I. Dhonte : De quoi Dieu est-il le nom ?

Conférencier: 

 EPhEP, MT1 ES4, le 10/01/2015 

 

… si j’avais une définition personnelle à donner, je dirais que la croyance c’est faire crédit à l’Autre avec un A, d’une vérité.

Pour employer une formule empruntée à Jeanne Favret Saada qui a beaucoup écrit sur la magie dans le bocage normand, et lorsqu’elle parle des sorts et de la magie, elle dit que la première condition du croire, c’est être pris. Pour être pris il faut y croire à la force des mots. Dans la névrose, il faut le ou la croire, c’est à dire coller au sens, le ou la croire, la mère, c’est à dire quand la mère dit à l’enfant c’est une table, il vaut mieux que ça rentre un peu dans sa tête.

Il vaut mieux le ou la croire, avant d’y croire. Cet « y » est un adverbe de lieu, et donc un espace possible pour le doute, ou pour une forme de manipulation du langage. Lacan dit que l’enfant est rentré dans le langage quand il dit que le chien fait miaou. En tant que sujet, ça l’amuse beaucoup, il créé quelque chose…

 

… Donc la croyance c’est le départ des phénomènes d’attachement qui surgissent entre la détresse vitale et la rencontre qui semble aléatoire pour le jeune enfant qui est celle d’une personne secourable, ce sont les termes de Freud dans L’esquisse, c’est-à-dire de quelque chose qui est à coté et quelque chose est en plus. Et donc, la conclusion, c’est que dès la naissance, l’enfant est pris dans un espace plus grand que lui, son corps est plus grand que son corps puisqu’il ne voit pas la limite entre son corps et le corps de la mère, et ses cris sont plus grands que Ses cris, parce qu’il ne sait pas d’où ça vient ces cris là. Et de ce fait, quelque chose va se déposer en lui qui va créer un désir d’autre chose. A partir de cet espace entre cris et effets de ces cris, s’inaugure le rapport entre la demande et la réponse….

 

… Dans L’avenir d’une illusion Freud porte la critique dans ce terme même d’une illusion. Un père porté aux nues c’est un autre père, différent du père de la réalité. Mais une illusion, il y aurait là un tour de magie, c’est-à-dire que ce que l’on croit voir n’est pas tout à fait une erreur, on peut être victime de ses sens, dans les tours de magie. Or, dit Freud, le ressort de l’illusion, qui est pour lui le ressort de la religion, c’est ce qu’on aimerait voir. On voit ce qu’on aimerait voir. L’illusion est dérivée des désirs humains.

Est ce une idée délirante ? On comprend que Freud pose la question sous cette forme, en se reportant au cas du président Schreber, dans les Cinq psychanalyses. Il s’agit d’un délire amoureux qui prend dieu comme objet, c’est le cas de paranoïa et de paraphrénie dans ses hallucinations…

 

… Mais l’illusion pour Freud, est entretenue par les doctrines religieuse, c’est-à-dire ce qui ne peut être ni réfuté, ni prouvé. Ce qui est à retenir de ce point que je vous avance, c’est que faire équivaloir la religion à une illusion, c’est reconnaître la force, la puissance d’un désir sans forcément le fondement de la raison et des processus rationnels. Nous reconnaissons ce qui anime le transfert, l’amour de transfert, c’est-à-dire ce qui est supposé être là. Et donc ce père porté aux nues, est la métaphore d’un lien nécessaire parce que organisateur. Sur deux plans : par rapport à l’homme et par rapport à la nature. Par rapport à l’homme parce qu’il lève les peurs face à l’incompréhension du monde, il réconcilie avec la vie et donc avec la mort, et il justifie les souffrance. Je vous cite un passage de L’avenir d’une illusion : « L’impression terrifiante de la détresse infantile à éveillé le besoin d’être protégé ». Protégé en étant aimé. Besoin auquel le père a satisfait. Et la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie, a fait que l’homme s’est cramponné à un père, à un père, cette fois plus puissant. Et donc ce père cette fois plus puissant qui protège et qui aime, est donc porteur de la sollicitude de la mère. Nous avons donc là un autre père plus grand que celui de la réalité, celui de la loi. Et là dessus Freud va appliquer le schéma du complexe d’Oedipe à la religion, c’est-à-dire cet autre père qui ferait retour, une sorte d’après coup du père de la réalité…

 

…Ce que Freud soulève là c’est qu’il y a dans le père une faille que Lacan reprendra, un non savoir. Dans les entretiens préliminaire est évoquée la peur de ce qui pourrait sortir de la parole, nous avons des résistances et des craintes. Crainte de se montrer sous un mauvais jour et désir d’être compris en étant aimé quand les patients arrivent dans nos cabinets….

Ainsi, il y a un se croire, se croire abandonné, selon ce qui a déjà été vécu dans l’enfance.

… En tout cas peut on se passer de cette illusion de la religion ? Voilà la question. En effet, en épousant le psychisme, on voit que la religion en envahit toutes les fonctions et c’est bien ça la difficulté, c’est le tout du religieux, la religion se présente comme  une conception du monde, au delà d’éduquer les instincts  et de les sublimer, elle se présente comme une ontologie, c’est-à-dire elle dit l’être de l’homme, elle donne sens à la morale, elle juge et pardonne, elle donne une identité nouvelle, parfois redoutable quand le moi se sent phallicisé. Donc elle a des fonctions juridiques, elle a un discourt ontologique et eschatologique. Elle draine donc vers elle toutes les fonctions et les capacités humaines, comme on guide des enfants. Cependant, au niveau de la pensée et du raisonnement, c’est là où Freud porte le fer. Les dogmes, dit-il, sont des vérités imposées…

 

…Freud dit : c’est un interdit de penser…c’est un interdit de penser qui entraine un immobilisme et une rigidité des lois. Et donc on peut se demander si on est forcé de croire, on pourrait rejeter tout. Et là il dit que le problème est que cette croyance est donnée dès l’enfance, ce sont des croyances qui ont nourri l’enfant.

 

A ce niveau là, je ferais quand même quelques remarques. Je pense que cela doit être modulé par rapport à quelques oublis. Parce que dire ça aussi carrément, c’est un peu oublier les grands débats théologiques entre concilier la foi et la raison. C’est oublier aussi que les universités ont été ouvertes à l’ombre des cathédrales. Mais c’est vrai que cela fait partie d’un patrimoine d’idées dont nous nous sommes coupés et que nous avons un peu trop tendance à faire crédit à la tradition, c’est-à-dire croire parce que nos ancêtres ont cru ? Donc je vous invite à fréquenter les facultés de théologie.