M-C.Cadeau : La pensée de Jacques Derrida aux fondements du gender et du queer

Chacun sait que le concept de genre n’a pas été inventé par le féminisme, mais a été élaboré par des équipes médicales qui, au cours de la première moitié du XXème siècle ont pris en charge les nouveaux nés hermaphrodites ou dits inter-sexe et auxquels il fallait réassigner chirurgicalement un sexe mâle ou femelle. C’est John Money, suivi par Stoller qui affirma, en fonction de son expérience dans le domaine que l’identité sexuelle ne dépendait pas d’un sexe naturel biologique, ni d’une causalité naturelle de la sexuation (hormonal, génétique).

Le concept de queer vint d’un tout autre horizon. A l’origine  queer  (étrange, bizarre) fut une insulte homophobe puis par retournement une auto-identification revendiquée des hommes et femmes de couleur de Harlem ayant des pratiques sexuelles diverses dites « déviantes ».

Je ne ferai pas ici l’histoire complexe de ces concepts dont le féminisme s’empara et qui donnèrent lieu à des développements idéologiques ainsi qu’à des pratiques multiples.

Je voudrais souligner que si l’origine américaine de ces mouvements ne fait aucun doute, ce sont pourtant des philosophes français, en particulier Michel Foucault et Jacques Derrida (dont le succès aux Etats-Unis fut considérable) qui en fournirent les fondements philosophiques.

 

Je m’interrogerai particulièrement aujourd’hui sur les raisons du succès de Jacques Derrida auprès de ces mouvements.

 

Je commencerai donc par vous dire quelques mots de l’entreprise derridienne pour ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de s’y intéresser. Derrida entendait sonner le « glas », pour reprendre le titre d’un de ses livres les plus célèbres, donc sonner le glas de la métaphysique, et par là du fondement de la culture occidentale. Que reste-t-il du savoir absolu se demande-t-il et notamment de l’onto théologie hégélienne, sommet de la philosophie.

Il s’agit donc d’effectuer une déconstruction systématique de la philosophie et de ses signifiants maîtres. De l’ontothéologie, le phallogocentrisme se trouve en être un des axes majeurs ; il rejoint ainsi l’entreprise de Foucault sur ce point : mettre en cause le phallus, et donc aussi déconstruire les identités sexuelles.

Mais contrairement à Foucault, il ne récuse pas la psychanalyse et le concept d’inconscient. Sa lecture de Freud, bien qu’assez singulière disons, ne fait pas de Freud un métaphysicien, il est même un des rares à y échapper ; les oppositions binaires conceptuelles qui sont pourtant nombreuses chez Freud échappent la plupart du temps à une quelconque « Aufhebung », une relève, une dialectique qui effectivement nous ramène sans cesse à la puissance du UN, totalitaire.

On pourrait dire que Derrida parfois « mime » la psychanalyse et que son œuvre considérable, d’un savoir philosophique et littéraire impressionnant est néanmoins « ratée », bien que pas sans conséquences.

Ce qui peut nous intéresser, c’est que ce qu’il oppose à l’émission du logos phallogocentrique propre à la philosophie, et du coup à la culture occidentale, c’est l’écriture, écriture de tout temps minorisée, mise à l’écart par la philosophie. Ecriture considérée comme une simple transcription de la voix du logos, voix sans timbre, sans couleur, sans grain, sans objet dirions-nous, voix séraphique du logos.

Ainsi Derrida va d’emblée interroger le concept de « différance » qu’il écrit avec un « a ». Cela produit nous dit-il des effets conceptuels et des concrétions verbales « imprimées et fracturées » par le « coin de cette lettre, par le travail incessant de cette étrange logique ». Différance, écrit ainsi, n’est pas un signifiant maître, un « maître mot » dit-il, mais il ébranle et met en mouvement un tissage, une chaîne d’autres configurations textuelles. A elle seule, cette écriture d’un « a » dans le mot « différence » barre tout accès au théologique : « s’il y avait une définition de la différance ce serait l’interruption, la destruction de la relève hégélienne partout où elle opère » dit-il.

