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EPhEP, MTh3-CM, le 07/12/2017 

Alors quelle est cette clinique de l’état de stress post-traumatique ? Tout d’abord voici la dĂ©finition de l’évĂ©nement traumatique, qui est donnĂ©e dans la classification internationale des maladies mentales : l’évĂ©nement traumatique est une situation ou un Ă©vĂ©nement stressant, exceptionnellement menaçant ou catastrophique qui provoquent des symptĂ´mes Ă©vidents de dĂ©tresse chez la plupart des individus.

Premièrement, il faut absolument que le sujet l’ait vĂ©cu, c’est-Ă -dire qu’on ne lui a pas racontĂ©, dont il a Ă©tĂ© tĂ©moin ou avec lequel il a Ă©tĂ© confrontĂ©,  un ou plusieurs Ă©vĂ©nements, durant lesquels des individus ont pu mourir ou ĂŞtre très gravement blessĂ©s ou encore menacĂ©s de mort.

Deuxièmement, très important, la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur, un effroi. Beaucoup d’événements peuvent être à l’origine de ce syndrome. Outre les faits de guerre, il y a toutes les situations comportant une menace subite pour la vie ou pour l’intégrité physique, comme les catastrophes, les cataclysmes, les attentats bien sûr, les prises d’otage, les viols ou tentatives de viols etc. Le fait d’être témoin d’une mort violente ou d’une agression, comme par exemple participer à des taches mortuaires, peut aussi avoir un impact traumatique. Enfin il y a des situations extrêmes ou s’accumulent sur la longue durée des agressions massives et des sévices psychologiques répétés, déshumanisants, comme les camps de concentration, persécutions génocidaires ou tortures.

Les manifestations pathologiques qui succèdent à un événement traumatique peuvent survenir immédiatement après celui-ci ou apparaître après un temps de latence.

Il y a apparition de troubles prĂ©coces qui s’appellent « stress aigu Â». Ces troubles prĂ©coces vĂ©cus par le sujet sont normaux, ils ne sont pas du tout pathologiques. Ça c’est important Ă  souligner. Face Ă  la confrontation Ă  une situation exceptionnellement menaçante, il est normal de prĂ©senter une rĂ©action de stress, il s’agit d’une rĂ©action bio-physio-psychologique, qui mobilise les ressources de l’individu et les oriente vers une rĂ©ponse adaptĂ©e Ă  la situation. C’est une rĂ©action normale de dĂ©fense qui prĂ©pare la fuite ou l’attaque. La situation de stress aigĂĽe est normale. C’est une rĂ©action de mise Ă  l’abri, d’évitement du danger. Elle serait dĂ»e Ă  une dĂ©charge massive de cortisol et d’adrĂ©naline, qui entraĂ®ne des rĂ©actions dites neurovĂ©gĂ©tatives au stress, telles que le cĹ“ur qui se met Ă  battre, la circulation sanguine qui s’accĂ©lère pour prĂ©parer physiquement et psychiquement la fuite, la dĂ©fense.

Les neurosciences s’orientent actuellement vers l’existence d’un cerveau Ă©motionnel. Vieux dĂ©bat que je vous ai exposĂ© dans l’introduction. Lors d’une violente Ă©motion, il y a sollicitation d’une partie du cerveau, qui se nomme l’amygdale, et qui par des systèmes de rĂ©troactions et d’inhibitions libère des substances chimiques qui viennent en quelque sorte dĂ©sarticuler, dĂ©sarrimer cette partie du cortex, qui elle, cette partie du cortex, permet l’intellectualisation, la pensĂ©e, la possibilitĂ© d’un regard critique sur nos actions. Ces donnĂ©es neurobiologiques expliqueraient en partie un symptĂ´me classique dans les rĂ©actions de stress aigu, nommĂ© « syndrome de dissociation Â». A ne pas confondre Ă©videmment avec la dissociation au sens schizophrĂ©nique. Du fait de la violence de la situation, certains sujets peuvent prĂ©senter dans l’immĂ©diat, très rapidement, des rĂ©actions pathologiques et mal adaptatives, qui s’appellent le « stress dĂ©passĂ© Â». Le dĂ©bordement Ă©motionnel et les troubles dissociatifs sont au premier plan d’un tableau clinique qui est souvent variable d’un moment Ă  l’autre. SubmergĂ© par l’angoisse, les sujets sont tantĂ´t sidĂ©rĂ©s, hĂ©bĂ©tĂ©s, voire stuporeux, tantĂ´t en proie Ă  une agitation bruyante et dĂ©sordonnĂ©e.

