Dr P Pichit : Neurologie et neurosciences - Crises d'épilepsies à manifestation psychique

EPhEP, MTh3 – ES1, le 12/10/2019

Bonjour. Je suis neurologue, je travaille à la Pitié-Salpêtrière dans l’unité d’épilepsie et de l’EG (électroencéphalographie). On m’a demandé de vous faire une présentation sur les crises d’épilepsie et les manifestations psychiques. Je suis très spécialisée dans l’épilepsie, c’est un sujet que je trouve passionnant parce qu’il y a effectivement énormément de manifestations qui peuvent prêter à confusion et que les gens ne connaissent pas toujours, y compris les neurologues.

Je vais donc faire une petite introduction pour vous rappeler les bases de ce qu'est une crise d’épilepsie, une maladie épileptique. Puis, je vais traiter en trois points : les manifestations psychiques pendant une crise d’épilepsie, les manifestations psychiques après une crise d’épilepsie et les manifestations psychiques qui ne sont pas épileptiques mais qui ressemblent à de l’épilepsie et qui peuvent prêter à confusion.

 

Une crise d’épilepsie, qu’est-ce que c’est ? Il faut savoir que dans le cerveau vous avez des milliards de neurones. Ces neurones communiquent entre eux par des décharges électriques, pour faire simple. Le fonctionnement normal, ce sont des décharges électriques qui se forment sur la membrane d’un neurone et qui se transmettent de neurone à neurone pour véhiculer l’information. Dans la crise d’épilepsie vous avez une décharge électrique neuronale qui est anormalement élevée et en plus simultanée sur un groupe de neurones qui peut en fait toucher tout le cerveau ou juste une zone du cerveau. Et donc en fonction de la zone qui décharge, il va avoir des symptômes différents. Ces symptômes peuvent être objectifs : ça peut être des convulsions qu’on voit à l’œil nu, ça peut être une perte de connaissance, mais il peut avoir des symptômes subjectifs : tels que la peur, la joie, la faim, en fonction de « là où ça décharge ». On parlera d’épilepsie, de maladie épileptique quand la personne a fait au moins deux crises spontanées ou plus. Il faut savoir qu’on peut faire une crise d’épilepsie dans sa vie et ne jamais en refaire. Quand on fait une première crise on n’est pas forcément épileptique. En revanche à partir de la deuxième, effectivement, on considère qu’il y a une maladie épileptique et qu’il faut traiter.

L’épilepsie, cette décharge électrique anormale, pourquoi est-ce qu’elle se produit ? Il y a deux grandes catégories séparées d’épilepsie. Soit on a une lésion cérébrale qui peut être de n’importe quel type. Ça peut être un AVC qui peut être récent ou très ancien, ça peut être une hémorragie cérébrale, séquelles d’un accident de voiture, séquelles d’un choc, d’une chute au ski etc. ça peut être une malformation de naissance, le cortex qui est mal formé à certains endroits. Voilà ça peut être différentes choses : une sclérose en plaque, d’autres formes d’inflammations cérébrales. Mais il faut savoir que la plupart du temps, une bonne partie des patients a une maladie épileptique alors que l’IRM est normale ; il n’y a pas de lésion visible à l’œil nu sur une IRM et en fait, dans ce cas là, quand l’IRM est normale, on sait que la membrane des neurones qui dysfonctionne, c’est-à-dire que les canaux qui s’ouvrent et qui se referment normalement pour produire le courant électrique, vont dysfonctionner, à un moment donné dans la vie d’un patient. Mais ça ne se voit pas sur une IRM, il n’y a pas de lésion visible.

Donc c’est pour ça qu’on dit il n’y a pas une épilepsie mais des épilepsies. Il y a de nombreuses formes de crises, de causes de crises, de dates de début des crises, il faut le savoir aussi. On peut commencer à être épileptique à 5 ans comme à 35 ans comme à 50. Je pense que dans le Service un des records a été celui d’un patient qui devait avoir 90 ans et disait « mais quand même je deviens épileptique à cet âge-là ! C’est vraiment ballot ». On lui a dit, ça arrive.

Et quel que soit l’âge de début, il faut savoir qu’on n’est pas forcément épileptique à vie. On peut commencer une épilepsie et être guéri au bout de 5-10 ans. Et donc voilà, c’est pour ça que l’épilepsie est une maladie qui est très hétérogène, du coup très intéressante.

 

Dans la crise d’épilepsie, quand un patient fait une crise, il va y avoir différents symptômes. Dans les manifestations psychiques, le premier point important est effectivement la conscience ou le contact. La crise d’épilepsie que tout le monde connait c’est la crise convulsive. Les patients ne sentent rien venir, ils perdent connaissance, c’est-à-dire qu’ils sont inconscients, c’est-à-dire qu'ils n’ont plus d’interaction avec l’espace extérieur et ils sont donc inertes. Ils peuvent être ou hypotoniques (tout mous) ou hypertoniques (tout raides). En tout cas, il n’y a plus la connexion avec l’extérieur. Il n’y a plus même la conscience globale ; ils sont complètement inconscients.

Il existe un état qui présente une différence subtile, c’est la perte du contact : c’est-à-dire que les gens sont encore conscients, enfin non, physiquement ils peuvent rester debout ou assis et même continuer l’activité en cours mais ils n’ont plus le contact avec l’extérieur, c’est-à-dire qu'ils sont déconnectés comme s’ils se mettaient en mode robot. Et donc cette perte de contact, il y a différentes crises qui peuvent comporter cette perte de contact. Alors la plus connue c’est la l’absence. Ce qu’on appelle une absence, c’est une crise d’épilepsie généralisée, ça touche les deux hémisphères cérébraux. C’est un type de crise qui commence chez l’enfant ou à l’adolescence, pas chez l’adulte. Et dans la forme typique, c’est une suspension de contact, de début et fin brutale, qui va durer quelques secondes sans mouvement et ensuite quand la personne revient à elle, elle a une amnésie totale de ce qui s’est passé pendant la crise.

Là, je vais vous montrer une vidéo. Je vous ferai les commentaires après.

(Description pendant la vidéo) :

« Là il est en crise, vous voyez il n’est pas inconscient, mais il n’est plus connecté. Là la crise est terminée, et là du coup il ré interagit avec son environnement. C’est un enfant qui est en train de faire un EG vidéo, on est en train d’enregistrer son activité électrique cérébrale. C’est ce que vous voyez sur la gauche de l’écran et en même temps on le filme et on attend que la crise arrive, globalement. Ce qu’on voit sur l’EG, c’est une activité électrique cérébrale normale. Il est en train de jouer avec la neuropsychologue, il est en train de faire des jeux etc. Et puis quand on voit la décharge commencer, là ici, vous avez la crise qui commence, donc vous voyez par rapport à l’activité normale, ici, là il va y avoir un changement et effectivement quand on regarde sur l’EG… Alors pendant une absence il y a une décharge de points tondes à 3 cycles par seconde sur les 2 hémisphères cérébraux, et donc l’enfant va déconnecter et il va rester figé et ensuite revenir à lui. Là il déconnecte. »

La différence avec la rêvasserie, parce que on peut être inattentif, c’est que lorsque les patients sont en crise on a beau les stimuler ils ne peuvent pas revenir. Ils sont bloqués. Quand quelqu’un est en train de rêvasser, et qu’on fait ça (claquement des mains), il reprend, il fait « oui qu’est ce qui se passe ?». Un patient qui est en train de faire une absence, il est parti et on attend qu’il revienne.

Une rupture de contact qui ressemble à une absence, c’est exactement les mêmes symptômes : c’est quelqu’un qui déconnecte brutalement qui va rester plus au moins figé. Cliniquement ça ressemble à une absence. En revanche l’étiologie, c’est-à-dire la localisation de la décharge, n’est pas la même, là cette fois-ci on est sur une décharge au niveau du lobe frontal, unilatérale ou bilatérale. Pour le coup, ces crises-là se retrouvent à tout âge. On peut avoir un adulte qui commence à faire ça parce qu’il a une tumeur cérébrale dans le lobe frontal, il commence à décharger et donc ça va être sa manifestation épileptique. Tout comme on peut avoir des enfants qui font ce type de crise.

