Lene Scharling : La "Lalangue" de Lacan, quand cela parle - L'instant

La question que Freud pose sur le savoir en psychanalyse ouvre un débat encore essentiel. C’est en suivant Lacan dans sa lecture de Freud et de son expérience clinique que va être articulée la définition de « lalangue » portant sur le savoir et le champ de la psychanalyse.

 

Que veut dire Lacan avec lalangue ? Que-ce qu’il nous fait remarquer ? De quelle façon lalangue dit-elle quelque chose sur l'individuel, sur l'universel et sur la vie sociale ?

Cet article va suivre point par point la première définition que Lacan donne de lalangue dans la leçon du 4 novembre 1971 de son Séminaire, Le savoir du Psychanalyste. D’autres extraits des Séminaires de Lacan seront apportés lorsqu’ils donneront un éclairage spécifique de ce que Lacan a développé lui-même par la suite.

 

Depuis son enfance Freud a connu plusieurs langues au sein de sa famille (Yerushalmi Zakhor : histoire juive et mémoire juive 1991). Il a appris la langue allemande et il obtient même le prix de Goethe (1930). Freud fonde ainsi à partir de la recherche clinique et théorique sur l'inconscient - les mots d’esprits, lapsus et rêves -, la psychanalyse non pas sur des univoques langagiers, mais sur le fait que depuis les nuits des temps le langage est un système composé d'éléments qui peuvent avoir plusieurs sens (Freud L’intérêt 1913 :111 [Das Interesse an der Psychoanalyse 1913 :327], en référence aux hiéroglyphes égyptiens). L’inconscient a donc à voir avec le langage, peu importe quelle langue, comme Freud le constate.

 

Le malaise relevait pour Freud d’un refoulement du sexuel trop sévère. La solution semblait être la levée de ce refoulement pour plus de liberté sexuelle. L’autre malaise, dans la culture (Freud Le malaise dans la culture [Das Unbehagen in der Kultur] 1929), est alors que le désir sexuel n’est pas seulement l’affaire du partenaire, mais comme déjà dit chez Freud, et comme Lacan va le relever, il s’agit d’un objet de désir toujours hors d’atteinte, comme en dehors du cadre habituellement posé par le mariage. Pour la femme l’homme est insuffisant, pour l’homme il désire toujours ailleurs.

C’est que l’objet du désir n’est jamais saisissable tel quel. Pour que cet objet fonctionne il est nécessaire que le sujet, ce qui est caractéristique d’un sujet, ne soit pas satisfait. Charles Melman nous dit que Freud nous a fait croire que nous pouvions être satisfaits et que Lacan constate qu’il n’y a pas de rapport sexuel, que notre insatisfaction fait partie « du symptôme comme central de la vie sexuelle » (Melman La Nouvelle Economie psychique 2009).

 

 

L'inconscient est structuré comme un langage

 

Lacan écrit lalangue pour la première fois dans le Séminaire Le savoir du Psychanalyste. Lacan prend « ce terme saussurien, la langue que », dit-il, « j’écrirai désormais en un seul mot, et je justifierai pourquoi » (Lacan Le savoir du Psychanalyste 1971-72 :14b).

 

La référence à Saussure porte sur l’ouvrage Cours de linguistique générale qui parle de la question de l’objet de la linguistique. Cet objet est le mot parlé (voir aussi Annexe I sur Saussure). De cet objet Saussure dit ainsi : « Quelqu’un prononce [un mot] […]. Selon la manière dont on le considère : comme son, comme expression d’une idée, comme correspondant [d’une autre langue] etc. [b]ien loin que l’objet précède le point de vue, on dirait que c’est le point de vue qui crée l’objet […] » (Saussure 1916 :23).

 

Lacan prend appui sur sa propre formulation : l'inconscient est structuré comme un langage ; et il précise : « Je n’ai pas dit que l'inconscient est structuré comme lalangue, mais est structuré comme un langage » (Lacan Le savoir :14b).

 

C’est en écrivant lalangue de façon nouvelle que Lacan différencie ce qui est dit de ce qui est écrit.

Et encore c’est par « la lalangue » (Lacan Encore 1972-73 :223), où Lacan insiste sur le double déterminant, qu’il attire l'attention sur le savoir. La doublure du déterminant met l’accent sur le fait que ce savoir est commun à toutes les langues. (voir infra)

 

 

Distinguer la forme de la structure

 

Forme : mots, poésie, rhétorique, la créativité et la persuasion

 

Lacan va préciser au début du Savoir (page 14b) que lalangue n’est pas l’affaire d’un simple vocable qui se laisse définir comme tel. Il dit : « […] lalangue n’a rien à faire avec le dictionnaire, quel qu’il soit. Le dictionnaire a à faire avec la diction, c’est-à-dire avec la poésie et avec la rhétorique par exemple. C’est pas rien, hein ? Ça va de l’invention à la persuasion, enfin, c’est très important. Seulement, c’est justement pas ce côté-là qui a affaire avec l’inconscient » (Lacan Le Savoir :13a 14b).

La forme (mots, poésie, rhétorique, …) que prend une langue, voir sa couleur (voir infra), n’a donc rien à faire avec lalangue.

 

La structure : L'inconscient à faire avec la répétition

 

Lacan poursuit : « [...] l’inconscient a à faire d’abord avec la grammaire. Il a aussi un peu à faire, beaucoup à faire, tout à faire, avec la répétition, c’est-à-dire le versant tout contraire à ce à quoi sert un dictionnaire » (Le savoir :13a 14b). Lacan dit que « le versant utile dans la fonction de lalangue, le versant utile pour nous psychanalystes, pour ceux qui ont affaire à l’inconscient, c’est la logique. » (Le savoir :13a 14b). (Voir aussi : Lacan L’Étourdit in Scilicet 1973).

 

C’est dans les Quatre concepts (Lacan L’inconscient et la répétition in Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse 1964) que Lacan insiste sur l’inconscient et la répétition désignant une logique. Ce premier travail sur la technique de Freud (Lacan Écrits techniques 1953-54) et sur l’inconscient abouti à une logique sur la répétition concrétisée dans Le séminaire de « La lettre volée » (in Écrits 1952-1954 et 1966) où Lacan fonde cette logique. C’est une logique qui est aussi en lien avec La Répétition [Gjentagelsen] de Kierkegaard (1843), comme Rodolphe Adam le montre dans son ouvrage Lacan et Kierkegaard (Adam 2005). La répétition kierkegaardienne est la discussion de savoir si une répétition est possible. La répétition c’est de retrouver à partir du passé un renouvellement en avant situé à partir de l’instant présent (Scharling 2013).

Freud dit dans L’avenir d’une illusion : « […] les hommes vivent en général leur présent comme avec naïveté, sans pouvoir en apprécier les contenus ; ils doivent d’abord prendre de la distance par rapport à lui, c’est-à-dire que le présent doit être devenu le passé si l’on veut en retirer des points de repère pour porter un jugement sur ce qui est à venir » (Freud L’avenir d’une illusion 1927 :146)

A ce propos nous pouvons mettre en parallèle la méthode de Lacan de : « Repenser Freud » (Lacan L’objet de la psychanalyse 1965-66 :344). Lacan souligne : « Repenser, voilà ma méthode. Mais j’aime mieux ce second mot, si justement vous penchant sur lui pour le dévisser quelque peu, vous vous apercevez que le mot méthode peut exactement vouloir dire : voie reprise par après » (Lacan L’Objet 1965-66 :344).

La méthode de Lacan relève de la répétition, c’est avec cette logique et logique topologique de la répétition qu’il dégage ainsi ce nouveau la lalangue (voir infra).

 

Lacan fait ici aussi référence à Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse (Lacan « Rapport du congrès de Rome » in Écrits 1953), pour remarquer une différence : « c’est le langage où l'on peut distinguer le code du message, entre autre. Sans cette distinction minimale il n’y a pas de place pour la parole. » (Le savoir :17b).

« Distinguer le code du message » est une référence à Roman Jakobson, une distinction que Lacan souligne. Le code est alors l’énoncé littéral et son contenu supposé ce que l’analysant croit dire à l’analyste : « Ce que son analysant croit lui dire, […] ce que l’analyste écoute, ne peut être pris, comme on s’exprime, au pied de la lettre » (Le savoir :113). La vérité, on ne peut que la mi-dire (Le savoir :35a 34b; 69b). Le message a plutôt à voir avec le savoir, comme Lacan va l’amener à partir de l’inconscient et de l’énoncé : il n’y a pas de rapport. (voir infra)

 Lacan continue : « C’est pourquoi quand j’introduis ces termes, je les intitule Fonction et champ de la parole – pour la parole, c’est la fonction – et du langage – pour le langage, c’est le champ. La parole, la parole définit la place de ce qu’on appelle la vérité » (Le savoir :16a 17b). (Vérité, voir infra)

 

Le champ peut aussi être considéré comme le plan. Le plan comme surface non orientable dans la topologie, comme, entre autres, la bande de Moebius et la théorie des nœuds dont l’entrelacs borroméen.

