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 EPhEP, SĂ©minaire de Charles Melman, 26/09/2013

Charles Melman : […] le livre que vous avez amenĂ©, puisque nous allons commencer ce soir par l’une des cinq psychanalyses de Freud, et nous allons prendre le cas du petit Hans. Autant vous dire que c’est vraiment la cerise sur le gâteau… Donc pour notre prochaine rencontre, vous pourrez avoir lu et relu ce cas, et Ă©galement vous ĂŞtre intĂ©ressĂ©s, de façon anticipĂ©e, Ă  la manière dont Lacan l’analyse dans son sĂ©minaire sur La relation d’objet ; et vous aurez le plaisir de voir, Ă©galement, de quelle façon entre ce texte de Freud, l’analyse de Lacan et ce que, grâce Ă  lui, nous pouvons en dire aujourd’hui.

Alors, ce cas du petit Hans est absolument admirable, et je pense que vous allez partager l’intĂ©rĂŞt qu’il suscite. Il comporte trois parties, c’est très bien construit du point de vue de l’exposition : une partie d’introduction, une partie d’analyse, et une partie de commentaires. Nous allons donc commencer par la partie de l’introduction, et oĂą vous allez d’emblĂ©e vous rĂ©jouir Ă  propos de deux incidentes, proposĂ©es par Freud. La première, c’est qu’il doit ce cas au fait, dans lequel il n’est intervenu qu’à l’occasion d’une unique rencontre, comme vous le savez, avec le petit Hans, alors qu’il devait avoir cinq ou six ans, et qu’il l’a guĂ©ri en une seule sĂ©ance - ce qui mĂ©riterait que nous en prenions, comme ça, quelque inspiration - eh bien dans un premier temps, vous allez trouver admirable que l’essentiel du cas, ou la totalitĂ©, lui est rapportĂ© par le père du petit Hans qui, non seulement Ă©tait en analyse chez Freud mais, comme il le dit, s’intĂ©ressait Ă  la psychanalyse, et dans la mesure oĂą Freud souhaitait pouvoir vĂ©rifier in vivo ses thèses sur la sexualitĂ© infantile, eh bien le papa s’est en quelque sorte dĂ©vouĂ© pour observer directement sur son enfant ce qu’il en Ă©tait de son rapport Ă  la sexualitĂ©. Et, il y a cette remarque qui va avoir quelques consĂ©quences, pour la suite de l’aventure Ă  Vienne, c’est que Freud va dire que finalement cette conjonction de la position du papa, de l’observateur et du thĂ©rapeute, c’est-Ă -dire le fait qu’une unique personne supporte ces trois dimensions, a sĂ»rement Ă©tĂ© favorable pour l’évolution et pour la guĂ©rison du cas. Autrement dit si l’analyste est un papa, ça n’en serait que mieux. Ce qui est assurĂ©ment une assertion redoutable, d’autant qu’il la mettra lui-mĂŞme en Ĺ“uvre pour analyser sa fille, mais avec des rĂ©sultats qui ne furent pas probants. C’est le moins que l’on puisse dire. Sa fille, Anna. Mais, d’un point de vue pour nous qui jugeons de cette affaire plus de cent ans après, puisque le cas a Ă©tĂ© publiĂ© en 1909, pour nous qui jugeons de cette affaire plus de cent ans après, on voit bien ce qui Ă©tait pour Freud ce fantasme (on ne peut pas le dire autrement) du rapport Ă  un père qui serait suffisamment informĂ© sur la sexualitĂ© de ses enfants pour la leur rendre favorable. Mais, comment dirais-je, il en va sĂ»rement en ce domaine comme cela a Ă©tĂ© le cas pour la conceptualisation et la pratique des rayons X, ceux qui s’y sont livrĂ©s, dans cette observation, dans cette activitĂ© de transparence, eh bien ils se sont brĂ»lĂ©s, et mĂŞme grièvement… Et Ă  l’évidence, lĂ , Freud va sĂ©rieusement se brĂ»ler. La seconde chose c’est que, Ă©videmment, il est tout Ă  fait heureux de pouvoir rapporter in vivo les manifestations de la sexualitĂ© infantile, Ă  l’occasion d’un cas clinique  chez le petit Hans, dans la mesure oĂą jusqu’ici ses thèses se trouvaient dĂ©duites Ă  partir de souvenirs rapportĂ©s par ses patients adultes sur son divan et, comme nous le savons, cette sexualitĂ© infantile Ă©tant particulièrement refusĂ©e par notre culture, rĂ©cusĂ©e, niĂ©e, il est bien Ă©vident que cette observation directe a, pour Freud, un intĂ©rĂŞt tout Ă  fait exceptionnel. D’autant plus exceptionnel que, comme vous allez le voir, ou comme vous l’avez dĂ©jĂ  vu, le petit Hans, qui commence ainsi Ă  s’intĂ©resser Ă  la chose Ă  partir de l’âge de trois ans, est particulièrement allumĂ©. Je suis sĂ»r que, enfin, je suis sĂ»r… il est rare d’ailleurs que l’on observe un enfant de trois ans flambant, je dirais, comme le fait le petit Hans, et je crois que l’on peut avancer que si c’est le cas, c’est peut-ĂŞtre bien qu’aussi bien papa que maman Ă©taient en analyse chez le grand-père Freud, chez pĂ©pĂ© Freud, et que donc il devait y avoir, vraisemblablement, dans la vie familiale une prĂ©sence tout Ă  fait inhabituelle, exotique, de conversations touchant la sexualitĂ©. Outre le fait que le projecteur braquĂ© donc par le père sur son enfant - ce n’est pas un idiot, le petit Hans, pas du tout - projecteur braquĂ©, sur, soyons prĂ©cis, sur son organe, ne pouvait manquer d’avoir, bien entendu, des consĂ©quences. Donc il a trois ans et, chose admirable, voilĂ  qu’il demande Ă  sa mère : « Maman, as-tu aussi un fait-pipi ? Â», un Wiwimacher… Et la maman : « Bien entendu. Pourquoi ? Â», « J’ai seulement pens酠», c’est admirable, hein, comme dialogue, « J’ai seulement pens酠» :

            « Au mĂŞme âge, il entre un jour dans un Ă©table et voit traire une vache :

            « Regarde, du fait-pipi il sort du lait. Â» Â»

Nous voyons bien le développement d’une interrogation, et en même temps, bien entendu, je dirais, d’une façon de se défendre contre ce à quoi il avait pensé c’est-à-dire que le fait-pipi de maman lui faisait question, à trois ans.