Et puis il y a la rupture de contact mais cette fois-ci avec automatismes où là,  de même, vous allez avoir un patient qui va déconnecter. Pendant la déconnection, qui va être un peu plus longue, ça peut facilement durer une minute, le patient va avoir des automatismes, qui peuvent être bucco-faciales, ils peuvent soit faire des bisous ou soit faire des mâchonnements, ou des petits bruits de bouche, des automatismes gestuels (souvent ils touchent ce qu’il y a devant eux). Certains se déshabillent (ce qui va poser problème dans le métro). Et puis il y a les automatismes verbaux (certains patients répètent les mêmes mots, c’est probablement dans le subconscient, mais il y en a beaucoup qui répètent maman, maman, maman comme ça pendant la crise).

Je vous montre une vidéo pour voir à quoi ça ressemble.

(Commentaires sur la vidéo) :

« La patiente est en EG vidéo, on est en train de l’enregistrer, on la filme en même temps. Là vous voyez elle n’est plus connectée, donc elle bouge les jambes de façon automatique, les mains aussi, la bouche aussi, elle est en train de mâchonner. La technicienne lui parle, elle lui demande d’interagir avec elle mais en fait la patiente n’est plus là, donc elle n’est pas capable d’interagir. Voilà ça oui, c’est une crise d’épilepsie. On n’y pense pas forcement, c’est une crise d’épilepsie. Là j’ai un peu coupé mais la vidéo dure assez longtemps, elle dure environ une minute. »

Et puis après ça quand on a ce type de crise, c’est en fait une décharge qui est localisée au niveau du lobe temporal ou une décharge sur deux lobes, c’est un lobe temporal plus un autre lobe. Ce qui fait que quand la crise se termine, les patients sont confus, ils ne peuvent pas revenir tout de suite à eux, vous le verrez dans la deuxième partie, contrairement à l’absence et à la rupture de contact, ils vont mettre un certain temps avant de reprendre un fonctionnement cérébral normal.

Les crises d’épilepsie simples ne détruisent pas les neurones, qu’on en fasse une ou qu’on en fasse 50 dans sa vie il n’y a pas de destruction neuronale. Ce qui peut détruire le cerveau ce sont les états de mal qui sont des crises d’épilepsie très sévères qui durent plus de 5 minutes pour les convulsions ou plus de 30 minutes d’affilée pour les autres décharges où là, comme la décharge est très prolongée, au bout d’un moment les neurones s’épuisent et commencent à avoir un système de mort cellulaire et là, il va y avoir une destruction cérébrale avec des séquelles derrière quand on a réussi à arrêter la crise.

Mais pour la crise d’épilepsie normale, le patient fait sa crise, ça dure entre une à trois minutes et après il met un quart d’heure à récupérer. Là il n’y a pas de lésion. Même si certains en font vraiment beaucoup.

Autre type de manifestation psychique : on peut halluciner pendant des crises d’épilepsie, il faut le savoir. Là en fait tous les sens qu’on a sont liés : l’odorat, la vue, le gout, etc tout ça est lié à une zone du cortex cérébral qui est là pour recevoir les informations perçues de l’extérieur, les interpréter puis ensuite donner des informations au reste du cerveau pour faire ce qui est adapté à la situation. Donc quand le cortex cérébral qui s’occupe d’un sens est en train de décharger, du coup, ça va créer des hallucinations. Par exemple, sur le cortex amygdalien, c’est un temporal interne ou en basal frontal, qui sont les deux localisations du cortex olfactif primaire, quand ces zones-là déchargent ça va donner en fait des hallucinations olfactives. Les gens vont sentir. Alors les hallucinations dans les crises d’épilepsie sont, dans la grande majorité, désagréables. Il est assez rare que les gens ressentent des choses sympas. Donc la plupart de temps, ils disent « j’ai d’un seul coup eu une espèce d’odeur nauséabonde qui arrive ». Cela peut-être une odeur de moisissure, ça peut-être du brûlé. Ils disent « je sens quelque chose qui ne va pas » alors qu’ils savent très bien qu’il n’y a pas cette odeur là en réalité. C’est toujours la même et ça va durer quelques secondes, maximum une minute et après voilà la crise est terminée.

Des hallucinations gustatives. Donc avoir un gout bizarre dans la bouche. Alors souvent les patients sentent un gout métallique ou un gout amer. Là c’est le cortex pariétal qui décharge.

Des hallucinations auditives. C’est là où il y a beaucoup de chevauchement avec la psychiatrie. Certains patients épileptiques lors d’une décharge sur le cortex temporal externe, qui est le cortex auditif primaire, vont avoir des hallucinations auditives, vont entendre des sons ou des bruits ou des musiques, en général, toujours les mêmes pour le même patient. En revanche, ils peuvent entendre des voix de leur entourage, ça peut être des voix mais jamais une voix intérieure et surtout pas une voix intérieure qui les commande, ça c’est très psychiatrique. Quelqu’un qui dit « j’entends quelqu’un qui me parle, qui me dit je dois faire ci je dois faire ça », ça je n’ai jamais vu dans l’épilepsie. C’est vraiment purement psychiatrique. J’avais un patient notamment qui entendait toujours la même musique de Claude François. Dès qu’il entendait la musique de Claude François arriver il savait qu’il commençait sa crise. Ce qui était un peu problématique, c’est que parfois dans des mariages ou dans des fêtes il entendait la musique et il ne savait pas s’il commençait sa crise ou si c’était la musique en vrai. Il attendait et se disait « est-ce que je commence ma crise ? ». Il attendait un peu. Cela peut être un peu gênant.

Des hallucinations visuelles. C’est la même chose, sur le cortex occipital qui est le cortex visuel primaire, ou parfois ça peut aller jusqu’au temporal postérieur ou pariétal postérieur, il va y avoir des hallucinations visuelles qui peuvent être soit des hallucinations élémentaires ça peut être des points, des traits, des lignes, ou des hallucinations plus élaborées ça peut être une scène.

Puis quand on sort du cortex occipital, là on n’a plus d’images de distorsion ou d’illusion : les images sont un peu déformées. J’ai eu un patient difficile aussi parce qu’il était à la fois psychotique et épileptique, donc c’était compliqué, il avait deux formes d’hallucinations. Quand il faisait ses crises occipitales, en fait il voyait tous les êtres humains qui étaient dans son champ visuel rapetisser. Il avait aussi des hallucinations visuelles où il voyait des gens venir lui parler. Donc là c’était psychiatrique.

Par exemple, parfois quand on entrait dans sa chambre, il nous disait « Ah vous êtes toute petite ». Je lui disais, « effectivement, je suis petite mais si je suis toute petite, c’est que vous êtes en crise ». Et vraiment il nous voyait tout petits en train de se déplacer car il faisait sa crise d’épilepsie.

Sur le toucher, on peut avoir des hallucinations somesthésiques, donc sentir des brûlures, des fourmillements, des piqûres qui vont être localisés sur un bras, une jambe, une moitié d’un corps, le visage. Là, c’est en fonction de l’atteinte au niveau du cortex pariétal sur la région post centrale qui va donner ces hallucinations.

Après dans les crises d’épilepsie on peut avoir vraiment ce qu’on appelle des sensations psychiques qui peuvent être agréables ou désagréables. Dans les sensations plutôt agréables, on va avoir la sensation de déjà vu/ déjà vécu, qui est fréquente chez les patients épileptiques ; elles viennent du cortex temporal interne qui est une zone facilement épileptique parce que le cortex temporal interne et notamment l’hippocampe souffre facilement de tout ce qui est hypoxie et va ensuite devenir épileptogène.

Je vous rassure on peut avoir des sensations de déjà vu, déjà vécu, qui ne sont pas épileptiques. En général les gens prennent peur quand on dit ça. Effectivement il arrive que parfois on se dise : «  tiens j’ai déjà vécu cette scène »  et puis on se dit : «  ben non j’ai rêvé » et puis voilà, ça passe. Les patients qui font des crises avec la sensation de déjà vu, déjà vécu, ils disent « j’ai l’impression d’avoir déjà vécu cette scène et je suis emprisonné là-dedans, je n’arrive pas à partir de cette sensation, je n’arrive pas à me décoller de cette sensation et ça va durer ». En plus les crises temporales sont assez longues. Ils disent « pendant une minute comme ça je reste bloqué, je ne peux rien faire d’autre et je suis en train de me dire non je l’ai déjà vécu, je l’ai déjà vécu ». Ce n’est pas ce qui nous arrive, quand on a une sensation de déjà vécu.