Cette stratégie générale de la déconstruction, que lui-même juge être une tâche énorme, doit opérer sur les oppositions classiques binaires de la philosophie, « forme-matière » par exemple, tout en évitant de les neutraliser car il n’y a pas de coexistence pacifique entre les termes d’une opposition, mais bien une hiérarchie violente.

D’où la nécessité d’un travail de renversement mais sachant que les hiérarchies duelles ne cessent de se reconstruire, un autre travail est nécessaire. Double séance donc, qui se présente ainsi : une page divisée en deux en hauteur, double bande, chacune occupée par le commentaire d’un texte, par exemple à gauche, la Philosophie de l’Esprit de Hegel, à droite, des textes de Jean Genet. Chacune des bandes, mais surtout celle de droite peut comporter des petits pavés où d’autres écrits s’insèrent.

La bande de droite, par sa confrontation à celle de gauche, doit permettre l’émergence d’un ensemble ouvert de marques, d’écarts, de traces où les difficultés, en particulier des oppositions indécidables, masquées, dans le texte de Hegel par exemple, émigrent, se marquent, se greffent, tout en trouvant une tout autre écriture dans le texte de Genet, dissémination des signifiants et du signifié (opposition à disséminer aussi) réciproques, car la suite des signifiants qui viennent, tout en se substituant de Hegel à Genet, vont réagir sur le texte de Hegel, et le déconstruire. Aucun retour à une unité de sens, et à cet égard, une des armes principales de Derrida sont les indécidables, telle que « pharmakon » qui n’est ni le remède ni le poison, ni le dehors ni le dedans, ni le bien ni le mal, ni la parole ni l’écriture, ou autre exemple l’ « hymen », qui n’est ni la confusion ni la distinction, ni l’identité ni la différence, ni la consommation ni la virginité, ni le voile ni le dévoilement etc.

La dissémination que Derrida se refuse à définir, bien qu’il soit un thème fondamental, joue lucidement sur la parenté de simulacre, fausse, entre « sem » et « semen ». Et pourtant dans ce « dérapage », cette « collusion » se produit, nous dit-il un mirage sémantique, une déviance du vouloir dire faisant de l’écriture une différence séminale qui crève l’horizon sémantique par une multiplicité irréductible de déplacements et de greffes, multiplicité générative, mais, sans origine. Pas d’au- moins-un. Pas de Père. « L’écriture, dit-il, est toujours parricide et orpheline ». C’est ainsi un tissu, un linceul, pour celui qui écrit, et qui signe, car une signature n’est qu’un simulacre d’identité. Une signature est à l’origine ce qui choit de la main d’un Roi. C’est un reste qui dès qu’il est écrit est pris par le jeu de la dissémination de la lettre. Pour celui qui écrit un texte, quel qu’il soit, où vont nécessairement s’entrecroiser mille fils de provenances diverses, il n’y a pas de nom d’auteur qui tienne, sinon par une imposture. « Tout graphème est d’essence testamentaire » dit-il. Tout texte est un tissu de différences hétérogènes obéissant à une logique de la greffe… qui efface la distinction du même et de l’autre. C’est ce qu’il appelle la graphique de la supplémentarité, qui évidemment n’est pas une addition, mais qui disloque tout « propre » ou toute « propriété », toute voix séraphique du logos qui dirait la Vérité qui ne renverrait qu’à elle-même, que celle-ci soit adéquation au Réel ou dévoilement.

 

Vous entendez certainement une certaine proximité de Derrida avec certaines propositions psychanalytiques, notamment celles concernant le travail de la lettre qui habite tout texte, au point que pour Derrida tout texte échappe à une unité quelconque de sens, y compris les siens, tout du moins c’est ce qu’il tente de montrer et il faut lui reconnaître un certain talent à cet égard, en particulier quand il s’attaque à Hegel.

Mais nous sentons bien aussi que quelque chose d’essentiel ne va pas. Ce qui va le retenir chez Freud auquel du reste il ne cesse de revenir, c’est en particulier le texte sur le sens opposé des mots primitifs, Das Unheimliche, la question du fétichisme, la fameuse « note » de Freud sur le bloc magique.