« L’intĂ©rĂŞt [dit Freud] qu’il porte [Ă  l’instrument] n’est cependant pas purement thĂ©orique ; […] [mais] le pousse Ă  des attouchements du membre. A l’âge de 3 ans et demi, il est surpris par sa mère, la main au pĂ©nis. Celle-ci menace : « Si tu fais ça, je ferai venir le Dr A… qui te coupera ton fait-pipi. Avec quoi feras-tu alors pipi ? Â» Â»

Je ne sais pas s’il y a des dramaturges, il doit y en avoir, capables de restituer la justesse et la fraĂ®cheur, ça c’est vraiment… Et rĂ©ponse de Hans :

            « Avec mon tutu. Â»

Ce qui veut donc dire qu’il a parfaitement repĂ©rĂ© la diffĂ©rence des sexes, et qu’à la provocation maternelle, il rĂ©pond en tĂ©moignant que la diffĂ©rence des sexes lui est parfaitement perceptible. Et alors vous trouvez lĂ  tout de suite, chez Freud, un Ă©lĂ©ment qui va mĂ©riter de vous interroger, puisqu’il va dire ceci, Freud :

« [Hans] rĂ©pond sans sentiment de culpabilitĂ© encore, mais [il] acquiert Ă  cette occasion le « complexe de castration Â» - entre guillemets - auquel on doit conclure si souvent dans les analyses des nĂ©vropathes, tandis qu’ils se dĂ©fendent tous violemment contre sa reconnaissance. Il y aurait beaucoup de choses importantes Ă  dire sur la signification de cet Ă©lĂ©ment de l’histoire infantile. Le « complexe de castration Â» - entre guillemets - a laissĂ© des traces frappantes dans les mythes (et pas seulement dans les mythes grecs) ; j’ai fait, dans ma Science des rĂŞves et ailleurs encore, allusion au rĂ´le qu’il joue. Â»

Or le complexe de castration, tel que Freud, ici, en parle, concerne Ă©videmment ce qui se prĂ©sente Ă  ce moment-lĂ  comme Ă©tant la menace d’une… ablation du pĂ©nis et, je vous le signale tout de suite, il est vraisemblable que c’est Ă  partir de ce type d’écriture chez Freud, que Lacan a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  mettre en place ces trois dimensions du RĂ©el, du Symbolique et de l’Imaginaire. Pourquoi ? Parce que vous n’allez plus rien comprendre si le complexe de castration chez Freud doit ĂŞtre entendu comme organisĂ© par cette menace, la crainte d’une ablation du pĂ©nis, vous ne saisissez aucunement en quoi il a un rĂ´le formateur de la sexualitĂ©. Et c’est donc très vraisemblablement Ă  partir des difficultĂ©s rencontrĂ©es, et chez Freud mĂŞme, par cette Ă©vocation du complexe de castration, que Lacan va ĂŞtre amenĂ© Ă  distinguer la dimension du RĂ©el, c’est-Ă -dire effectivement la possibilitĂ© d’une ablation chirurgicale, d’une castration du pĂ©nis, sa dimension symbolique, qui est la condition d’un accès Ă  la sexualitĂ©, et sa dimension imaginaire, qui concerne tout ce que l’on va voir foisonner dans la suite de l’introduction opĂ©rĂ©e par Freud. Qu’est-ce que ça veut dire la dimension symbolique de la castration ? Si ce n’est qu’il y a en effet une remise de l’autoritĂ© ayant pouvoir sur la sexualitĂ© Ă  une puissance tierce, dont l’interpellation, dont l’autorisation va ĂŞtre dĂ©sormais nĂ©cessaire pour que le sujet lui-mĂŞme se permette cet exercice. OpĂ©ration symbolique qui consiste Ă  dĂ©lĂ©guer Ă  une autoritĂ© dans l’Autre, Ă  faire d’une autoritĂ© dans l’Autre, le rĂ©fĂ©rent dont va s’autoriser l’exercice de la sexualitĂ©. Est-ce que ça a toujours Ă©tĂ© le cas ? Ça, dans la culture, sĂ»rement pas, mais ce n’est pas lĂ  ce qui nous intĂ©resse. En tous cas, c’est comme ça que nous avons Ă  entendre la castration symbolique, et d’autant plus Ă  l’entendre qu’ordinairement ce thème est plutĂ´t Ă©vitĂ© que dĂ©pliĂ©. Sans ces catĂ©gories qui risqueraient de vous paraĂ®tre abstraites de RĂ©el, Symbolique et Imaginaire, vous ne pouvez pas comprendre ce qu’il en est chez Freud, qui lui-mĂŞme n’a pas fait cette distinction. Il faudrait reprendre, chez Freud, ce qu’il a Ă©crit Ă  propos du complexe de castration, le rassembler, pour voir de quelle manière il avait les plus grandes difficultĂ©s… S’il rencontrait chez tous les nĂ©vropathes, comme il dit, et comme il le dit « la menace ressentie sur l’organe Â», ailleurs il a parfaitement situĂ© combien le complexe de castration Ă©tait une Ă©tape sur le chemin d’une constitution de la sexualitĂ©.

