Edito de Charles Melman : Façons de parler

Durant les siècles qui marquent la décomposition de l’Empire romain (cf : Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive, de Peter Brown le Seuil 2003), l’autorité avait pour signe distinctif la capacité  de bien-parler. Le pouvoir alors reconnu était celui de la rhétorique.

Il est notable qu’il en est toujours ainsi.

Car les désarrois actuels de l’autorité en Occident ne sont rien d’autre que l’incertitude pour les politiques de ce qui serait le bien-parler.

De quelle place, d’abord ? Jupiter, le Roi, Tonton, Mutti, le grand frère, le copain, Robespierre … les avatars ne manquent pas pour tenter de capter les faveurs de la foule.

Mais aussi à qui s’adresser parmi elle ? Le prolétaire a fait son temps puisque c’est maintenant de l’égalité de ses membres que celui-ci se réclame. Qui n’a pas son gilet jaune ? Et aux barrages on se tabasse contre celui qui, à ce moment-là, l’a dans son coffre. La majorité des lecteurs du Figaro a revêtu le gilet jaune, d’après son sondage.

Il reste néanmoins un problème. L’unification  de ces protagonistes ne pourra se faire qu’au nom d’une rhétorique classique, celle du nationalisme. Friande de nouveautés, notre période voudra une figure nouvelle. Je veux bien prendre le pari : attendez que dans le marasme qui se prépare, se pointe pour sauveur non plus un petit prince mais un solide et raisonnable général !

Ça ne vous met pas déjà l’eau à la bouche ?

 

Ch. Melman
23 novembre 2018