Certains prĂ©sentent aussi des comportements automatiques, agissent de façon mĂ©canique, sans ĂŞtre vraiment prĂ©sents Ă  la situation. Plus tard, ils diront « c’était irrĂ©el, c’était au ralenti, j’étais dĂ©connectĂ©, Ă  un moment j’ai perdu le fil Â». C’est le syndrome de dissociation. Ces troubles sont de brève durĂ©e, quelques heures, quelques jours. Ils ne laissent que des bribes de souvenirs. Parfois ces troubles de stress dĂ©passĂ© peuvent mettre la vie du sujet en danger ou la sĂ©curitĂ© du groupe. Lors des Ă©vĂ©nements du Bataclan, certaines personnes prises de panique voulaient absolument sortir donc risquant par lĂ  de faire tuer les autres par le terroriste qui Ă©tait derrière la porte. Donc il s’agissait de calmer les gens, de manière Ă  ce qu’il y ait un comportement adaptĂ©. Il peut y avoir des comportements qui mettent la vie du sujet ou la sĂ©curitĂ© du groupe en danger, tels qu’une fuite Ă©perdue, raptus suicidaire ou hĂ©tĂ©ro-agressif : certains ont failli se battre dans leur loge, entravant les opĂ©rations des secours.

Dans les jours ou semaines qui suivent l’événement, il peut y avoir des queues de stress avec surgissement sporadique de symptômes, crises de larmes, vécu d’étrangeté, angoisse, distractivité, ou des stress différés débutant brutalement lors du retour en zone de sécurité. Parfois surviennent des réactions phobiques ou plus rarement des conversions hystériques, en général transitoires. Au cours de cette période post immédiate, peuvent déjà apparaître des troubles post traumatiques spécifiques, à savoir, cauchemars de répétition, évitements, sursauts avec orages neuro-végétatifs, qui - selon les cas - soit vont se résorber en quelques semaines, ce qui est normal, soit qui vont évoluer de façon durable et dans ce cas, on parle d’état de stress post traumatique et là, et seulement là, cela devient pathologique.

Le risque de dĂ©velopper le trouble d’état de stress post traumatique est plus Ă©levĂ© chez les sujets qui ont prĂ©sentĂ© des troubles dissociatifs pĂ©ri-traumatiques mais il y a des sujets qui ont eu un Ă©tat dissociatif aigu qui guĂ©rissent sans sĂ©quelles, Ă  l’inverse d’autres qui ont affrontĂ© l’évĂ©nement sans troubles manifestes auront plus tard un syndrome post traumatique. L’état de stress post traumatique proprement dit- lĂ  on est dans la pathologie - cet Ă©tat apparaĂ®t Ă  distance de l’évĂ©nement traumatique ; il survient classiquement après la rĂ©mission des troubles immĂ©diats, qui ont rĂ©gressĂ© en moins d’un mois. Au-delĂ  d’un mois, l’apparition chez une victime indemne de pathologie initiale la rĂ©apparition de symptĂ´mes spĂ©cifiques, constituent le PTSD. Le temps de latence asymptomatique est de durĂ©e variable ; il peut durer de quelques semaines après le traumatisme et s’étendre Ă  plus d’un an, comme on le verra chez certains des vĂ©tĂ©rans de la guerre du Vietnam. Il peut mĂŞme apparaĂ®tre plusieurs annĂ©es après.