Donc, le petit Hans qui a toujours trois ans, trois ans et demi maintenant, il est au zoo devant la cage du lion, et il est très joyeux, excitĂ© :

            « J’ai vu le fait-pipi du lion ! Â»

Et donc cette intelligence d’identifier donc le fait qu’il y a peut-ĂŞtre lĂ  une sorte d’universel, et un peu plus tard, il voit Ă  la gare une locomotive lâcher de l’eau :

            « Regarde, dit-il, la locomotive fait pipi. OĂą est donc son fait-pipi ? Â»

[Et puis] après un moment, il ajout d’un ton pensif [il a trois ans et demi]: « Un chien et un cheval ont un fait-pipi ; une table et une chaise n’en ont pas. Â» Ainsi [dit Freud] il est en possession d’un caractère essentiel pour diffĂ©rencier le vivant de l’inanimĂ©.

[Mais] la soif de connaissance [dit Freud,] semble inséparable de la curiosité sexuelle. [Et] la curiosité de Hans est particulièrement dirigé vers ses parents.

[…] (3 ans et 9 mois) - Papa, as-tu aussi un fait-pipi ?

[…] - Mais oui, naturellement.

[…] - Mais je ne l’ai jamais vu quand tu te déshabilles.

Une autre fois il regarde, toute son attention tendue, sa mère qui se dĂ©shabille avant de se coucher. Celle-ci demande : « [Qu’est-ce que tu regardes comme ça] ? Â»

[…] - [Ben,] je regarde seulement si tu as aussi un fait-pipi.

[…] - [Mais] naturellement. […] Ne le savais-tu donc pas ?

[…] - Non [, non], je pensais que, puisque tu Ă©tais si grande, tu devais avoir un fait-pipi comme un cheval. Â»

Quelle courtoisie ! Mais vous voyez lĂ  l’introduction du cheval, puisque maman, comme elle est grande, elle devait avoir un fait-pipi comme un cheval ; l’introduction du cheval comme l’animal qui va ensuite, dont on va rĂ©entendre parler avec l’éclosion de la phobie.

Mais le grand Ă©vènement de la vie de Hans, c’est la naissance de sa petite sĹ“ur, Anna, alors qu’il a exactement trois ans et demi. Et cette occasion, son comportement Ă  cette occasion a Ă©tĂ© notĂ© par le père, le père Ă©videmment prend des notes pour Freud, et pour l’avenir de la psychanalyse, on est sur le terrain expĂ©rimental. Et le père Ă©crit donc :

« Ce matin de bonne heure, Ă  5 heures, comme commencent les douleurs, le lit de Hans est transportĂ©  dans la chambre voisine. Â»

On le sort de la chambre conjugale.

« Il se rĂ©veille Ă  7 heures et entend les gĂ©missements de la parturiente ; alors il demande : « Pourquoi maman tousse-t-elle ? Â» Puis, après un moment : « Bien sĂ»r […] la cigogne [va venir] aujourd’hui. Â»

Un peu plus tard, on le mène dans la cuisine, il voit la trousse du mĂ©decin, il dit :

« Â« Qu’est-ce que c’est ? […] Ă  quoi on rĂ©pond : « Une trousse. Â» [Bonne rĂ©ponse !] Alors lui, d’un ton convaincu : « C’est aujourd’hui que viendra la cigogne ! Â» Après la dĂ©livrance, la sage-femme vient Ă  la cuisine et Hans l’entend commander du thĂ©, alors il dit : « Ah ! Parce qu’elle tousse, maman va avoir du thĂ©. Â» On l’appelle alors dans la chambre, mais il ne regarde pas sa maman, rien que les cuvettes, pleines d’une eau sanglante, qui sont encore lĂ , et il remarque, très surpris, montrant le bassin oĂą il y a du sang : « Il ne sort pas [du] sang de mon fait-pipi Ă  moi. Â»

Donc, la dĂ©monstration de deux choses. D’abord ce qui est son parfait repĂ©rage, la parfaite lecture, son dĂ©chiffrage parfait de ce qui se passe ; mais aussi, et c’est sĂ»rement encore bien plus important lĂ , finalement, la pudeur humoristique avec laquelle il [suit] l’évènement, autrement dit sa façon de participer Ă  la fable, au mythe, Ă  la façon dont il faut raconter l’évènement, et qu’il endosse je dirais parfaitement, tout en faisant savoir en mĂŞme temps qu’il n’est pas dupe. Alors :

« Hans est très jaloux de la nouvelle venue et, dès que quelqu’un fait des compliments, la trouve jolie, etc., il dit […] d’un ton sarcastique : « […] Elle n’a pas encore de dents ! Â» Â»

« Elle n’a pas encore de dents Â», il est bien Ă©vident qu’il a dĂ©jĂ  repĂ©rĂ© qu’il n’y avait pas que les dents qui lui manquaient, et puis il dĂ©clare très simplement que cette petite sĹ“ur, il lui en veut, ça ne lui convient pas du tout. Mais :

« Au bout de six mois environ la jalousie est surmontĂ©e, et il devient un frère aussi tendre que convaincu de sa supĂ©rioritĂ© sur sa sĹ“ur.