Le patient peut avoir une sensation d’étrangeté, de rêve éveillé. Les patients disent souvent « j’ai l’impression d’être dans un monde bizarre ». Quand on leur dit « est-ce que c’est comme si vous étiez dans votre rêve », ils disent « oui, oui c’est ça ! J’ai l’impression d’être dans un rêve, que ce n’est pas la réalité et que je ne sens pas comme d’habitude ». On peut avoir, ça c’est assez rare mais ça existe encore, une crise avec un sentiment d’extase ou de connaissance absolue. Les gens disent « ça y est je sais tout ». Et là on dit « ah oui, non ce n’est pas possible ». Une patiente avait des crises au niveau de l’amygdale, et avait un orgasme, à chaque fois qu’elle avait sa crise, ça provoquait une sensation d’orgasme. Pas sûr qu’elle était très contente de guérir de son épilepsie mais voilà. Cela dit ça peut poser problème dans les lieux publics.

Il y a des sensations psychiques qui, pour le coup, peuvent être beaucoup plus douloureuses. Certains patients, comme c’est le cas sur l’amygdale donc sur le lobe temporal interne, vont avoir une sensation d’angoisse ou de peur injustifiée. C’est toujours un peu la panique quand on dit que les patients peuvent faire des crises d’épilepsie de type d’angoisse. On se dit est-ce que c’est une crise d’angoisse psychiatrique ou est-ce que c’est une crise d’angoisse épileptique ? La crise d’angoisse chez le patient épileptique peut être identifiée, je trouve, quand la personne épileptique dit « tout d’un coup j’ai une énorme angoisse qui arrive alors qu’il n’y a pas de raison. Je vais bien ». En général les patients n’ont pas de vécu douloureux dans leur vie. Voilà ils n’ont pas de problème plus que les autres. Ils disent « je n’ai aucune raison d’être inquiet et surtout il n’y a pas d’objet d’angoisse ». Ils ne sont pas angoissés par la foule, ni angoissés par la mort. Ils disent « tout d’un coup j’ai une bouffé d’angoisse qui monte alors qu’il n’y a pas de raison. Je suis en train de me dire je deviens fou parce que je n’ai pas du tout de raisons d’être angoissé » et c’est très bref.

Une crise d’épilepsie c’est bref. Si le patient dit je suis angoissé pendant 4 heures alors, ce n’est pas une crise d’épilepsie sinon un état de mal.

Mais un état de mal, je vous l’ai dit, ça détruit le cerveau, les gens ne sont pas en forme avec leur état de mal. C’est bref, ça n’a pas de cause, ça n’a pas de raison. Les personnes disent « je ne comprends pas pourquoi j’ai ça ». Et puis souvent en plus ils vont avoir d’autres symptômes associés pas seulement l’angoisse, ils ont aussi des sensations de déjà vu, déjà vécu.

Sur le cortex cingulaire, un peu plus en sagittal, il y a des sensations de terreur. Les patients disent « tout d’un coup j’ai l’impression d’être comme dans un film d‘horreur et je dois partir ». Ils disent « ça ne va pas, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose d’horrible qui va arriver. Je dois partir ». C'est une sensation de terreur.

Et puis il y a aussi la sensation de pensée forcée. Là encore c’est très difficile quand on a un patient qui a ce symptôme, ce qui est assez rare en général heureusement. Dans l’épilepsie, la décharge se développe au fur et à mesure qu’on a des crises d’épilepsie qui se répètent et ne sont pas traitées parce qu’on n’a pas encore le bon diagnostic. Quand les crises se poursuivent, au bout d’un moment la zone qui décharge va s’étendre, le cortex autour va commencer à devenir malade aussi. Au fur et à mesure que ça s’étend, il y a d’autres symptômes qui vont arriver. C’est là où on se dit : avec cette accumulation de symptômes, à priori c’est plutôt une crise d’épilepsie. Mais effectivement on a des patients qui peuvent avoir la pensée forcée.

Alors la différence avec la psychiatrie est qu’ils n’ont pas la voix intérieure. En général, on reconnaît la pensée forcée chez un psychotique lorsqu’il dit « voilà on m’a forcé à le faire ». Je crois vraiment que dans la majorité des cas, ils entendent la voix qui leur dit de le faire.

Chez le patient épileptique, en fait il dit « j’ai l’impression qu’il y a quelque chose qui interagit dans mon cerveau et que je ne suis pas maître de moi-même ». Mais il n’entend pas de voix, et surtout il ne fait pas de geste, il ne va pas aller faire du mal à lui-même ou à d’autres personnes parce qu’il y a cette pensée forcée. Ils ont l’impression que quelque chose ne va pas mais il n’y a pas de conséquence, parce qu’ils sont encore sains d’esprit. Il n’a pas de pathologie psychologique.

Une autre sensation aussi un peu hallucinatoire dans les crises d’épilepsie qui est assez peu connue c’est l’autoscopie et l’héautoscopie. Les patients vont décrire l’impression de sortir de leur corps et de se voir dans un miroir, ou de se voir léviter et de se regarder du plafond. Ils lévitent au-dessus de leur corps et se regardent faire la scène. Ce qui parait complètement fou. Mais ce peut être épileptique et ça provient d’une décharge au niveau du cortex pariétal inférieur et postérieur ou au niveau de l’insula postérieure mais c’est plutôt la partie arrière du cerveau.

 

Je pense que vous devez vous dire mais comment on peut être aussi sûr que ces symptômes sont liés à des crises d’épilepsie et non pas par exemple à des symptômes psychologiques chez des patients épileptiques ? En fait, dans l’épilepsie, quand les patients ont des crises d’épilepsie qui résistent au traitement, qu’on n’arrive pas à soulager, on envisage de les opérer et d’aller faire une neurochirurgie pour enlever la zone malade, pour enlever les neurones épileptiques pour que les crises s’arrêtent. Pour ça, comme opérer le cerveau c’est compliqué et dangereux, on doit s’assurer absolument que la zone qu’on veut enlever est bien une zone épileptique et que c’est bien ça qui donne les crises ;  on ne peut pas de leur enlever un bout de cerveau et après dire aux gens « en fait non,  ce n’était pas ça pardon ».

Ce qu’on fait, c’est que les patients viennent en EG vidéo. Ils arrivent à l’hôpital, on leur fait un électroencéphalogramme. Ce sont des patchs, des électrodes qu’on colle à la tête, il n’y a pas d’aiguilles, c’est collé à l’extérieur et puis on enregistre 24 heures sur 24 heures le patient avec une vidéo aussi qui tourne 24 heures sur 24 heures ; c’est l’ancêtre du Loft Story. Et on attend qu’une crise arrive. On attend en général 48 heures. S’il n’y a pas de crise qui arrive (parce que les gens ne font pas de crise sur commande) on commence à baisser les traitements. En général les patients sont lourdement traités. On commence à baisser petit à petit les traitements jusqu’à ce qu’il y ait des crises d’épilepsie qui arrivent. Dans les cas les plus extrêmes, parce que parfois la crise n’arrive pas, alors on a réussi à arrêter tous les traitements, et on attend toujours. Mais on ne peut pas non plus attendre 6 mois, les gens ne restent pas 6 mois à l’hôpital. Après on commence à provoquer la crise : on les empêche de dormir (pas très sympa), on a parfois prescrit du vin (effectivement on prescrivait sur la prescription médicale deux verres de vin midi et soir) pour essayer de déclencher un peu les choses. Quand la crise survient on a la chance, du coup, de pouvoir à la fois voir en vidéo ce qui se passe pendant la crise, demander ensuite à l’entourage en décrivant (on ne montre pas les vidéos parce que ce n’est pas toujours très agréable de voir « criser » ni pour soi ni pour l’entourage). On leur dit « voilà nous on a enregistré ça, est-ce que ça ressemble à ce que vous voyez quand il fait une crise ». Si on nous dit oui, ensuite nous regardons sur l’EG où est ce que ça à déchargé : à droite, à gauche, devant, derrière, de deux côtés etc. Ensuite on voit avec le chirurgien s’il peut opérer. Et dans certains cas, plus compliqués, en fait, l’IRM à côté est parfaitement normale.

Ce qu’on enregistre en surface ne nous donne pas des informations suffisamment précises ; les zones cérébrales sont assez larges. Si on ne voit pas de lésion et qu’on n’a que du cortex d’apparence sain, il faut ensuite aller délimiter, dans cette zone là, les quelques neurones qui sont malades.

