Réuni par Henri Ey pendant quatre journées mémorables autour de la Toussaint de 1960, le meilleur de ce que l'on pouvait compter parmi les psychiatres, les psychanalystes, les philosophes et les sociologues s'appliqua à débattre avec passion de l'Inconscient. L'abbaye Saint-Florentin de Bonneval fut alors le théâtre de débats passionnés dont le retentissement se fit sentir sur de très nombreuses années.
Soigneusement préparé pendant des années, le débat opposa plutôt les écoles de psychanalyse entre elles (SPP-SFP) qu'avec la psychiatrie organo-dynamique d'Henri Ey. Jacques Lacan et ses élèves Laplanche et Leclaire sur le thème « Inconscient et langage » furent au cœur de tous les débats parce que cela restera pour toujours un « exploit herméneutique » où le sujet est représenté par un signifiant pour un autre signifiant.
Tandis qu'Henri Ey amenait de plus en plus la psychiatrie du côté de la philosophie phénoménologique de Husserl puis vers Freud, soulignant le rôle de la déstructuration de la conscience de soi dans les aliénations, prélude à son ouvrage La Conscience (1963-68), Jacques Lacan, dans son retour à Freud, s'éloignait de la philosophie d'Heidegger pour préférer l'anthropologie structurale de Cl. Lévi-Strauss et la linguistique de R. Jacobson en soulignant la dépendance du sujet au signifiant, rompant définitivement ses liens avec toute l'approche historique et développementale défendue par S. Lebovici et R. Diatkine. La question qui émergeait alors fut celle de savoir si « l'inconscient était fait d'images ou de mots ».
Question beaucoup plus passionnante, jusqu'à la dégradation du forum en cirque, que de repérer les traces de l'inconscient dans la recherche neurobiologique dont se chargeaient en précurseurs, faut-il le souligner, Cl. J. Blanc et Cath. Lairy, élèves d'H. Ey.
Paul Ricœur, qui avait introduit les débats avec H. Ey dont la réflexion portait sur l'« être » et le « non-être » parménidien et socratique, les clôturait en soulignant les paradoxes de la théorie freudienne prise entre le réalisme d'une énergétique des pulsions et l'idéalisme d'une herméneutique du destin, préludant son ouvrage De l'interprétation (1965).
Nous avons pu retrouver dans les archives d'Henri Ey, le tapuscrit de la bande magnétique des deux interventions réelles de J. Lacan en 1960 au colloque de Bonneval. Nous l'avons inclus en annexe malgré les manques inhérents aux changements de bobines et divers passages inaudibles. Nous espérons que malgré ses imperfections, ce texte permettra aux historiens de mieux saisir l'évolution de la pensée et de l'esprit de J. Lacan entre 1960, date du colloque, et mars 1964, date du résumé de ses interventions écrit à la demande d'Henri Ey juste avant la fondation de l'EFP et précédant la publication de ses Écrits (1966). Bonneval, « eût pour résultat », écrit J. Lacan, « que la consigne de silence de là opposée à notre enseignement, y fut rompue »...
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Ce colloque a tout d’abord été édité par « Desclée de Brouwer - Bibliothèque neuropsychiatrique de langue française », en 1966. Les dates importent. Le colloque s’est déroulé sous la direction de Henri EY, lequel a tenu ferme à ce qu’il soit édité avec les articles et interventions de tous les participants. Ces derniers définissent une présence prestigieuse, à l’époque et aujourd’hui. Citons entre autres Diatkine, Ey bien sûr, Follin, Green, Lantéri-Laura, Laplanche, Lébovici, Leclaire, Lefebvre, Perrier, Stein, De Waelhens. Jacques Lacan n’était pas dans la liste des invités à communiquer. Mais ses interventions ont marqué le colloque au point que Henri Ey lui-même a pu dire qu’elles ont constitué l’axe autour duquel ont tourné les débats.
Le maitre d’œuvre de cette réédition de 2024 est le Dr Patrice Belzeaux, psychiatre et psychanalyste à Perpignan. Personnage pittoresque, grand amateur d’Art et d’Histoire, il a travaillé aux côtés d’Henri Ey, et avec Jean Garrabé et d’autres férus d’histoire il a fondé le CREHEY (Cercle de Recherche et d’Édition Henri EY). De nombreuses publications en sont issues, préservant la dimension historique des concepts et des relations humaines et intellectuelles de la psychiatrie et de la psychanalyse.
Pour avoir avec quelques collègues corrigé (si peu tant le travail acharné de Patrice était performant !) et relu notamment pour ma part les interventions de Laplanche et Leclaire et celle de Lacan, je peux affirmer l’intensité des échanges, leurs différents, et le respect de ces discussions !
Les dates importent ? Ce nouvel ouvrage contient entre autres le discours réellement prononcé par Lacan en 1960, discours retrouvé dans les Archives Henri EY sous forme de tapuscrit. L’édition de 1966 en diffère par le fait des dissensions importantes survenues durant ces années 60. Les « copies » rendues en portent les témoignages.
À signaler. Une précommande est possible avec plus de 20% de remise (soit 25 € au lieu de 32) jusqu’au 20 avril date de parution, en écrivant au CREHEY, 2 rue Léon Dieudé 66000 Perpignan
Renseignements patrice.belzeaux@wanadoo.fr
Réédition avril 2024
Jean-Louis Chassaing