[Il] assiste au bain de sa sĹ“ur, [alors] âgĂ©e d’une semaine. [Et] il observe : « Mais son fait-pipi est encore petit Â» et il ajoute, en consolation : « Mais elle grandira, et il deviendra plus grand. Â» Â»

C’est très… mĂ©taphysique, c’est-Ă -dire c’est d’abord l’isolement d’un signe caractĂ©ristique de toutes les crĂ©atures, humaines voire animales, il a fait la distinction, et si on ne le voit pas, c’est qu’il est quand mĂŞme soit petit, soit quelque part, et qu’il apparaĂ®tra, qu’il grandira. Autrement dit cette conception infantile très rĂ©pandue qu’évidemment tous les enfants, garçons et filles, relèvent forcĂ©ment d’un mĂŞme trait sexuel, quitte Ă  ce qu’à certains moments, la question, comme on va le voir, de la diffĂ©rence se pose. Et puis, Ă  partir de ce moment-lĂ , vous allez voir qu’il va se passer chez lui une grande activitĂ© de sĂ©duction Ă  l’endroit des fillettes de son entourage, y compris des fillettes bien plus grandes que lui, et vis-Ă -vis desquelles il adopte une attitude de type paternel. C’est-Ă -dire Ă  la fois comme si lui, donc, identifiĂ© Ă  son père, disposait de l’instrument qui lui permettait, je dirais, d’avoir une position de supĂ©rioritĂ© Ă  l’endroit de ces fillettes, mais en mĂŞme temps du fait de l’équivoque des jeux avec elles, qui est fort banal bien sĂ»r chez les enfants, la virtualitĂ© de relations incestueuses. Et puis, dit le père :

« Je dessine une girafe pour Hans, qui [a souvent Ă©tĂ©], ces derniers temps, au jardin zoologique […] Â»

La girafe vous la trouverez dans le bouquin, la girafe dessinĂ©e par papa, et Hans lui dit… Il dessine une girafe tout Ă  fait convenable, mais Hans lui dit :

« Â« Dessine […] aussi le fait-pipi. Â» Je rĂ©plique [dit le père] : « Dessine-le toi-mĂŞme. Â» Alors il ajoute Ă  mon dessin de la girafe ce trait, d’abord […] tirant un trait court, puis […] le prolongeant d’un autre trait, en remarquant : « Le fait-pipi est plus long. Â» Â»

C’est un… alors, de mon temps, ce dessin de la girafe Ă©tait l’objet d’un nombre considĂ©rables d’exĂ©gèses, chaque analyste avait, je dirais, sa poĂ©sie particulière, excitĂ©s par ce dessin. Et ce que vous pourrez, je pense, en retenir c’est vraiment l’intelligence de ce gosse, puisque si le père a dessinĂ© cet animal au long cou, stipulant en quelque sorte que son trait caractĂ©ristique ce serait la longueur d’une partie du corps, mais identique pour les deux sexes, une girafe gĂ©nĂ©rique, en quelque sorte, abstraite. C’est le petit Hans qui rĂ©clame donc le dessin du sexe, et puis qui va en quelque sorte en dessiner deux. D’abord un trait, et puis ensuite le rallonger d’un autre trait, rĂ©alisant cette opĂ©ration fabuleuse… vous verrez que mon association vous paraĂ®tra Ă©videmment excessive… Il y a une assertion biblique qui, elle aussi, est toujours l’occasion d’amusements hermĂ©neutiques, qui est : « Quand Dieu crĂ©a Adam, il le fit homme et femme ». Alors, est-ce que ça veut dire qu’il les a fait bisexuĂ©s ? Est-ce que… alors qu’il suffit Ă©videmment de prendre Adam pour le nom gĂ©nĂ©rique de l’homme, abstrait, pour savoir qu’effectivement… Alors vous me direz qu’Adam, c’est le nom d’un individu mâle… bien sĂ»r. Mais en tous cas lui reconstruit lĂ  quelque chose de très simple, c’est que son père lui offrant une girafe gĂ©nĂ©rique, il demande qu’elle soit sexuĂ©e, et il lui colle, avec un petit sexe et puis un sexe plus long, il lui colle en quelque sorte deux sexes. Et puis vous voyez aussi sur le dessin ce que Freud n’analysera pas, qu’il y a un trait qu’il lui coupe les pattes, Ă  cette girafe, alors vous auriez tous les commentaires des analystes de l’époque pour Ă©voquer Ă©videmment que la perception par Hans du phĂ©nomène de la castration, et puis vous aurez bien plus tard, parce que Lacan l’ignorait quand il a fait l’étude du cas dans La relation d’objet, c’est que le nom de famille, donc, du petit Hans, c’est Graf. Et donc qu’il soit venu spontanĂ©ment au papa l’idĂ©e de dessiner une girafe, c’est le mĂŞme mot en allemand, Girafe, Ă©videmment tĂ©moigne qu’il s’agit bien chez lui d’une production de l’inconscient dont on voit de quelle manière il circule activement, dans cette famille. Le père poursuit :

« Je passe avec Hans près d’un cheval [encore !] qui est en train d’uriner. Hans dit : « Le cheval a son fait-pipi sous lui comme moi. Â»

Il assiste au bain de sa sĹ“ur, âgĂ©e de trois mois, et dit, d’un ton de pitiĂ© : « Elle [en] a un tout petit, tout petit fait-pipi. Â»

On lui fait cadeau d’une poupĂ©e comme jouet ; il la dĂ©shabille, l’examine avec soin et dit : « Mais son fait-pipi est tout petit, tout petit ! Â»

[…] Tout investigateur [dit Freud] court le risque de tomber Ă  l’occasion dans l’erreur. Ce lui est une consolation lorsque - tel Hans dans l’exemple qui va suivre - il n’est pas seul Ă  errer, mais peut en appeler, pour son excuse, Ă  l’usage de [la langue]. Hans voit notamment dans son livre d’images un singe et montre sa queue retroussĂ©e en l’air : « Regarde, papa, son fait-pipi ! Â» Â»

Je vous disais que Hans Ă©tait un petit allumĂ©. Il y a lĂ  le rĂ©cit, enfin il est rapportĂ© un Ă©vènement dont l’importance ou dont la qualitĂ© ne paraissent pas Ă©videntes. C’est que :