A l’étape suivant, on enfonce des électrodes dans le cerveau, donc là c’est une deuxième hospitalisation. On met des électrodes qui ressemblent à un spaghetti cru, ça a le même diamètre et ça a cette taille-là. Donc on enfonce à peu près une dizaine d’électrodes dans le cerveau là où on pense que la crise arrive. Puis sur l’électrode il va y avoir plein de petits plots d’enregistrement à un millimètre d’écart. Donc on enregistre à l’intérieur du cerveau les crises. On refait le même schéma, on refait faire les crises etc. Après on va dire au chirurgien, voilà tel patient, quand il crise c’est l’électrode 1 plot 1 à 3, électrode 2 plot 3 à 4, électrode 4 plot 5 à 6 et les autres ne sont pas touchés. Ensuite, le chirurgien va tracer la zone à opérer et va se demande « est-ce que ça je peux opérer ? Est ce que je ne peux pas opérer ? Est ce que ça passe trop près d’une grosse artère et il risque de faire une grosse hémorragie ? » etc. Pendant l’enregistrement, on enregistre à la fois des crises spontanées pour faire le bilan et on va aussi essayer de déclencher les crises électriquement pour avoir une deuxième confirmation que c’est bien la zone qui décharge. C’est-à-dire que le neurophysiologiste va, par exemple, prendre l’électrode 1 plot 1 et, il va demander à l’électrode de fournir des décharges électriques, des impulsions électriques qui, si le cortex cérébral qui est autour est épileptique, va déclencher la décharge épileptique.

Il va utiliser un déclencheur pour vérifier si c’est ça. Il y a certaines électrodes où le cortex à côté va rester complètement inerte parce que les neurones ne sont pas malades, et là où les neurones sont malades ça va déclencher une crise. Quand la crise se déclenche, du coup on demande au patient (soit on le voit faire la crise parce que c’est le symptôme objectif) soit on voit que rien ne se passe, on leur demande de décrire et ça ce sont des sensations qui ont été décrites par le patient.

On est parti sur une électrode sur le cortex pariétal inférieur postérieur, on a fait des impulsions, ça a créé une décharge et là on dit « qu’est-ce que vous ressentez ? ». Et là ils disent « ça y est, là je pars, je suis en train de sortir de mon corps, je suis en haut, je me sens en train de me regarder, je vous vois, je me vois, etc. ». Alors après quand on veut être vraiment sûr, on le fait plusieurs fois, sur 2 jours en général. Et puis effectivement pour être sûr que ce n’est pas de la mythomanie ou quoi que ce soit, on utilise du placebo aussi. Parfois on leur dit « là on est en train de faire une décharge, est-ce que vous ressentez quelque chose. Alors qu’on est en train de ne rien faire et que rien ne se passe au cerveau ». On vérifie que scientifiquement que c’est bien lié à une décharge dans cet endroit là et pas à un autre. C’est ce qui a permis de faire une cartographie du cerveau et des symptômes épileptiques. On a fait ce qui peut se passer pendant une crise d’épilepsie.

 

Qu’est ce qui se passe après une crise d’épilepsie ? Déjà pendant la crise d’épilepsie il y a la décharge électrique anormale. En fonction de là où ça se situe, les patients vont avoir des symptômes différents et puis au bout d’un moment la crise s’arrête d’un coup. Dans la plupart des cas, la crise s’arrête d’un coup et ensuite le cerveau va avoir du mal à reprendre son fonctionnement normal. Comme les neurones ont déchargé, il faut que le fonctionnement normal reprenne. Moi je dis toujours aux patients « C’est comme quand vous êtes sur votre box internet téléphone télévision à la maison, quand vous faites un reboot, quand vous appuyez sur OFF et qu’après vous rallumez, ça se rallume et après ça mouline, ça mouline, ça mouline et après ça reprend. Là c’est pareil. La crise en fait ça décharge, ça s’arrête, et après ça mouline. Et nous sur l’enregistrement EG, on voit que le cerveau est hyper ralenti, comme s’il était dans le coma (et d’ailleurs en général ils sont dans le coma). Et puis petit à petit l’activité va devenir de plus en plus rapide et après elle va reprendre un fonctionnement normal.

Pendant cette phase post crise, le cerveau ne fonctionnant pas normalement, les patients sont confus. Pour donner une définition claire et simple de la confusion, je dirais que les patients sont désorientés dans le temps et dans l’espace. Un patient qui a fini sa crise, qui est conscient, c’est-à-dire qui a les yeux ouverts et qui est capable de vous parler, et à qui vous lui demandez où est-ce qu’on est ? Quel est le jour ? Quelle est la date ? S’il est confus il ne pourra pas vous répondre, il ne reconnait pas les gens, il ne reconnait pas l’endroit, il ne sait plus qu’on est en 2019, vraiment il est complètement ailleurs. La moyenne des crises dure 10 à 15 minutes. Mais il faut savoir que ça peut être plus long si la personne est âgée et/ou s’il y a des lésions cérébrales. Un des records qu’on a relevé est celui d’une patiente dont le cerveau a été ralenti pendant 15 jours.

A ne pas confondre cette confusion avec la grande fatigue que tout le monde subit après une perte de connaissance. Quand on fait un malaise vagal, on perd connaissance et on se réveille très vite et on se réveille et on est épuisé parce qu’effectivement on a perdu connaissance.

Au tout départ sur les deux premières secondes, on peut être confus, ce n’est pas la vraie confusion, les gens disent « qu’est-ce que je fais par terre, alors qu’il y a deux secondes, j’étais debout ». Cela n’est pas de la confusion parce qu’après on lui dit « ben oui en fait tu as perdu connaissance ». Et là si on leur demande : « est-ce que tu sais où on est ? », la personne va  dire « on est à la maison, on est jeudi, on s’apprêtait à aller diner ». Cela n’est pas de la confusion, c’est juste une perte de connaissance, ils sont un peu HS. Ce n’est pas ce qu’on appelle de la confusion.

 

Il y a certaines crises et même généralisées où les patients ne vont pas avoir de confusion ensuite. Après l’absence les patients ne sont quasiment pas confus, très vite ils savent bien où ils sont.

Il y a aussi ce qu’on appelle les crises partielles simples, c’est-à-dire des zones du cerveau qui déchargent, mais si la crise reste courte et localisée sur un petit endroit, les patients ne vont pas déconnecter, ils vont juste avoir la sensation mais ils sont encore là et ensuite la crise s’arrête. Là pour le coup, ils ne sont pas confus. Pour créer une confusion, il faut qu’il y ait au moins un lobe en entier (voir un lobe et demi) qui ait déchargé pour qu’après le fonctionnement soit compliqué.

 

L’amnésie de la crise, c’est le fait de ne pas se souvenir de ce qu’il s’est passé pendant la crise si les personnes ont déconnecté. Sur certains points les patients ne se rappelleront jamais de ce qui se passe pendant. Ensuite dans la période post critique quand ils sont confus, de même, ils ne se souviendront pas de ce qui s’est passé à ce moment-là. Puis il faut savoir que sur certaines crises assez sévères, les patients peuvent même avoir une amnésie qui va remonter à quelques minutes, voir à quelques heures avant le début de la crise. La famille va nous dire « on était à table et tout d’un coup il a déconnecté » et le patient dit « moi je me réveille à l’hôpital. Mon dernier souvenir, c’était l’après-midi où j’étais en train de faire quelque chose et puis je ne sais plus tout ce qui s’est passé ». Alors que quand on demande à la famille, la famille va nous dire « non en fait après on a préparé le repas, il était normal, il a parlé, il n’y avait rien, il a vraiment déconnecté à table ». Effectivement ça peut arriver d’avoir une amnésie qui remonte un peu avant la crise.

Là où ça va vous concerner, c’est qu’il peut avoir des troubles psychiatriques, enfin des troubles d’allure psychiatrique, mais qui sont liés à la crise d’épilepsie qui vient d’arriver soit juste à l’instant, soit il y a peu de temps. Et ça ce n’est pas très connu. Notamment le plus inquiétant c’est la psychose post-ictale.

 

Dans la psychose post-ictale, qui est une psychose (comme son nom l’indique), le patient va avoir les mêmes symptômes, qu’un patient psychotique, donc il va avoir des hallucinations, des idées délirantes, des voix intérieures, c’est vraiment le profil psychiatrique typique. Mais en fait, cette psychose est passagère, ce n’est pas le début d’une maladie schizophrénique ou autre. Mais le problème c’est que ça dure longtemps, ça veut dire dans les séries ça dure de 15 heures à 2 mois. La moyenne est plutôt une semaine. Ça dure effectivement facilement une semaine, voir 2 semaines. Mais ça se résout spontanément. Ces psychoses post-ictales, elles, sont déclenchées le plus souvent par des crises en salve ou un état de mal. J’en suis quasiment sûre, je n’ai aucun souvenir d’avoir eu un patient qui ait fait une psychose post-ictale juste sur une crise d’épilepsie basique.