Ainsi l’inconscient est un terme dont il ne manque pas de souligner combien il pourrait être récupéré par la métaphysique dans son opposition simple à la conscience. Néanmoins il y échappe, à la métaphysique, car dit-il le texte inconscient est déjà tissé de traces, de dépôts d’un sens qui n’a jamais été présent, d’archives qui sont toujours déjà des transcriptions. Toujours déjà, c’est-à-dire dont la lecture est toujours reconstruite « après coup », notion freudienne qu’il apprécie. Il y a toujours en somme des traces insaisissables qui produiront d’autres textes, qu’il s’agisse d’un texte inconscient ou écrit de l’écriture au sens banal. Aussi le texte Freud Das Unheimliche (terme indécidable) intéressera particulièrement Derrida car Freud s’y montre particulièrement attentif au process de substitution des personnages, des situations, des objets. La menace de castration si elle « surveille » le jeu de substitution l’œil-pénis, Olympia-Nathanaël, Spalanziani Coppola ne plombe pas le texte d’un référent dernier sinon tout effet d’inquiétante étrangeté disparaîtrait. La castration est ici ce qui relance le jeu de l’écriture, une affirmation du lieu vide de l’origine, créatrice, génératrice de semblants qui demeurent dans un indécidable.

Cette conception de la castration semblerait bien innocenter le Père, et pouvoir l’attribuer au fonctionnement même du langage. Mais elle est interprétée par Derrrida comme castration du Père. La castration disséminative et germinative arrache le mouvement de la signification à toute réappropriation paternelle. Le phallus perd sa valeur d’opérateur au profit de l‘indécidable, atopique, sans foyer ni patrie, détruisant l’horizon trinitaire même, indécidables que l’on trouve facilement et d’abord dans tous les exergues, notes en bas de page, prière d’insérer, postface, préface, parenthèses, citations, post-scriptum, appendice, codicille etc. mais pas seulement, dans le texte même aussi.

 

Mais alors, qu’en est-il de la différence sexuelle, qu’en est-il des femmes ? Comme l’écriture, les femmes sont le rebut de la philosophie. Alors, si l’écriture et ses indécidables déconstruisent le logos métaphysique en est-il de même pour les femmes ?

Il est exact que nous trouvons sous la plume des philosophes classiques des analyses assez croquignolettes concernant la question féminine. Le champion en cette matière est sans doute Kant, et ce n’est pas pour nous étonner. Ainsi ce dernier nous dit que la perversion de la culture a permis aux femmes de renverser la hiérarchie naturelle où l’homme est dominant. Les femmes dominent l’homme car elles font de leur faiblesse un levier. C’est elle, la femme, qui veut la guerre dans les ménages l’homme, lui voudrait la paix. Elle est insaisissable, garde son secret, mais trahit celui des autres. Bref, elle commande à son maître.

Dans l’état de nature, Kant convient que le désir de l’homme est polygame, une femme n’est donc qu’un ersatz, une femelle comme une autre : c’est donc une putain ! Dans l’état de culture monogamique, c’est-à-dire le plus élevé, elle désire en intention n’importe quel homme, c’est donc encore une putain. Mais le pire, c’est qu’elle pervertit le logos de ses bavardages. C’est pourquoi l’homme ne veut jamais être une femme, alors que les femmes veulent être des hommes.

Quant à Hegel, il est évidemment plus généreux, ou moins effrayé. Une femme peut donc trouver sa place dans la famille, certes en tant que mère, mais grâce à la relève, à la dialectique de l’amour. L’amour fait relève vers le Un. Mais le Geist, l’Esprit E majuscule, il est du côté de l’homme, car même reproche, elle bavarde.

Ces textes que Derrida « déconstruit » dans « Glas » sont mis en double bande avec des textes de Jean Genet, des extraits de « Notre Dame des fleurs », « Le miracle de la Rose » qui concernent comme vous le savez des bagnards destinés à l’échafaud, des extraits du « Journal du voleur » également, qui commence ainsi « le vêtement des forçats est rayé de rose et blanc », des extraits aussi de sa pièce de théâtre « Les paravents » qui commence par le mot « rose » : « Rose, je vous dis Rose » ! Le rose, la rose ? Il existe dit Jean Genet un rapport étroit entre les fleurs et les bagnards. La fragilité, la délicatesse des premières sont de même nature que la brutale insensibilité des autres. Et, petite note en bas de la page « Mon émoi est l’oscillation des uns aux autres ». Emoi de qui ? Quelles fleurs pour ces assassins de jeunes filles en fleur, fleurs de rhétorique, fleur phallique puissamment érotique pour ces homosexuels, quelle tête va donc tomber comme celle du Père dans cette logique de l’oscillation. Double bande, ou double invagination du texte comme nous dit Derrida : « Le gant ou la fleur se retournent dans tous les sens, sans dessus dessous, pourtant sans perdre une certaine forme ». Et les condamnés sont parfois aussi délicats qu’une jeune fille sous la plume de Genet.