« Dans l’antichambre il y a le lieu d’aisance et aussi un cabinet noir oĂą l’on garde du bois. Depuis quelque temps, Hans va dans le cabinet au bois, [il] dit : « Je vais dans mon w.-c. Â» [Et, dit le père,] Je regardai un jour ce qu’il faisait dans la petite pièce noire. Il fait une exhibition et dit : « Je fais pipi. Â» Ceci signifie donc qu’il joue au w.-c. Le caractère ludique de la chose est illustrĂ© non seulement par [ceci] qu’il fait simplement semblant de faire pipi et ne le fait pas vraiment, mais encore par [cela, etc.] qu’il prĂ©fère le cabinet au bois et l’appelle son w.-c. Â» Â»

Il est Ă©vident que, pas plus Hans que le père, ou Freud ne peuvent savoir ce qu’il fabrique dans cette activitĂ© ludique, mais en tous cas nous pouvons y reconnaĂ®tre le fait qu’il instaure une sĂ©grĂ©gation entre l’activitĂ© urinaire de ses parents et de lui-mĂŞme, comme s’il y avait en quelque sorte le cabinet des grands et puis le sien. Comment entendre cette sĂ©grĂ©gation ? C’est bien difficile Ă  dire. Mais en tous cas aussi sans aucun doute un ludisme qui tĂ©moigne la perception que dans toute cette affaire, il y a du semblant. Il y a le rĂ©el auquel il est affrontĂ©, le rĂ©el de la diffĂ©rence des sexes, et puis il y a aussi cette dimension du semblant Ă  laquelle Ă  l’évidence il est sensible, et qui sans doute fait partie Ă©galement de toutes les activitĂ©s ludiques des enfants quand ils font semblants Ă  tout ce que l’on veut, c’est-Ă -dire Ă  jouer au docteur, Ă  jouer Ă  la marchande, Ă  jouer Ă  ce que vous voudrez ; mais qui n’a Ă©videmment de l’intĂ©rĂŞt qu’à venir tĂ©moigner de la mise en place dans la subjectivitĂ© de l’enfant de cette dimension du semblant, et combien finalement elle peut provoquer des investissements affectifs, je dirais, d’une qualitĂ© sans doute Ă©gale Ă  ce qu’il en est de la rĂ©alitĂ©. La rĂ©alitĂ© qui est, elle-mĂŞme, de l’ordre du semblant.

Et puis le père remarque ce qu’il appelle une disposition, chez Hans, Ă  la polygamie. Autrement dit tous les enfants qui l’entourent, qu’ils soient garçons ou filles sont pour lui l’occasion d’investissements, de propositions Ă©rotique, ou en tous cas de situations pseudo-conjugales, de jeux de ce type, et sans aucun attachement Ă©videmment spĂ©cifique, et donc il est passionnĂ© par cette activitĂ© qui tĂ©moigne donc, c’est le moins qu’on puisse dire, d’une parfaite identification chez lui de cette position sexuelle, mâle. Et lorsque son père va lui demander : « Laquelle des petites filles aimes-tu le mieux ? Â» puisqu’il y en a toute une sĂ©rie, toute une batterie, il va rĂ©pondre : « Fritzl. Â», c’est un garçon… Alors donc on va Ă©videmment immĂ©diatement Ă©voquer Freud, on va pas hĂ©siter Ă  Ă©voquer ce qu’il en serait de touches homosexuelles de l’affaire alors que ça n’a Ă©videmment aucunement ce sens, mais bien plutĂ´t… enfin, c’est un carrefour oĂą l’on peut retrouver tout ce que l’on peut imaginer, c’est-Ă -dire aussi bien le dĂ©saveu du sexe fĂ©minin comme Ă©tant susceptible d’avoir un attrait, que la dĂ©fense, je dirais, devant le père de s’affirmer comme son rival eu Ă©gard au sexe fĂ©minin, voire (comment dirais-je ?) des propositions libertaires quant Ă  l’usage du sexe et le droit finalement Ă  un usage indiffĂ©rent Ă  la diffĂ©rences des sexes, enfin, je veux dire, nous sommes lĂ  Ă  un carrefour oĂą toutes les interprĂ©tations en tant qu’éventuellement causales, dĂ©terminantes pour Hans, sont possibles, et vraisemblablement existantes. Et donc sans que l’on puisse le moins du monde parler chez lui, Ă  ce moment-lĂ , de tendances homosexuelles. Et puis peut-ĂŞtre aussi le tĂ©moignage d’un attachement pour son père. Donc, gardons ça Ă  l’esprit. Et puis, il y a une grande fille qui s’appelle Mariedl, et il rĂ©clame, lui l’homosexuel paraĂ®t-il, qu’il veut que Mariedl couche avec lui. Alors on lui dit, c’est pas possible. Alors il dit :

« Il faut […] qu’elle couche avec maman ou papa. Â»

Hein, vous voyez que, après tout, la diffĂ©rence des sexes ce n’est pas… après tout c’est rapport de sexe Ă  sexe ; si sexe masculin et sexe fĂ©minin sont Ă©quivalents, on voit pas du tout pourquoi y aurait pas rapport de sexe Ă  sexe, quelles que soit leurs diffĂ©rences. Alors on lui rĂ©plique qu’il n’est pas possible non plus que Mariedl couche avec papa ou avec maman, parce qu’elle doit aller dormir chez ses parents. Et alors a lieu le dialogue suivant :

« […] - Alors, c’est moi qui [vais descendre] coucher avec Mariedl. Â»

Alors sa mère :

« […] - Tu veux vraiment quitter ta maman et aller coucher en bas ? Â»

Hein, tu vas faire ça Ă  ta maman, quand mĂŞme ?

« Oh ! Je remonterai demain matin pour mon petit dĂ©jeuner et pour aller au cabinet.

