S.Thibierge : Éléments de psychopathologie pour en faire une pratique - 2

Conférencier: 

Une introduction contemporaine à la psychanalyse

Extrait

25 juin 2011

Vous voyez donc ce terme de  psychopathologie, eh bien en lui-même il est questionnable, très sérieusement questionnable. Et c’est une des raisons de la création de cette école que de pouvoir le questionner dans tous les domaines qui intéressent la psychopathologie. Et si là encore la psychanalyse nous intéresse c’est pas parce que… c’est pas des partis pris idéologiques, pas du tout. Il y a un parti pris c’est vrai, mais c’est pas un parti pris idéologique. C’est parce que justement la psychanalyse essaye de tenir compte de ceci, c’est que… tout ce que nous pouvons expérimenter repose sur… comment je pourrais le dire… je ne vais pas dire « le fait que nous avons »…   Tout ce que nous pouvons expérimenter repose sur le fait que nous avons un corps…  Je ne vais pas dire ça comme ça, parce que déjà cette formulation serait… serait en elle-même déjà problématique quand même… Est-ce qu’on peut dire « j’ai un corps », comme on pourrait dire « j’ai une voiture », « j’ai une maison », c'est-à-dire je suis propriétaire de mon corps, je peux le céder, je peux le reprendre ? Pas du tout ! Vous entendez bien que cette expression, elle a quelque chose de profondément induisant en erreur. J’ai pas un corps, dans la mesure où je ne suis absolument pas propriétaire de mon corps, ce n’est pas moi qui en dispose de mon corps. Je vous l’ai écrit, je vais vous le réécrire tout à l’heure, mais au cours de cette année, j’ai eu l’occasion de vous montrer jusqu’à quel point – un point inimaginable – jusqu’à quel point ce corps dont j’ai quelquefois l’impression qu’il est le mien, jusqu’à quel point il est engagé, comme je vous l’ai dit, dans l’Autre. Dans l’Autre ! Et ça a d’abord été – pour vous prendre des exemples cliniques très simples – ça a d’abord été le rapport de ce corps avec un autre corps qui s’occupait de lui, voire même souvent d’où il était issu… qui est le corps de la mère… eh bien il n’y a pas besoin de faire de grands dessins pour expliquer à quelqu’un que ce qu’il croit être son corps dont il dispose, en réalité il est complètement pris dans le rapport à l’Autre maternel. Vous pouvez faire ce que vous voulez, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, vous êtes pris dans ce qui a été d’abord le rapport à cet Autre maternel.

Est-ce qu’on peut en sortir ? Je ne vais pas vous dire non, quand même… Oui, oui bien sûr, ce n’est pas impossible mais en même temps on ne peut pas faire comme si ça n’avait pas été le cas ! Et je vous avais dit – je crois que c’était la dernière fois, ça fait un moment que je ne vous ai pas vus, ça doit faire un mois – je vous avais dit : « Ce corps, on peut le définir comme une cessibilité à l’Autre », cessibilité qui peut être sans limite mais qui peut aussi admettre une limite. Et cette cessibilité à l’Autre, eh bien, c’est ça qui fait qu’il est très difficile de dire que nous avons un corps donc je ne vous dirai pas « le corps que nous avons ». Je vous dirai simplement : « Le corps, ce corps dont nous pâtissons – on va le dire comme ça ; ça fait un peu pâtisserie, c’est sympathique, eh bien c’est vrai que ça ressemble à une pâte, qui est triturée etc. – mais c’est pas nous les pâtissiers, si je puis dire. Nous, on est les… pâtissants. On pâtit. Voilà ce corps dont nous pâtissons, c'est-à-dire ce corps dont nous éprouvons, qu’est-ce qu’on va dire là… le Réel. Pourquoi ne pas le dire comme ça, ce corps dont nous éprouvons le Réel, eh bien … nous n’en disposons absolument pas. Et il est comme je vous l’avais dit, pris immédiatement, d’emblée dans ce rapport avec l’Autre que je viens d’évoquer.

Alors, je vais très rapidement vous rappeler un point qui a été… je vais essayer aujourd’hui de vous rappeler d’où nous partons et vous indiquer ce qui sera l’objet de mon enseignement l’année prochaine. D’où je partirai l’année prochaine et ce dont je partirai, sera d’une certaine façon le point d’aboutissement de cette année.

Je vous rappelle donc la façon dont la psychanalyse permet – la psychanalyse, là c’est plus spécialement Lacan, permet d’écrire, c'est-à-dire de tenir compte – parce que écrire et tenir compte c’est très lié – et quand vous tenez des comptes, vous êtes obligés d’avoir un papier et un crayon pour inscrire des choses. Eh bien c’est pareil, quand vous tenez compte de quelque chose. Quand vous tenez compte de quelque chose, que vous l’écriviez ou que vous ne l’écriviez pas, on peut dire que vous l’inscrivez, vous l’avez inscrit, ça peut être inscrit là comme on dit dans notre culture, mais c’est inscrit. Tenir compte et écrire ça revient, ça revient à la même chose, c'est-à-dire laisser tomber une trace, une marque qui inscrit, qui inscrit quelque chose comme étant… comme pouvant être pris dans un calcul que nous faisons, un calcul au sens large. Eh bien… je vais vous rappeler donc ce que la psychanalyse permet d’inscrire et en particulier – c’est Lacan qui l’a inscrit comme ça –  de la disposition, la manière dont est disposé ce corps dont je vous parle et dont nous parlons en psychopathologie, puisque nous ne parlons que de ça d’une certaine façon.

Les présentations de malades qui sont si importantes dans notre enseignement, vous le savez, les présentations de malades, qu’est-ce que c’est d’autre que d’être attentif à ce qui fait la difficulté, parce que généralement ce sont des sujets en difficulté, pas toujours mais généralement. Qu’est-ce qui fait la difficulté de ce corps qui est là, pris dans cette relation d’interrogatoire, d’interrogation et d’entretien ? C’est toujours un corps dont nous avons à connaître ses difficultés