 

Plus tard Lacan va reprendre cette question des formes qui peuvent être différentes tandis que la structure advient de façon logique. C’est dans L’insu que Lacan le développe : « Ici importe la distinction de la forme et de la structure. […] Est-ce que la forme est quelque chose qui prête à la suggestion ? Voilà la question que je pose, et que je pose en avançant la primauté de la structure » (Lacan L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre 1976-77 :36a 38b).

 

A partir de la logique de la répétition, c’est entre la structure et des formes des langues que le savoir se déploie porté par la parole. Quel-est donc ce savoir ?

 

 

Le savoir

 

« Est-ce qu’il y a besoin de démontrer qu’il y a dans la psychanalyse, fondamental et premier, le savoir ? C’est ce qu’il va me falloir vous démontrer » (Le savoir :14a 15b). Lacan se réfère à l'article de Freud dans Imago de 1917 sur Une difficulté sur la voie de la psychanalyse où Freud constate que la conscience du traumatisme ne change pas la problématique du trauma. Lacan reprend : « […] [C]’est que le savoir dont il s’agit, il ne passe pas aisément comme ça » (Le savoir :15a).

Lacan confirme que pour Freud la « résistance, [est] d’une appréhension permanente » et il dit : « Pourquoi ne pas oser le dire ? Nous avons tous nos glissements, c’est surtout les résistances qui favorisent les glissements » (Le savoir :16b.).

Lacan dit que Freud tombe dans un travers « lorsqu’il pense que contre les résistances il n’y a qu’une chose à faire, c’est la révolution » (ibid.). Freud masque ainsi la fonction du savoir en confondant la révolution avec le faire dans le savoir. La révolution de Copernic, c’est qu’il « avait remis le soleil au centre et la terre à tourner autour » (ibid.). Pour Lacan cela ne change pas ce qui insiste. Un autre argument ou « blow » (ibid.) - effet de Freud -, dit Lacan, est le biologique selon Darwin où l’homme a mis du temps à se remettre de la nouvelle annonce « qui mettait l’homme en relation de cousinage avec les primates moderne » (ibid.). Ces deux blows, dit Lacan, sont « plutôt exaltant[s] pour ce qui est du narcissisme » (ibid.). « [C]osmologie ou biologie [évolutionnisme darwinien] laissent l’homme à la place de la fleur de la création » (ibid.).

L’homme est ainsi dépendant de l’effet de son imaginaire, dépendant de l’idée qu’il s’en fait.

Lacan continue : « Freud explique la résistance à la psychanalyse par ceci, c’est ce qui est atteint, c’est à proprement parler cette consistance du savoir qui fait que quand on sait quelque chose, le minimum qu’on puisse en dire, c’est qu’on sait qu’on le sait. Laissons ce qu’il évoque à ce propos, car c’est là l’os, ce qu’il ajoute, à savoir la peinturlure en forme de Moi qui est fait là autour, c’est à savoir que celui qui sait qu’il sait, ben c’est moi. » (ibid.).

Lacan rajoute que « cette référence au Moi est seconde par rapport à ceci qu’un savoir se sait, et que la nouveauté, ce que la psychanalyse révèle, c’est un savoir in-su à lui-même » (ibid.).

 

C’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire de montrer de quel savoir il s’agit. Ce qui est dit, ce sont des signifiants essentiels. Il ne s’agit pas d’une prise de conscience. C’est la division du sujet qui est amené à retrouver UN sens (Encore 1972-73). En suivant le développement de Lacan dans Fonction et champ de la parole, c’est de la dialectique de l’être qu’il s’agit, de l’être ontologique des Grecs, l’être ontologique comme Hegel et Kierkegaard en parlent. C’est de l’être qu’il s’agit. « [… A] tout avènement de l’idée, à l’exhaustion de l’être qui se consomme dans la répétition de Kierkegaard » (Lacan Fonction et champ de la parole et du langage in Écrits 1966 :292-293).

Le jeune Kierkegaard cherchant son devenir dit : « Qu’est-ce que la vérité sauf que de vivre pour l’idée. Tout reposera in fine sur un postulat. [… C]’est ce qui me manque et c’est vers cela que je m’efforce. » (Kierkegaard 1835).

Le point de vue précède l’objet, comme le dit Saussure (voir supra), et comme Lacan va le relever dans Le séminaire sur « La lettre volée », un objet qu’il fonde à partir de Freud (voir infra).

 

Lacan met entre parenthèses, dans Le savoir, la référence suivante : «[L’]animal précisément, où personne ne songe à s’étonner qu’en gros l’animal sache ce qu’il lui faut, à savoir que, si c’est un animal à vie terrestre, il s’en va pas plonger dans l’eau plus d’un temps limité, il sait que ça ne lui vaut rien » (Le savoir :16b).

 

Le savoir, comment le cerner alors ? Lacan met l’accent sur ce qui surgit : « Si l’inconscient est quelque chose de surprenant, c’est que ce savoir, c’est autre chose, c’est ce savoir dont nous avons l’idée, combien d’ailleurs peu fondée depuis toujours, puisque ce n’est pas pour rien qu’on a évoqué l’inspiration, l’enthousiasme, ceci depuis toujours, c’est à savoir que le savoir in-su dont il s’agit dans la psychanalyse, c’est un savoir qui bel et bien s’articule, est structuré comme un langage » (Le savoir :15a,16b). (voir infra [vieles gemeinsam])

 

C’est-à-dire que ce qui fait surprise c’est un savoir dans le sens comme Freud en  donne dans Au-delà du principe de plaisir : « l’effroi, la peur, l’angoisse […] le moment [ou l’instant (tr.aut.)] de la surprise  [Schreck, Furcht, Angst […] das Moment der Überraschung] » (Freud Au-delà du principe de plaisir [Jenseits des Lustprinzips] 1920).

Ce qui surprend à avoir avec l’inconscient et avec la répétition (voir supra). Freud avait déjà souligné en 1913 la question de l’inconscient et donc de la répétition comme dans L’intérêt philosophique : « La philosophie, à vrai dire, s’est occupée de façon répétée [wiederholt] du problème de l’inconscient, mais sur ce point ses représentants – à quelques exceptions près – ont adopté l’une des deux positions qu’il faut maintenant mentionner. Ou bien [Entweder] leur inconscient était quelque chose de mystique, d’insaisissable et d’indécelable, dont la relation à l’animique restait dans l’obscurité, ou bien [oder][1]  ils ont identifié l’animique avec le conscient et ont ensuite déduit de cette définition que quelque chose d’inconscient ne pouvait être rien d’animique et ne pouvait être un objet [Gegenstand] de la psychologie » (Freud L'intérêt philosophique in L’intérêt de le psychanalyse 1913 :112 [Das philosophische Interesse in Das Interesse an der Psychoanalyse 1913 :329][2] Freud continue : « Les philosophes ont porté un jugement sur l’inconscient sans connaître les phénomènes de l’activité animique inconsciente, donc sans soupçonner dans quel mesure ils se rapprochent des phénomènes conscients et en quoi ils s’en différencient. » (ibid. :113).

Qui sont les philosophes critiqués ici ? Sont-ils Kierkegaard [Ou bien … Ou bien], Hegel ou peut-être Nietzsche ?

Freud continu son développement : « Car l’inconscient [unbewust], du côté de sa relation au conscient avec lequel il a tant de choses en commun [vieles gemeinsam], est facile à décrire et à suivre dans ses développements ; l'approcher du côté du procès [ou processus (tr.aut.)] physique apparaît par contre encore totalement exclu à présent. Il doit donc rester objet de la psychologie » (ibid.). (voir supra)

Freud défini ainsi ce qui sépare conscience et insu. C’est-à-dire, que le fait que l’inconscient n’est pas quelque chose qui est caché, mais qui est présent dans ce qui se dit, présent dans ce qui s’entend et facile « à décrire et à suivre dans ses développements », que c’est alors à partir de ce vieles gemeinsam, de ce beaucoup en commun, qu’il est possible de tirer des  conséquences.

Est-ce que c’est à partir de ceci de Freud que Lacan poursuit que le savoir, qui n’est pas su, l’in-su, « s’articule, est structuré comme un langage » (Le savoir :15a,16b) ?

