Édito de Charles Melman : L'anorme

On peut vérifier que c’est aujourd’hui l’absence de toute norme qui est au principe des conduites individuelles aussi bien que collectives. Elle s’est au plus haut niveau donnée en exemple avec Trump, avec un succès susceptible de se répéter, et à l’échelle de l’individu, avec la théorie du genre qui livre l’identité sexuelle à l’affirmation ou à l’expérience d’un moment. Celui-ci n’est pas indifférent puisque notre tradition culturelle l’identifie à la barbarie, contre laquelle elle se fait gloire de s’être construite.
Alors quoi ? Ce n’est évidemment pas un hasard si en même temps on s’inquiète pour celle que nous ferions subir aux animaux, devenus nos frères et le dernier champ qui nous resterait pour mettre en exercice notre « humanité », réduite maintenant à la loi Kantienne du respect de ce qui serait aujourd’hui notre nouvel autrui.
Il est pourtant, hélas, facile de vérifier que ce n’est pas le cas. L’animal en effet a le privilège d’un savoir inné, instinctuel, qui guide ses conduites la vie durant. Ses frères aînés, nous, paraît-il, ne pourraient aucunement s’estimer supérieurs puisqu’ils en sont privés et doivent inventer les leurs, avec la réussite que l’on voit.
Celle-ci, est en tout cas celle des milieux économiques qui font de la levée de toute restriction normative la règle que nous aurions à respecter, son incidence sur l’état de la plainte étant surtout un nouveau rayon pour s’enrichir.
Mais, pour en venir au domaine qui nous est propre, quelle est l’incidence de cette nouvelle barbarie sur la psyché contemporaine ? Que devient la psychose si la folie serait maintenant de ne pas participer à celle qui est collective ?
Il semble que l’abstention, non plus seulement politique mais aussi sociale, soit, en décidant de rester chez soi, un mode de réponse qui n’est pas rare. Malheureusement cette institutionnalisation du confinement, la promotion de l’autarcie, ne semble pas porteuse d’un hypothétique plaisir de la vie.
Une énigme supplémentaire : si ces remarques ont un fondement, quel est-il alors que précisément il semble ne plus y avoir de sol pour remonter à la surface ?

Charles Melman
14/11/2021