Les crises en salve c’est quand on fait de nombreuses crises d’affilée, des crises regroupées sur quelques jours. Quelqu’un qui a vraiment fait deux crises dans l’année parce qu’il a une épilepsie un peu compliquée, tout d’un coup se met à faire cinq crises en trois jours : ça c’est une crise en salve.

Ou alors la psychose post-ictale se déclenche après un état de mal, une crise très longue qui dure plusieurs heures d’affilée. Ce qui est du coup assez trompeur, c’est que déjà cette psychose n’est  pas très connue et de plus le patient est épileptique, il fait des crises. Comme en général, les crises ont été assez sévères, il a été hospitalisé, mais la psychose va survenir une semaine après en moyenne. Ce n’est pas au moment où il se réveille de la fin de crise qu’il commence à être bizarre. Il ressort de l’hôpital, il va parfaitement bien, les crises sont terminées et l’EG est nettoyé, il n’est plus confus. Au bout de plusieurs jours, la famille va nous appeler en disant « là c’est horrible, il est très bizarre, il commence à faire des choses étranges, il commence à nous inquiéter, à entendre des voix, il a un contact particulier, il nous a menacés » enfin ça peut aller très loin…

Il y a des histoires où le malade, en psychose post-ictale présente des symptômes psychotiques graves avec un risque d’auto ou d’hétéro agressivité. Dans ce cas,  on traite même si on sait que c’est passager, on va traiter comme une schizophrénie, on va donner un traitement anti hallucinatoire sédatif pour que les gens ne se fassent pas mal ou qu’ils ne fassent pas mal aux autres.

 

On prévient toujours les personnes,  notamment celles qui viennent en EG du risque de décompenser après coup : en effet le principe de l’EG vidéo c’est de déclencher chez des patients qui sont très malades une série de crises et après on les laisse rentrer à la maison. Là en général, on leur dit surtout s’il y a quoi que ce soit qui ne va pas, vous nous rappelez, parce que vous pouvez décompenser après coup. Mais heureusement c’est passager et c’est lié aux crises. Après, une fois l’épisode est terminé, les gens reprennent leur fonctionnement psychologique normal.

De même, il y a ce qu’on appelle la dépression post-ictale où il va avoir des symptômes dépressifs : la perte du plaisir, les pleurs, l’irritabilité, le désespoir, ça peut aller jusqu’à des idées suicidaires,  qui surviennent, pour le coup, après une crise. Cela peut être vraiment après une crise d’épilepsie. Ce n’est pas forcement après des crises sévères.

En général, c’est 72 heures après la crise. Cela peut être aussi plus rapide, 6-12 heures après. Heureusement, comme pour la psychose post-ictale, c’est passager et heureusement c’est plus court. L’épisode dure en moyenne une journée. Mais voilà on a des patients qui nous disent « après une crise, je me sens complètement désespéré et j’ai l’impression que tout va mal ». Là c’est compliqué parce qu’on ne peut pas traiter par antidépresseur, sauf si c’est un patient compliqué qui fait 3 crises par semaine.

Effectivement, avec 3 crises par semaine, il est déprimé. 3 fois par semaine : autant traiter par un antidépresseur pour aider un peu au niveau pharmacologique, au niveau des neurotransmetteurs, avoir un peu plus de boost. Mais pour quelqu’un qui fait 2 crises par an et qui, pendant 24 heures, est déprimé, ça ne vaut pas le coup de lui donner un antidépresseur au long cours. A nous ensuite de réussir à trouver un traitement qui fait qu’il ne fasse plus de crises.

 

La dernière partie traite des manifestations psychiques non épileptiques.

La subtilité c'est que les symptômes dont je vais vous parler ne sont pas psychiques, c'est-à-dire qu'on ne parle pas des gens qui ont des hallucinations, de choses comme ça…

Ce sont des symptômes qui vont mimer une crise d'épilepsie mais qui ne sont pas liés à une crise d'épilepsie, qui sont liés à une souffrance psychique. C'est ce qu'on appelle les crises psychogènes, le terme maintenant entier est : crises non épileptiques psychogènes. Nous écrivons CNEP, si jamais vous le voyez dans des observations. 

La sémiologie est assez variée, ça peut être des secousses, ça peut être des absences, ça peut-être des raideurs, ça peut vraiment ressembler à une crise d'épilepsie, surtout quand on n'a pas l'habitude d'en voir. Mais il va y avoir des éléments cliniques qui vont nous interroger et qui vont nous faire dire que ça ne peut pas être épileptique.

Soit parce que les symptômes en eux-mêmes ne sont pas logiques, c'est-à-dire que les patients vont dire « tout d'un coup j'ai eu une hallucination visuelle », donc si c'est épileptique, c'est à l'arrière du cerveau, « et puis tout d'un coup je déconnecte ». En fait la déconnexion c'est très antérieur et donc pour que la crise d'épilepsie aille de là à là, ce qui est possible, il faut quand même qu'il traverse le cerveau et qu'il y ait les autres symptômes. Donc s’il dit « j'ai une hallucination et après je déconnecte »… bon voilà.

Le trajet anatomique des symptômes, on insiste beaucoup quand on interroge un patient épileptique, on mène quasiment une enquête policière. On leur demande comment ça commence, combien de temps cela dure, qu'est-ce qu'il y a après. C'est vraiment très carré.

Sinon, si les symptômes sont compatibles avec une crise d'épilepsie, ça peut-être la durée qui va être compatible. Si les gens disent qu'ils ont des secousses pendant 1h d'affilée mais sans qu'il y ait derrière de coma ou quoi que ce soit, ça, ce n'est pas possible.

Si on fait des secousses pendant une heure, on est en état de mal, donc on se retrouve en réanimation.

Ça peut être la fréquence des épisodes. C'est souvent la fréquence qui nous alerte, parce que comme c'est une souffrance psychique, qui en général est inconsciente, les gens comme ils ne vont pas bien, vraiment pas bien, c'est quelque chose qui est très présent dans leur quotidien alors les gens vont faire des crises tous les jours, plusieurs fois par jour, ce n'est pas une fois dans l'année.

Quelqu'un qui est très épileptique au point de faire 3 crises par semaine, ce qui peut arriver, si il n'est pas traité ou mal traité par un antiépileptique, il y a un moment où ça s'aggrave, il finit en réanimation, il y a des complications, des crises plus importantes qui arrivent etc.

Ces crises psychogènes reflètent inconsciemment une souffrance psychique. Les psychiatres nous disent qu'il y a deux tableaux :

Soit ce sont des patients qui ont un trouble anxieux dépressif et c'est une manière de détourner l'attention de leur conscient de cette souffrance et de l'exprimer autrement. (Nous, à la limite, c'est ce qu'on préfère, parce que le psychiatre peut travailler en général, et recherche des symptômes d'anxiété, les symptômes de dépression, il regarde comment traiter au niveau médicamenteux, il regarde s'il y a un facteur environnemental qui a pu aggraver le tableau et sur lequel il faut travailler en psychothérapie avec le patient pour que le traumatisme de cet événement en plus se retire).

Soit il y a un deuxième tableau qui est beaucoup plus compliqué. C'est chez des patients qui ont plutôt une personnalité borderline, donc c'est compliqué. Ce sont des gens qui ne sont pas psychotiques, mais qui ne sont pas tout à fait normaux non plus. Je ne suis pas psychiatre et il m'est difficile de donner la définition exacte selon le nouveau codage. Ces patients ne sont pas adaptés. On sent que quelque chose ne va pas,  mais ça ne va pas jusqu'aux hallucinations, au délire etc. 

Ces personnes peuvent avoir un comportement de déni de cette personnalité et des répercussions qu'ils vont en avoir parce qu’en général l'épanouissement socioprofessionnel est quand même compliqué et ça va se révéler comme ça.

Là, vous avez une ancienne image (en bas) qui est une vieille gravure qui représente quelqu'un qui fait une crise psychogène. Un patient épileptique ne se comporte pas comme ça. Ça c'est dans L'Exorciste ou dans des crises psychogènes, effectivement certains font ce genre de crises en vidéo.

Question : On ne les appelait pas hystériques ? Disons que c'est une des causes possibles des crises psychogènes. Oui, l'hystérie, enfin dans ce qu'on appelait avant hystérie, des patients vont avoir des symptômes physiques qui peuvent être épileptiques ou autre, ça peut être des maux de ventre, des maux de tête, de surdité etc.