 

La résistance énigmatique est alors apparentée au savoir. L’énigme des rêves, des actes manqués, des lapsus sont des moments de surprises, des arrêts ou des surgissements, comme des moments, des instants, de ce savoir. Un savoir qui laisse celle-ci opérer en insistant sur une distance, c’est-à-dire un manque entretenu vis-à-vis de l’objet. Lacan dit : « C’est dans la mesure où le signifiant ne vous arrête pas que vous comprenez » (Le savoir :91), où comprendre n’est justement pas le savoir. (Voir infra).

Lacan va ensuite définir cinq points à partir de l'inconscient est structuré comme un langage : la vérité, la jouissance, le réel, le corps et qu’il n’y a pas de rapports (Le savoir :17b).

 

 

Les cinq points de

l'inconscient est structuré comme un langage

 

Lacan commence par poser la question: « Un langage ? Lequel ? Et pourquoi ai-je dit un langage ? » (Le savoir :17b), et il répond: « […] si je dis que si je parle de langage, c’est parce qu’il s’agit de traits communs à se rencontrer dans lalangue. Lalangue étant elle-même sujette à une très grande variété, il y a pourtant des constantes » (ibid.).

 

Ces traits, traits d'identification, Lacan les amène à partir de Freud qui définit trois identifications (Freud L’identification in Psychologie des masses et analyse du moi [Die Indentifizierung in Massenpsychologie und Ich-Analyse] 1921). Il y a l'amour, c’est l'identification avec le père, c’est l'amour du père. Il y a chez la jeune fille aussi, en dehors de l’amour pour le père, une formation de symptôme qu’elle obtient [bekomme] de sa mère, c’est l'identification hystérique. La troisième à la quelle Freud fait référence c’est l'identification qui se fait à partir de seulement un trait uniques [nur einen einzigen Zug] (Freud L’identification 1921), que Lacan appelle le trait unaire : « Ce trait unaire nous intéresse parce que, comme Freud le souligne, ce n’est pas quelque chose qui a affaire spécialement avec une personne aimée. Une personne peut être indifférente à un trait unaire choisi comme constituant la base d’une identification. […] » (L'insu 1976-1977 :10a).

Le trait d’identification par amour pour le père peut aussi amener le sujet à penser qu’il devait sacrifier le sexuel soit à Dieu, soit peut-être à un père imaginaire. (Melman La nouvelle 2009 :22). Charles Melman fait une distinction supplémentaire entre le trait familial lié à l’amour et donc dialectique envers l’autre, et le trait identificatoire d’une collectivité, ce trait qui s’apparente à « une identification juste, authentique, totalitaire, sans reste d’un autre ». C’est alors un intégrisme, qui absorbe tous les différences dans un idéal. (Melman Identités 2015 non-édité)

 

Dans le séminaire L’insu Lacan souligne que lalangue a avoir avec le mot d'esprit ou avec, pourrait-on rajouter, avec « le survenu [Einfall] d'une pensée », comme Freud l’écrit également (Freud La négation [Die Verneinung] 1925).

Lacan dit dans L’insu : « […] pourquoi est-ce qu’on s’oblige dans l’analyse des rêves, qui constitue une-bévue comme n’importe quoi d’autre, comme un acte manqué [note aut.: Fehlleistung (faux action, faute ou rattage [Fehl] dans une suite [leistung] (tr.a.))], à ceci près qu’il y a quelque chose où l’on se reconnaît. On se reconnaît dans le trait d’esprit, parce que le trait d’esprit tient à ce que j’ai appelé lalangue, on se reconnaît dans le trait d’esprit, on y glisse et là-dessus Freud a fait quelques considérations qui ne sont pas négligeables. Je veux dire que l’intérêt du trait d’esprit pour l’inconscient est quand même lié à cette chose spécifique qui comporte l’acquisition de lalangue » (L'insu :9a).

 

Ceci s’apparente au moment kierkegaardien øjeblikket [l’instant] où le sujet divisé est emmené à choisir. Rodolphe Adam le dit ainsi : « Le trait unaire c’est le lieu du sujet lacanien. C’est aussi l’instant kierkegaardien » […] « C’est le trait, einziger Zug de Freud que Lacan a relevé, et qui se trouve dans la dialectique kierkegaardienne comme l’instant paradoxal, étant entre deux arguments, deux états » (Adam 2005).

A distinguer donc, - nous insistons -, le trait identificatoire représentant d’une diversité équivoque et le trait unaire c’est-à-dire l’un seul trait unique univoque n’admettant aucun autre (Melman 2015).

Lacan dit : « A savoir que ce savoir, ce nouveau statut du savoir, c’est cela qui doit entraîner un tout nouveau type de discours, lequel n’est pas facile à tenir, et jusqu’à un certain point n’a pas encore commencé » (Le savoir :17b)

 

De quoi est-ce qu’il s’agit donc dans le savoir inconscient ?

 

 

Vérité

 

Vérité sensible

 

Lacan dit juste avant d’écrire lalangue (Séminaire 1971-1972 Le savoir) : « [...] j’ai insisté sur la différence entre savoir et vérité. Alors, si la vérité, c’est pas le savoir, c’est que c’est le non-savoir. Logique aristotélicienne, tout ce qui n’est pas noir, c’est le non-noir, [...] j’ai articulé que cette frontière sensible entre la vérité et le savoir, c’est là précisément que se tient le discours analytique » (Le savoir :12a).

 

La logique aristotélicienne sur le principe du tiers-exclu dit qu'il n'y a rien au-delà du vrai et faux. Une logique polyvalente prend place ensuite dans la logique aristotélicienne et aussi des siècles plus tard avec Boole (Lacan L'identification 1961-1962: 239). Ce qui se trouve donc dans la langue, dans la chaîne signifiante, et que le dictionnaire et l’étymologie ne relèvent pas, c’est que le tiers-exclu est cette frontière sensible entre la vérité et le savoir.

De cette logique sur la vérité Lacan dit : « […] le vrai se déduit du faux, c’est valable, ça colle, l’implication. La seule chose qu’on peut pas admettre, c’est que du vrai suive le faux. Pas mal foutue la logique ! » (Encore :111)

 

En ce qui concerne le sensible Lacan précise : « Le langage, sans doute, est fait de lalangue. C’est une élucubration de savoir sur lalangue elle-même. Mais l’inconscient est un savoir, un savoir-faire avec lalangue. Ce qu’on sait faire avec la lalangue dépasse, en d’autres termes, de beaucoup ce dont on peut rendre compte au titre du langage. Mais il pose la même question qui est posée par le terme de langage ; il est sur la même voie à ceci près qu’il va déjà beaucoup plus loin, qu’il anticipe sur la fonction du langage, que lalangue nous affecte d’abord par tout ce qu’elle comporte comme effets qui sont affects » (Encore :223).

 

Dans L'instance de la lettre dans les Écrits Lacan donne en illustration un souvenir personnel : « Un train arrive en gare. Un petit garçon et une petite fille, le frère et la sœur, dans un compartiment sont assis l’un en face de l’autre du côté où la vitrine donnant sur l’extérieur laisse se dérouler la vue des bâtiments du quai le long duquel le train stoppe : « Tiens, dit le frère, on est à Dames ! – Imbécile ! répond la sœur, tu ne vois pas qu’on est à Hommes. » (Lacan L'instance de la lettre dans l'inconscient in Écrits 1966 :499).

C’est justement une illustration du défi de la vérité. Ce qui est disputé passe par la vérité de l’affect des impliqués. Comme la référence à Socrate qui dit : « La vérité s’obtient par dialogue »

 

Vérité intelligible

 

De la question sur la vérité et la division, - et en référence à un savoir déjà établi par les Grecs d’une distinction entre le monde intelligible et le monde sensible -, Lacan répond à ceux qui ne voient en la psychanalyse qu’une position d’intellectuels : « Ce que les gens attendent, dénoncent du titre d’intellectualisation, ça veut simplement dire ceci qu’ils sont habitués par expérience à s’apercevoir qu’il n’est nullement nécessaire, il n’est nullement suffisant de comprendre quelque chose pour que quoi que ce soit change. La question du savoir du psychanalyste n’est pas du tout que ça s’articule ou pas, la question est de savoir à quelle place il faut être pour le soutenir. C’est évidemment là-dessus que j’essayerai d’indiquer quelque chose dont je ne sais pas si j’arriverai à lui donner une formulation qui soit transmissible. J’essayerai pourtant » (Le savoir :22a).

C’est ce comprendre qui indique bien que le savoir ne se laisse pas simplement s’apprivoiser.