[La maman] - Si tu veux vraiment quitter papa et maman, prends ton manteau et ta culotte, et… adieu ! Â»

Hans, qu’est-ce qu’il fait ? Il prend ses vĂŞtements et gagne l’escalier afin d’aller coucher avec Mariedl. Voyez… Il est prĂŞt Ă  quitter papa et maman pour… voilĂ . Le petit homosexuel… il est quand mĂŞme bien dĂ©cidĂ©. Bon. Et alors Freud note quand mĂŞme :

« Notre petit Hans s’est comportĂ©, en face du dĂ©fi de sa mère, comme un vrai petit homme, malgrĂ© ses vellĂ©itĂ©s d’homosexualitĂ©. Â»

Mais vous notez bien entendu, en cours de route, le mode d’intervention maternel, qui est Ă  la fois tellement classique… alors vous vous dĂ®tes, vraiment d’oĂą sort ce classicisme ? Quel est l’auteur qui a Ă©crit ces textes classiques ? Pourquoi la mère… ? Elle est vraiment formidable, hein : si tu fais ça, tu vas perdre ta maman, hein. Et lui, il dit, le gosse il a trois ans, quatre ans : oh, ben d’accord ; j’y vais.

« A une autre occasion, dont nous allons parler, Hans dit aussi Ă  sa mère : « Tu          sais, j’aimerais tant coucher avec la petite fille. Â» Cet Ă©pisode nous a fort           amusĂ©s,        [dit le père,] car Hans s’est ici vraiment comportĂ© comme un adulte amoureux. Dans   le restaurant oĂą nous dĂ©jeunons vient depuis quelques jours une jolie petite fille de         huit ans de qui bien entendu Hans s’éprend aussitĂ´t. Il se retourne sans cesse sur             sa chaise afin de lui lancer des Ĺ“illades, quand il a fini de manger il va se mettre       près d’elle afin de flirter avec elle, mais s’il se sent se faisant observĂ©, il devient            cramoisi. La petite fille rĂ©pond-elle Ă  ses Ĺ“illades, il regarde aussitĂ´t d’un air confus    de l’autre cĂ´tĂ©, sa conduite fait naturellement la joie de tous les hĂ´tes du restaurant. Chaque jour pendant qu’on l’y mène, il demande : « Crois-tu que la petite fille sera lĂ  aujourd’hui ? Â» Quand elle apparaĂ®t enfin il devient tout rouge ainsi qu’un adulte en pareil cas. Un jour il vient Ă  moi tout radieux et me murmure Ă  l’oreille : « Tu sais, papa, je sais maintenant oĂą habite la petite fille. Je l’ai vu en tel et tel endroit monter l’escalier. Â» Tandis qu’il se comporte de façon agressive avec les petites filles habitant sa maison, dans cette occasion-ci, il est un amoureux platonique et transi. Â»

Alors voilĂ  ce que dit Freud… c’est le père qui dit ça, c’est pas terrible :

« Cela tient peut-ĂŞtre Ă  ce que les petites filles de la maison sont des villageoises, tandis que la petite fille […] est une dame du monde. Â»

C’est [radical], hein. Ben voilà.

« Comme je ne veux pas laisser Hans dans la tension psychique oĂą il a Ă©tĂ© jusqu’alors, de par son amour pour la petite fille, je leur fais faire connaissance et j’invite la petite fille Ă  venir le voir au jardin […]. Hans est tellement [Ă©mu] par l’attente de la petite fille que, pour la première fois, il ne peut dormir l’après-midi, mais se tourne et se retourne sans cesse dans son lit. Sa mère lui demande : « Pourquoi ne dors-tu pas ? Penses-tu Ă  la petite fille ? Â» Il rĂ©pond, tout heureux, que oui. En rentrant du restaurant Ă  la maison, il a aussi racontĂ© Ă  tous les gens de la maison : « Tu sais, aujourd’hui ma petite fille [, ma petite fille,] va venir me voir. Â» Et Mariedl, qui a quatorze ans, [celle avec qui il voulait aller coucher,] raconte qu’il lui a sans [trĂŞve] demandĂ© : « Crois-tu […] qu’elle sera gentille avec moi ? Crois-tu qu’elle me donnera un baiser quand je l’embrasserai ? Â» […] Il pleut l’après-midi [et] la visite n’a pas lieu. Â»

VoilĂ , voilĂ , voilĂ .

« Hans a quatre ans et [demi]. Ce matin, sa mère lui donne son bain quotidien et, après son bain, elle le sèche et le poudre. Comme elle est en train de poudrer autour de son pĂ©nis, en prenant soin de ne pas le toucher, Hans demande : « Pourquoi n’y mets-tu pas le doigt ? Â» Â»

Que va rĂ©pondre maman ? Qu’est-ce qu’elle rĂ©pond, une maman, dans ces cas-lĂ  ?

StĂ©phane Renard : Ça ne se fait pas.

Charles Melman : LĂ  vous cherchez dans le texte. Vous vous fiez pas comme ça à…

StĂ©phane ClĂ©ment : C’est dĂ©goĂ»tant.

Charles Melman : Elle rĂ©pond :

« […] - Parce que c’est une cochonnerie.

[…] - Qu’est-ce […]? Une cochonnerie ? Pourquoi ? Â»

L’insigne vraiment émérite, voilà que c’est une cochonnerie.

« […] - Parce que c’est pas convenable.