Mais en général, il faut que ce soit impressionnant. Donc comme c'est un signal d'alerte, ce sont des symptômes plus parlants. Donc l'hystérie, c'est effectivement des manifestations organiques mais qui sont liées à des souffrances psychologiques et des mécanismes inconscients qu'il ne faut pas confondre avec la simulation.

La simulation, c'est encore un autre mécanisme. Ce sont effectivement des symptômes physiques qui sont en lien avec une souffrance psychologique et qui sont conscients. Le profil est un peu particulier. En général, c'est le psychiatre qui arrive à le déterminer. Nous en général on ne sait pas. Mais il y a des petits éléments qui vont nous faire dire que c'est plutôt de la simulation que de l'hystérie. Dans la simulation, la crise survient toujours avec des témoins parce que c'est pour attirer l'attention de façon consciente. Le faire à la maison tout seul ça ne sert à rien. Ce n'est pas efficace.

La simulation est très, très rare. Sur une dizaine d'années en épileptologie, on voit des milliers de patients chaque année, avec beaucoup de patients psychogènes, on a eu seulement deux simulateurs. En revanche il y a beaucoup de crises psychogènes. Ce qui est très dur, c'est qu'effectivement, il y a, des médecins (surtout aux urgences) qui ne sont pas formés en neurologie et en particulier sur l'épilepsie, parfois les urgentistes confondent la simulation et l'hystérie et ils vont dire à un patient qui fait une crise psychogène d'origine hystérique « Vous n'avez rien, vous n'êtes pas malade, arrêtez de faire exprès ou allez voir un psychologue ça vous fera du bien ».

Ce qui n'est pas du tout le discours à tenir à quelqu'un qui fait des crises psychogènes hystériques et de mécanismes inconscients.

Nous, quand on les reçoit, on leur dit « Écoutez, vous êtes malade, mais ce n'est pas d'origine épileptique. Donc ça c'est une bonne nouvelle. En revanche vous êtes malade, vous avez une souffrance psychologique qui n'arrive pas à se révéler autrement que comme ça. C'est votre cerveau qui est en train de vous alerter et qui a besoin d'aide et qui veut que ça aille mieux. Donc il faut traiter le problème. Il faut aller voir quelqu'un, il faut vous faire aider, il faut que vous recherchiez pourquoi ça ne va pas, il faut que vous en parliez, il faut travailler là-dessus. Si besoin il vous faut des médicaments, si vraiment les symptômes dépressifs sont importants, il faut vous faire aider aussi au niveau pharmacologique. Mais il faut travailler là-dessus, vous êtes malade il faut que ça aille mieux »

Ce qui est difficile dans les crises psychogènes, c'est qu'il y a plus de crises psychogènes chez les patients épileptiques que dans la population générale non épileptique.

La proportion de patients épileptiques avec des crises psychogènes est multipliée par quatre, même plus, par rapport à la population générale. La probabilité de quelqu'un qui n'est pas épileptique de faire une crise psychogène parce que ça ne va pas psychologiquement, c'est un pourcentage très faible dans la population. Chez les patients épileptiques on est aux alentours de 40 %. C'est très fréquent. Et c'est ce qui est difficile, parce que ces personnes font à la fois des crises d'épilepsie et des crises qui ne sont pas épileptiques mais qui ressemblent aux crises d'épilepsie. Après, notre travail à chaque fois que les gens reviennent en disant, j'ai fait une crise, c'est de demander comment ça s'est passé, qui a vu la crise, qui je peux appeler, d'essayer de voir en fonction de ce qui est décrit si c'est un mal épileptique ou pas et, si c’est épileptique, de revoir le traitement, et si ça ne l’est pas de les adresser vers un psychologue ou un psychiatre pour travailler un peu plus. 

Dans les causes de crise psychogène, le facteur déclencheur du trouble anxio-dépressif, c'est dans les deux tiers des cas un traumatisme de type d’abus sexuel. Tous les épileptologues le voient. Maintenant avec toute la diffusion médiatique sur les harcèlements, les attouchements ça va se révéler plus facilement qu'avant. Nous il y a 10 ou 20 ans on était déjà assez « halluciné » en écoutant les patients de voir le nombre de personnes qui avaient été abusées par un membre ou un ami de la famille, ou par un inconnu. 

Effectivement, maintenant c'est ce qu'on voit dans les médias et qui est assez fréquent malheureusement. 

Et surtout on prend le temps. On a essayé de faire passer le message au moins aux urgences de notre hôpital. On leur dit « Si vous pensez que ce n'est pas épileptique et que vous pensez que c'est d'origine psychiatrique, dites-leur que vous allez les envoyer chez le psychiatre ou le neurologue en fonction de comment vous sentez les patients. Ne leur dites pas qu'ils n'ont rien, et on se charge du diagnostic ».

Parce que dire à quelqu'un « C'est d'origine psychologique, au revoir, voyez ça dans deux semaines ». C'est lourd ! Nous quand on leur donne le diagnostic, après on reste une heure dans la chambre, on parle avec eux, on leur explique bien qu'ils sont malades. Et petit à petit, on amène les choses, on dit « est-ce que vous êtes sûr ? Est-ce que dans votre vie il y a déjà eu des événements difficiles ? Est-ce que quelqu'un vous a fait du mal ? Ça peut être très ancien. Et vraiment 2 fois sur 3 on a le déclencheur. Mais parfois, c'est effectivement quelque chose qui a été complètement occulté. Les gens occultent l'événement traumatique et ça peut revenir d'un coup. Ce n'est pas quelque chose qui les hante forcément au quotidien, ils n'en sont pas conscients. Du coup, prise en charge psychologique importante voir pharmacologique quand vraiment ça ne va pas. C'est quelque chose à traiter, il faut suivre ça et c'est long. C'est beaucoup plus long de traiter des crises psychogènes que de traiter des crises d'épilepsie. C'est beaucoup plus difficile.

 

Il faut savoir que de façon plus générale, les troubles psychiques chez les patients épileptiques sont très fréquents. On a en moyenne environ 40 % des épileptiques qui ont un problème psychiatrique du fait de leur épilepsie. C'est une comorbidité que l'on recherche toujours parce que dans les études notamment, on a observé que ce qui altère le plus la qualité de vie des patients épileptiques, ce ne sont pas les crises, c'est le trouble anxio-dépressif qui est associé.

On a fait passer des questionnaires à des patients, en disant « comment vivez-vous votre quotidien, est-ce que vous allez bien ?», suivis de quelques questions pour dépister les troubles anxio-dépressifs et puis faire aussi un questionnaire sur la fréquence de leurs crises. Quand on a rassemblé les résultats, on a vu que les gens qui se sentaient mal dans leur vie en ayant une épilepsie, avaient tous un trouble anxio-dépressif et pas forcément parce qu'ils faisaient beaucoup de crises.

Il y avait des patients qui faisaient peu de crises, voir plus du tout, mais qui avaient un vécu tellement douloureux de cette maladie épileptique, que du coup ils étaient anxio-dépressifs et c'est ça qui altérait leur qualité de vie. Les neurologues, il y a quelques années, avaient tendance à dire « vous ne faites plus de crises, c'est génial. J'ai été efficace, tout va bien, vous allez bien... » En fait non, les patients ne vont pas bien, ils ne se sentent pas bien et il faut aussi prendre ça en charge. Donc on travaille beaucoup en binôme avec les psychiatres.

 

Les raisons de la comorbidité sont multiples. La psychiatrie et la neurologie, c'est le même organe, c'est le cerveau. Quand on a des neurones malades épileptiques, on a aussi plus de risques d'avoir aussi des neurones malades avec un problème de neurotransmission, avec des sécrétions anormales de neurotransmetteurs, qui du coup va provoquer des dérèglements sur la concentration du taux de sérotonine, de dopamine, etc. et qui sont des composés chimiques qu’on doit avoir à un certain taux dans le cerveau pour avoir de la motivation, de la joie, des sensations de bien-être. Il y a aussi une part organique, chimique.

Et parfois l'épilepsie, même sans crises, va avoir des répercussions socioprofessionnelles. Il y en a qui ont très peur de faire des crises en face de leur famille et de leurs collègues, même s’ils ne font plus de crises, ils ont tellement peur de cette crise là que du coup ça leur gâche la vie. Des gens sont même obligés de changer de métier. Quand on a une épilepsie, être chauffeur VTC ou chauffeur routier ou ambulancier ou chauffeur de bus ce n'est pas possible. Être épileptique et chirurgien ce n'est pas possible. C'est très compliqué dans certains métiers et quand on a une passion... de même, on ne peut pas être militaire ou policier et travailler avec une arme à feu sur le terrain et être épileptique.