Enfin l’état de stress post traumatique peut apparaître en continuité, sans temps de latence avec la réaction de stress aigu. La plupart du temps, il y a le temps de latence mais pas toujours, c’est peut-être simplement un état de stress aigu qui va durer au-delà d’un mois.

L’état de stress post traumatique proprement dit se caractĂ©rise par une sĂ©rie de symptĂ´mes absolument typiques. Tout d’abord ce qu’on appelle le syndrome de rĂ©pĂ©tition, ou de reviviscence, qui est pathognomonique du trouble. je vous rappelle pathognomonique signifie  qu’il suffit qu’il y ait prĂ©sence de ce signe pour que l’on puisse faire le diagnostic de la maladie. Qu’est ce que c’est que le syndrome de rĂ©pĂ©tition ou de reviviscence ? C’est l’intrusion pĂ©nible diurne et nocturne de l’évĂ©nement pathogène qui fait retour de façon itĂ©rative, sous forme de cauchemars reproduisant l’évĂ©nement et le faisant revivre, sous forme de souvenirs forcĂ©s envahissants, sous forme de reviviscence Ă©motionnelle avec vĂ©cu d’attente et de frayeur, comme si l’évĂ©nement allait se reproduire. Ce sont de ruminations incoercibles oĂą le sujet ressasse sans cesse l’évĂ©nement, sans pouvoir s’en dĂ©tacher. Pourquoi est-ce arrivĂ© ? Qu’aurait-il fallu faire ? Tout ce qui d’une façon ou d’une autre rappelle le drame initial, fait ressurgir la dĂ©tresse. Parfois Ă  l’occasion d’un stimulus Ă©vocateur comme un bruit d’explosion ou une sirène de police, l’odeur de brĂ»lĂ©, la vue du sang, un brutal flash-back qui rĂ©actualise les scènes d’horreur dont la rĂ©alitĂ© remplace la rĂ©alitĂ© prĂ©sente, avec dans certain cas des conduites de rĂ©pĂ©tition, c’est-Ă -dire que la personne va se remettre Ă  crier, Ă  gesticuler, Ă  avoir des gestes de protection ou des gestes de dĂ©fense, de combat.

Deuxième caractĂ©ristique, Ă  part donc ce phĂ©nomène de rĂ©pĂ©tition et de rĂ©viviscence qui est très important, c’est un Ă©vitement persistant et c’est ce sur quoi les thĂ©rapies ont essayĂ© d’agir : un Ă©vitement persistant de tout ce qui pourrait rĂ©veiller les souvenirs traumatiques et les affects qui y sont associĂ©s, les lieux, les personnes, les conversations, les actualitĂ©s tĂ©lĂ©visĂ©es, les Ă©motions fortes. Il s’y associe une inhibition plus ou moins marquĂ©e de la vie Ă©motionnelle, avec appauvrissement des Ă©changes affectifs et de la sexualitĂ©, restriction des intĂ©rĂŞts, sentiment d’être Ă  distance des autres, peu impliquĂ© dans la vie quotidienne et sans vĂ©ritables perspectives d’avenir. Souvent s’installent des attitudes rĂ©gressives de dĂ©pendance plus ou moins mĂŞlĂ©es de revendications. Parfois des occupations morbides, comme la contemplation fascinĂ©e de films de violence, comme la manipulation d’objets souvenirs. Enfin un attrait pour des situations Ă  risques qui viennent tĂ©moigner des tentatives impuissantes Ă  maĂ®triser les effets du traumatisme comme de l’incapacitĂ© Ă  s’en dĂ©tacher.