 

Lacan reprend cela un peu plus loin dans Le savoir : « Une vérité n’a pas de contenu, une vérité qu’on dit une, elle est vérité ou bien elle est semblant, distinction qui n’a rien à faire avec l’opposition du vrai et du faux ; car si elle est semblant, elle est semblant de vérité précisément et ce dont procède l’incompréhension mathématique, c’est que justement la question se pose de savoir si vérité ou semblant, ce n’est pas – permettez moi de le dire, je le reprendrai plus savamment dans un autre contexte – ce n’est pas tout un. » (Le savoir :30ab).

 

Lacan le dit encore d’une autre façon dans L’insu : « Ce que son analysant, à l’analyste en question, croit lui dire, n’a rien à faire — et ça, Freud s’en est aperçu — n’a rien à faire avec la vérité. […] Ce que l’analyste sait, c’est qu’il ne parle qu’à côté du vrai, parce que le Vrai, il l’ignore. Freud là, délire, juste ce qu’il faut, car il s’imagine que le Vrai, c’est ce qu’il appelle, lui, le noyau traumatique. » Lacan continue : « C’est comme ça qu’il s’exprime formellement, à savoir que, à mesure que le sujet énonce quelque chose de plus près de son noyau traumatique, ce soi-disant noyau, et qui n’a pas d’existence, il n’y a que la roulure, que l’analysant est tout comme son analyste, c’est-à-dire […] lalangue que j’écris, on le sait, en un seul mot, dans l’espoir de ferrer, elle, la langue, ce qui équivoque avec faire-réel » (L’insu :114a).

 

Vérité du rapport à l’autre

 

Et Lacan explique de suite : « Lalangue quelle qu’elle soit est une obscénité. Ce que Freud désigne de, — pardonnez-moi ici l’équivoque —, l’obrescène, c’est aussi bien ce qu’il appelle l’autre scène, celle que le langage occupe de ce qu’on appelle sa structure, structure élémentaire qui se résume à celle de la parenté » (ibid.).

 

« La parenté » est une référence à Claude Lévi-Strauss (Lévi-Strauss Les structures élémentaires de la parenté 1948). La parenté s’utilise aussi dans des groupes topologiques ouverts ou fermés, c’est-à-dire dans la définition de voisinage en topologie. Est-ce qu’il y a ainsi une même conséquence entre structure en topologie et structure grammaticale, c’est-à-dire conséquence portant sur le savoir ?

C’est dans Totem et tabou (1912) que Freud définit les clans de totems, des familles et des voisinages ; et qu’il parle en aussi à propos de l’autre scène.

 

Qu’est-ce que l’autre scène, l’obscénité, comme Lacan force le trait, a à voir avec la vérité, et donc avec le savoir ? (voir infra)

Lacan introduit, nous l’avons déjà dit, par le thème de la vérité ce qu’il appelle les traits communs dans lalangue (voir supra). En distinguant le code du message, en distinguant la fonction - la parole -, du champ - le langage -, c’est la parole qui « définit la place de ce qu’on appelle la vérité » (Le savoir :16a 17b) (voir supra). « […C]’est sa structure de fiction, c’est-à-dire aussi bien de mensonge » (ibid.). « À la vérité, c’est le cas de le dire, la vérité ne dit la vérité – pas à moitié – que dans un cas, c’est quand elle dit « je mens ». C’est le seul cas où l’on est sûr qu’elle ne ment pas, parce qu’elle est supposée le savoir […] », continue Lacan. « Mais Autrement, c’est-à-dire Autrement avec un grand A, il est bien possible qu’elle [la vérité] dise tout de même la vérité sans le savoir. C’est ce que j’ai essayé de marquer de mon grand S, parenthèse du grand A, S (A/) précisément, et barré » (ibid.).

 

Sur cette vérité nous amenons ici, - aussi pour des raisons d’un certain humour -, cette critique faite par Lacan de l’ouvrage de Hegel, La Phénoménologie de l'Esprit, où il confirme : «La vérité, c’est Kierkegaard qui la donne » (Lacan Angoisse 1962-1963 :30), où la vérité porte ici sur l’angoisse envers le grand Autre.

Ce qui importe, c’est l’adresse à ce dernier, fût-elle consciente ou pas. (Voir infra)

 

Ce qui se dit n’a pas conscience de la vérité qui s’articule, mais de quelle façon ?

 

 

La jouissance

 

Le deuxième point de l'inconscient structuré comme un langage, s’adresse spécifiquement aux psychanalystes : « Il n’y a pas une interprétation qui ne concerne… quoi ? Le lien de ce qui, dans ce que vous entendez, se manifeste de parole, le lien de ceci à la jouissance. […] Que le bénéfice soit secondaire ou primaire, le bénéfice est de jouissance » (Lacan Le savoir :17a 18b).

Lacan : « Et ça, il est tout à fait clair que la chose a émergé sous la plume de Freud, pas tout de suite, car il y a une étape, il y a le principe du plaisir, mais enfin il est clair qu’un jour ce qui l’a frappé, c’est que, quoi qu’on fasse, innocent ou pas, ce qui se formule, quoi qu’on y fasse, est quelque chose qui se répète. » (ibid. 18a)

 

Lacan se réfère à ces trois textes de Freud - Le principe de plaisir, Le principe de la réalité et Au-delà du principe de plaisir (1920). Selon lui, ces trois principes ne sont pas séparables parce que structurellement c’est ce la même chose, c’est le même désir (Le savoir :18b). C’est le désir qui a à voir avec l’insistance de l’objet. (voir infra)

Lacan constate, à partir de Freud, que ce que le désir souhaite est un objet hors d’atteinte, que c’est un objet au-delà (Freud Au-delà [Jenseits] 1920). Freud a déjà précisé, dans Totem et tabou, que c’est un objet sur l’autre rive, « de l’autre côté d’un fleuve », où le royaume des morts se trouve de l’autre côté d’« une eau qui les sépare […] ; de là sont venues les expressions en-deçà et au-delà [jenseits] » (Freud Totem et tabou [Totem und Tabu] 1912 :266).

 

C’est en lisant Au-delà de Freud que Lacan désigne la genèse [générique] dans les observations des jeux du jeune enfant, où, dans le premier jeu, l’enfant répète le geste de jeter des jouets, en les éloignant sous une commode, et en s’exclament « o-o-o-o ». Dans l’autre jeu l’enfant jette une bobine attachée à un fil en dehors du lit. La bobine devient ainsi invisible parce que caché derrière le rideau qui borde le lit. La bobine est à nouveau tirée dans le lit par le fil. Le commentaire de l’enfant est alors « fort » et « da » selon que la bobine est éloignée ou présent (Freud Au-delà 1920).

 

L’objet est présent quand la bobine est éloignée (Darmon 2004), et l’objet disparait et est ainsi « au-delà » quand la bobine, le représentant de l’objet, est présent (Scharling 2013).

 

De cet objet, l’essentiel se trouve dans le texte de Freud Die Verneinung et aussi dans le traitement qui en fait bien plus tard dans Au-delà : « Nous comprenons, dit Freud, […] une idée incidente vient juste émerger. Ou bien [le patient dit :] « Vous demandez qui peut être cette personne dans le rêve. La mère, cela ne l’est pas. » Nous rectifions : donc c’est la mère » (voir Annexe II) (Freud Die Verneinung 1925).

Par « ce n’est pas la mère » la bobine est présente et l’objet a disparu dans l’au-delà. « La mère, cela ne l’est pas » est en soi vrai. Comme Freud le dit, c’est l’analysant qui n’a aucune envie que cette idée impromptue [Einfall] soit vraie. Parce que la vérité qu’il devrait y avoir en cela est inacceptable et alors insu-pportable. Littéralement il n’est pas possible de supporter l’inconscient.

Lacan dit dans L’insu : « […] le contraire de la Verneinung ne donne pas la Vérité. […] Et ce à quoi se reconnaît typiquement la Verneinung, c’est qu’il faut dire une chose fausse, pour réussir à faire passer une vérité. Une chose fausse n’est pas un mensonge, […] » (L’insu :90).

 

Dans Le savoir Lacan insiste : « […] quoi qu’on fasse, innocent ou pas, ce qui se formule de ce Je, une vérité s’énonce, ce qui se formule, quoi qu’on y fasse, est quelque chose qui se répète. L’instance, ai-je dit, de la lettre […] » (Le savoir :17a 18b).

Lacan reprend l’argument de Freud dans Au-delà, où c’est le principe de plaisir qui se trouve dans la répétition. Lacan le reformule comme la jouissance en tant qu’étalon de la répétition (Lacan RSI 1974-75 :98), où « [… le] symptôme a le sens de valeur de vérité (Le savoir :28).