Hans (riant) - Mais très amusant ! Â»

Vous voyez comment il s’en sort. Et donc l’affaire se poursuit avec, Ă©videmment, des jeux de gages. Mais ce qui va ĂŞtre important, c’est que vous voyez on en est en quelque sorte dans la phase exhibitionniste, exhibitionnisme, il faut bien le dire, provoquĂ© par l’attention familiale. Et donc le père va dire ceci :

« Hier, comme j’allais l’aider Ă  faire [son] petit besoin […] Â»

C’était papa qui le plus souvent allait le dĂ©boutonner, et Freud ajoute : « ce qui aide Ă  la fixation d’une inclination homosexuelle sur le père Â», en tous cas la question est de savoir pourquoi c’est pas la mère qui le fait, bien sĂ»r :

« Hier, comme j’allais l’aider Ă  faire un petit besoin, il me demanda pour la première fois […] Â»

VoilĂ  le drame qui s’installe, tout Ă©tait jusqu’ici quand mĂŞme magnifique, le monde simple, tout en place, tout est en place et voilĂ  que, pour la première fois, il demande Ă  son père :

« […] de le mener derrière la maison, afin que personne ne [puisse] le voir et il [ajoute] : « L’annĂ©e passĂ©e, pendant que je faisais pipi, Berta et Olga me regardaient. Â» Cela veut dire [dit le père], je pense que l’annĂ©e passĂ©e il lui Ă©tait agrĂ©able d’être regardĂ©, ce faisant, par les petites filles, mais qu’il n’en est plus ainsi. L’exhibitionnisme a […] succombĂ© [dit le père] au refoulement. Le fait que le dĂ©sir d’être regardĂ© par Berta et Olga pendant qu’il fait pipi […] soit maintenant refoulĂ© dans la vie rĂ©elle fournit l’explication de son apparition dans le rĂŞve […] Â»

Y a un rêve que je vous ai évité, qui n’est pas essentiel…

« […] oĂą ce dĂ©sir a empruntĂ© le joli dĂ©guisement du jeu des gages. J’ai observĂ© depuis, Ă  plusieurs reprises, qu’il ne veut plus ĂŞtre vu faisant pipi.

[…] Le père de Hans a notĂ© encore une observation datant de la pĂ©riode qui suivit immĂ©diatement le retour de la famille Ă  Vienne : « Hans ([il a maintenant] 4 ans et demi) […] Â» Â»

Vous vous rendez compte, tout ça s’est passĂ© en trois ans, entre trois ans et quatre ans et demi :

 Â« [Hans] assiste de nouveau au bain de sa petite sĹ“ur et commence Ă  rire. On lui demande : « Pourquoi ris-tu ? Â»

 […] - Je ris du fait-pipi d’Anna.

 Â« Pourquoi ? Â» - « Parce que son fait-pipi est si beau. Â» Â»

Le père ajoute :

« La rĂ©ponse n’est naturellement pas sincère. Le fait-pipi lui semblait en rĂ©alitĂ©    comique. C’est, de plus, la première fois qu’il reconnaĂ®t aussi expressĂ©ment la diffĂ©rence entre les organes gĂ©nitaux masculins ou fĂ©minins, au lieu de la nier. Â»

Ecrit le père.

Alors, il y a Ă  cet endroit un point qui va donner Ă©videmment la… ĂŞtre Ă  la source de l’installation de la phobie ; puisqu’on en est, lĂ , Ă  la fin de l’introduction, et que le chapitre suivant, que nous verrons dans quinze jours, va raconter l’installation de la phobie. En effet, il est facile comme le fait le père de penser que - et comme Freud l’avait prĂ©dit - la sexualitĂ© se trouve maintenant frappĂ©e de refoulement. Ce qui, comment dirais-je ? aurait fait partie du processus de castration, symbolique, autrement dit le fait de renoncer Ă  l’exhibition de son sexe, pour pouvoir s’en autoriser. Et donc y voir comme le père, lĂ , a tendance Ă  le faire, et comme Freud le reprend lui-mĂŞme, le passage Ă  l’étape suivante, que raconte Freud dans sa MĂ©tapsychologie, c’est-Ă -dire de quelle façon la sexualitĂ© infantile va ĂŞtre frappĂ©e de refoulement, et voilĂ  que le père l’observe sur son propre enfant. Sauf que, et la notation qui est faite, qu’il fait nĂ©anmoins, parce qu’il y a quand mĂŞme une grande sincĂ©ritĂ©, une grande fidĂ©litĂ© dans le rapport des faits, des Ă©vènements… ce fait qu’il regarde Anna dans son bain, qu’il rit, qu’il dit qu’il rit parce que son sexe est si beau, et le père le prend comme une dĂ©nĂ©gation, alors que c’est vraisemblablement l’entrĂ©e dans sa phobie, c’est-Ă -dire le fait que, devant la prĂ©valence familiale du sexe fĂ©minin, lui-mĂŞme va se sentir dĂ©possĂ©dĂ© de toute appartenance sexuelle, et de toute rĂ©fĂ©rence sexuelle, que son sexe est devenu inadĂ©quat, celui dont il Ă©tait si fier, est devenu inadĂ©quat pour lui permettre de s’autoriser dans le monde. Ce qui est, et vous le verrez avec la suite de cette remarquable affaire, ça vaut vraiment Conan Doyle et tous les policiers, c’est qu’effectivement, Ă  la maison, le phallique, le phallicisme est supportĂ© par les femmes, et y compris maintenant par la petite sĹ“ur. De telle sorte que pendant que le père est lĂ , avec son carnet de notes Ă  observer les choses, il ne voit pas que le petit Hans maintenant est dans un Ă©tat de dĂ©shĂ©rence. Et ceci donc a l’avantage d’introduire (la prochaine fois, on va frapper les trois coups) Ă  l’acte suivant, et donc il est merveilleux et normal qu’il se dĂ©roule comme d’habitude dans l’aveuglement Ă©clairĂ© des personnages. Alors donc je vous rĂ©serve, je rĂ©serve Ă  votre attention la suite qui, vous le verrez, d’abord expose, propose des surprises… Pour votre amusement, je peux vous dire que Lacan est allĂ© sur des cartes de la ville de Vienne, rechercher les parcours qu’effectuait le petit Hans avec sa bonne et oĂą il Ă©tait frappĂ© de sa phobie des chevaux. Il est allĂ© Ă©crire la topologie, ses parcours, je crois que ça lui a rien donnĂ© d’ailleurs, mais enfin il l’a tentĂ©.