Il y a à traiter la maladie et les symptômes et faire en sorte que les traitements soient bien supportés d'une part et d’autre part il y a tous les à côtés qui font partie des questions :

1 : Vous sentez-vous heureux, stressé ? Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour vous ?

2 : quel est votre métier ?

Parce que parfois il faut tout réorganiser.

On a parfois des policiers ou militaires qui ne sont pas radiés mais affectés à des postes de bureau et c'est très douloureux pour certains. Il y a des gens qui n'aiment pas être dans un bureau et veulent être sur le terrain. Mais on ne peut pas être policier sur le terrain sans avoir le droit d'utiliser une arme à feu. Dans ce cas il se met en danger lui ainsi que ses coéquipiers.

Il y a aussi le fait d'avoir des crises qui vont donner des symptômes psychologiques en plus, le post-ictale. 

Et puis le traitement antiépileptique avec les molécules chimiques qu'on utilise pour traiter les épilepsies, dont par définition la cible d'action sont les neurones, vont donc se fixer sur les neurones et auront forcément des effets indésirables neurologiques. Notamment certains traitements sont très pourvoyeurs d'anxiété et de dépression. On évite de les donner à des patients fragiles. Par exemple le Levetiracetam qui est pourtant un traitement épileptique très souvent utilisé, très efficace, qui est une très bonne molécule quand elle est bien tolérée mais certains patients sont complètement désespérés et ont des idées noires ou suicidaires au bout de 2 semaines de traitement.

C'est le problème quand le traitement est prescrit en première intention par un non neurologue, par le médecin généraliste ou les urgentistes parce qu'ils veulent bien faire. Le problème c'est que comme ils ne font pas le suivi et qu'ils ne préviennent pas forcément le patient (ils ne sont pas neurologues et ils ne savent pas manipuler la molécule), après on se retrouve avec des situations un peu compliquées.

 

En conclusion, j'espère que je vous ai démontré que l'épilepsie est quelque chose d'assez vaste et assez varié et qu'il peut y avoir des symptômes assez particuliers qui peuvent soit survenir pendant la crise, soit après la crise ou qui peuvent même mimer une crise mais être d'origine psychologique.

Tous les patients résistants sont suivis en psychothérapie. Et les patients qui sont bien traités ont quand même souvent dans leur parcours, à un moment, besoin d'un suivi en psychothérapie parce qu'il faut travailler en plus sur la tolérance psychologique à tout ceci.

D'ailleurs, si vous faites de la psychothérapie, vous verrez ce type de cas, enfin je l'espère. 

Voilà le message important :

Si vous avez face à vous quelqu'un qui a des symptômes, qui par définition doivent être brefs, stéréotypés, pensez que ça puisse être des crises d'épilepsie même si c'est un symptôme subjectif, quelque chose qui semblerait être de l'ordre de la psychologie. Il ne faut pas hésiter à demander l'avis d'un neurologue voir d'un épileptologue parce qu'il faut quand même être formé pour certains symptômes. 

L'autoscopie, ce n'est pas très connu en dehors de l'épileptologue. Les gens ne savent pas que l'autoscopie c'est un symptôme épileptique entre autres.

 

Question 1:

Si des opérations sont possibles sur les neurones malades, pourquoi tout le monde n'est-il pas opéré? 

Réponse 1:

Parce que l'opération, comme toute opération se passe sous anesthésie générale avec risque de complications. On peut décéder d’une anesthésie générale. L'opération en elle-même et l'endroit que l'on va opérer peuvent présenter des risques de complications pré opératoires, des hémorragies, des infections. C'est un geste à risque. Quand on le propose aux patients, c'est que le risque est limité, en général un pour cent pour les risques vitaux. 

Comme on le sait le traitement anti épileptique, marche dans 80 % des cas. Si un patient fait une crise d'épilepsie, avec un ou deux traitements en association, il ne fera plus de crise de sa vie dans 80 % des cas et il tolère bien le traitement. Vous ne courez pas de risque de mort avec l'opération qui présente des risques de décès et de séquelles. On fait autrement quand on peut faire autrement. C'est trop dangereux.

 

Question 2 :

La différence entre un malaise vagal et une épilepsie ?

Réponse 2:

Le malaise vagal c'est ce qu'on appelle : « tomber dans les pommes », c'est une atteinte du système nerveux.

On a deux parties de système nerveux dans le corps, on a le système nerveux volontaire et le système nerveux involontaire qu'on appelle aussi système nerveux autonome ou système nerveux végétatif.

Ce deuxième système nerveux c'est donc un ensemble de nerfs et de connexions à l'intérieur du cerveau qui s'occupent de tout ce qui est automatique dans le corps humain, le battement cardiaque, la fréquence respiratoire, la transpiration, les poils qui se hérissent, la température corporelle, la tension artérielle, la digestion, tout ce dont vous n'êtes pas obligé d'y penser pour que ça fonctionne 24 heures sur 24 c'est réglé, ça fonctionne.

Ce système nerveux végétatif autonome peut chez certaines personnes être hypersensible et se manifester du fait d'un facteur déclenchant qui peut être : la vue du sang, la peur, la douleur, l'émotion, la station debout prolongée, les ambiances confinées... En fait le système nerveux sur un stimulus extérieur va mal réagir et au lieu de maintenir son information neurologique habituelle, va se dérégler et pendant le dérèglement, il va y avoir un ralentissement du rythme cardiaque et/ou une hypotension artérielle.

Le fait d'avoir l'un ou l'autre ou les deux fait que le cœur ne pompe plus bien le sang qui ne circule plus bien dans le corps. Et l'endroit où il faut le plus pomper pour que le sang arrive c'est le cerveau. Puisque le cerveau est le point le plus haut lorsque l'on est debout et si le cœur ne pompe pas, le sang n'arrive plus au cerveau et au fur et à mesure que le flux sanguin cérébral, donc le taux d'oxygène baisse à cause du malaise, des gens commencent à mal se sentir. Ils disent qu'ils se sentent partir, ont un vertige, voient le brouillard, les petits points... Ils vont avoir envie de vomir, ce qui est lié à des contractions de l'estomac, des sueurs et s'il n'y a vraiment plus assez de sang au niveau du cerveau, c'est la perte de connaissance, il peut y avoir 3 ou 4 secousses et puis ça s'arrête. Comme le mécanisme qui donne la perte de connaissance, c'est un problème cardiaque transitoire, heureusement ça s'arrête très vite. Si ça ne s'arrêtait pas, les gens feraient un arrêt cardiaque. Après le système nerveux reprend son fonctionnement normal donc le sang circule et les gens se réveillent. La perte de connaissance est assez courte et au réveil, comme le cerveau n'a pas déchargé et reprend tout de suite son fonctionnement normal, les gens sont fatigués mais reprennent leurs esprits. C'est un mécanisme qui est neurologique qui a un retentissement sur le cardio-vasculaire et qui va retentir après sur le cerveau. Et c'est le même concept aussi pour les pertes de connaissance d'origine cardiaque, de syncope cardiaque où les gens perdent connaissance brutalement, soit ils sont arrivés avec une douleur dans la poitrine soit ils ont ce qu'on a dit et perdent connaissance.

Et là, soit c'est un arrêt cardiaque et ça finit en réanimation, soit c'est un trouble transitoire, on peut faire des pauses cardiaques de 15 secondes auquel cas, le cœur s'arrête, la personne perd connaissance et après le cœur reprend et les gens se réveillent, capables de dire qu'ils sont etc. mais sont très fatigués.

 

Question 3 

Depuis quand parle-t-on d'épilepsie ?

Réponse 3

Depuis longtemps déjà dans la Bible, où il y a une citation. L'épilepsie existe depuis toujours.

Un passage de la Bible parle de Jésus qui descend et pose les mains pour guérir un enfant alors qu'il avait l'air quasiment mort et l'enfant va revenir à lui et va pouvoir reparler. Probablement qu'il a fait une crise d'épilepsie qui s'est arrêtée d'elle-même et qu'il est revenu à lui. Il y a toujours eu des patients épileptiques.

Le terme d'épilepsie date de l'antiquité.

Le passage de l'évangile selon saint Matthieu (versets 14 à 27). 