Troisième groupe symptomatique très important : un hyper-Ă©veil, qui se traduit par un Ă©tat d’alerte permanent, par des rĂ©actions disproportionnĂ©es pour un bruit anodin ou un incident minime, comme des sursauts exagĂ©rĂ©s, des tremblements, peur, une crise Ă©motive survenue lors de n’importe quel petit Ă©vĂ©nement, bruit un peu inopinĂ©, etc. L’irritabilitĂ© est Ă©galement frĂ©quente avec une peur de perte de contrĂ´le et parfois des colères explosives. Quels sont les signes associĂ©s ? Très frĂ©quemment, les troubles anxieux en tous genres, des troubles phobiques qui se portent sur les lieux ou situations liĂ©s au traumatisme et qui peuvent compromettre gravement la rĂ©adaptation des personnes, après un accident de travail ou de transports par exemple. Les troubles dĂ©pressifs sont très frĂ©quemment observĂ©s aussi et ils ont tendance Ă  se chroniciser. Souvent s’expriment des thèmes de deuil, mĂŞme en dehors de la perte d’un proche. Ils expriment une culpabilitĂ© d’avoir survĂ©cu, bien connue, la culpabilitĂ© des rescapĂ©s, une culpabilitĂ© d’avoir survĂ©cu, la honte de ce que l’on a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  faire pour survivre. Alcoolisme et toxicomanie sont Ă©galement très frĂ©quents. Les accidents de conversion hystĂ©rique se voient moins de nos jours. Les troubles sexuels sont très frĂ©quents surtout Ă©videmment après les viols. DĂ©sintĂ©rĂŞt ou aversion, dysfonctionnement sexuel, algie pelvienne persistante, et enfin des affections psychosomatiques en tout genre.

L’évolution:

Il y a des syndromes post traumatiques qui durent quelques jours ou quelques semaines, une durée minimum d’un mois est exigée pour porter le diagnostic de PTSD. Environ 30% des cas guérissent en moins de trois mois, 50% en moins d’un an mais dans un quart des cas le syndrome post traumatique persiste au-delà de cinq ans. La moyenne est plus longue chez la femme que chez l’homme et l’absence de troubles psychiatriques antérieurs, un bon support social, l’absence de séquelles physiques associées sont des éléments favorables. Une co-morbidité dépressive ou addictive favorise la chronicisation. Dans les évolutions au long cours, la symptomatologie est souvent fluctuante avec des réactivations possibles lors des événements traumatiques ou déstabilisants, par exemple la date d’anniversaire du trauma, ou comme je l’évoquais précédemment l’apparition de nouveaux attentats qui sont toujours très médiatisés et qui font réactiver les symptômes des victimes.

Dans les Ă©volutions sĂ©vères, les patients sont fixĂ©s Ă  leurs traumatismes par des phĂ©nomènes de rĂ©pĂ©tition et d’évitement ; ils rĂ©gressent vers une attitude narcissique de dĂ©pendance passive-agressive, source de difficultĂ© professionnelle et familiale qui aggrave leurs amertumes, leurs sentiments d’être incompris et leurs risques de dĂ©sinsertion sociale.

Quel est le diagnostic diffĂ©rentiel ? Tout d’abord, le plus frĂ©quent c’est que le trouble post traumatique ne soit pas diagnostiquĂ© ! Il peut ne pas ĂŞtre diagnostiquĂ© pourquoi ? Parce qu’il peut survenir après un laps de temps très long après le trauma, après l’évĂ©nement traumatique ou bien parce que la personne ne va pas en parler, ne va pas l’évoquer et va rester isolĂ©e, soit parce qu’elle en a honte et qu’elle a peur d’être accusĂ©e d’être lâche, par exemple chez les militaires après des combats, soit parce que il y a eu viol et la personne se sent humiliĂ©e, soit enfin parce que il y a une culpabilitĂ© par rapport aux victimes qui n’ont pas survĂ©cu.

Avec quelle pathologie ne pas confondre les syndromes post traumatiques? Tout d’abord avec les simulateurs bien sûr qui profitent de ces temps chaotiques pour tirer des bénéfices primaires de la situation. Egalement avec ces quérulents processifs que l’on avait déjà évoqués l’année dernière quand je vous avais parlé de ces formes particulières de paranoïas dites passionnelles, ces quérulents dont la vie, la libido toute entière est de faire triompher la vérité du préjudice subi, préjudice qui est le noyau dur d’un délire en secteur.