Le symptôme et l’insistance, Lacan y revient dans L’insu : « Ce que l’analysant dit en attendant de se vérifier, ce n’est pas la vérité, c’est la varité du symptôme » (L’insu :117a).

Ce qui se répète sera alors le désir du même, une qualité qui n’est pas possible, puisque il n’y a pas de répétition à l’identique possible.

 

« Et si j’emploie instance, […] c’est qu’instance résonne aussi bien au niveau de la juridiction, elle résonne aussi au niveau de l’insistance, où il fait surgir ce module que j’ai défini de l’instant au niveau d’une certaine logique » (Savoir :18b).

Lacan fait là référence au sophisme des trois prisonniers qui obtiendront leur liberté au moment de donner la bonne réponse à une énigme posée. Les trois étapes logiques qui amènent les prisonniers à la libération ne font pas partie d’un raisonnement logique purement formel mais est lié au savoir humain nécessaire pour lever l’énigme sophiste. La première étape est l’instant de voir, où le visuel (de vision ou de regard, comme Lacan pose la question) a à voir avec ce qui insiste, et donc relève de la répétition. Les trois moments, Lacan les résume à : l’instant de voir, le temps de comprendre et le moment de conclure (Lacan Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée 1945 in Écrits 1966 :197).

 

Ce n’est pas un hasard que ce soit de l’instant [øjeblikket] de Kierkegaard dont il s’agit. L’instant du regard [blik-ket], de l’œil [un œil, et øje], l’instant du regard que Kierkegaard échange avec Régine. C’est ce qui insiste dans cet instant qui va mettre Kierkegaard dans un dilemme sa vie durant (Adam 2005).

 

De la jouissance dans la cure elle-même, Lacan dit qu’elle n’est pas seulement le plaisir, puisque même le plaisir sous forme négative est une jouissance. C’est ainsi que Freud distingue du simple plaisir [Lust], ce qu’il va appeler la libido. Lacan dit un peu plus tard : « Le savoir, lui, est de l’ordre de la jouissance » (Le savoir :23).

 

 

Le réel

 

Le troisième point, que Lacan nomme, est ainsi ce qui insiste : « […] ce qui résulte de l’insistance avec laquelle l’inconscient nous livre ce qu’il formule, c’est que si d’un côté notre interprétation n’a jamais que le sens de faire remarquer ce que le sujet y trouve, qu’est-ce qu’il y trouve ? Rien qui ne doive se cataloguer du registre de la jouissance. » (Le savoir :18a).

Lacan n’en dit pas plus à cet endroit. C’est plus tard dans le séminaire qu’il parle du réel : « la seule question, la question très intéressante, c’est de savoir comment quelque chose que nous pouvons, momentanément, dire corrélatif de cette disjonction de la jouissance sexuelle, quelque chose que j’appelle lalangue, évidemment que ça a un rapport avec quelque chose du réel […] » (Le savoir :39a).

Ce qui est important ici c’est le Réel, où le Réel est apparenté à l’impossible ; un impossible qui lui est su. (voir infra)

 

 

Le corps

 

Le quatrième point est cette question : « où est-ce que ça gîte, la jouissance ? » Lacan répond : «Qu’est ce qu’il y faut ? Un corps. Pour jouir, il faut un corps. Même ceux qui font promesse des béatitudes éternelles ne peuvent le faire qu’à supposer que le corps s’y véhicule ; glorieux ou pas, il doit y être. Il faut un corps. Pourquoi ? Parce que la dimension de la jouissance pour le corps, c’est la dimension de la descente vers la mort » (Le savoir :19a).

C’est ce que Freud annonce quand il annonce le principe de plaisir, et Lacan poursuit : « [L]e principe du plaisir n’a rien à faire avec l’hédonisme. Même s’il nous est légué de la plus ancienne tradition. Il est en vérité le principe du déplaisir » (Le savoir :19b).

Lacan dit que Freud se trompe quand il dit qu’il s’agit d’ « abaisser la tension » : « C’est le principe même de tout ce qui a le nom de jouissance, de quoi jouir, sinon qu’il se produise une tension » (ibid.). C’est pour cela que Freud est obligé de saisir qu’il y a quelque chose qui dépasse le principe de plaisir, dit Lacan : «qu’est-ce qu’il nous énonce dans Malaise dans la civilisation [Das Unbehagen in der Kultur], sinon que très probablement bien au-delà de la répression dite sociale, il doit y avoir une répression – il l’écrit textuellement – organique » (ibid.).

Lacan fait référence à la relation de Kant avec Sade dans ses Écrits et rappelle, quoique les publications de Sade fussent moins répandues à son l’époque, que : « la jouissance - qui vraiment est de l’ordre de l’érotologie – [est] à la porté de n’importe qui » (Le savoir :20).

 

C’est à partir du thème de l’instinct de mort [Totestrieb, pulsion de mort] de Freud que Lacan affirme : « […] le seul acte, somme toute, s’il y en a un qui serait un acte achevé - […] il n’y en a pas, ni de discours, ni d’acte tel - serait, s’il pouvait être, le suicide. » Lacan fait référence à Freud : « Il nous le dit pas comme ça, en cru, en clair, comme on peut le dire maintenant […] que la doctrine a un tout petit peu frayé sa voie et qu’on sait qu’il n’y a d’acte que raté et que c’est même la seule condition d’un semblant de réussir » (Le savoir :20b). Lacan insiste : « C’est bien en quoi le suicide mérite objection. C’est qu’on n’a pas besoin que ça reste une tentative pour que ce soit de toute façon raté, complètement raté du point de vue de la jouissance » (ibid.).

 

Lacan remarque que chez l’être parlant toute une gamme de la jouissance a été mise en évidence par Freud : « Je veux dire tout ce qu’on peut faire à convenablement traiter un corps, voire son corps, tout cela, à quelque degré, participe de la jouissance sexuelle. Seulement, la jouissance sexuelle elle-même, quand vous voulez mettre la main dessus, si je puis m’exprimer ainsi, elle n’est plus sexuelle du tout, elle se perd » (Le savoir :20a 21b).

Dans le séminaire … Ou pire, tenu la même année, Lacan amène ceci : « Parce que ce qui est important, ce n’est pas le rapport avec ce qui jouit, de ce que nous pourrions croire notre être, l’important quand je dis qu’on ne jouit que de l’Autre, est ceci, c’est qu’on n’en jouit pas sexuellement — il n’y a pas de rapport sexuel — ni n’en est-on joui. Vous voyez que lalangue, lalangue que j’écris en un seul mot, lalangue qui est pourtant bonne fille, ici, résiste. Elle fait la grosse joue. On en jouit, il faut bien le dire, de l’Autre, on en jouit mentalement » (… Ou pire :78a).

C’est alors à partir de la résistance du corps que la vérité se fraye un chemin à partir de l’autre, cet autre n’étant pas l’objet, et passe à un au-delà, c’est-à-dire à un Autre, le grand Autre barré pour le sujet (S/A) ?

 

Suite à une critique que lalangue ne sera que de pensées, Lacan rappelle qu’elle, lalangue, ne pense qu’à ça : « Que l’idéalisme avance qu’il ne s’agit que de pensées, pour en sortir, lalangue qui est bonne fille, mais pas si bonne fille que ça, […] je vais quand même pas avoir besoin d’écrire pour vous prier de faire consonner ce que autrement... enfin, s’il faut vous le faire entendre, q.u.e.u.e., queue de pensées […] Vous l’avez donc bien entendu, il faut savoir de quoi on parle. Ou le donc je suis n’est qu’une pensée, à démontrer que c’est l’impensable qui pense, ou c’est le fait de le dire qui peut agir sur la Chose, assez pour qu’elle tourne autrement. Et c’est en cela que toute pensée se pense, de ses rapports à ce qui s’en écrit » (… Ou pire :79a).

Est-ce alors le renouvellement du savoir à travers ce qui se dit de ce qui s’écrit ?

 

 

Il n’y a pas de rapport sexuel

 

« [C]e qu’il y a à approfondir, c’est le cinquième point », dit Lacan, qui insiste sur le fait : « [qu’]il n’y a pas de rapport sexuel. Bien entendu, ça paraît comme ça un peu zinzin, un peu éffloupi. Il suffirait de baiser un bon coup pour me démontrer le contraire. Malheureusement, c’est la seule chose qui ne démontre absolument rien de pareil, parce que la notion de rapport ne coïncide pas tout à fait avec l’usage métaphorique que l’on fait de ce mot tout court, rapport : « ils ont eu des rapports ». C’est pas tout à fait ça » (Le savoir :20a 21b).

Sur l’usage métaphorique Lacan note plus loin que « […] la métaphore, c’est à faire surgir un sens qui en dépasse de beaucoup les moyens » (Le savoir :33).