Ainsi se tisse un texte qui n’est ni celui de Hegel, ni celui de Genet, ni de Derrida, texte qui circule et fait circuler les traces de l’un à l’autre, mais une arché-écriture qui ne prend pas corps dans l’écriture ordinaire et que Derrida nomme colpos, terme qui désigne ordinairement une vallée entre deux collines, lieu qu’il voudrait non phallique.

Peut-on dire que, pour Derrida cette écriture invisible relie les hommes et les femmes, ou bien cet arché invisible défait-elle les places de telle sorte qu’elles se retournent l’une dans l’autre comme le gant et la fleur, ne pouvant donc plus se distinguer.

Derrida a-t-il eu l’intuition d’une autre écriture, qu’il ne pouvait penser cependant, restant dans l’imaginaire ou le fantasme, peut-être aussi à cause de son hostilité et fascination à l’égard de Lacan. Car bien sûr, cette arché écriture n’a rien à voir avec celle du Nœud Borroméen, ni même celle des mathèmes. La difficulté majeure de Derrida à l’égard de Lacan, c’est de ne pas penser la différence entre l’énonciation ou même l’écriture ordinaire de la phrase : « Il n’y a pas d’Autre de l’Autre » et son écriture sous forme de mathème. La première peut toujours être déconstruite mais pas le mathème. Et faute de tenir compte de cette différence, il reproche à Lacan que cette énonciation se présente sous la forme d’un dévoilement de la Vérité de type heideggerien, donc métaphysique.

Derrida reste dans la « hantise cryptique » d’une « surimpression apocalyptique ». Surimpression apocalyptique du masculin et du féminin.

On entrevoit pourquoi certains mouvements gender, voire queer vont trouver chez lui leurs ressources.

Le sexe, c’est ce qui bat, comme le battant d’une cloche entre le féminin et le masculin. Non pas deux sexes, cela Derrida l’a bien compris, mais un sexe double qui bande et contrebande, non pas castré ou non castré, puisque l’entame a toujours été là, la castration n’a jamais eu lieu, mais on ne peut pas dire non plus qu’il n’y a pas castration …indécidable, ce qui fait que « tout le monde bande et s’incorpore dans le travesti, les opposés en tous genres ». Nous sommes au plus proche de ce que reprennent les théories queer. C’est l’égalité.

Pourtant Derrida se défend d’affirmer une absence de différence entre hommes et femmes. Il dit maintenir une hétérogénéité entre les bandes du texte : il y a en revanche des échanges, des incrustés, des jalousies, des clins d’œil, des judas, des meurtrières. Ils ou elles se pénètrent, suspendant l’opposition, ils s’agglutinent, c’est l’effet glu, glas.

Ainsi chaque mot, chaque phrase, chaque « moignon » d’écriture, comme chaque être vivant sexué, se trouvent rapportés l’un à l’autre, chaque enveloppe ou gaine incalculablement renverse, retourne, remplace l’autre et ce qui prête sa forme à cette équivalence, le mot est lâché, c’est toujours le gant ou la fleur.

Est-ce que Derrida rêve de substituer au non rapport sexuel un fétichisme généralisé ? En tout cas, et puisque évidemment il connait les textes de Joyce, au fameux « Oui » de Ulysses, il substitue en dernière instance, un oui-oui affirmatif qui retourne, toujours le gant, les « ni ni » indécidables.

Si le point de rencontre initiale entre la déconstruction et les théories du genre était de récuser l’idée d’une essence féminine comme stable, évidente nature au double sens biologique et ontologique, la dissémination de la différence sexuelle va plus loin.