Alors juste quelques Ă©lĂ©ments statistiques : les enquĂŞtes Ă©pidĂ©miologiques en population gĂ©nĂ©rale diffèrent considĂ©rablement en fonction des pays et des critères d’évaluation retenus ; ils ont diffĂ©rĂ© considĂ©rablement en fonction de l’actualitĂ© des catastrophes survenues. Ainsi actuellement on ne dispose pas, ou en tout cas pas Ă  ma connaissance, des statistiques de survenue d’un syndrome post traumatique depuis toute la sĂ©rie d’attentats qu’il y a eu ces derniers temps, en Europe et aux Etats-Unis. Une Ă©tude amĂ©ricaine montre un taux de 8% de survenue des PTSD sur la vie entière, avec comme on dit en stat, en Ă©pidĂ©miologie, un sexe ratio de deux femmes pour un homme. Les Ă©tudes europĂ©ennes montrent des taux un peu plus faibles, mais encore une fois je ne connais pas les dernières statistiques. Les anciens combattants de la guerre du Vietnam, ont fait l’objet d’énormĂ©ment d’études. On les a examinĂ©s 19 ans après les combats, donc après qu’ils soient rentrĂ©s chez eux. Ils montrent au moment de l’entretien - c’est-Ă -dire 19 ans plus tard  c’est important - pour 15% d’entre eux un PTSD complet, c’est Ă©norme. Et pour 11%, un PTSD sub-syndromique, c’est-Ă -dire avec des symptĂ´mes plus modĂ©rĂ©s. Ce qui fait un total de 31%, je sens que je ne vous Ă©merveille pas avec mes statistiques. Mais c’est quand mĂŞme important parce que c’est assez considĂ©rable. Alors c’est une lapalissade, plus l’évĂ©nement est traumatisant, plus le risque de PTSD est grand. Ainsi pour le viol, qui est considĂ©rĂ© comme le plus traumatogène il y a  des taux de 50 Ă  80% de PTSD et une co-morbiditĂ© très Ă©levĂ©e avec  dĂ©pression, troubles hystĂ©riformes, dysfonctionnement sexuel et l’agoraphobie. Enfin pour les victimes d’attentats terroristes, la prĂ©valence est Ă©galement importante, 30 Ă  35% de PTSD chez les victimes d’attentats. Pour l’attentat du World Trade Center, sur les 7000 victimes, il a Ă©tĂ© dĂ©nombrĂ© 14% de PTSD Ă  deux ans et 20% Ă  cinq ans. Dix ans après les Ă©vĂ©nements, ce qui est très important, les Ă©quipes de secouristes, de pompiers, de forces de l’ordre, de mĂ©decins, surtout de pompiers qui sont intervenus sur place, dix après l’évĂ©nement, un quart prĂ©sentait des troubles psychiatriques liĂ©s au stress post traumatique, angoisse, alcoolisme, dĂ©pression, syndrome de reviviscence. C’est pour cela que depuis quelques annĂ©es, on porte une attention toute particulière aux Ă©quipes d’encadrement, aux Ă©quipes de secourisme notamment aux pompiers. On fait des dĂ©briefings et on essaie de faire un turn-over, pour ne pas les laisser trop longtemps sur la scène traumatogène.

