Éditorial par Hans KÜNG et Jürgen MOLTMANN

Le terme de fondamentalisme a été utilisé, à l'origine, à propos d'un courant précis du protestantisme américain, courant qui, à l'encontre de toute adaptation moderne et libérale de l'Eglise, voulait revenir aux « fondements » de la foi chrétienne, interprétés de manière très particulière. L'évolution du christianisme de notre temps a montré que des symptômes et évolutions fondamentalistes semblables à ce mouvement intraprotestant se trouvent également dans le domaine du catholicisme romain et de l'orthodoxie orientale. De nos jours, il est vrai, le concept de « fondamentalisme » s'est étendu également à des courants réactionnaires de l'islam et du judaïsme. Ce sont des raisons suffisantes pour prendre au sérieux la dimension œcuménique de ce problème, et pour y réfléchir en profondeur.

Ce cahier veut donner l'image la plus précise et la plus vivante possible de l'évolution qui s'est produite dans les différents domaines de l'Eglise et de la religion. On ne doit pas disqualifier à priori les courants fondamentalistes ; bien plus, on doit tout faire pour chercher à comprendre les causes de sa naissance. Le fondamentalisme est, en effet, pour toutes les religions et confessions, un défi que l'on ne peut plus occulter et qu'il faut saisir avec tout le sérieux de l'intelligence. Il n'est pas possible pour les individus, les groupes, et les peuples de vivre ensemble en paix, si ceux qui pensent posséder les « fondements » dénient aux autres le droit à l'existence, ou si les non-fondamentalistes font tout pour exclure les fondamentalistes ou, tout simplement, pour les ignorer avec dédain. Sans le désir de se comprendre de part et d'autre, la paix ne pourra s'établir.

Il s'agit, dans ce cahier, d'information objective, d'explication critique et de stratégies d'approches du problème du fondamentalisme. Nous partirons d'une définition du concept qui conjugue des perspectives théologiques, psycho‑sociales, psychiatriques et sociologiques. Nous analyserons ensuite le fondamentalisme juif et islamique. Au sujet du fondamentalisme chrétien, nous entendrons les voix de l'orthodoxie, du catholicisme romain et du protestantisme. Ayant la direction de ce cahier, nous prendrons nous-mêmes position dans deux articles de synthèse : l'un, plus fondamentalement théologique, écrit dans une perspective protestante (« fondamentalisme et modernité »), l'autre, plus pratique et relatif à la politique de l'Église, écrit dans une perspective catholique, sous forme de plaidoyer « contre le fondamentalisme catholique romain d'aujourd'hui ».

Tübingen, novembre 1991.

(Traduit de l'allemand par Marie-Thérèse Guého.)