« Lorsqu'ils furent tous arrivés près de la foule, un homme s'est jeté à genoux devant Jésus et a dit : Seigneur aie pitié de mon fils qui est épileptique et qui souffre cruellement. (...) Je l'ai amené à tes disciples qui n'ont pas pu le guérir (...)

Jésus chassa le démon qui sortit et l'enfant fut guéri à partir de ce moment ». 

L'origine sur la décharge neuronale ça date, je dirais de 1800 et quelques et les premiers traitements anti épilepsie datent aussi de fin du 19ème.

 

 

Question 4 :

La frontière entre le neurologue et le psychiatre ? Comment un neurologue voit le phénomène de la psychose ?

Réponse 4 :

Pendant très longtemps on n'était pas neurologue ou psychiatre, on était neuropsychiatre. Jusque dans les années 60, des médecins étaient formés en neuropsychiatrie avec internat et un diplôme de neuropsychiatrie et ils traitaient les deux, les pathologies neurologiques ou les pathologies psychiatriques.

Ça a été séparé dans les années 60 en deux filières. La différence est difficile à cerner car ça commence de plus en plus à se chevaucher en neurosciences, mais on traite des pathologies avec des lésions cérébrales qui vont causer des symptômes physiques avec des atteintes, des paralysies, des choses comme ça ou même avec des lésions qui peuvent être des tumeurs cérébrales, Parkinson, Alzheimer, épilepsie, les scléroses en plaques...

Les psychiatres traitent des patients qui ont des maladies avec des symptômes psychiques en lien avec des dérèglements neuronaux mais qui ne sont pas liées à une atteinte physique. Il n'y a pas de tumeur. 

J'ai le souvenir, pendant mon internat, d’une patiente amenée par sa famille aux urgences. Ils avaient dit qu'elle était bizarre, leur faisait peur et qu'elle paraissait folle depuis quelques semaines. Le psychiatre de garde l’interroge et l'examine et m'appelle en disant qu'il la trouve un peu désorientée, incapable de se repérer dans le temps et l'espace et surtout sans syndrome psychiatrique clair. Je ne peux pas dire si elle est psychotique, dépressive. Je ne sais pas ce qu'elle a. C'est bizarre. Et en fait les psychiatres quand ça ne rentre pas dans la case, ils disent de voir un neurologue et en l'occurrence je la vois, je ne trouve pas de symptômes particuliers mais effectivement un problème de fonctions intellectuelles. Elle était un peu perdue et après un scanner, elle avait une tumeur au niveau du lobe frontal. Ce qui fait qu'elle était bizarre. Le lobe frontal c'est ce qui gère les inhibitions, le comportement, c'est ce qui permet de se tenir en société.

 

Autre chose qui est encore plus compliqué, j'espère ne pas vous mélanger les idées, mais on a aussi des maladies neurologiques autres que l'épilepsie qui vont donner des symptômes psychiatriques. 

Par exemple le cas le plus typique en ce moment qui est passionnant, c'est l'encéphalite anti-NMDAr. Cliniquement, c'est le tableau de jeunes filles entre 20 et 30 ans. Dans les premiers symptômes, elles vont avoir des troubles psychiatriques, seront bizarres, anxieuses, déprimées, mais tout ça en même temps. Elles vont commencer à entendre des voix donc elles sont amenées chez le psychiatre. Pour illustrer jusqu'où ça peut aller, une jeune fille avait été amenée aux urgences car elle avait sauté par-dessus le bureau du psychiatre pour l'étrangler alors que 2 semaines avant elle allait à l'école et tout allait bien.

Ensuite, quand la maladie continue à se développer, elles vont avoir des mouvements anormaux, elles vont commencer à avoir des mâchonnements, des petits tocs etc. ensuite des crises d'épilepsie puis des troubles autonomiques donc c'est l'arrêt cardiaque, des troubles respiratoires et ça peut aller jusqu'à la mort si elles ne sont pas traitées.

Le problème est lié à un problème inflammatoire au niveau de tout l'encéphale, lié à des anticorps qui sont en train de s'attaquer au cerveau du patient. Les symptômes sont psychiatriques. Les neurologues traitent ce qui est lié à une lésion. Les psychiatres traitent plus de ce qui est lié à un dysfonctionnement du neurone.

 

Question 5

Est-ce que vous voyez quelque chose à l'imagerie ? 

Réponse 5

Dans l'épilepsie, on voit quelque chose mais dans la crise psychogène, on ne voit rien sauf si c'est un trouble dépressif et que, dans ces cas-là, on a des zones d'hypo fonctionnalité sur certaines parties du lobe frontal qui sont en lien, ce qui va donner les symptômes dépressifs quand ça ne fonctionne pas bien.

Il faut savoir que l'on a différents types d'imagerie en dehors de l'IRM qui fait juste une photo au niveau du cerveau qu'on coupe en tranches.

On a aussi l'imagerie fonctionnelle qui nous permet de mesurer le fonctionnement, la vascularisation, l'énergie qu'il va y avoir dans les cellules neuronales pendant une activité, une tâche ou une crise. Cela nous permet aussi de localiser un peu mieux les crises. Par exemple, un patient qui a une épilepsie, si pendant la crise, ça fait partie du bilan dans les épilepsies réfractaires, on va lui faire une scintigraphie cérébrale.

Au début de la crise, on leur injecte le produit qui est un marqueur du taux d'oxygénation dans le sang et le marqueur est radioactif. Il y a de la radioactivité dessus et ce produit injecté va se diffuser partout avec la vascularisation corporelle, y compris dans le cerveau ; pendant une crise d'épilepsie, les neurones, ayant besoin de beaucoup d'oxygène pour décharger, il y a un surplus d'afflux de vascularisation cérébrale dans la zone épileptogène.

Donc ce traceur se fixe un peu partout, y compris là où ça crise ; ensuite le traceur reste piégé sur son récepteur, la radioactivité dure plusieurs heures. Une fois que la crise est terminée, on envoie des patients en médecine nucléaire faire une scintigraphie. Après, on a une image radioactive du patient, on regarde où est la radioactivité. On va zoomer au niveau du cerveau pour voir si dans le cerveau, on arrive à voir une zone où il y a plus de radioactivité, donc plus de traceurs marqués radio activement et qui vont signaler là où était la crise.

Ça fait partie de l'imagerie que l'on peut faire en épilepsie. Dans les crises non épileptiques psychogènes, il n'y a pas de raison d'avoir de modification au niveau fonctionnel ni pendant ni après. En revanche, on sait que dans les troubles dépressifs, il y a des zones qui sont hypo fonctionnelles, sur lesquelles on va voir en scintigraphie des hypofixations.

 

Question 6

Y a t-il des liens entre certains états modifiés de conscience, notamment les personnes qui ont l'impression de sortir de leur corps et les formes d'épilepsie avec des hallucinations ?

Réponse 6

Oui probablement, mais je ne me suis pas penchée sur le sujet.

Je sais que les anesthésistes réanimateurs font pas mal de recherches là-dessus. On ne sait pas si c'est le fait d'être en arrêt cardio-respiratoire ou si ce sont les produits qu'on injecte qui font que les patients reviennent en disant « je me suis vu partir et je suis revenu, où j'ai vu la lumière au bout du tunnel et je suis revenu ».

J'avais déjà entendu dans un congrès un anesthésiste réanimateur qui disait qu'il y a des études là-dessus, mais je n'ai pas vu le sujet dans ma revue sur l'épilepsie. 

 

Question 7

À propos du fonctionnement intellectuel, social, psychique ? 

Réponse 7

C'est justement en cela qu'on arrive à savoir si les symptômes sont plutôt d'origine psychiatrique ou d'origine neurologique. C'est que les patients neurologiques, en dehors de leur crise, sauf ceux qui ont un trouble psychiatrique en comorbidité, mais le patient épileptique en dehors de ses crises, a un fonctionnement intellectuel et psychique normal. Quand il revient de sa crise, il se souvient d'une sensation particulière, mais il est critique, ne sera pas mégalo et ne va pas se sentir Tout-Puissant après. Il dit que c'est bizarre, qu'il a eu une espèce de sentiment qui dure quelques secondes, ou une ou deux minutes et il dit après qu'il se demande pourquoi.

Alors que si c'était d'origine psychiatrique, effectivement les gens mégalomaniaques qui se trouvent géniaux, pouvant tout faire, c'est en permanence, ça se développe petit à petit, ce n'est pas juste un épisode comme ça.

L'épilepsie c'est vraiment un phénomène de crise. C'est bref, c'est stéréotypé et entre les crises, la plupart du temps il n'y a pas de symptômes.