discussion :
« G.L : Je viens de vous dire que « ils veulent me tuer l’oiseau bleu » implique un monde où je suis sans bornes. On revient, je reviens dans mon cercle solitaire où je vis sans bornes. C’est confus, je sais, mais je suis très fatigué.
Dr Lacan : Je viens de vous faire remarquer que le cercle solitaire n’implique pas de vivre sans bornes, puisque vous êtes borné par ce cercle solitaire.
G.L. : Oui, mais au niveau de ce cercle solitaire, je vis sans bornes, mais au niveau du réel, je vis avec des bornes, parce que je suis borné, ne serait-ce que par mon corps.
Dr Lacan : Oui. Tout ça est très juste, à ceci près que le cercle solitaire est borné.
G.L. : Il est borné par rapport à la réalité tangible, mais ça n’empêche pas le milieu de ce cercle de vivre sans borne. Vous pensez en termes géométriques.
Dr Lacan : Je pense en termes géométriques, ça c’est vrai, et vous, vous ne pensez pas en termes géométriques ? Mais vivre sans bornes, c’est ça qui est angoissant, non ? Ça ne vous angoisse pas ?
G.L. : Si ça m’angoisse. Mais je n’arrive pas à me dépendre de ce rêve ou de cette habitude. »[5]
Charles Melman : Ce qui est bien c’est qu’il revient sur le fait qu’il n’est pas cerné.
Marc Darmon : Et il reconnaît que par la réalité, il est cerné ne serait-ce que par son corps.
Charles Melman : C’est ça oui.
Marc Darmon : Il parle d’un monde tout en étant à l’intérieur de ce cercle, solitaire et infini et ça, je l’ai déjà fait remarquer, c’est le propre de l’espace hyperbolique. C’est-à-dire qu’il existe un modèle du plan hyperbolique qui est constitué par l’intérieur d’un disque, c’est-à-dire un disque sans sa frontière. On peut dire que la frontière est extérieure au point du disque et lorsque l’on se rapproche de ce cercle frontière qui est extérieur au disque, on s’en approche d’une façon infinie, c’est-à-dire que plus on s’approche, plus il s’éloigne.
Marcel Czermak : Tu vois une discussion que nous avions eu il y a fort longtemps à propos précisément du syndrome de Cotard. Comment il peut être complètement compact (…) cependant répandu à l’infini, hein ? Je crois me souvenir que c’était à peu près les termes de notre discussion. Alors un cas comme ça (…) tu évoques à un moment si je me souviens bien, son zizi disparaît, devient bien plat, etc. Le Un (…), sa pulvérisation et répandu dans l’univers en petits morceaux. (…) Nous sommes en difficultés nous-mêmes. (…) Ce n’est pas du tout clair. Pour mettre les choses d’aplomb (…). Contrairement à ce que beaucoup s’imagine, on a connu ça, Lacan, on le briffait au préalable et puis après à la maison : « – Alors qu’est-ce qu’il est devenu ? » ou même « – J’aimerais bien le revoir. » Donc pour lui, c’était pas un travail en solo (…). C’est quoi ce machin ? C’est quoi cette affaire ? Moi, j’aimerais que l’on mette toutes ces questions mathématiques sur la table de manière à ce que des abrutis comme moi pigent de quoi il s’agit, si je peux. Si je peux. Comment dire ? Je suis beaucoup plus sensible à la géométrie hyperbolique qu’aux nœuds. C’est comme ça. Probablement que c’est symptomatique. Il y en a qui sont plus à l’aise avec les nœuds, voilà. Moi, je le vois chez des camarades, ils sont beaucoup plus à l’aise avec les nœuds qu’avec éventuellement la topologie des surfaces. C’est quand même un drôle de truc ça. C’est peut être un problème générationnel ou je ne sais pas quoi. Est-ce que c’est la faute à Lacan ? Ou à nos ordinateurs, à leurs machins, à leurs trucs ? Moi, j’aimerais qu’on me fasse piger ça.
Charles Melman : Bon, ben c’est formidable. C’est formidable parce que, si vous le voulez bien, ça rend possible le fait que là maintenant, nous sommes en février, mais que nous envisagions à la rentrée…
Marcel Czermak : Tu veux dire l’année prochaine ?