Une petite remarque encore, pour ajouter au dynamisme, Ă  la dynamique interne de cette affaire. La mère et le père Ă©taient donc en analyse chez Freud. Et Ă  l’évidence, Freud avait investi le papa, le papa Graf, et semblait ne pas tenir en grande estime la maman. Je pense qu’il devait la prendre pour une sotte ou… Et il est vraisemblable que la maman s’est vengĂ©e, dans sa maison, et en particulier auprès de ses enfants, et Ă©galement dans ce qui a Ă©tĂ© sa vie ultĂ©rieure puisque… après, ensuite, tout ça terminĂ©, et y compris son propre sĂ©jour chez Freud, elle s’est rĂ©pandue en propos peu amènes sur Freud et Ă©galement sur l’utilitĂ©, ou plutĂ´t l’inutilitĂ© de la cure. Et tout laisse Ă  penser que ce qui est restĂ© lĂ  en chantier et inanalysĂ©, c’était la manifestation de la fixation de Freud sur papa Graf, sur le père, qui devait ĂŞtre un homme intelligent, et qui en outre lui fournissait cette observation directe, ce qui pour Freud Ă©tait Ă©videmment très prĂ©cieux, très important, et que la maman a ainsi, dans le foyer, retournĂ© la situation, et dans ce qui est restĂ© son insatisfaction de la relation Ă  Freud et Ă  la psychanalyse. Mais on aura l’occasion… ce sont Ă  la fois des Ă -cĂ´tĂ©s mais en mĂŞme temps, vraisemblablement, des Ă©lĂ©ments dĂ©terminants de ce qui a Ă©tĂ© l’alternative pour le petit Hans, c’est-Ă -dire la question de savoir… il pensait que la transmission se faisait du cĂ´tĂ© paternel, tout bĂŞtement, et puis voilĂ  qu’il s’est aperçu que c’était sa petite sĹ“ur, Anna, qui bĂ©nĂ©ficiait du privilège d’une transmission qui faisait d’elle la crĂ©ature phallique par excellence, et prĂ©fĂ©rĂ©e par la mère. Le petit Hans n’ayant lui-mĂŞme manifestement rien Ă  lui offrir qu’une cochonnerie. C’est donc Ă  la fois une situation dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle est banale, et qu’elle n’a ici que le mĂ©rite, comment dirais-je ? De venir Ă©crire la première tragĂ©die. Ça se passe comme dans une tragĂ©die, et y compris, vous le savez sans doute dĂ©jĂ , l’intervention dernière, qui est vraiment celle d’un deus ex-machina, intervention… une phrase, qui va tomber, c’est gĂ©nial ! et qui va faire quoi ? Alors ce sera justement ce que, avec Lacan, nous rĂ©interrogerons. Elle va faire quoi, cette phrase ?

Alors pour ceux qui aiment les anecdotes, mais ce ne sont pas seulement des anecdotes, il y a un bonhomme qui est l’un des… des fabricants du Livre noir de la psychanalyse, qui s’est donnĂ© la peine d’aller rechercher - C’est un travail ! Faut vraiment avoir une haine bien vissĂ©e au corps - toutes les vies des patients de Freud. Ça s’appelle d’ailleurs Les patients de Freud, c’est Ă©ditĂ© par je ne sais pas qui. Alors, ça fait un petit peu exploration des poubelles, un peu ce caractère, nĂ©anmoins il est certain que sur ce qu’il en est de la mère du petit Hans, dont on ne savait pas grand’ chose, le nom de famille que l’on ne savait pas - Lacan ignorait qu’il s’appelait Graf ; puisqu’on verra plus tard, vous le savez, vous vous en souvenez, une girafe chiffonnĂ©e -, et puis Ă©galement ce qu’il en Ă©tait du père, et puis aussi bien sĂ»r le destin ultĂ©rieur du petit Hans. Donc je ne vous recommande pas le livre mais… il a le mĂ©rite de nous rappeler que la psychanalyse s’est forcĂ©ment construite dans un milieu microbien tout Ă  fait privilĂ©giĂ©, c’est forcĂ©. Tous ces gens vivaient au milieu de tous les microbes, et je dirais qu’ils ont plutĂ´t Ă©tĂ© dignes dans une situation aussi polluĂ©e, et oĂą eux-mĂŞmes Ă©videmment… comme lorsque Freud Ă©voque le fait que si l’analyste c’est en mĂŞme temps un père, ou si y a les deux, c’est-Ă -dire qu’il Ă©voque Ă©videmment ce qui aurait Ă©tĂ© pour lui le fait d’avoir eu un père qui aurait Ă©tĂ© un peu plus Ă©clairĂ© et averti sur ce qu’il en est de la sexualitĂ© des enfants, on parle toujours de soi, forcĂ©ment. Et qu’est-ce que ce serait un père qui, vis-Ă -vis de ses enfants, serait Ă©clairĂ© ? Comment il se comporterait ? Une mère aussi, d’ailleurs. Evidemment, peut-ĂŞtre qu’elle Ă©viterait de parler de cochonnerie, du genre Â« ah ben bon, prends ton manteau et ta culotte, et puis va-t’en Â», quelque chose comme ça. Mais si elle le faisait, si elle Ă©vitait ça, ça manquerait de sel. Il faut du sel, quand mĂŞme.

VoilĂ , donc c’est une… ce qui est mis lĂ  aujourd’hui Ă  l’examen pour nous c’est une remarquable… comment dirais-je ? Vous avez sans cesse l’impression d’être au plus près de la vie, de la façon dont la vie est faite, avec tous ses balbutiements, toutes ses erreurs, et en mĂŞme temps une espèce d’inflexibilitĂ©, l’impression d’un destin, et ce sera celui de Hans Ă©videmment. 

Notes