Il est aussi important de souligner que les facteurs aggravants de risques de prĂ©senter un PTSD sont liĂ©s Ă  des rĂ©actions du groupe : si on assiste Ă  une panique collective, Ă  une dĂ©moralisation, un manque de cohĂ©sion des troupes Ă©puisĂ©es par les combats, il va y avoir un facteur d’aggravation du risque du PTSD. En revanche, si le groupe a un impact favorisant, parce que le groupe est resserrĂ© et solidaire, alors lĂ  l’impact est favorisant et le risque de dĂ©velopper un PTSD est moindre. On insiste lĂ  encore sur l’importance des collectifs et/ou associations de victimes. Quant au facteur prĂ©disposant individuel, mais ils ne sont pas du tout clairement Ă©tablis, lĂ  aussi c’est très intĂ©ressant. Dans notre pratique clinique dĂ©jĂ , on voit rĂ©gulièrement que nos bons nĂ©vrosĂ©s moyens rĂ©agissent parfaitement bien au traumatisme, en tout cas pas plus mal que les autres. C’est un constat que nous faisons tous. Donc il n’y aurait pas de facteurs prĂ©dictifs nets liĂ©s aux antĂ©cĂ©dents survenus dans l’enfance, ou de personnalitĂ© pathologique prĂ©dictive de la  survenue d’un PTSD.

En revanche, l’accent est mis sur les facteurs sociétaux, l’entourage et le soutient familial et surtout sur la cohésion du groupe au moment de l’impact traumatique et de sa suite.

La psychanalyse, n’est pas du tout à l’ordre du jour dans ce genre de problème, d’ailleurs, on n’en parle absolument pas, puisqu’il n’y a pas de refoulement, ça paraît assez clair, voilà.

Qu’a-t-on mis au point : les techniques surtout debriefing, de dĂ©chocage : il faut arriver très tĂ´t sur les lieux de la situation et, Ă  distance, mais très rapidement, aussi dans les centres hospitaliers qui vont avoir des dĂ©briefings pour permettre au sujet d’évoquer, de reprendre un rĂ©cit en quelque sorte après le silence de l’effroi. On insiste Ă©galement sur le travail des associations et sur le dĂ©dommagement, sur la reconnaissance des victimes et la rĂ©paration financière.

Oui je vous écoute pour la question.

Dernièrement on a entendu dans l’actualitĂ© qu’il y avait une victime du Bataclan qui s’était suicidĂ©. Est ce que le PTSD peut conduire au suicide ?

Bon on n’en sait rien. Comme je vous l’ai signalĂ©, on ne retrouve pas dans la littĂ©rature et dans les statistiques, d’évĂ©nement prĂ©dictifs personnels. Mais une victime d’un Ă©tat de choc post traumatique peut tout Ă  fait se suicider, si elle se sent isolĂ©e, ressassant le traumatisme, dans des phĂ©nomènes de reviviscence continuelle, si elle s’alcoolise, se dĂ©prime, se dĂ©socialise :  elle peut tout Ă  fait finir passer Ă  l’acte suicidaire.

Autre question ?

Bonsoir merci, est ce que vous pouvez revenir sur la dĂ©finition du traumatisme par Charles Melman ?

Oui. Je vais vous relire la formule parce qu’elle est très belle.

La dĂ©finition du traumatisme qu’en donne Melman : « c’est une stase, c’est la stase d’une pensĂ©e positivĂ©e et rebelle Ă  toute dialectique. C’est le cycle rĂ©pĂ©titif avide Ă  retrouver la frappe causale, le dĂ©sintĂ©rĂŞt Ă  l’égard du champ perceptif Â». J’en reprends, si vous voulez, rapidement mon commentaire : pensĂ©e positive, c’est-Ă -dire qu’il n’y a pas de refoulement. Rebelle Ă  toute dialectique, c’est-Ă -dire qu’il n’y a plus de parole. DĂ©sintĂ©rĂŞt Ă  l’égard du reste du champ perceptif c’est-Ă -dire que c’est moins la scène traumatique qui s’impose que le sujet qui se dĂ©gage du champ perceptif.

VoilĂ  autre question.

C’est une question du forum : une psychothĂ©rapie est elle utile dans le PTSD ?