En croyant évacuer le trait phallique qui justement fait que les femmes, comme les traces s’échappent justement de l’identité et deviennent insaisissables, ce qui fait problème, il voudrait que l’identité masculine soit également disséminée et que cela fasse possibilité alors de rencontres.

Ainsi la dissémination de la différence sexuelle encourage l’imaginaire des mouvements queer, c’est-à-dire la recherche d’identités improbables, multiples, post-féministes, qui s’opposent aux politiques paritaires d’ailleurs puisque celles-ci sont dérivées d’un biologisme. Il n’y a pas de différence sexuelle, mais une multitude de différences, une transversale de rapports au pouvoir, une diversité de puissance de vie, une transformabilité des corps, des conduites et des genres.

« Je voudrais croire, écrit-il, à la multiplicité de voix sexuellement marquées, à ce nombre indéterminable de voix enchevêtrées, à ce mobile de marques sexuelles non identifiées dont la chorégraphie peut entraîner le corps de chaque individu, le traverser, le multiplier, qu’il soit classé comme homme ou femme selon les critères en usage ».

 

Une dame philosophe qui avait été autrefois derridienne, avait fait une thèse très « déconstructiviste » avec lui déclare maintenant  l’inanité à ses yeux du concept de femme philosophe : non seulement parce que les généalogies philosophiques ne leur font aucune place, mais surtout parce qu’elle s’était aperçue que la « déconstruction » de cette généalogie, tentée par Derrida, avait contribué finalement à vider le concept de femme, le frapper d’impossibilité.

Pourtant dit-elle, elle a longtemps cru à l’assimilation de l’écriture et de la femme telle que Derrida en dégage la mystérieuse archéologie.

Elle rappelle le commentaire de Derrida d’un passage de la  Gradiva  où Harold rêve de revoir l’inimitable trace de pas de la jeune femme, trace dans la cendre, ce qui donne une empreinte si singulière.

Une femme assure donc par ses traces de pas, la mouvance du fondement de la philosophie, l’être y devient cendre friable.

Ainsi la question semblait faire droit à la question féminine dans la pensée, mieux faire entendre la parole féminine comme une parole autre.

Mais il n’en est rien, la déconstruction n’a jamais engendré une pensée féminine créatrice, une inventivité, du moins dans ce domaine. Derrida est resté l’inventeur et le maître que les femmes, certaines, ont imité.

Certes, dans  Encore, Lacan pointe avec les néologismes de « âmoureuse » et « hommosexuelle », les femmes qui se mêlaient de s’intéresser à « l’âme » de leur partenaire, c’est-à-dire de leur  begriff  symboliques ou imaginaires - puisque Lacan attribue finalement une valeur imaginaire aux concepts - griffes qui tentent tout de même de saisir quelque Réel.

Vieille question donc : y-a-t-il une écriture, un art, une pensée féminine c’est-à-dire un savoir-faire de génie et/ou une inventivité conceptuelle qui déplacerait quelque chose du Réel ?

La question de la « mimesis » traverse le travail de Lacan, en particulier dans le séminaire des Non dupes errent. Ainsi pour faire leur tresse à six croisements qui fait leur nœud borroméen, les femmes doivent avoir l’intuition du nœud borroméen du « tout homme », et l’imiter avec leur tressage. La question ressurgit chez Lacan à la fin du séminaire mais à propos de la jouissance phallique, qui est ce qui leur manque, aux femmes, et qui ont besoin d’une identification mimétique aux hommes pour y avoir accès.

C’est du moins le dire de Lacan à cette époque.

On comprend que certaines femme faisant profession de philosophie se trouvent ridicules dans son « hommosexualité » et renoncent donc à leur féminisme anti-essentialiste, queer, pour tenter de retrouver une certaine « essence féminine »… ce qui n’est évidemment pas la voie tout à fait souhaitable.

C’est le cas de tout un groupe de nouvelles « féministes » qui s’engagent dans la curieuse voie de « redoubler l’imitation afin de la distancer »…

 

La déception causée par la théorie déconstructiviste, ressentie par les femmes les plus lucides, laisse entrevoir le chemin que la théorie psychanalytique dernière de Lacan doit nous encourager à essayer de parcourir.