Charles Melman : La rentrée en septembre
Marcel Czermak : Oui parce qu’il y a les vacances de Pâques
Charles Melman : … que nous mettions à l’étude le contre-rendu des examens de malades par Lacan.
Marcel Czermak : On n’en a pas beaucoup et ça doit se balader je ne sais pas où et il y a ceux qui en ont piqué. On trouve ça sur le net.
Charles Melman : On trouve ça sur le net.
Marcel Czermak : C’était la bibliothèque de l’École Freudienne.
Charles Melman : Faudrait voir auprès de son frère qui est bien vu mais on en a quelques-unes. On en a quelques-unes.
Marcel Czermak : J’en ai quelques-unes mais elles sont tellement bien rangées que je ne sais même plus où elles sont rangées.
Charles Melman : C’est très bien mais on en a sur le net aussi. Tu vois sur le net, elles sont bien rangées.
Marcel Czermak : C’est quand même une saloperie que des trucs destinés… confidentiels soient répandus sur le net, par des voies obscures, par des gens qui ont contrevenu au secret. Ça, je ne suis pas disposé à le supporter.
Charles Melman : Mais, commençons par ces observations que tu vas retrouver puisque tu les as planquées donc tu vas les retrouver, hein. Moi, j’en ai quelques-unes.
Marcel Czermak : Et bien alors, on va essayer de se débrouiller d’ici septembre.
Charles Melman : On aura de quoi travailler et si vous voyez d’autres éléments pour avancer là-dessus, je suis preneur.
Marcel Czermak : je suis très déconcerté par tout ça. La nature des mathématiques dans tout ça – je ne sais même pas si on peut encore appeler ça des mathématiques. Il y a une telle variété, cela me paraît difficile que ça puisse répondre à une, sinon on n’aurait pas une telle variété de psychoses où toutes déconcertent celui qui examine, qui interroge, qui parle et qui oblige à chaque coup (…). C’est comme les films de science-fiction. Alors, on a tranché le truc tranquillement dans le groupes des schizophrénies comme ça on est tranquilles.
Charles Melman : Sans parler bien sûr de toutes les psychoses que nous avons la surprise de rencontrer dans notre pratique et qui n’ont jamais été décrites.
Marcel Czermak : Et jamais répertoriées. Le truc, qu’est-ce qui nous fait dire que c’est des psychoses ?
Charles Melman : Ça, on le sait.
Marcel Czermak : C’est bien parce qu’on a pigé que ça se passe ailleurs.
Charles Melman : C’est ce qu’on appelle des psychoses blanches ?
Marcel Czermak : Moi, je n’ai jamais rencontré de psychoses blanches. C’était Green qui disait ça. Il venait et puis… psychose blanche. J’ai un souvenir. Adorable. Tu as connu madame Lairy qui était responsable du laboratoire de l’électroencéphalographie à Sainte-Anne ? (…) À l’époque, on faisait systématiquement pour tous les entrants un électroencéphalogramme.
Charles Melman : C’est fou ça quand même.
Marcel Czermak : Oui, c’est fou mais elle avait une conclusion admirable. Quand elle écrivait « tracé hyper normal », ça voulait dire que pour elle c’était une psychose. « Tracé hyper normal » (…)
Charles Melman : C’est vrai qu’on faisait l’électroencéphalographie. Ça montre quand même que le lieu de la folie n’est jamais évident hein !
Marcel Czermak : Mais pour un « tracé hyper normal ». C’est comme (…), « –Il n’y a rien ! »
Charles Melman : Et bien s’il n’y a rien… Bon, et bien merci Marcel, merci Marc et donc, si vous le voulez bien, on se retrouve à la rentrée pour une première observation, l’étude d’une première observation.
Transcription Manuella Rebotini
Mars 2015
[1] (…) = Inaudible
[2]Patronymies Considérations cliniques sur les psychoses de Marcel Czermak, éditions Eres, 2012. Annexe 2 Entretien de Jacques Lacan avec Gérard Lumeroy, p. 381
[3]op. cit. p. 382
[4]Cf. Essai sur la discordance dans la psychiatrie contemporaine suivi de Quelques mots sur la psychologie de la mathématique pure de Philippe Chaslin, éditions Epel, 1992
[5]op. cit. p. 402-403