Oui .Tout dĂ©pend Ă©videmment de ce qu’on entend par psychothĂ©rapie parce que c’est le terme le plus vague et le plus flou qui soit. Alors plusieurs types de psychothĂ©rapie ont Ă©tĂ© mis en place : dĂ©jĂ  le dĂ©briefing est une psychothĂ©rapie pour commencer. Et les psychothĂ©rapies, la psychanalyse Ă©videmment n’est pas, ne paraĂ®t pas du tout adaptĂ©e Ă©tant donnĂ© qu’il n’y a pas, je l’ai rĂ©pĂ©tĂ© vingt fois, de refoulement, c’est du prĂ©sent ; il y a un impact qui se rĂ©pĂ©te, sans refoulement, sans reprĂ©sentation ni consciente, ni inconsciente ; donc il s’agit de faire reparler les gens, il s’agit de leur faire reprendre un rĂ©cit. Les thĂ©rapies cognitivo—comportementalistes vont par des techniques d’exposition douce procĂ©der et aider les gens Ă  ne pas se retrancher dans des comportements de fuites, dans des comportements d’évitements mais Ă  se reconfronter petit Ă  petit aux situations qui les traumatisent. On utilise d’ailleurs des bĂ©tabloquants, qui sont des traitements indiquĂ©s surtout en cardiologie, qui ralentissent le cĹ“ur, qui ralentissent la pression artĂ©rielle et qui entrainent une diminution des effets pĂ©riphĂ©riques du stress, tels les tremblements, la bouche sèche, le cĹ“ur qui bat trop vite, la tachycardie, en entraĂ®nant une sorte d’apaisement, en abrasant les effets pĂ©riphĂ©riques du stress. On arrive Ă  obtenir plus de rĂ©sultats avec les techniques comportementales d’exposition parce que les gens sont plus calmes.

Il y a aussi des thérapies de groupe évidemment, l’hypnose est utilisée, on peut considérer que l’hypnose est une psychothérapie, ce n’est pas un traitement médicamenteux ou chimique.

Enfin beaucoup utilisent l’EMDR, qui est la grande technique à la mode. Alors l’EMDR dont la traduction de l’acronyme est :Eye Movement Desensitivation and Reprocessing est une méthode qui a été décrite en 1995 par une dénommée Shapiro. La petite histoire, c’est qu’elle était très déprimée et qu’à un moment donné elle décide d’aller se balader dans un parc à New-York et elle commence à y observer des écureuils. Donc par des mouvements des yeux, par des mouvements alternatifs, des mouvements oculaires alternatifs, elle observe les écureuils qui passent et qui grimpent. Elle se rend compte à ce moment-là qu’elle se sent mieux après. Et c’est ainsi qu’est née cette pratique, qui consiste à stimuler alternativement, par des mouvements oculaires, le lobe droit puis le lobe gauche du cerveau. Ce qui engendrerait un meilleur contrôle de la partie émotionnelle du cerveau et permettrait de restituer la parole sans être immédiatement repris par l’émotion du moment, donc repris par le stress, l’angoisse ou la sidération qui arrête, empêche la parole.

Vous avez avancĂ©une prĂ©dominance de trauma d’un genre sur l’autre, quelle lecture en faites-vous ?

Ah du genre fĂ©minin sur le genre masculin ? Quelque chose comme ça ? Parce que c’est deux femmes pour un homme. Je n’en ai aucune interprĂ©tation.je ne sais pas. On pourrait dire parce que les femmes sont plus hystĂ©riques que les hommes mais ça n’est pas certain

Il y a un problème grave qui me semble ne pas avoir Ă©tĂ©abordĂ© :on a vu dans les mĂ©dias des personnes incompĂ©tentes qui avaient poussĂ© leur patients en plein Ă©tat de dĂ©personnalisation Ă  parler devant les camĂ©ras.

Certes, d’ailleurs maintenant l’Université décerne des diplômes, enfin a créé une discipline spécifique du traitement du syndrome post traumatique. On peut quand même espérer que, dans l’avenir, les gens qui s’occupent de PTSD soient formées pour ce faire.

Notes