Puis Lacan continue : « On peut sérieusement parler de rapport, non seulement quand l’établit un discours, mais quand on l’énonce, le rapport. Parce que c’est vrai que le réel est là avant que nous le pensions, mais le rapport c’est beaucoup plus douteux ; non seulement il faut le penser, mais il faut l’écrire. Si vous n’êtes pas foutus de l’écrire, il n’y a pas de rapport » (Le savoir :20a 21b).

 

Lacan dit qu’il y a « une thèse : il n’y a pas de rapport sexuelc’est de l’être parlant que je parle. Il y a une antithèse qui est la reproduction de la vie » (Le savoir :21a 22b).

L’être parlant, c’est l’être qui ne peut dire le rapport à quelqu'un, puisque dans son essentiel c’est un manque, Lacan en fait une conséquence : « Nous nous trouvons là devant l’éclatement de la, disons, notion de sexualité. La sexualité est au centre, sans aucun doute, de tout ce qui se passe dans l’inconscient. Mais elle est au centre en ceci qu’elle est un manque, c’est-à-dire qu’à la place de quoi que ce soit qui pourrait s’écrire du rapport sexuel comme tel, se substituent les impasses qui sont celles qu’engendre la fonction de la jouissance précisément sexuelle, en tant qu’elle apparaît comme cette sorte de point de mirage, dont quelque part Freud lui-même donne la note comme de la jouissance absolue. Et c’est si vrai que précisément elle ne l’est pas, absolue. Elle ne l’est dans aucun sens, d’abord parce que, comme telle, elle est vouée à ces différentes formes d’échec que constituent la castration, pour la jouissance masculine, la division pour ce qu’il en est de la jouissance féminine […] » (Le savoir :22).

 

Si la jouissance, ce point de mirage du désir sexuel est absolu comme Freud le dit, est-ce alors que l’idée est absolue, comme pensée de l’instant du moment où il advient, et disparaît, aussitôt ? C’est alors un instant, un moment qui ne peut donc plus être revécu comme tel, qui ne peut être refait, puisque le sujet est divisé entre l’idée et réalité. Il reste de pouvoir l’écrire à partir de ce qui ne cesse de s’écrire (Encore :110).

 

Dans Le Séminaire L’insu, Lacan propose cette approche de la forme écrite : « […] je ne connais de langage qu’une série de langues, incarnées ; on s’efforce d’atteindre le langage par l’écriture. Et l’écriture, ça ne donne quelque chose qu’en mathématiques, à savoir là où on opère, par la logique formelle, à savoir par extraction d’un certain nombre de choses qu’on définit, qu’on définit comme axiome principalement, et on n’opère tout brutalement qu’à extraire ces lettres, car ce sont des lettres » (L’insu :129).

 

Lacan sépare ce qui est possible de l’impossible, c’est-à-dire du Réel, dans ce qui s’écrit : « Ce qui ne cesse de ne pas s’écrire, c’est une catégorie modale qui est […] pas […] nécessaire. […] [F]igurez-vous que le nécessaire est conjugué à l’impossible. Et ce ne cesse de ne pas s’écrire, c’en est l’articulation. […] Le nécessaire en tant qu’il ne cesse de s’écrire, c’est que ce qui se produit, c’est la jouissance qu’il ne faudrait pas (soulig. aut.). C’est là le corrélat de ce qu’il n’y ait pas de rapport sexuel. Et c’est le substantiel de la fonction phallique » (Encore :110).

 

Une jouissance qui déborde l’organique a à voir avec l’impossible. Un impossible qui aborde le Réel, « c’est la jouissance qu’il ne faudra pas » (ibid.), parce qu’elle s’apparente à la descente vers la mort.

 

« J’aie tranché », continue Lacan, « que le point clé, le point nœud, c’était lalangue et dans le champ de lalangue, l’opération de la parole. Il n’y a pas une interprétation analytique qui ne soit […] cette relation à la jouissance, c’est la parole qui assure la dimension de vérité. Elle ne peut, comme je m’exprime, que la mi-dire, cette relation, et en forger du semblant, le semblant de ce qui s’appelle un homme ou une femme » (Le savoir :35a, 34b).

 

Lacan reprend cela dans son dernier Séminaire, Le moment de conclure : « ce qu’il y a de propre au signifiant, que j’ai appelé du nom d’S1, c’est qu’il n’y a qu’un rapport qui le définisse, le rapport qu’il a avec S2 : S1 –> S2. C’est en tant que le sujet est divisé entre cet S1 et cet S2 qu’il se supporte, de sorte qu’on ne peut pas dire que ce soit un seul des deux signifiants qui le représente […] » (Lacan Le moment de conclure 1977-78 :13).

 

Le rapport entre hommes et femmes est un rapport dans la langue, une réalité qui se symbolise dans ce qui se dit. Cela n’a pas à voir avec la biologie, puisque c’est le sujet supposé qui parle. Ce qui est alors la grande discussion, qui ne sera qu’esquissée ensuite, c’est la question du Réel : « […] Contrairement à ce qu’on dit, il n’y a pas de vérité sur le Réel, puisque le Réel se dessine comme excluant le sens. Ça serait encore trop dire, qu’il y a du Réel, parce que, pour dire ceci, c’est quand même supposer un sens. Le mot réel a lui-même un sens, […] on est plus ou moins coupable du réel » (Lacan L’insu :108).

 

Pour distinguer le Réel de l’objet du désir, reprenons la constatation de Saussure : « Bien loin que l’objet précède le point de vue, on dirait que c’est le point de vue qui crée l’objet […] » (Saussure Cours 1916 :23).

C’est probablement ainsi que Lacan veut différencier l’absolu de Freud pour rappeler que ce que cherche le désir in fine c’est la perte. A partir de l’objet désiré et l’objet du désir, c’est l’objet désiré qui est un objet qui a été redécouvert : « L’objet est de sa nature un objet retrouvé » (Lacan L’éthique de la psychanalyse 1959-60 :180b, en référence à Freud [wiedergefunden]).

L’objet du désir est ainsi constitué qu’il y aura toujours quelque chose qui se répète de façon symptomatique, ce qui est le signe que quelque chose manque.

 

Lacan rappelle : « Le système du monde freudien, c’est-à-dire du monde de notre expérience, c’est que c’est cet objet, das Ding, en tant qu’Autre absolu du sujet, qu’il s’agit de retrouver. C’est l’état de le retrouver tout au plus comme regret. Ce n’est pas lui qu’on retrouve mais ses coordonnées de plaisir, cet état, de le souhaiter et de l’attendre, dans lequel sera cherché, au nom du principe du plaisir, cette tension optima au-dessous de laquelle il n’y a plus bien sûr ni perception ni effort » (L'éthique 1959-60 :88).

 

Un extrait de L’insu de Lacan pourra résumer ses cinq points : « Freud eût tiré les conséquences de ce qu’il dit lui-même que l’analysant ne connaît pas sa vérité, puisqu’il ne peut la dire. » Puis : « […] Ce que j’ai défini comme ne cessant pas de s’écrire, à savoir le symptôme, y est un obstacle. […] Il faut accepter les conditions du mental aux premiers rangs desquelles est la débilité, ce qui veut dire l’impossibilité de tenir un discours contre quoi il n’y a pas d’objection, mentale, précisément » (L’insu :117).

 

L’objection, la vérité, ce rappel de Lacan, amène que les métaphores homme et femme sont bien des effets de la langue : « Car l’homme et la femme n’ont aucun besoin de parler pour être pris dans un discours. Comme tels, ils sont des faits de discours. Le sourire ici suffirait à avancer qu’ils ne sont pas que ça. Sans doute qui ne l’accorde ? Mais qu’ils soient ça aussi, fige le sourire » (Lacan D’un discours qui ne serait pas du semblant :189).

 

Quelles conséquences alors dans la clinique et dans la culture de ces métaphores, représentants de la différence, dans le rapport à l’impossible ?

 

 

 

 

Lalangue

 

Lacan dit : « On ne peut parler d’une langue que dans une autre langue, me semble-t-il, si tant est que ce que j’ai dit autrefois, à savoir qu’il n’y a pas de métalangage » (L’insu :129).

 

A travers la traduction, Lacan développe encore ce que sont le langage et la langue. Dans son dernier séminaire à propos d’une référence en anglais, il rappelle qu’il faut : « métalanguer, […] c’est-à-dire traduire, […]» (Le moment :11a). Lacan se reprend : « on ne parle jamais d’une langue que dans une autre langue » (ibid.). C’est-à-dire que c’est sur la fonction de lalangue que Lacan précise : « Si j’ai dit qu’il n’y a pas de métalangage, - c’est pour dire que le langage -, ça n’existe pas. Il n’y a que des supports multiples du langage qui s’appellent lalangue […] » (ibid.).

Nous résumons Lacan : « Le métalangage n’existe pas. […] Il n’y a que des supports multiples du langage qui s’appellent lalangue », c’est-à-dire lalangue quelle qu’elle soit, parle du même savoir.

 

L’affect est, comme une recherche récente l’a établi sur la traduction, ce qui, chez des traducteurs, semble nécessaire pour trouver les mêmes idées dans une autre langue Le traducteur est filmé ainsi que l’écrit sur son écran et les rectifications répertoriées. Souvent le traducteur filmé a recours à des mouvements des yeux, de la tête, des bras, pour trouver l’équivalence d’un mot ou d’une expression dans l’autre langue. Le traducteur se laisse traverser par les sentiments, donc traversé par le corps. C’est une façon de presque mimer ou s’y mettre dans la même situation. Il est aussi possible de traduire de façon moins intuitive et plus technique. Pourtant, une des conclusions de cette recherche a été que des grandes différences langagières sont le mieux traduites quand le contenu a été pour ainsi dire traversé, de façon à ce que le corps même ait été mis en jeu. Le traducteur utilise souvent un instant pour s’y sentir dans le sens langagier. En agissant, l’idée surgit et ainsi la traduction. Cela est vrai pour des traducteurs avec deux langues maternelles, comme il était le cas dans cette recherche entre le norvégien et l’anglais (Journées de traductions Sorbonne Paris-IV 2009).

Ce qui passe par l’affect ne peut pas être qu’un simple code, le message est de savoir.

Comme Lacan le remarque dans Encore : « Lalangue sert à de toutes autres choses qu’à la communication » (Encore :222).

 

Lacan conclut : « […] car l’analyse est un fait, un fait social tout au moins, qui se fonde sur ce qu’on appelle la pensée qu’on exprime comme on peut avec lalangue qu’on a — je rappelle que cette « lalangue », je l’écrivais en un seul mot dans le dessein d’y faire sentir quelque chose » (Le moment :102).

 

 

Ne cesse de s’écrire – en traits et en couleurs

 

Lacan écrit lalangue en un seul mot, c’est ce qu’il y a de nouveau, dit-il. Nous pouvons ainsi supposer que Lacan par là écrit littéralement le rapport sexuel, celui qui ne cesse de s‘écrire, du fait que quand on essaye de le dire, cela s’apparente à un impossible.

 

Lacan dit à son cinquième point de l'inconscient structuré comme un langage qu’il n’y a pas de rapport sexuel : « Nous allons être submergés avant pas longtemps, avant 4, 5 ans, de tous les problèmes ségrégatifs qu’on intitulera ou qu’on fustigera du terme de racisme, tous les problèmes […] qu’on appelle simplement le contrôle de ce qui se passe au niveau de la reproduction de la vie chez des êtres qui se trouvent, en raison de ce qu’ils parlent, avoir toutes sortes de problèmes de conscience.

Ce qu’il y a d’absolument inouï, c’est qu’on ne se soit pas encore aperçu que les problèmes de conscience sont des problèmes de jouissance » (Le savoir :22a, 23b).

 

Revenons à Saussure, que dit-il à ce propos ? Saussure : « […] le langage est un fait social […] » (Saussure Cours 1972 :21), et n’est pas une question d’espèce (de l’anthropologie). « [T]out est psychologique dans la langue […], comme les changements de sons […] » (ibid.).

Dans le chapitre De la diversité des langues (Saussure :261) Saussure dit que c’est : « […] la divergence de langue d’un district à un autre […] » comme la divergence « […] avec d’autres tribus […] [qu’u]n peuple prend conscience de son idiome […] » c’est-à-dire conscience de ce qu’est que « les traits propres d’une communauté » (ibid.). C’est-à-dire il prend conscience par « habitude » ou « coutume » de la langue (ibid.). Saussure continue : « […] Il y a là une idée juste, mais qui devient une erreur lorsqu’on va jusqu’à voir dans la langue un attribut non plus de la nation, mais de la race au même titre que la couleur de la peau ou la forme de la tête » (ibid. :261-262).

L’idiome s’apparente ici à l’idée et donc à la vérité, c’est-à-dire ce qui a à voir avec le manque, dans la culture. L’idiome, c’est-à-dire « les traits propres d’une communauté »

En définissant la nation, Saussure dit : « On choisit, par une sorte de convention tacite, l’un des dialectes existants pour en faire le véhicule de tout ce qui intéresse la nation dans son ensemble […] tantôt à celui de la province qui a l’hégémonie politique et où siège le pouvoir central ; tantôt c’est une cour qui impose son parler à la nation » (ibid. :268).

A des moments de l’histoire européenne il a paru nécessaire de distinguer les frontières par les langues, ce qui fondait l’idée d’un autre lié à une forme de frontière grammaticale juste.

 

Lors d’un séminaire une question a été soulevée à propos d’une petite fille âgée de quatre ans. Elle rentre chez elle après une journée à l’école maternelle et demande avec affect à ses parents : « C’est quoi d’être noir ? » La question est bien un problème de conscience de jouissance et porte ainsi ni sur ses origines ethniques ni géographiques. La fille pose bien une question portant sur le savoir et la couleur fonctionne comme un tabou imposé sur la place publique. La peau humaine n’a pas une pigmentation univoque, la couleur ne parle donc pas de biologie mais du totem, qui à pour fonction le phallique installant un tabou dans la langue (en réf. à Freud Totem et tabou 1912).

 

Freud dit dans Le traitement psychanalytique de l’interprétation des rêves que nous rêvons en noir et blanc, en images formées de contrastes ou en clair-obscur, expression empruntée au monde de la peinture. Rêvons-nous enfin d’une couleur, dit Freud, elle a alors une valeur érotique (Freud, Die Handhabung der Traumdeutung in der Psychoanalyse 1911).

 

La couleur indique quelque chose du savoir et a valeur érogène dans le rébus du rêve.

 

Conte de fées

 

C’est en rapprochant ce rappel de Lacan sur la métaphore à la couleur onirique de Freud, que : « [L]a métaphore, c’est à faire surgir un sens qui en dépasse de beaucoup les moyens » (Le savoir :33). Ce qui peut encore être illustré ici par la lecture d’un conte de fées du danois H.C. Andersen La princesse au petit pois. Dans le conte la princesse ressent, malgré les vingt matelas et les vingt édredons en plume d’oie, le petit pois. Elle est ainsi devenue toute « bleue et marron partout » après toute une nuit. Une jeune élève exprime lors de la lecture du mot danois « brun » son affect. La couleur brun en danois correspond au marron en français, mais c’est en français que l’élève comprend le mot brun, c’est-à-dire une coloration noire. La question de la couleur pour cette élève ayant des origines africaines est alors prise par la congruence entre la couleur et ce que la princesse avait vécu pendant la nuit. Cet éros, qu’expriment les couleurs, est compris de façon insu de ce que le conte de fées met au jour par des questions telles que : que demande-t-on d’une vraie princesse ? Qu’est-ce qui se passe au lit ?

 

Dark continent

 

Pareillement est-il intéressant de réfléchir sur le propos de Freud sur le continent noir. Freud écrit dans La question de l’analyse profane : « Nous en savons moins sur la vie sexuée de la petite fille que sur celle du garçon. Nous n’avons pas à avoir honte de cette différence ; la vie sexuée de la femme adulte n’est-elle pas d’ailleurs un dark continent(note–voir infra) pour la psychologie ? » (Freud La question de l’analyse profane [Die frage der Laienanalyse] 1926 :36).

L’obscurité de la sexualité de la femme mûre n’a pas été élucidée chez la fillette, dit Freud. L’obscur, ou noir, sont-ils alors des métaphores qui s’apparentent à l’infini, symbole de la place féminine ?

Le dark continent est une allusion au titre du livre de l’explorateur H. Stanley, édité en 1878 (Freud La question (en note : Allusion au titre du livre de l’explorateur H. Stanley : Through the Dark Continent, London, S. Low, 1878 (réf. OC Puf). [Note biographique : Stanley ne connaissait pas son père. Sa mère ne lui a jamais dévoilé son identité.]). Est-ce que Freud nous fait part, à travers la biographie de H. Stanley, de ce que c’est l’événement du livre ? Que ce que Stanley cherchait était Livingstone ? C’est-à-dire que H. Stanley cherchait la réponse à cette question : « qui est le père ? ». Parce que la question : qui est la mère, ne se pose pas. L’on sait qui c’est : la mère. En revanche ce que l’on ne sait pas d’elle, c’est avec qui elle a fait l’enfant. Ce qui était un problème pour H. Stanley.

L’obscène continent est alors l’allusion faite au mystère qu’est le désir de la mère, désir dont il n’y a aucune envie d’en avoir la maîtrise.

 

Nous pourrions ainsi continuer et dire que c’est cette femme sexuellement mature, que c’est cette mère, que Lacan ensuite transforme en la béance du crocodile : « Un grand crocodile comme ça, dans la bouche duquel vous êtes, c’est ça la mère, non ? On sait pas ce qui peut lui prendre tout d’un coup, comme ça, de le refermer, son clapet : c’est ça le désir de la mère. Alors j’ai essayé d’expliquer que ce qu’il y avait de rassurant, c’est qu’il y avait un os comme ça […] qui est là en puissance au niveau du clapet ; ça retient, ça coince, c’est ce qu’on appelle le Phallus, le rouleau qui vous met à l’abri si tout d’un coup ça se referme ! » (Lacan L’envers de la psychanalyse 1969-70 :133).

Voilà, « c’est là l’os » ? L’os que Lacan met pour éviter tout danger en chemin en traversant le continent ; et que cet os, que ce rouleau, c’est le savoir.

(voir supra : « Cette consistance du savoir qui fait que quand on sait quelque chose, le minimum qu’on puisse en dire, c’est qu’on sait qu’on le sait. Laissons ce qu’il [Freud] évoque à ce propos, car c’est là l’os, […] » (Le savoir :16a).

 

Le savoir peut-il ainsi être brandi comme un arrêt devant l’infini ? Un savoir qui aboutit sur le fait qu’il n’y a pas de rapport – juste et fini. Le rapport est un infini, dont on ne peut pas avoir un savoir de façon finie, comme le dit Freud. La place de la femme est alors aussi promesse de dialogues, d’échanges, de commerces possibles par le biais du manque. La culture s’appuie sur l’indécidable symbolisé par un phallique équivoque, celle que brandit Lacan comme savoir interprétable par la parole (le rouleau).

C’est aussi sur cet os que s’inscrivent ces traits qui comptent la première inscription faite par l’homme.

 

… ne peut parler qu’à partir d’un autre

 

Le compositeur Scriabine écrit que : « L’on ne peut définir une couleur qu’à partir d’une autre couleur ». Il parle ainsi indirectement de sa musique. Il semble dire la même chose que Lacan : « l’on ne peut parler d’une langue que dans une autre langue ». Ainsi avec Saussure qui précise : « la divergence de langue d’un district à un autre », ceci nous amène du district à l’individu, à ce qui au fond est unique pour chacUN. Est-il alors possible de déduire que : l’on ne peut parler que à partir d’un autre.

 

 

Que veut dire Lacan avec lalangue ?

 

Charles Melman écrit dans A propos de Lacan : « Il y a une autre chose qui horripilait Lacan. […] Il était horripilé par cette vigilance que nous avons, que ce soit dans les relations interpersonnelles ou que ce soit dans les relations d’autre chose, à ménager une distance, à ménager une soustraction de jouissance, à veiller à faire que ce ne soit pas tout à fait ça. A entretenir spontanément un malaise dans la jouissance, et dont Freud a pu montrer dans Malaise dans la culture, que cela avait des conséquences qui n’étaient pas tout à fait heureuses. Autrement dit, ce fait de veiller, nous mène à l’entretien d’une insatisfaction. Nous croyons que nous sommes à l’abri des sacrifices que faisaient les anciens, mais ce n’est pas vrai ! Nous en faisons tous les jours ! […] Il n’y a pas besoin d’entretenir l’insatisfaction, de veiller surtout à ce qu’elle soit bien en place, puisque le signifiant dont nous dépendons se charge de l’affaire. […] » (Melman A propos de Lacan in Ephep 2014).

 

Lalangue a ainsi à faire avec la répétition et l’inconscient structuré comme un langage. La résistance est ce nécessaire qui ne cesse de s’écrire envers cette différence qu’est la rencontre de l’impossible réel.

Est-ce que le nouveau sera alors ce qui réinstaure ce qu’il y avait avant comme une question sans cesse essentiellement ouverte ?

 

 

Lene Scharling, Psychanalyste, Membre de l’ALI, Master de philosophie et psychanalyse, Enseignante à l’ENS rue d’Ulm



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Annexe I

 

Extrait à propos de la langue chez Saussure :

 

Saussure : « [L]e phénomène linguistique présente perpétuellement deux faces [rappel: antinomies linguistiques] qui se correspondent et dont l’une ne vaut que par l’autre. » Puis il donne quatre exemples. « 1° Les syllabes qu’on articule » est le parlé que nous émettons et entendons, c’est du côté des organes vocaux et la perception des sens. « On ne peut donc pas réduire la langue au son […] » dit Saussure. Il se demande (2°) alors si c’est le son qui fait le langage, et répond qu’« il [le son] n’est que l’instrument de la pensée […] ». Et il continue : « Le son, unité complexe acoustico-vocale, forme à son tour avec l’idée une unité complexe, physiologique et mentale. » Puis il dit : « 3° Le langage a un côté individuel et un côté social, et l’on ne peut concevoir l’un sans l’autre. […] ». Et : « 4° A chaque instant il [le langage] implique à la fois un système établi et une évolution; […] » (Saussure 1916 :24).

Commentaire : « [U]n système établi et une évolution » (ibid.), cela semble être les cordonnées de la répétition comme la structure répétitive dans son sens d’un renouvellement, ici assimilable à une évolution.

 

 

 

Annexe II

 

FREUD, Sigmund, Die Verneinung, 1925, Édition Imago, 11 (3), p.217-221

« Die Art, wie unsere Patienten ihre Einfälle während der analytischen Arbeit vorbringen, gibt uns Anlaß zu einigen interessanten Beobachtungen. »Sie werden jetzt denken, ich will etwas Beleidigendes sagen, aber ich habe wirklich nicht diese Absicht.« Wir verstehen, das ist die Abweisung eines eben auftauchenden Einfalles durch Projektion. Oder: »Sie fragen, wer diese Person im Traum sein kann. Die Mutter ist es nicht.« Wir berichtigen: »Also ist es die Mutter.« Wir nehmen uns die Freiheit, bei der Deutung von der Verneinung abzusehen und den reinen Inhalt des Einfalls herauszugreifen. Es ist so, als ob der Patient gesagt hätte: »Mir ist zwar die Mutter zu dieser Person eingefallen, aber ich habe keine Lust, diesen Einfall gelten zu lassen.«

Gelegentlich kann man sich eine gesuchte Aufklärung über das unbewußte Verdrängte auf eine sehr bequeme Weise verschaffen. Man fragt: »Was hal­ten Sie wohl für das Allerunwahrscheinlichste in jener Situation? Was, meinen Sie, ist Ihnen damals am fernsten gelegen?« Geht der Patient in die Falle und nennt das, woran er am wenigsten glauben kann, so hat er damit fast immer das Richtige zugestanden.“

 

Tout traduction fait par l’auteur est signalé : (tr. aut.

 

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*p.h.c. - publication hors commerce

 




[1] Par ses trois mots ici : wiederholen : répétition ; entwefer oder : ou bien …ou bien, -  il est tentant de déduire que Freud a lu Kierkegaard (La Répétition,1843. Ou bien …ou bien, 1843, traduit en allemand à partir de 1861, GW, tr. Christoph Schrempf, Éd. Jena, 1909-22).

Il est au moins possible que Freud a indirectement pris conscience de la pensée de Kierkegaard à

travers les pièces, qu’il a lues, de Henrik Ibsen. La question du réel de l’existence est explicite chez Ibsen et clairement inspirée de Kierkegaard selon Georges Brandes, critique littéraire danois de renommée européenne.

Dans le livre de Rodolphe Adam, Lacan confirme que Freud a lu Kierkegaard.

Par ailleurs nous notons qu’il est documenté que Freud a lu Nietzsche.

[2] FREUD, Sigmund, Das interesse an der Psychoanalyse [L’intérêt de la psychanalyse] in Zur Psychopathologie des Alltagslebens [La psychopathologie de la vie quotidienne]

https://archive.org/stream/GS_IV_1924_Psychopathologie_k#page/n335/mode/2up
« Denn das Unbewußte ist von seiten seiner Beziehung zum Bewußten, mit dem es so vieles gemeinsam hat, leicht zu beschreiben und in seinen Entwicklungen zu verfolgen ; von der Seite des physischen Prozesses ihm näher zu kommen, erscheint hingegen jetzt noch völlig ausgeschlossen. Es muß also Objekt der Psychologie bleiben. »